Réflexions sur l`aide à la communication des personnes présentant

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Réflexions sur l`aide à la communication des personnes présentant
TALN 2001, Tours, 2-5 juillet 2001
Réflexions sur l’aide à la communication des personnes présentant
un handicap moteur
Brigitte Cantegrit, Jean-Marc Toulotte
Laboratoire I3D – Université de Lille1
et Institut Régional de Recherche sur le Handicap (I.R.R.H.)
Bat. P2, 59655 Villeneuve d’Ascq cedex
[email protected]
Résumé – Abstract
Cet exposé présente quelques réflexions importantes pour obtenir la meilleure adaptation
d’une aide technique de communication pour un utilisateur donné. Après avoir défini le cadre
de la présentation et la problématique générale du handicap moteur, les auteurs font le tour
des méthodes d’amplification de la variété et des procédures d’accélération de façon à
optimiser le rapport effort/vitesse. Pour cette étude, il a été nécessaire de mettre en œuvre un
logiciel d’analyse de la communication et des communicateurs.
This paper presents a synthesis of notions used in Alternative and Augmentative
Communication, when emitter is very failing. After an introduction to the problem of motor
impaired disability, authors give a large presentation of methods for amplifying variety and
accelarating communication with the goal : optimization of effort/speed rate. For that study,
we have had a need for a software of analysis of communication parameters and
communication systems.
Mots-clefs — Keywords
Communication Enrichie et Palliative, Handicap moteur, Clavier virtuel, Communicateur
Augmentative and Alternative Communication, Motor disability, Virtual keyboard,
Communication device
1 Introduction
Pour un nombre important de personnes présentant un handicap moteur, associé à une
privation de l’usage de la parole, communiquer est un acte difficile qui nécessite le recours à
des aides techniques adaptées plus ou moins sophistiquées. Dans le cas de handicap lourd, où
le geste est pratiquement absent, on en est réduit à capter tout ce qui est possible sur un
individu comme signaux en lui donnant la potentialité d’y introduire un contenu informatif. Il
faut encore que l’émission de ce signal soit contrôlable et répétable dans une certaine mesure.
La personne avec un handicap moteur est un émetteur défaillant. Les aides techniques,
essentiellement informatiques, ont pour but de réaliser virtuellement un émetteur convenable.
Cet exposé présente une synthèse des grands principes à maîtriser pour arriver à l’élaboration
de l’émetteur virtuel idéal.
Réflexions sur l’aide à la communication des personnes présentant un handicap moteur
2 Paramètres de caractérisation de l’émetteur
Quatre éléments principaux doivent être pris en compte pour obtenir la meilleure adaptation
du système d’aide à l’utilisateur handicapé, indépendamment de l’adaptation ergonomique de
la prise d’information :
• L’effort
•
•
La vitesse
La charge mentale
•
La charge intellectuelle.
On peut également adjoindre des contraintes visuelles chez certaines personnes. Le but est
d’optimiser le rapport effort/vitesse.
3 Choix des éléments informatifs de base
Communiquer consiste à émettre (ou à recevoir) un message en relation avec un
environnement matériel ou humain pour informer, interroger agir ou ordonner.
La communication peut être mono ou plus généralement bidirectionnelle. Mais même dans le
cas de la commande d’une machine, cette dernière émet au moins quelques informations en
retour.
La communication s’effectue au moyen d’un système de symboles, un alphabet noté Vb
d’éléments informatifs de base (EIB). Celui-ci peut être très simple, élémentaire comme dans
le cas du contrôle de machines, plus élaboré ou même complexe avec un environnement
humain.
A partir de cet alphabet, la communication consiste à créer un message, séquence de mots.
Les mots, pris ici dans un sens très général, sont des séquences d’éléments de l’alphabet
placés entre deux séparateurs. Ils sont répertoriés dans un dictionnaire, référence commune à
un éventuel transcodage près. L’élaboration d’un message respecte des règles lexicales,
syntaxiques et cherche à créer un signifiant. Il peut y avoir des non-concordances entre
l’émission et la réception ; celles-ci sont liées au degré de formation, de culture, d’expérience
personnelle. Des ambiguïtés peuvent provenir aussi de la polysémie des mots utilisés.
La cardinalité de l’alphabet Vb est très importante pour la qualité de la performance de
l’émetteur. Elle dépend du type de langage, opératif ou universel. Les langages opératifs ou
applicatifs s’adressent à un cercle réduit de personnes initiées ou à des systèmes à
configuration spécifique. Ils sont plus simples que les langages naturels. Ils évitent la
polysémie et sont décrits avec un ensemble réduit de règles de grammaire, qui ne constitue
pas nécessairement un sous-ensemble de celui du langage naturel. Le vocabulaire est limité et
souvent très dialectal. L’objectif est surtout d’avoir une interprétation simple et unique. Les
exemples les plus typiques sont, dans le domaine du handicap, la commande de machines, où
la cardinalité de Vb est faible, et l’expression des besoins de la vie quotidienne, où la
cardinalité de Vb est beaucoup plus élevée. D’autres exemples sont les systèmes icôniques, les
composantes d’un langage informatique, les jeux, les boutons d’une page Web, la musique,
les bases d’un dessin, les expressions mathématiques, …
Lorsqu’on cherche à obtenir une expression universelle, il faut considérer le degré de
précision souhaitée. On peut en effet admettre des versions simplifiées ou dégradées, sans
doute moins riches mais plus simples à émettre, menant malgré tout à un degré de
communication très satisfaisant.
Deux paramètres sont à prendre en compte : tout d’abord la cardinalité de Vb, car plus celle-ci
est grande plus le choix peut devenir long avec une charge mentale accrue ; ensuite le nombre
moyen d’eib nécessaires à l’élaboration d’un message, en effet certains systèmes d’eib
peuvent induire des effets de condensation de l’expression ; enfin le degré de dégradation
relativement à une forme écrite normale, car dans certains cas on rencontre des dégradations
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orthographiques lexicales ou grammaticales ou même l’introduction d’ambiguïtés
sémantiques difficiles à lever.
On peut ainsi envisager, à titre d’exemples et sans chercher à être exhaustif, les ensembles
d’eib suivants :
•
Les caractères minuscules non accentués avec l’espace et un signe de ponctuation. La
cardinalité est faible (28), la dégradation orthographique est peu importante, mais il
n’y a pas d’effet de condensation. L’expression est universelle.
•
Les caractères imprimables ordinaires (majuscules, minuscules, séparateurs et
ponctuation). La cardinalité est d’environ 80 (90 si on adjoint les chiffres). Il n’y a ni
dégradation ni effet de condensation.
•
On peut toujours ajouter aux ensembles précédents des mots usuels ou même des
phrases préparées par l’utilisateur et qui deviennent des composantes représentées par
un symbole mnémonique. Cela augmente la cardinalité, mais apporte un peu de
condensation.
•
L’usage direct des syllabes n’est guère possible, car la cardinalité est trop élevée
(plusieurs milliers). Le système PARLESILAB utilise 300 syllabes condensées, ce qui
reste important mais exploitable. Il y a une forte dégradation orthographique. On peut
encore pousser plus loin la condensation soit sur des syllabes comme dans les
méthodes d’écriture abrégée (cardinalité environ égale à 100) soit sur des parties de
mots ou des mots comme en braille abrégé. Dans ces derniers cas, la condensation est
élevée, mais la dégradation orthographique très forte. L’expression reste universelle,
mais des ambiguïtés apparaissent qu’il faut lever sémantiquement, ce qui n’est pas
toujours possible sauf en interaction avec l’auteur. La charge mentale est importante et
l’effort intellectuel non négligeable.
•
Les éléments de la sténotypie, de cardinalité 21, donnent une assez bonne
condensation basée sur une certaine confusion de sons. Mais lors de la transcription, il
convient de lever les ambiguïtés correspondantes. L’expression est universelle.
•
Les composantes du système anorthographique Alfonic (cardinalité de 31 en dehors
des séparateurs et de la ponctuation) permettent une condensation faible, une
dégradation moyenne, mais facilitent énormément l’expression surtout chez les enfants
à la découverte de la communication.
•
Les éléments du langage idéographique Bliss , de cardinalité égale à 76, donnent une
faible condensation, une dégradation importante car la grammaire est très pauvre et le
dictionnaire peu étendu. Toutefois ce système a montré des résultats intéressants pour
l’apprentissage de la communication avec des enfants lourdement handicapés.
•
…
Il convient de plus d’adjoindre quelques eib pour faciliter l’édition des messages et
éventuellement pour réaliser quelques commandes d’environnement.
4 Amplification de la variété par codage
Les méthodes d’extraction de l’information à partir des capteurs délivrent des éléments d’un
alphabet initial Vi= { a1, a2, ….am} de cardinalité m. Les éléments informatifs de base
nécessaires à l’expression appartiennent à un alphabet Vb = { b1, b2, …bn} de cardinalité n
avec n >>m en général.
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Une première façon de réaliser le passage de Vi à Vb est de considérer un codage. Pour un
code de longueur fixe égale à k, pour exprimer tous les éléments de Vb, il faut avoir la relation
mk >n. Formellement, on peut envisager des codes de longueur variable sans élément
terminal ou avec comme dans le code Morse. Mais la charge mentale correspondante devient
vite un problème pour des personnes handicapées. C’est le cas également si k devient élevé.
Pour limiter le problème, on peut présenter sur l’écran un mnémonique du code à côté de la
zone d’affichage du message. Le codage utilisé est alors lié à l’organisation de la
représentation.
La désignation directe n’est possible que si la variété m est suffisante, toutefois en cas de
potentialité multimodale, on peut diminuer la variété m. Par exemple, si la modalité est égale
à 2, il faudra : m2>n. Même s’il est possible d’organiser des interfaces 3D, la navigation y est
difficile et dépasse les potentialités des utilisateurs.
Les codages les plus utilisés dans l'aide à la communication sont le codage ligne-colonne (ou
colonne-ligne), le codage dichotomique, le codage ETRAN, le code MORSE, … Dans les cas
de handicap plus lourd où la variété initiale est insuffisante et souvent réduite à 1, les seules
méthodes possibles sont le codage temporel ou le balayage.
5 Amplification de la variété : méthode par balayage
Le geste de désignation comporte deux phases : la première de pointage est faite
automatiquement par la procédure de balayage, la seconde est une simple sélection faite avec
un tout ou rien. Il est à noter que la méthode par balayage est complètement indépendante de
la représentation sur l’écran des éléments de l’alphabet Vb.
Le principe le plus simple consiste à réaliser un balayage séquentiel. On le retrouve au moins
partiellement dans les modes plus complexes. L’élément sélectionnable est représenté de
façon particulière sur l’écran de l’ordinateur :
•
inverse vidéo,
•
clignotement,
•
soulignage,
•
encadrement,
•
changement de couleur, …
L’alphabet de base est alors représenté comme une simple liste sans adjonction particulière.
L’avantage en est la simplicité et donc une charge mentale faible ; il s’agit de repérer
l’élément suivant à produire pour se préparer à l’action de sélection. Par contre le nombre de
pas de balayage peut devenir important pour certains constituants de Vb.
Il suffit d’une seule sélection et donc l’effort est minimal. D’autres modes de balayage plus
complexes peuvent être envisagés . Ils correspondent à un découpage récursif de la liste Vb en
sous-listes. Celui-ci peut être quelconque, ce qui entraîne un apprentissage long et difficile de
la structure. On préfère favoriser les organisations plus régulières qui faciliteront les
représentations à l’écran à tendance plus géométrique. On peut aussi provoquer des
regroupements suivants divers critères intellectuellement abordables :
•
catégories lexicales (consonne, voyelle, ponctuation, chiffre…)
•
catégories syntaxiques (pronom, verbe, article…)
•
catégories sémantiques (actions, boissons, soins…)
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5.1 Balayage ligne-colonne (ou colonne-ligne)
Dans ce mode de balayage, qui convient tout particulièrement aux représentations
matricielles, le vocabulaire Vb va s’écrire sous la forme d’une liste de listes. Les sous-listes
possèdent un nombre constant d’éléments égal au nombre de colonnes et sont balayées
séquentiellement. Ceci conduit à la sélection d’une ligne. Le contenu de la sous-liste est
également balayé séquentiellement pour la sélection d’un eib.
Il faut deux sélections pour l’obtention d’un eib, donc un peu plus d'effort physique que dans
le cas du balayage séquentiel. Le temps de production est néanmoins considérablement
réduit. La sélection de l’eib d’ordre j dans la ligne i demande i + j pas de balayage. Le
nombre de pas moyen est minimal pour une matrice carrée.
5.2 Balayage dichotomique
Dans le cas où la cardinalité de Vb est du type 22j (j entier >0), on peut appliquer un
découpage dichotomique de Vb sur j niveaux.
Dans ce type de balayage, on sélectionne dans chaque niveau l'un des quatre sous-groupes du
groupe en cours jusqu'à la sélection de l’eib désiré. Le balayage dans un niveau peut
s'effectuer suivant le principe ligne-colonne ou de manière séquentielle groupe par groupe.
5.3 Balayage dichotomique mixte
La sélection par balayage dichotomique mixte demande que le nombre des eib soit une
puissance de deux, soit n = 2j où j est un entier positif.
L’alphabet Vb est dichotomisé en groupes et sous-groupes sur j niveaux. La sélection se fait
de manière à sélectionner chaque fois une moitié des eib du groupe en cours. L’obtention
d'un eib nécessite j sélections. On peut également faire j-2 sélections et terminer par un
balayage séquentiel.
6 Accélération de la construction des messages
Le problème le plus important dans l'aide à la communication pour handicapés est
probablement celui de la vitesse extrêmement faible de la communication, due dans la plupart
des cas à la lenteur de la construction des messages. Pour pallier ce problème, on peut utiliser
des techniques d'accélération qui consistent à prédire, à anticiper la sélection en tenant compte
du message en cours d’élaboration ou à limiter le nombre des eib en s'appuyant sur certaines
connaissances, soit lexicales, soit syntaxiques, soit orthographiques, soit enfin sémantiques ou
pragmatiques. On distingue quatre catégories de méthodes d'accélération :
•
•
•
•
méthodes fréquentielles statique et dynamique,
méthode par expansion,
méthodes par contraintes syntaxique et sémantique
méthodes prédictives par accès à un dictionnaire ou à une base de connaissance.
Chaque méthode peut s’utiliser seule, mais il semble plus intéressant de les combiner si la
charge mentale et le niveau intellectuel de l’utilisateur le permettent.
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6.1 Méthodes d’accélération fréquentielle
La méthode d'accélération fréquentielle statique consiste à présenter les eib dans un ordre
correspondant à leur fréquence d'utilisation, et à effectuer la sélection de manière à ce que
plus un élément est utilisé, plus sa sélection est rapide. L’étude des fréquences d’utilisation
doit se faire sur un échantillonnage suffisamment élevé pour pouvoir obtenir les probabilités
d’usage. Dans le cas d’une langue naturelle, la question se pose de savoir ce qu’ est un
vocabulaire d’usage. Les documents pris pour l’analyse peuvent être très divers. On peut
prendre tout Hugo, utiliser un paquet de quotidiens, se référer aux gros dictionnaires ou aux
encyclopédies, ou étudier la production de l’utilisateur. L'analyse des fréquences d'utilisation
des éléments primaires d'un communicateur peut être faite soit avant la réalisation du système,
soit de façon adaptative pendant la communication. Dans ce dernier cas, le communicateur
enregistre sur une certaine période les fréquences réelles d'utilisation des éléments par son
opérateur. Ceci permet d’effectuer une mise à jour de l'ordre de présentation et de sélection
des éléments. Toutefois cette opération ne doit pas se faire trop souvent, car à chaque fois, elle
entraîne un nouvel apprentissage avec un effort et une charge mentale élevés. Un système
totalement adaptatif, techniquement possible, est tout à fait illusoire à ce niveau
d’accélération..
Considérons par exemple pour illustration un alphabet Vb composé des 26 lettres non
accentuées de a à z auxquelles on adjoint un espace et un signe de ponctuation. Sur cette base,
nous avons effectué l’analyse monogrammique de l’usage de ces eib. Les nombres de pas
moyen ont été calculés avec l’ordre fréquentiel optimal dans divers cas :
Cas 1
Cas 2
Cas 3
matrice 5 lignes 6 colonnes et balayage séquentiel : Nbpasmoyen = 6,86 (15,5 dans
le cas équiprobable)
matrice 5 lignes 6 colonnes et balayage ligne-colonne : Nbpasmoyen = 4,29 (10,83
dans le cas équiprobable)
matrice 4 lignes 8 colonnes et balayage dichotomique mixte : Nbpasmoyen =4,77
(6,5 dans le cas équiprobable).
Ceci montre une nette amélioration par rapport aux valeurs théoriques équiprobables. Le cas 2
est bien meilleur que le cas 1, mais ne peut pas être comparé au cas 3 car la répartition lignecolonne n’est pas la même.
Classiquement les communicateurs utilisent par tradition l’ordre azerty sur une matrice 3 X
10 ou l’ordre alphabétique sur une matrice 4 X 8. Les résultats, qui se passent de
commentaires, donnent 7,27 pour le cas azerty et 6,19 pour l’ordre alphabétique en balayage
ligne-colonne.
Lors de l’utilisation d’une méthode par balayage, des erreurs peuvent se produire soit à cause
d’un pas de balayage trop court, soit à cause de la fatigue. Il convient donc d’introduire un eib
particulier d’annulation de la mauvaise sélection précédente. Cet eib peut être placé soit en
début de balayage, soit à la fin de chaque ligne, soit comme un eib ordinaire, si on peut
évaluer la probabilité d’erreur.
La méthode d'accélération fréquentielle statique est la plus simple sur le plan de la réalisation.
L'inconvénient est qu'elle ne tient pas compte du message en cours d’élaboration.
Dans la méthode d'accélération fréquentielle dynamique, l’organisation et le balayage des eib
tiennent compte des fréquences d'utilisation bigrammiques ou trigrammiques correspondant à
la succession de 2 ou de 3 eib. Pour ce faire, il convient d’élaborer les matrices de transitions
en analysant des textes d’utilisation suffisamment long.
Réflexions sur l’aide à la communication des personnes présentant un handicap moteur
Cette méthode permet d'augmenter de façon importante la vitesse de la construction des
messages primaires. Elle est cependant plus difficile à appréhender car la charge mentale
s’accroît beaucoup. On est obligé de se limiter à des bigrammes. Tous les éléments de
probabilité nulle doivent venir compléter la matrice dans l’ordre monogrammique, car il n’est
pas impossible qu’ils puissent apparaître dans certaines circonstances particulières, par
exemple les noms propres étrangers.
Toutes ces notions, développées sur les eib, peuvent être reprises au niveau des mots du
vocabulaire.
6.2 Méthode d’accélération par expansion
Le principe de la méthode d'accélération par expansion consiste à associer à un eib simple
toute une expression dans la zone d’affichage. Ceci est surtout applicable dans le cas de
langages opératifs.
On trouve ainsi par exemple, l'expansion lettre-mot, lettre-phrase, lettre-terminaison et motphrase,…
6.3 Méthodes d’accélération par contraintes syntaxique ou sémantique
Se basant sur la grammaire issue d'une analyse syntaxique des messages, la méthode
d'accélération syntaxique consiste à présenter à l'opérateur uniquement les éléments utiles du
point de vue grammatical en tenant compte des éléments sélectionnés dans le message en
construction.
Par exemple, après la sélection de l'article déterminant le, il est raisonnable de n’accéder
qu’aux noms singuliers masculins d’un dictionnaire.
Il y a des domaines où il est facile de mettre en œuvre la méthode d’accélération syntaxique;
c’est le cas par exemple des langages informatiques. Les jeux suivent également des règles,
dépendantes du contexte, qui permettent de limiter les eib sélectionnables.
Dans le cas le plus général du langage naturel, on peut utiliser un modèle des règles
grammaticales, mais étant donné la difficulté de l'analyse syntaxique sur toutes les structures
possibles des messages, on applique souvent la méthode d'accélération uniquement aux
structures des messages couramment utilisées par l'opérateur en effectuant un apprentissage.
La méthode d'accélération sémantique consiste à tenir compte du sens des éléments
sélectionnés dans le message en cours d'élaboration et à présenter à l'opérateur uniquement les
éléments utiles d'un point de vue sémantique. Elle complète la méthode d'accélération
syntaxique.
Par exemple, la sélection de l'élément verbe boire doit entraîner la visualisation des éléments
représentant le nom des boissons, en considérant un langage opératif limité aux besoins de la
vie quotidienne.
6.4 Méthodes prédictives par accès à un dictionnaire
Une procédure pour accélérer la communication est d’essayer de prédire la fin d’un mot en
connaissant les premières lettres. On peut aussi proposer à l’utilisateur une liste de mots
probables pour une sélection par balayage. Dans tous les cas, il est nécessaire de disposer
d’un dictionnaire avec une méthode d’accès adaptée.
Réflexions sur l’aide à la communication des personnes présentant un handicap moteur
Plusieurs difficultés peuvent apparaître. Il est tout d’abord essentiel que l’accès soit
anorthographique. Puis pour faciliter la sélection finale par balayage il est intéressant que les
critères successifs de décomposition du dictionnaire en sous-dictionnaires donnent des
ensembles de mots de cardinalités voisines. Enfin, avec un communicateur utilisant le langage
idéographique Bliss, nous avons eu à mettre au point une technique d’accès désordonné au
dictionnaire; car contrairement au langage naturel, la construction d’un mot Bliss peut se faire
en énonçant dans n’importe quel ordre les concepts qu’il contient.
7 Transformation finale du message
Il est souvent nécessaire de transformer le message ainsi créé avant de l'envoyer pour qu'il
puisse être compréhensible pour son destinataire matériel ou humain.
Les transformations les plus utilisées peuvent être les suivantes :
•
Français simplifié en français,
•
Français condensé en français,
•
Français en phonèmes,
•
Français en braille (pour un destinataire non voyant),
•
Bliss en français,
•
PARLESILAB en français,
•
Mnémoniques en signaux de commande de dispositifs périphériques, …
Il est possible que des erreurs ou des ambiguïtés soient détectées par la procédure de
transformation. Dans ce cas, le système de communication doit être capable de les signaler et
de retourner sous l’éditeur pour effectuer les corrections ou les choix.
8 Logiciel d’analyse des communicateurs et de la communication
Les réflexions fondamentales énoncées dans cet exposé montrent que l’adaptation et
l’optimisation des communicateurs nécessitent des compromis difficiles à trouver sans l’aide
d’un logiciel d’analyse de la communication et des communicateurs.
Le logiciel que nous avons réalisé, WOMAN (WOrd MAchiNe), permet d’évaluer les
performances escomptées en fonction des divers types d’eib, du type de balayage ou de
codage et en tenant compte de préférences liées aux capacités physiques, intellectuelles,
socio-culturelles et linguistiques d’une personne handicapée.
Cette première étape est fondamentale pour permettre d’avoir toutes les informations
nécessaires pour des logiciels d’aide à la génération de communicateurs optimaux.
Le logiciel WOMAN est écrit en Smalltalk. Son organisation, orientée objet, est totalement
ouverte, extensible et guidée par le flux. Un traitement global consiste en la mise en file de
machines de traitement unitaire à structure semblable. Chaque machine possède un flux
d’entrée qui peut être alimenté par une autre machine ou à partir du fichier d’entrée du
système et un flux de sortie relié à une autre machine ou au fichier de sortie du système.
Chaque machine est munie d’un filtre permettant de transformer un élément introduit.
L’objectif de ce dispositif est de pouvoir effectuer les restrictions nécessaires pour atteindre
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un ensemble d’eib prédéfinis comme par exemple les lettres minuscules non accentuées avec
un séparateur et un seul signe de ponctuation.
A chaque machine, on associe éventuellement un algorithme. Celui-ci ainsi que les structures
nécessaires à son exécution sont introduits par l’intermédiaire d’une sous-classe.
Pour les divers traitements souhaités, on établit les liaisons entre machines. Celle qui est reliée
au fichier de sortie du système devient le pilote de l’ensemble. Elle demande à la machine qui
la précède de lui fournir de la matière à travailler. En procédant de la même façon au niveau
de chaque machine, on peut remonter jusqu’au flux d’entrée et ainsi lancer l’ensemble des
traitements.
La machine pilote assure également la commande de l’analyseur Kgrammatique. Celui-ci,
basé sur la gestion d’une file de pointeurs, génère l’arbre Kgrammatique des entités
transmises. On peut y récupérer les fréquences associées pour toutes les valeurs possibles de
K jusqu’à une valeur maximum à choisir. Par ailleurs en lui adjoignant une commande de fin
de mot, il devient possible d’obtenir les fréquences de mots fléchis et de leurs composantes
Kgrammatiques à n’importe quel niveau. Cette commande entraîne simplement une
réinitialisation de la file des pointeurs sans toucher au contenu des compteurs. D’autres
fonctions existent pour sauvegarder ou charger des arbres, pour en extraire divers types
d’information, pour fusionner des arbres, pour y effectuer des réductions ou des tris.
Actuellement nous avons créé un certain nombre de machines, essentiellement pour évaluer
les communicateurs classiques avec divers types d’eib: machines avec divers filtrages de
caractères, machine d’extraction de mots, machine de décomposition syllabique, machine de
condensation syllabique avec divers filtres, machine de compression syllabique (français
abrégé) et également une machine de décodage (code de longueur fixe) d’entités du
PARLESILAB condensé. Nous avons fait aussi quelques essais de machine pour passer des
syllabes condensées aux composantes phonologiques, pour accéder à des dictionnaires de
façon anorthographique à partir de syllabes condensées de façon à accéder à des informations
syntaxiques,… Beaucoup de travaux restent à faire et nous avons besoin des compétences de
la communauté TALN pour nous faciliter l’obtention d’algorithmes ou de dictionnaires bien
adaptés aux besoins des systèmes de communication pour handicapés.
Enfin un module permet d’évaluer le nombre moyen de pas de balayage et de sélection pour
une structure de communicateur en tenant compte de l’arbre Kgrammatique et des préférences
liées aux possibilités de la personne handicapée.
Ce prototype nous a permis aussi d’améliorer également l’usage de systèmes de
communication à partir d’enregistrements de la production d’un utilisateur. L’analyse a été
faite hors ligne, mais pourrait être intégrée aux communicateurs pour recueillir et analyser les
messages générés afin d’adapter en temps réel une base de connaissance pour rendre plus
performante une méthode prédictive. Cette analyse peut également servir à corriger
régulièrement l’organisation du communicateur, car plus l’utilisateur communique, plus il
ressent le besoin d’enrichir les potentialités de son système d’aide à la communication.
9 Conclusion
Un communicateur est une prothèse de communication qui, si elle ne correspond pas
parfaitement aux besoins de l’utilisateur, sera rejetée. Les études précédentes et le logiciel
associé peuvent nous permettre de mieux définir, pour une personne handicapée donnée,
toutes les caractéristiques du communicateur qui lui convient. Pour éviter le coût prohibitif de
réalisations particulières, cette modélisation permet de mettre en œuvre des systèmes
générateurs ou configurateurs. Ceci reste toutefois insuffisant, car il est fondamental
d’adjoindre d’une part une évaluation médicale, ergonomique, cognitive et intellectuelle,
éventuellement assistée par ordinateur, et d’autre part de préparer et de mettre en place des
méthodologies d’apprentissage, qui constituent une véritable rééducation à la communication.
Réflexions sur l’aide à la communication des personnes présentant un handicap moteur
Dans ces deux phases essentielles à la bonne adéquation du communicateur à son utilisateur,
notre logiciel WOMAN reste un outil d’une grande utilité.
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