Choix de la technique de revascularisation en urgence dans les
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Choix de la technique de revascularisation en urgence dans les
Choix de la technique de revascularisation en urgence dans les syndrômes coronariens aigus avec sus-décalage de ST. Patrick Goldstein, Pôle de l’ urgence, SAMU du Nord, Lille Philippe Gabriel Steg, Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris Dans les syndrômes coronaires aigus avec sus-décalage du segment ST, l’essentiel de la prise en charge précoce vise à la recanalisation la plus rapide possible de l’artère coronaire qui vient de s’occlure. Le traitement thrombolytique a l’avantage d’une grande simplicité d’administration, avec une administration intraveineuse simple, possible en bolus, qui le rend utilisable sur le champ, dès l’identification clinique et électrocardiographique d’un syndrôme coronaire aigu avec sus-décalage du segment ST, même dans le contexte pré-hospitalier. Son efficacité n’est pas liée à l’expertise du médecin et il obtient une recanalisation de l’artère coronaire dans environ la moitié des cas dans les 90 minutes qui suivent son administration intraveineuse. La thrombolyse a néanmoins d’importantes limites : - elle ne parvient à recanaliser l’artère occluse de façon précoce « que » dans la moitié des cas, et son efficacité diminue rapidement avec le délai écoulé depuis le début des symptômes (1) : elle est plus efficace sur les « thrombi frais » que sur ceux qui sont organisés. - Elle comporte un risque hémorragique, et en particulier un risque d’hémorragie cérébrale qui est de l’ordre de 1%, et ce risque croît nettement avec l’âge du patient. - Même lorsqu’elle obtient la recanalisation coronaire, la thrombolyse laisse le plus souvent en place dans l’artère une sténose athéromateuse sous-jacente, correspondant à la plaque d’athérome causale de l’infarctus, source de rethrombose et réinfarctus et qu’il faudra donc, souvent, traiter par revascularisation complémentaire secondaire. L’angioplastie primaire en urgence est l’alternative à la thrombolyse. Elle est très efficace, puisqu’elle obtient des taux de recanalisation complète de l’artère de l’infarctus de plus de 90%. Elle a l’avantage de traiter d’emblée l’occlusion coronaire et la sténose sous jacente. Enfin, elle ne comporte presqu’aucun risque hémorragique cérébral. Elle a par contre l’inconvénient de nécessiter le transport vers un centre équipé en cardiologie interventionnelle et entraîné à l’urgence, car la qualité des résultats de l’angioplastie est clairement fonction de deux facteurs : la rapidité de sa mise en œuvre et l’expérience de l’équipe interventionnelle. Son efficacité semble accrue par l’administration très précoce d’antithrombotiques puissants et tout particulièrement d’un antiGpIIb/IIIa injectable, l’abciximab. Dans les essais randomisés, l’angioplastie primaire s’avère toujours supérieure à la thrombolyse hospitalière, non seulement en termes de prévention des réinfarctus mais même en termes de mortalité (2). Les résultats sont moins clairs lorsque la comparaison porte sur la thrombolyse pré-hospitalière, surtout si celle-ci est réalisée très précocément, dans les deux premières heures après le début des symptômes (3). Enfin, le contexte français est très particulier et doit être pris en compte dans le choix des traitements de reperfusion. En effet, il existe un réseau d’urgentistes pré-hospitaliers, SAMU, SMUR, Pompiers, rompus à l’identification des syndrômes coronaires aigus et à l’administration pré-hospitalière de la thrombolyse. Il existe aussi un « maillage » étroit de centres interventionnels dans les régions urbaines et suburbaines. Les propositions que l’ont peut faire sont les suivantes 1. la priorité absolue est la mise en œuvre la plus rapide possible d’un traitement de reperfusion pour la proportion la plus grande possible des patients ayant un syndrôme coronaire aigu associé à un sus-décalage de ST et pris en charge moins de 12 heures après le début des symptômes (4). Une attitude de traitement « conservateur » ne doit concerner que le petit groupe de patients souffrant de comorbidités très graves limitant à court terme leur espérance ou leur qualité de vie, et qui sont souvent des patients très âgés chez lesquels toutes les techniques de recanalisation coronaire sont à la fois moins efficaces et plus dangereuses. 2. L’angioplastie primaire est le traitement de choix, qui semble même supérieur à une combinaison de thrombolyse suivie d’angioplastie (si l’on en croit les résultats préliminaires de l’essai ASSENT 4), à la condition qu’elle soit réalisée dans des délais brefs (inférieurs à 90 minutes à partir du premier contact médical) et dans un centre expérimenté. Elle est à l’évidence le traitement idéal si le patient se présente d’emblée dans un centre interventionnel ou à proximité immédiate. 3. Si ces conditions ne sont pas réunies, (et en particulier si le patient est pris en charge dans une structure non interventionnelle et que le délai prévisible de transfert est supérieur à 60 voire 90 minutes), il faut sérieusement envisager une thrombolyse immédiate, suivie de transfert vers un centre interventionnel (5) 4. La supériorité de l’angioplastie sur la thrombolyse est probablement inversement proportionnelle au délai écoulé depuis le début des symptômes (6). Lorsque le patient est vu, par chance, très tôt, on est dans une situation où la thrombolyse est particulièrement efficace et la perte de temps pour un transfert vers l’angioplastie primaire particulièrement délétère. Pour ces raisons, lorsque les patients sont pris en charge très tôt (moins de deux heures après le début des symptômes) par une structure médicalisée pré-hospitalière (SAMU/SMUR/Pompiers) et n’ont pas de contre-indication à la thrombolyse, une thrombolyse pré-hospitalière immédiate suivie de transfert vers un centre interventionnel est une alternative recevable au transfert pour angioplastie. Le délai optimal de la réalisation d’une éventuelle angioplastie secondaire n’est pas certain. Cet algorithme doit être modulé en fonction de 3 facteurs : • le risque croissant d’hémorragie cérébrale avec l’âge • le fait que plus on le patient est pris en charge tard, moins le délai de transfert a un impact sur la mortalité, de telle sorte que chez un patient très âgé vu tard la thrombolyse devient l’exception • La gravité potentielle de l’infarctus (étendue des signes électriques, atteinte du territoire antérieur, association à des signes cliniques d’insuffisance cardiaque) : plus ces facteurs sont présents, plus il est justifié de courir un risque hémorragique pour recanaliser à tout prix l’artère. Chez les patients âgés, les décisions sont toujours difficiles et le sont encore plus dans le cadre de l’urgence. Cela souligne l’importance d’une discussion entre le médecin régulateur, le médecin du SMUR et le cardiologue. En aucun cas, ces éléments ne doivent faire accepter une perte de temps et la mise en œuvre la plus rapide possible des traitements de reperfusion doit rester une préoccupation constante. Il est souhaitable que les décisions de choix de stratégie soient discutées en commun par les urgentistes et les cardiologues concernés, non seulement dans le cadre de l’urgence pour un patient donné, mais surtout par l’élaboration « à froid » de procédures communes et consensuelles de traitement coordonné entre équipes, qui prennent en compte les spécificités locales en matière d’équipement, de compétences, de logistique. Références 1. Boersma, E., Maas AC, Deckers JW, Simoons ML. Early thrombolytic treatment in acute myocardial infarction: reappraisal of the golden hour. Lancet, 1996. 348: 771-5 2. Keeley EC, Boura JA, Grines CL. Primary angioplasty versus intravenous thrombolytic therapy for acute myocardial infarction: a quantitative review of 23 randomised trials. Lancet. 2003 Jan 4;361(9351):13-20. 3. Steg, PG, Bonnefoy E, Chabaud S, et al., Impact of time to treatment on mortality after prehospital fibrinolysis or primary angioplasty: data from the CAPTIM randomized clinical trial. Circulation, 2003 ;108:2851-6. 4. Eagle KA, Goodman SG, Avezum A, Budaj A, Sullivan CM, Lopez-Sendon J; GRACE Investigators. Practice variation and missed opportunities for reperfusion in ST-segment-elevation myocardial infarction: findings from the Global Registry of Acute Coronary Events (GRACE). Lancet. 2002;359:373-7. 5. Van de Werf F, Ardissino D, Betriu A, et al. Management of acute myocardial infarction in patients presenting with ST-segment elevation. The Task Force on the Management of Acute Myocardial Infarction of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2003; 24:28-66. 6. Gersh BJ, Stone GW, White HD, Holmes DR Jr. Pharmacological facilitation of primary percutaneous coronary intervention for acute myocardial infarction: is the slope of the curve the shape of the future? JAMA. 2005;293:979-86.