Roméo et Juliette - biblio

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Roméo et Juliette - biblio
Roméo et Juliette
Livret pédagogique
correspondant au livre de l’élève n 71
Établi par Brigitte WAGNEUR,
agrégée de Lettres classiques,
professeur en collège-lycée
et Anne-Laure Chat,
certifiée de Lettres modernes,
professeur en collège
1
© Hachette Livre, 2016.
58, rue Jean Bleuzen, 92170 Vanves.
Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays.
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2
SOMMAIRE
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Acte I
Acte II
Acte III
Acte IV
Acte V
Retour sur l’œuvre
4
4
8
11
16
19
23
PROPOSITION DE SÉQUENCE DIDACTIQUE
26
EXPLOITATION DU GROUPEMENT DE TEXTES
28
LECTURE D’IMAGES ET HISTOIRE DES ARTS
30
BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE
32
3
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Les indications de pages renvoient aux questionnaires des cinq actes du livre de l’élève.
ACTE I (pp. 13 à 43)
AVEZ-VOUS BIEN LU ?
1. Dans le prologue (page 11) et la scène 1, les Capulets et les Montagues se battent
à cause d’« anciennes rancunes » (prologue, l. 4) qui ne sont pas précisées. Le
prince Escalus fait allusion à la fin de la scène 1 à « trois querelles civiles, nées
d’une parole en l’air » (l. 116-117) par la faute des Capulets et des Montagues, qui ont
ensanglanté la ville de Vérone.
2. Si les deux familles ne mettent pas fin à leurs combats, le prince Escalus les menace de
mort : « Si jamais vous troublez encore nos rues, votre vie payera le dommage fait à la paix.
[…] Encore une fois, sous peine de mort, que tous se séparent ! » (scène 1, l. 121 à 128).
3. Au début de la pièce, Roméo est d’« humeur sombre » (scène 1, l. 160), mélancolique, il
recherche la solitude et l’obscurité. Il avoue à Benvolio que sa tristesse vient du fait qu’il est
amoureux d’une beauté insensible à ses avances.
4. Capulet ne veut pas donner sa fille Juliette en mariage à Pâris parce qu’elle n’a que
quatorze ans, elle, selon lui, « est encore étrangère au monde » (scène 2, l. 271) ; il veut
attendre deux ans avant de la marier. Il n’est pas favorable à un mariage et à une maternité
précoces qui fanent la femme trop vite. D’autre part, Juliette est son seul enfant. Il veut son
bonheur, il souhaite qu’elle aime Pâris.
5. Dans la scène 3, Lady Capulet demande à sa fille ce qu’elle pense du mariage. Puis elle lui
demande d’y songer, et d’observer Pâris, le soir même à la fête donnée chez eux (métaphore
du « livre d’amour »), et de répondre à son amour. Elle semble plus impatiente que son mari.
6. Dans la scène 4, Roméo et ses amis se présentent costumés et masqués à la fête des
Capulets. Ainsi, ils ne sont pas reconnus immédiatement.
7. Tybalt est le neveu de Capulet, il reprend à son compte la querelle entre les deux familles ;
il considère Roméo comme un ennemi, venu les provoquer chez eux et faire injure à la fête
(scène 5).
8. Roméo et Juliette ne s’étaient encore jamais rencontrés avant cette fête. C’est pourquoi ils
s’informent l’un et l’autre de leur identité auprès de la nourrice (scène 5).
ÉTUDIER LE VOCABULAIRE
ET LA GRAMMAIRE
9. Au début de la scène 1, le jeu de mots entre « brocard(s) » (l. 4) et « brocart » (l. 6) joue
sur l’homophonie des deux mots : le premier, prononcé par Samson, désigne les insultes et
moqueries ; le second, prononcé par Grégoire qui fait un quiproquo, désigne un tissu précieux.
Le procédé théâtral du quiproquo sur le sens d’un mot appartient ici au comique verbal. Dans
les deux répliques suivantes, il est question d’allonger « le couteau » (Samson, l. 8) et de se
faire allonger « le cou tôt ou tard » (Grégoire, l. 9-10), la première expression signifiant « se
battre, tuer » et la seconde « être pendu ».
10. Dans le dialogue entre Roméo et Juliette (scène 5, l. 693 à 717), le champ lexical
dominant est celui de la religion, qui donne un caractère sacré à leur amour naissant :
4
« profané », « châsse sacrée », « pénitence », « pèlerin(s) », « prient », « exauce-les », «
dévotion », « sainte(s) », « pieux », « prière(s) », « péché ».
ÉTUDIER LE DISCOURS
11. Dans le prologue (page 11), le chœur est composé des acteurs de la pièce : « où
nous plaçons notre scène » (l. 3), « notre scène » (l. 13), « nous écouter » (l. 14), « notre
zèle », « notre insuffisance » (l. 15). Il s’adresse aux lecteurs/spectateurs : « si vous daignez »
(l. 14).
12. La tirade du chœur, dans le prologue, a pour fonction de présenter l’intrigue en quelques
mots, la fatalité de la passion et du destin de Roméo et Juliette dont la mort mettra fin à la
querelle de leurs familles. C’est une rupture de l’illusion théâtrale, le dénouement tragique
étant annoncé dès le début. Le chœur intervient à nouveau au début de l’acte II, pour présenter
les obstacles à la passion de Roméo et Juliette.
13. La réplique de Benvolio : « Ces harangues prolixes […] et nous partirons » (scène 4,
l. 482 à 488) relève du procédé baroque du « théâtre dans le théâtre » car, pour conseiller
Roméo sur leur entrée à la fête, il évoque le renouvellement nécessaire de l’écriture
dramatique, la fin des longs discours, la fin des clichés, des prologues qui ralentissent une
pièce ; il prône la vivacité.
« Harangues », « de mode », « Cupidon aux yeux bandés »,
« prologue appris par cœur », « débité », « souffleur », « préparer notre entrée », «
nous […] danserons une mesure » appartiennent au champ lexical du spectacle. Benvolio
associe leur entrée chez Capulet (déguisés et masqués comme des acteurs) à une entrée au
théâtre, qui doit se faire in medias res.
ÉTUDIER LE GENRE :
UN DRAME SHAKESPEARIEN
14. La tirade du chœur, dans le prologue (page 11), situe la pièce dans le registre tragique,
de même que l’intervention du prince Escalus qui menace de mort les Capulets et les
Montagues, ou la mélancolie de Roméo évoquée par ses parents et Benvolio (scène 1) ;
le projet de mariage sans l’accord de Juliette (scènes 2 et 3) ; la prémonition d’une
catastrophe par Roméo (scène 4) ; les insultes de Tybalt et son désir de vengeance contre
Roméo (scène 5) ; la découverte de leur identité respective par Juliette et Roméo (scène 5).
15. Les passages comiques se trouvent dans la scène 1, avec le dialogue entre les valets
Samson et Grégoire qui singent les querelles de leurs maîtres (comique verbal, comique de
caractère, comique de situation…), le court passage où Capulet arrive en robe de chambre
pour se battre sous les moqueries de sa femme (comique de situation et de caractère) ; dans la
scène 2, quand Roméo se moque du valet de Capulet qui ne sait pas lire la liste d’invités
(comique verbal et de situation) ; dans la scène 3, quand la nourrice évoque une scène de
l’enfance de Juliette (comique verbal, obscénité) ; dans la scène 5, la fête avant l’intervention
de Tybalt. On voit que le comique est surtout provoqué par la présence des personnages
populaires.
16. L’acte I relève davantage de la comédie que de la tragédie, surtout si on ajoute aux
passages comiques énumérés précédemment les passages poétiques (Roméo amoureux de
Rosaline ou la tirade de Mercutio sur la reine Mab).
17. L’effet produit par ce mélange de registres sur le lecteur/spectateur, c’est qu’il n’est pas
encore soumis à une forte tension dramatique et qu’il est plus poussé par la curiosité que par
la crainte concernant l’évolution de l’intrigue. Il est dans l’attente, avec toutefois un peu
d’appréhension.
5
ÉTUDIER L’ÉCRITURE
18. Dans la scène 1 (l. 234 à 241), Roméo dit de Rosaline qu’« elle a le caractère de Diane »
(l. 235) car, comme cette déesse romaine de la chasse (Artémis chez les Grecs), sœur jumelle
d’Apollon et déesse de la lune, elle veut demeurer chaste et vierge, fuyant l’amour des
hommes. Une des légendes de Diane-Artémis raconte qu’elle transforma en cerf le jeune
Actéon qui l’avait surprise se baignant nue dans un cours d’eau. C’est pourquoi Roméo dit
qu’« elle est hors d’atteinte des flèches de Cupidon » (l. 235), le dieu romain de l’amour.
19. Pour présenter la beauté de Pâris à sa fille Juliette (scène 3, l. 447 à 460), Lady Capulet
utilise la métaphore du « livre d’amour » empruntée à la poésie médiévale : Pâris est comparé
à un livre précieux, sur les pages duquel Juliette peut lire toutes ses qualités, qui y ont été
placées par un artiste. Le champ lexical du livre est très présent dans ce passage :
« lisez », « tracées », « la plume », « ces traits », « page », « livre », « relié », « fermoir ».
Cette métaphore filée, jointe aux termes mélioratifs et hyperboliques tels « les grâces »,
« si bien mariés », « quel charme », « belle page », « précieux », « parfait », « la splendeur
suprême » , « plus magnifique », place toute la réplique de Lady Capulet dans le registre de
la préciosité, issue de la courtoisie du Moyen Âge.
20. La tirade de Mercutio sur « la reine Mab » (scène 4, l. 539 à 571) appartient au registre
fantastique, comme le montrent les nombreuses images telles que « la fée
accoucheuse », « une agate », « un attelage de petits atomes », « les rayons des roues de son
char sont faits de longues pattes de faucheux », « son cocher est un petit cousin », etc.,
empruntées au règne animal et au règne végétal ; mais aussi au registre lyrique par les
énumérations ou accumulations, les parallélismes de construction, les anaphores, les rythmes
ternaires, etc. qui font de cette tirade un poème en prose. La reine Mab constitue une
allégorie poétique qui personnifie en fée l’activité inconsciente de l’esprit durant la nuit,
provoquant des rêves liés aux désirs et aux activités de chacun. Cette reine détient le
pouvoir de donner à chacun en rêve ce qu’il désire le plus.
ÉTUDIER UN THÈME :
LA RENCONTRE AMOUREUSE
21. C’est dans la scène 4 que naît l’amour entre Roméo et Juliette, au cours de la fête
traditionnellement organisée par Capulet ; Roméo s’y est introduit incognito, costumé et
masqué. Dans la salle de bal, il aperçoit pour la première fois Juliette et est immédiatement
sous le charme de sa beauté, au point d’oublier Rosaline. C’est lui qui courtise Juliette aussitôt
la danse terminée, en embrassant sa main puis sa bouche, sans savoir qui elle est. L’amour
naît donc par le regard puis par la parole et les baisers. Juliette est séduite par le langage
galant de Roméo et par ses baisers. La séduction est tout autant intellectuelle et morale que
physique.
Roméo et Juliette présentent des similitudes de comportement et de caractère, mais aussi des
différences. Ce qui les différencie, c’est que Roméo se croyait amoureux de Rosaline car il
attendait l’amour alors que Juliette n’y songeait pas. Mais leur coup de foudre est immédiat et
réciproque, sans qu’ils aient connaissance de leur identité. Ils sont donc aussi passionnés l’un
que l’autre, même si Roméo semble plus exalté que Juliette, plus sage et réservée.
22. Certaines répliques confirment que leur amour est menacé, comme l’avait annoncé le
chœur dans le prologue. À la fin de la scène 4, Roméo est troublé : « Mon âme pressent
qu’une amère catastrophe, encore suspendue à mon étoile, aura pour date funeste cette nuit
de fête, et terminera la méprisable existence contenue dans mon sein par le coup sinistre
d’une mort prématurée » (l. 581 à 585) ; dans la scène 5, Tybalt déclare : « Je vais me
retirer ; mais cette fureur rentrée, qu’en ce moment on croit adoucie, se convertira en fiel
amer » (l. 691-692) ; Roméo se lamente : « Ma vie est due à mon ennemie ! » (l. 725-726) ;
6
Juliette s’emporte : « Mon unique amour émane de mon unique haine ! Je l’ai vu trop tôt sans
le connaître et je l’ai connu trop tard. Il m’est né un prodigieux amour, puisque je dois aimer
un ennemi exécré ! » (l. 750 à 753).
ÉTUDIER L’EXTRAIT :
UN ACTE D’EXPOSITION
23. À la fin de l’acte I, le lecteur/spectateur sait que l’action se passe à Vérone et que
la maison des Capulets est au cœur de l’intrigue ; deux groupes de personnages antagonistes
se constituent : Roméo et ses amis d’une part, Juliette et sa famille d’autre part ;
l’atmosphère générale est passionnée, avec un mélange de violence et d’amour, de fête et
de vengeance. Alors que les Capulets et les Montagues se haïssent, Roméo oublie son amour
pour Rosaline en voyant Juliette, et Juliette, peu attirée par l’amour de Pâris, auquel la
destinent ses parents, tombe amoureuse de Roméo au premier mot. Tybalt, le cousin de
Juliette, a juré de se venger de l’humiliation subie à cause de Roméo.
24. À l’issue de cet acte, le lecteur/spectateur espère que la passion de Roméo et Juliette va se
développer, que l’amour de Roméo pour Juliette n’est pas aussi léger que pour Rosaline ;
mais il craint les conséquences de la haine des deux familles sur cet amour, le désir de
vengeance de Tybalt, la menace de mort du prince Escalus, le projet de mariage de Juliette
avec Pâris. Les scènes plaisantes de comédie ne font pas oublier les menaces qui planent sur
les deux jeunes gens.
LIRE L’IMAGE
25. La gravure de la page 41, dont la scène se déroule à la fin de l’acte I, représente la fin
de la fête chez les Capulets. On voit, dans un décor nocturne, la salle de danse et des
danseurs à l’arrière-plan, les invités masqués ; au premier plan, au bas de l’escalier qui
constitue peut- être le perron du palais, le vestibule avec deux candélabres, et les convives
massés autour de Roméo et Juliette. Roméo tient son masque dans une main et la main de
Juliette de l’autre (didascalie « Roméo, prenant la main de Juliette », l. 693), ils concentrent
l’attention de tous, comme le regard du spectateur qui suit un mouvement descendant du
haut vers le bas des marches. L’artiste a choisi une disposition en triangle, et Roméo et
Juliette sont au centre de sa base. Ils sont entourés de la nourrice à droite, de Tybalt à
gauche prêt à sortir son épée et retenu par Capulet derrière lui ; à droite se trouve le
groupe des amis de Roméo, dont Mercutio et Benvolio. L’amour naissant entre Roméo et
Juliette est traduit par la proximité des deux personnages, leurs mains jointes et leurs regards
liés l’un à l’autre. Ils sont l’objet de la curiosité de tous, mais aussi de leur désapprobation,
semble-t-il.
Le tableau placé en vignette au-dessus représente un édifice religieux, un monastère et son
cloître, avec une église à l’arrière-plan ; une foule à droite, qui accourt vers d’autres
personnages assemblés au bas de l’escalier d’entrée de l’édifice. C’est sans doute le
monastère du frère Laurence (et l’entrée du tombeau des Capulets ?) figurant la menace du
châtiment divin, comme une anticipation du destin des deux héros qui viennent de se
rencontrer (à la manière de la tirade du chœur dans le prologue, page 11). On aurait ainsi
une sorte de raccourci de l’histoire des « amants de Vérone », de leur rencontre à leur mort.
7
ACTE II (pp. 49 à 75)
AVEZ-VOUS BIEN LU ?
1. Selon le chœur (prologue, page 49), Roméo et Juliette ne peuvent se rencontrer librement
du fait de la haine réciproque de leurs familles. Ils ne peuvent donc s’avouer leur amour, car
ils sont considérés comme des ennemis.
2. Dans la scène 1, Mercutio et Benvolio cherchent Roméo, parce que celui-ci s’est esquivé
sans les prévenir lorsqu’ils quittaient ensemble la fête des Capulets, pour escalader le mur du
jardin de la maison des Capulets et tenter d’apercevoir Juliette. Ils croient que Roméo est
rentré chez lui.
3. Dans la scène 2, Juliette demande d’abord à Roméo s’il l’aime ; mais elle ne le laisse pas
jurer pour l’assurer de cet amour. Ensuite, en échange d’un aveu réciproque, elle demande à
Roméo si son intention est de l’épouser et, dans ce cas, de la faire prévenir le lendemain des
circonstances du mariage.
4. Dans la scène 3, avant l’arrivée de Roméo, le frère Laurence herborisait : il cueillait des
plantes médicinales pour confectionner des remèdes. C’est un effet d’annonce sur le philtre
qu’il donnera ensuite à Juliette pour la plonger dans un état cataleptique, et lui éviter le
mariage avec Pâris. Roméo vient lui demander de célébrer son mariage avec Juliette ce jour
même.
5. Dans la scène 4, après son intrusion à la fête des Capulets, Roméo est menacé d’un duel
avec Tybalt qui l’avait reconnu ; celui-ci a envoyé une lettre de provocation chez les
Montagues et Roméo ne voudra pas se dérober au combat. Or, Tybalt est un redoutable
adversaire, un habitué des duels, d’après Mercutio.
6. Dans cette même scène, Roméo demande à la nourrice de Juliette que celle-ci fasse en sorte
d’aller se confesser l’après-midi même, dans la cellule de frère Laurence, pour y être mariée à
Roméo par le moine. La nourrice, quant à elle, devra attendre derrière le mur de l’abbaye que
le valet de Roméo lui apporte une échelle de corde par laquelle il montera dans la chambre de
Juliette le soir.
7. Dans la scène 5, la nourrice s’amuse à faire attendre Juliette pour la faire enrager et rire de
son impatience. Elle fait semblant de critiquer Roméo, tout en faisant l’éloge de sa beauté ;
elle lui reproche un langage qui manque de poésie, mais reconnaît ses qualités morales : sa
douceur, sa loyauté, sa politesse et son honnêteté.
8. Dans la scène 6, le frère Laurence, avant de marier Roméo et Juliette, exprime sa crainte
que ce mariage secret ait d’éventuelles conséquences funestes.
ÉTUDIER LE VOCABULAIRE
ET LA GRAMMAIRE
9. L’adjectif « ineffables » (prologue, page 49, l. 17) est composé du préfixe négatif « in », du
suffixe de possibilité « ble », et du mot de base « effa » issu du verbe latin effari qui veut dire
« parler ». Celui-ci est lui-même formé du préfixe d’intensité « ex » et du verbe latin déponent
fari. L’adjectif ainsi formé signifie « que l’on ne peut exprimer ».
10. Dans la réplique de Juliette : « Je ne voudrais pas pour le monde entier qu’ils te vissent
ici » (scène 2, l. 130-131), la forme verbale « vissent » est la troisième personne du pluriel du
subjonctif imparfait du verbe « voir ». Le subjonctif est employé ici dans une proposition
subordonnée conjonctive complétive objet, après un verbe de volonté dans la proposition
principale.
Exemple de subjonctif dans une proposition indépendante : « que ton œil me soit doux »
(scène 2, l. 128). Le verbe « être » est à la troisième personne du singulier du subjonctif
8
présent, pour exprimer une exhortation, une demande, à la place de l’impératif qui n’existe
qu’à la seconde personne.
ÉTUDIER LE DISCOURS
11. Au début de la scène 2 (l. 60 à 103), Juliette parle sans savoir que Roméo l’entend, et
celui-ci répond sous forme d’apartés qui ne sont pas entendus de Juliette, jusqu’à la réplique
« Je te prends au mot ! » (l. 104). Mais les deux personnages ont des interlocuteurs
imaginaires, auxquels ils s’adressent par des apostrophes à la deuxième personne : Roméo
parle à l’aurore, il utilise des interjections (« Voilà », l. 64), des questions (« Que dit-elle ? »,
l. 71), des exclamations (« Ah ! si les étoiles », l. 76), et la deuxième personne du pluriel pour
parler aux lecteurs/spectateurs (« Voyez », l. 81). Puis Roméo parle à Juliette sans être entendu
d’elle : (« Oh ! parle encore », l. 85). Quant à Juliette, elle parle à Roméo comme s’il était
absent, en utilisant la deuxième personne du singulier : « Roméo, renonce à ton nom »
(l. 101). Ainsi les deux personnages effectuent un dialogue involontaire, en pensant parler
seuls.
12. Dans la scène 4, le comique verbal repose d’abord sur le badinage entre Mercutio et
Roméo qui échangent des plaisanteries et des jeux de mots spirituels en se répondant d’une
réplique à l’autre (sur « l’escarpin », l. 413, sur « l’oie », l. 427) ; puis à l’arrivée de la
nourrice, le comique reprend avec les moqueries et les obscénités des jeunes gens à son égard.
Enfin, à la fin de la scène, le comique repose sur le caractère de la nourrice, à la fois naïve et
susceptible, et sur son langage familier. Ses questions amusantes sur l’orthographe de
« Romarin » et de « Roméo » (l. 560) montrent son inculture, qui crée un contraste avec
l’esprit dont font preuve les trois jeunes gens.
ÉTUDIER LE GENRE :
LE LYRISME AMOUREUX
13. Procédés du registre lyrique dans cet acte : le thème de l’amour qui domine est sans doute
le thème lyrique par excellence, puisqu’il exprime un sentiment personnel qui en entraîne
souvent d’autres, comme la tristesse, la jalousie, l’impatience, la joie, etc. Ainsi le champ
lexical de la passion amoureuse est présent dès le prologue et se retrouve dans l’ensemble de
l’acte II. Les répliques de Mercutio, dans la scène 1, le complètent par des allusions à Vénus
et à Cupidon, ou des images empruntées à la magie.
14. Les comparaisons et les métaphores de Roméo pour décrire la beauté de Juliette, puis les
images précieuses dont l’un et l’autre se servent dans toute la scène 2 pour parler de leur
amour (comme celles du fauconnier et du tiercelet, l. 218), font sans conteste de cette scène la
plus lyrique de l’acte. Les adjectifs y sont innombrables, et la ponctuation expressive
(exclamations et interrogations rhétoriques) donne un rythme syncopé qui reproduit l’émotion
des amants. Il s’agit en effet de la scène de déclaration d’amour. Le frère Laurence s’exprime
lui aussi avec lyrisme, multipliant les images poétiques comme dans la scène 6.
ÉTUDIER L’ÉCRITURE
15. Dans la scène 3, la sentence prononcée par le frère Laurence : « les femmes peuvent faillir,
quand les hommes ont si peu de force » (l. 328-329) excuse la faiblesse des femmes dans la
fidélité amoureuse, leur légèreté de sentiments, en la justifiant par l’inconstance masculine.
Cette sentence s’applique à Roméo puisqu’il se disait épris à jamais de Rosaline et que la
seule vue de Juliette lui a fait immédiatement oublier son précédent amour.
16. Dans cette même scène, le frère Laurence s’exprime souvent par phrases sentencieuses,
car il est là pour rappeler la loi morale et religieuse, ce qui est la fonction même des
sentences : « La vertu même devient vice, étant mal appliquée, et le vice est parfois ennobli
9
par l’action » (l. 273-274) ; « Le souci fait le guet dans les yeux du vieillard, et le sommeil
n’entre jamais où loge le souci » (l. 286 à 288) ; « Allons sagement et doucement : trébuche
qui court vite » (l. 345-346). On les reconnaît aux présents de vérité générale, aux tournures
impersonnelles et au lexique moral.
ÉTUDIER UN THÈME :
LA PASSION AMOUREUSE
17. Dans la scène 2, le premier aveu est fait par Roméo : « Voilà ma dame ! Oh ! voilà mon
amour ! Oh ! si elle pouvait le savoir ! » (l. 70-71) qui parle seul, puis par Juliette qui croit
parler seule mais est entendue par Roméo : « Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce
nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière » (l. 101 à 103) ; puis le dialogue
commence véritablement entre eux : « Appelle-moi seulement ton amour, et je reçois un
nouveau baptême : désormais je ne suis plus Roméo » (l. 104 à 106). Ensuite, Roméo avoue
son amour à plusieurs reprises sans que Juliette lui réponde explicitement, alors qu’elle lui
demande au contraire de proclamer cet amour. Enfin, Juliette renonce à la pudeur féminine et
à la retenue due à son rang et son éducation pour avouer à son tour ses sentiments à Roméo
avec exaltation : « En vérité, beau Montague, je suis trop éprise » (l. 153). Toute la fin de la
scène 2 est un échange d’aveux amoureux qui constitue un duo où les deux personnages sont
à l’unisson l’un de l’autre.
18. Dans l’acte II, Roméo avoue aussi son amour pour Juliette au frère Laurence, tandis que
Juliette, impatiente, manifeste ses sentiments pour Roméo devant sa nourrice, sans retenue.
Les deux personnages, après un certain décalage dû à la réserve de Juliette, à son sexe, son
éducation et son âge, montrent la même exaltation amoureuse et la même franchise. Juliette
ne s’embarrasse pas de détours précieux, de pudibonderie ou d’hypocrisie ; de même, Roméo
ne s’abrite pas derrière une galanterie artificielle et convenue. La jeunesse et la sincérité des
deux personnages donnent à leur aveu une innocence et une justesse rares.
19. La phrase « ce que l’amour peut faire, l’amour ose le tenter » (scène 2, l. 123-124)
prononcée par Roméo en réponse aux craintes de Juliette sur sa présence dans le jardin des
Capulets la nuit montre sa confiance dans ses sentiments et leur légitimité, qui lui donnent
témérité et courage – ou peut-être inconscience – et transforment l’amoureux transi de l’acte I
en véritable héros.
20. Dans la scène 2, l’image du « fauconnier » et du « tiercelet » (l. 219) énoncée par Juliette
lui sert à exprimer la force du lien qui l’unit à Roméo : elle se compare au fauconnier qui
appelle l’oiseau dont il est le maître, et qui en est obéi à chaque appel ; elle prolonge ensuite
cette image par celle de l’oiseau captif d’une enfant, jalouse de sa liberté. Les deux images
traduisent la servitude de l’amant envers sa maîtresse, à qui il doit obéissance absolue, selon
les règles de la courtoisie médiévale, à laquelle ces images sont d’ailleurs empruntées
(cf. les Lais de Marie de France.)
ÉTUDIER L’EXTRAIT :
DES PÉRIPÉTIES HEUREUSES ?
21. L’acte II est l’acte des péripéties heureuses, autour de la préparation du mariage secret de
Roméo et Juliette. Le mot « joie » et son champ lexical sont présents tout au long de l’acte. En
effet, malgré la haine des deux familles et les menaces qui se profilent sur les héros, l’acte II,
tout entier sous le signe de l’amour avec la double déclaration de Roméo et de Juliette, est un
acte joyeux, grâce à la confiance des deux jeunes gens dans leur sincérité et dans la légitimité
de leur amour. Cette ambivalence – joie mêlée de crainte – était annoncée par les derniers
mots du chœur, dans le prologue (page 49) :
« Mais la passion leur donne la force, et le temps, l’occasion
10
De goûter ensemble d’ineffables joies dans d’ineffables transes » (l. 16 à
18).
Dans la scène 3, même le frère Laurence se laisse convaincre par l’enthousiasme de Roméo,
et accepte de les marier avec confiance car, d’après lui, « cette union peut, par un heureux
effet, changer en pure affection la rancune de vos familles » (l. 341 à 343). La présence
des amis de Roméo, Benvolio et surtout Mercutio, par leurs plaisanteries spirituelles
auxquelles se mêle Roméo lui-même, contribue à l’atmosphère joyeuse de l’acte (scènes 1 et
4). Il en est de même avec les moqueries de la nourrice à l’égard de l’impatience de
Juliette, à son retour (scène 5) ; elle aussi s’est laissée gagner par l’amour des deux jeunes
gens.
22. Pourtant, quelques phrases évoquent tout au long de l’acte les menaces qui pèsent contre
les amoureux (menaces humaines et divines de vengeances et de châtiments) : « Considère
qui tu es : ce lieu est ta mort, si quelqu’un de mes parents te trouve ici » (Juliette, scène 2,
l. 119-121) ; « Tybalt, le parent du vieux Capulet, lui a envoyé une lettre chez son père […].
C’est à l’auteur de la lettre qu’il répondra : provocation pour provocation » (Benvolio,
scène 4, l. 353-354 ; l. 359-360) ; « Veuille le ciel sourire à cet acte pieux, et puisse l’avenir
ne pas nous le reprocher par un chagrin ! » (frère Laurence, scène 6, l. 657-658).
LIRE L’IMAGE
23. La carte postale de la page 53 correspond au début de l’acte II, scène 2, pendant la nuit qui
succède à la rencontre de Roméo et Juliette à la fête des Capulets. Juliette sort sur son balcon
pour rêver tout haut à Roméo, sans savoir que celui-ci se cache en bas dans le jardin. Roméo
l’observe et commente son apparition : « Elle se tait… Mais non ; son regard parle, et je veux
lui répondre… Ce n’est pas à moi qu’elle s’adresse. Deux des plus belles étoiles du ciel,
ayant affaire ailleurs, adjurent ses yeux de vouloir bien resplendir dans leur sphère jusqu’à
ce qu’elles reviennent » (l. 71 à 75). Pour reproduire l’éloge que Roméo fait des yeux de
Juliette, l’artiste a donné beaucoup d’intensité à son regard, en lui faisant de grands yeux
perdus dans le vague. La jeune fille a la tête penchée sur l’épaule, dans une attitude de rêverie
mélancolique, et elle est encore parée de ses vêtements de bal. Elle pense à Roméo dont elle
vient de tomber amoureuse, mais elle connaît son identité, révélée par sa nourrice, et donc
l’impossibilité de cet amour, ce qui cause sa mélancolie (première réplique de Juliette
« Hélas ! », l. 84)
ACTE III (pp. 81 à 112)
AVEZ-VOUS BIEN LU ?
1. Dans la scène 1, Roméo répond sans colère aux insultes de Tybalt, car il sait que celui-ci
est le cousin de Juliette ; il fait donc partie de sa famille dorénavant et il est prêt à l’aimer
pour cette raison : « Je proteste que je ne t’ai jamais fait injure, et que je t’aime d’une
affection dont tu n’auras idée que le jour où tu en connaîtras les motifs… » (l. 75 à 77). Mais
Mercutio ne peut comprendre ce comportement, car il ne sait pas que Roméo a épousé Juliette
et que Tybalt est devenu le cousin de Roméo : « Ô froide, déshonorante, ignoble
soumission ! » (l. 79).
2. Dans cette même scène, Mercutio meurt, tué par Tybalt, alors que Roméo s’est interposé
entre eux pour arrêter le combat. Tybalt l’a touché « par-dessous le bras de Roméo » (l. 97).
Roméo est donc en quelque sorte responsable de la mort de son ami. Après sa mort, il se
reproche sa lâcheté, puisque c’est pour son honneur que s’est battu Mercutio. Il considère que
11
son amour pour Juliette l’a « efféminé » (l. 125). Il réagit par la colère contre Tybalt, le
provoque en duel et le tue.
3. Le prince Escalus condamne Roméo à l’exil, à la fin de la scène 1 ; il doit partir
immédiatement, sinon il sera tué. Le prince rejette toute possibilité de pardon.
4. Dans la scène 2, le début du dialogue entre Juliette et la nourrice repose sur un malentendu
à propos de la mort de Tybalt. Juliette croit que la nourrice parle de la mort de Roméo, car
celle-ci nomme Roméo puis Tybalt sans préciser qui est mort.
5. Dans cette même scène, la nourrice décide brusquement d’aller chercher Roméo car
Juliette, apprenant que Roméo est banni, annonce qu’elle va se tuer, ce qui terrifie la
nourrice : « À moi, cordes ! à moi, nourrice ! je vais au lit nuptial, et au lieu de Roméo, c’est
le sépulcre qui prendra ma virginité » (l. 341 à 343).
6. À la fin de la scène 3, le frère Laurence ordonne à Roméo de quitter Vérone « avant la fin
de la nuit » (l. 515) ou « à la pointe du jour sous un déguisement » (l. 518), aussitôt après sa
nuit de noces avec Juliette, et de rester à Mantoue. Il lui enverra des nouvelles par son valet.
7. Dans la scène 4, Capulet décide – lundi – que le mariage de Juliette avec Pâris aura lieu
jeudi, pour laisser le délai nécessaire au deuil de Tybalt.
8. Dans la scène 5, le dialogue entre Juliette et sa mère repose sur un quiproquo
volontairement entretenu par Juliette ; Lady Capulet croit que Juliette pleure la mort de son
cousin (sa « perte », l. 637, 640), alors que Juliette pense au bannissement de Roméo (« la
perte de cet ami », l. 640). Ensuite, le quiproquo se déplace sur la vengeance : Lady Capulet
parle de trouver Roméo pour l’empoisonner et venger Tybalt, alors que Juliette parle de le
retrouver pour l’aimer.
9. Dans cette même scène, à la fin de l’entretien, la nourrice propose à Juliette d’épouser le
comte Pâris, car jamais Roméo n’osera venir la retrouver et c’est comme si ce premier mari
était mort. D’ailleurs, elle trouve Pâris bien préférable à Roméo.
ÉTUDIER LE VOCABULAIRE
ET LA GRAMMAIRE
10. À partir de l’expression de Tybalt « tu es de concert avec Roméo » (scène 1, l. 49),
Mercutio fait un jeu de mots en prenant le mot « concert » (l. 49) dans le sens d’ensemble
musical ; il s’appuie pour cela sur le champ lexical de la musique : « ménestrels » (l. 51),
« désaccords » (l. 52), « archet », « danser » (l. 53).
11. Dans cette même scène, il joue également sur les mots après la réplique de Tybalt :
« Voici mon homme » (l. 62). Il fait semblant de comprendre que Roméo est le domestique de
Tybalt (son « homme »), alors que Tybalt veut dire qu’il a trouvé son adversaire. Mercutio
s’appuie sur le champ lexical de la servitude : « livrée » (l. 64), « suite » (l. 65).
12. À la fin de la scène 1, « Que Roméo se hâte de partir » (l. 208) est un subjonctif présent à
valeur d’ordre ; « l’heure où on le trouverait ici serait pour lui la dernière » (l. 208-209) est
un conditionnel présent à valeur hypothétique ; « Qu’on emporte ce corps et qu’on défère à
notre volonté » (l. 209-210) est un subjonctif présent à valeur d’ordre ; « la clémence ne fait
qu’assassiner en pardonnant à ceux qui tuent » (l. 210-211) est un indicatif présent à valeur
de vérité générale. C’est l’autorité du prince Escalus qui s’exprime ainsi.
ÉTUDIER LE DISCOURS
13. Dans le récit de de Benvolio à partir de « Tybalt, que vous voyez ici » (scène 1, l. 170
à 190), le discours narratif de Benvolio commence aux temps du passé puisque c’est un récit
rétrospectif : imparfait, puis passé composé. Il se poursuit au présent de narration à partir de
« oppose le fer » (l. 178) pour donner plus de vie au récit du combat. Puis il reprend au passé
avec le passé composé – qui remplace le passé simple dans un énoncé ancré – et l’imparfait.
12
La dernière phrase est au subjonctif présent, car elle exprime un souhait. Le champ lexical
dominant est celui du duel, très riche dans cette réplique. Les images sont soit des métaphores
(« avec l’humilité d’un suppliant agenouillé », l. 174, « Leur lutte a été un éclair »,
l. 187), soit des personnifications (« la fureur indomptable », l. 175, « il écarte d’une main la
froide mort », l. 179). Elles animent le récit. Les paroles rapportées le sont au discours
narrativisé au début (« En vain Roméo lui parlait sagement, lui disait », l. 171), puis au
discours direct (« Arrêtez, amis ! amis, séparez-vous ! », l. 181) pour les rendre avec plus de
vie et de force.
14. Dans la tirade prononcée par le frère Laurence à partir de « Retiens ta main
désespérée ! » (scène 3, l. 464 à 505), ce discours argumentatif, qui a pour objet de
détourner Roméo du suicide, utilise la ponctuation expressive : les phrases exclamatives et
interrogatives sont en effet nombreuses, surtout au début du discours. Les exclamations
servent à traduire la désapprobation du frère Laurence : il veut faire honte à Roméo sur son
lâche comportement. Les phrases interrogatives sont des questions rhétoriques qui doivent
faire réfléchir Roméo et lui faire prendre conscience de la meilleure attitude à adopter
dans ces circonstances. Les phrases sont également injonctives, avec les exhortations et les
ordres donnés à l’impératif ou au futur de l’indicatif. Le frère Laurence se sert aussi de
nombreuses répétitions qui produisent des rythmes binaires ou ternaires, destinés à donner
plus de force à ses paroles. Les arguments mis en avant sont le caractère efféminé du
comportement de Roméo qui lui fait honte, l’amour de Juliette et la confiance qu’elle a
mise en lui, l’ingratitude de Roméo face à son bonheur dont il n’a pas conscience. Il lui
montre les aspects positifs de sa situation pour lui redonner de la combativité et de la
volonté. Il appuie sa critique des défauts de Roméo sur des images variées, la monstruosité
animale, l’avarice, l’artifice et le mensonge, l’inaptitude ; des personnifications de la loi, de la
fortune.
ÉTUDIER LE GENRE : REBONDISSEMENTS
ET COUPS DE THÉÂTRE DRAMATIQUES
15. Différents rebondissements se succèdent dans l’acte III.
– Tybalt et Mercutio combattent sur la promenade publique : ce combat s’achève par la mort
de Mercutio (scène 1).
– Roméo et Tybalt combattent au même endroit : ce combat s’achève par la mort de Tybalt
(scène 1).
– Roméo est condamné à l’exil par le prince Escalus, toujours sur la promenade du Cours
(scène 1).
– Juliette menace de se suicider, dans le jardin de sa maison (scène 2).
– Roméo menace de mourir, dans la cellule du frère Laurence (scène 3).
– Dans la maison des Capulets, Capulet accepte le mariage de sa fille avec Pâris et fixe la date
au jeudi suivant (scène 4).
– Capulet menace Juliette de la désavouer et de la déshériter si elle refuse ce mariage (scène
5).
On passe donc de l’extérieur à l’intérieur, du lieu ouvert au lieu clos, dans un resserrement
tragique.
16. Ces rebondissements donnent un rythme précipité et angoissant à l’acte III ; le
lecteur/spectateur voit l’étau tragique se refermer autour de Roméo et Juliette dont le destin
bascule en très peu de temps du bonheur (leur mariage, à la fin de l’acte II) au malheur (leur
séparation). Le lecteur/spectateur est donc anxieux de savoir comment le sort des deux héros
va évoluer.
17. Les personnages secondaires associés aux rebondissements sont Benvolio pour les
combats, la nourrice pour le suicide de Juliette, le frère Laurence pour le suicide de Roméo,
13
Pâris, Capulet et Lady Capulet pour le mariage de Juliette. Dans cet acte, tous les personnages
qui ont une influence sur l’intrigue participent donc à l’action.
ÉTUDIER L’ÉCRITURE
18. L’expression « Oh ! je suis le bouffon de la fortune ! » (scène 1, l. 149) signifie : « Je suis
le jouet du destin ! ». Roméo, par une métaphore, se compare à ces valets des rois qui
servaient à leur amusement, en étant ridiculisés et en se prêtant à leurs caprices pour les
distraire. La fortune (ici, « le sort », « le hasard », « le destin », au sens du mot latin fortuna)
fait de Roméo ce qu’elle veut et se moque de lui.
19. Dans la réplique de Juliette à partir de « Ô cœur de reptile caché sous la beauté en
fleur ! » (scène 2, l. 284 à 293), les oxymores sont nombreux : « Gracieux tyran »,
« démon angélique », « corbeau aux plumes de colombe », « agneau ravisseur de loups »,
« méprisable substance d’une forme divine », « saint damné », « noble misérable »
appartiennent aux domaines de la politique, de la religion, de la morale, mais aussi au
règne animal ; ils traduisent l’idée de la duplicité, de l’hypocrisie, de l’opposition entre
l’être et le paraître.
Ils sont complétés par des antithèses hyperboliques : « Ô cœur de reptile »/« beauté en
fleur », « dragon » […] caverne »/« splendide », « l’esprit d’un démon »/« un corps si
exquis » , « vile rapsodie »/« livre […] si bien relié », « la perfidie »/« dans un magnifique
palais » qui appartiennent aux mêmes domaines, auxquels s’ajoute l’art.
La violence de ces formules et de ces images dans la bouche de Juliette suscite la surprise du
lecteur/spectateur, plus habitué à son lyrisme poétique et à sa retenue, d’autant qu’elle parle
ainsi de Roméo !
ÉTUDIER UN THÈME : LA VIOLENCE
20 et 21. La violence est omniprésente dans l’acte III.
– Dans la scène 1, il s’agit d’une violence physique contre autrui, puisque l’on assiste à deux
duels successifs, tout d’abord entre Mercutio et Tybalt, puis entre Tybalt et Roméo, les deux
combats se concluant par la mort de l’un des adversaires. Mais les duels ont été précédés de
violence verbale, car les adversaires se sont d’abord provoqués par des insultes, avant de
s’affronter. Mercutio est à l’origine du premier combat et il en est la victime ; Roméo est à
l’origine du second combat et Tybalt en est la victime.
– Dans la scène 2, il s’agit d’une violence verbale, car Juliette, apprenant la mort de Tybalt et
l’exil de Roméo, se laisse aller à la colère contre Roméo d’abord puis elle-même, contre Tybalt,
et enfin contre la décision du bannissement de Roméo. À la fin de la scène, elle menace de
retourner la violence contre elle-même en se suicidant. Elle est donc à l’origine de la violence
verbale et pourrait être victime de sa violence physique.
– Dans la scène 3, il s’agit encore une fois de violence verbale, provenant de Roméo, qui se
révolte contre son sort et sa condamnation à l’exil, et retourne la violence contre lui en menaçant
comme Juliette de se suicider.
– La scène 4, à première vue, ne semble pas receler de violence ; toutefois, on y trouve une
violence morale de la part de Capulet qui prend la décision de marier Juliette à Pâris, et de
fixer la date du mariage au jeudi, sans consulter sa fille sur ses sentiments. Capulet est donc à
l’origine de la violence dont Juliette va être la victime.
– Dans la seconde partie de la scène 5, avec l’arrivée de la mère de Juliette puis de son père, la
violence est verbale et morale : verbale avec les menaces d’empoisonnement de Roméo
formulées par Lady Capulet ; morale avec les menaces contre Juliette formulées par son père,
lorsqu’elle refuse le mariage avec Pâris. La violence verbale est présente jusqu’à la fin de
cette scène, par les insultes que Juliette profère contre la nourrice, qui trahit Roméo.
14
22. Le court passage qui échappe à la violence est le début de la scène 5, constitué par un duo
lyrique entre Roméo et Juliette (« le rossignol » et « l’alouette », l. 563), après leur nuit de
noces et juste avant leur séparation. Les thèmes en sont l’amour, la mort, la séparation.
ÉTUDIER L’EXTRAIT
L’ACMÉ DE LA PIÈCE
23. Dans la scène 1, la réplique de Roméo qui annonce la tragédie à venir est la suivante :
« Ce jour fera peser sur les jours à venir sa sombre fatalité : il commence le malheur,
d’autres doivent l’achever » (l. 131-132). Avant même sa condamnation à l’exil, Roméo a
compris que le meurtre de Tybalt entraînait la séparation d’avec Juliette – le malheur – et la
série de malentendus qui provoqueront la catastrophe finale. Cette réplique est prémonitoire,
parce qu’il y prévoit l’évolution tragique vers la mort de leurs destinées.
24. La scène qui constitue l’acmé de la pièce peut donc être la scène 1 de l’acte III, parce
qu’elle voit le bannissement de Roméo, conséquence du double meurtre – de Mercutio par
Tybalt et de Tybalt par Roméo – qui produit la mise en marche de la fatalité tragique comme
Roméo lui-même le laisse entendre dans sa réplique prémonitoire. Cette condamnation à l’exil
entraîne la séparation des amants, la solitude de Juliette, son impossibilité d’avouer son
mariage à ses parents pour refuser celui avec Pâris. Il ne lui reste donc que le subterfuge
proposé par le frère Laurence, qui provoque les malentendus et les morts en chaîne de
l’acte V.
Mais on peut aussi considérer que l’acmé se situe dans la scène 4, avec la décision de Capulet
de marier Juliette à Pâris, ce qui noue totalement l’action et précipite les événements. Car
Juliette est prise au piège, et c’est par fidélité à Roméo et par honnêteté qu’elle réclame au
frère Laurence un moyen pour échapper à ce second mariage. Le breuvage et la fausse mort
de Juliette entraînent ensuite la mort de Pâris, celle de Roméo et enfin celle de Juliette ellemême, dans le schéma classique de la catastrophe finale.
LIRE L’IMAGE
25. La photo d’une mise en scène contemporaine de la pièce, page 104, est surprenante à
cause du choix du décor et des costumes, « modernes » ou plutôt « intemporels ». Le
dépouillement du décor, extrêmement anguleux, sévère et triste, est bien loin de l’image de
l’Italie traditionnelle. Le balcon figure symboliquement la « cage » qui enferme Juliette et qui
l’empêche de partir avec Roméo. Cette photo se situe au moment précis où Roméo quitte
Juliette en descendant par le balcon, comme il est venu : « Adieu, adieu ! un baiser, et je
descends » (l. 602). La mise en scène a conservé le balcon par lequel Roméo s’enfuit de
l’appartement de Juliette après leur nuit de noces, mais pas l’échelle de cordes fournie par la
nourrice. Les deux acteurs semblent très jeunes, comme dans la pièce de Shakespeare. Ils ont
du mal à se quitter et leurs mains se rejoignent une dernière fois, dans un geste de tendresse et
d’union. Leurs visages sont tournés l’un vers l’autre et leurs regards restent rivés. Ils
traduisent leur amour et leur angoisse de l’avenir. Le metteur en scène veut accentuer pour le
spectateur l’impression d’enfermement de Juliette, la difficulté et la souffrance de leur
séparation. Le décor froid connote la tristesse et annonce le malheur qui les attend.
26. Les personnages présents sur la gravure de la page 109 sont la nourrice à gauche, la mère
et le père de Juliette à droite, et Juliette mise en valeur au premier plan, au centre. Cette
gravure correspond à la réplique de Juliette : « Juliette s’agenouillant. Cher père, je vous en
supplie à genoux, ayez la patience de m’écouter ! rien qu’un mot ! » (l. 721-722). La nourrice
est représentée âgée, s’appuyant sur sa canne, et elle semble apitoyée par Juliette. Lady
Capulet retient son mari par le bras, elle s’interpose devant la colère et la violence de son
époux. Celui-ci semble prêt à frapper sa fille. Juliette s’est agenouillée à ses pieds et, dans le
15
geste rituel des suppliants de l’Antiquité, elle saisit les genoux de son père pour lui adresser sa
prière. Elle veut le supplier de renoncer au projet de mariage avec Pâris. La scène est
pathétique, la fureur de Capulet est bien rendue, comme le désespoir de Juliette. C’est une
illustration réaliste très fidèle au texte.
ACTE IV (pp. 117 à 132)
AVEZ-VOUS BIEN LU ?
1. Dans la scène 1, le frère Laurence s’oppose à la date prévue pour le mariage de Juliette
avec Pâris – jeudi – en prétextant que cette date est trop proche et que Pâris ne connaît pas
encore les sentiments de Juliette à son égard. Mais le véritable motif est que Juliette est déjà
secrètement mariée avec Roméo, et que c’est lui-même qui a célébré leur mariage.
2. Dans cette même scène, Juliette menace de se suicider si le frère Laurence ne peut
empêcher son mariage avec Pâris (« Elle montre un poignard », didascalie l. 61).
3. Toujours dans cette scène, pour que Juliette échappe au mariage avec Pâris, le frère
Laurence lui propose de boire une potion le lendemain soir, qui la fera paraître morte alors
qu’elle ne sera que profondément endormie (dans un état de catalepsie). Elle restera près de
deux jours dans cet état. Ensuite, après ses funérailles, Roméo et le frère Laurence viendront
la chercher dans le caveau familial, à son réveil, pour l’emmener à Mantoue.
4. Dans la scène 2, Juliette explique à son père son changement de comportement envers lui,
par l’intervention du frère Laurence qui l’a convaincue, en confession, de lui demander
pardon pour sa désobéissance.
5. Dans la scène 3, le soir même, seule dans sa chambre, avant de boire le breuvage donné par
le frère Laurence, Juliette est prise de terreur. Elle craint que ce ne soit un poison ; elle a peur
ensuite de se réveiller dans le tombeau avant l’arrivée de Roméo et d’y être seule avec les
morts – dont son cousin Tybalt – et d’en perdre la raison.
6. La scène 4 se déroule durant la nuit, précisément au petit jour : elle décrit les préparatifs du
mariage effectués par Capulet, sa femme et leurs domestiques. Pendant que la noce se
prépare, Juliette boit la potion et tombe en catalepsie. La maisonnée la trouve apparemment
morte au petit jour. C’est un exemple d’« ironie tragique » et le lecteur/spectateur en sait plus
que les personnages.
7. Dans la scène 5, le frère Laurence interrompt brutalement les plaintes des Capulets et de la
nourrice face à la fausse mort de Juliette, en leur imposant silence : « Silence, n’avez-vous pas
de honte ? » (l. 336). Il leur démontre qu’elle est au ciel et donc heureuse. Ils devraient avoir
honte de pleurer, puisque Juliette s’est élevée jusqu’au ciel. D’après lui, il vaut mieux mourir
jeune et heureuse que vivre longtemps mariée. Il leur fait la morale en justifiant la « mort » de
Juliette par un mystérieux châtiment divin à leur encontre : « Le ciel s’appesantit sur vous,
pour je ne sais quelle offense » (l. 359).
ÉTUDIER LE VOCABULAIRE
ET LA GRAMMAIRE
8. Dans sa tirade de la scène 3 (l. 191 à 227), Juliette utilise principalement des propositions
subordonnées conjonctives, compléments circonstanciels d’hypothèse, introduites par la
conjonction de subordination « si ». Ces subordonnées hypothétiques sont associées au champ
lexical de la mort : « breuvage », « poison », « mourir », « tombeau », « mort », « caveau »,
etc. Cela traduit l’angoisse de Juliette au moment de boire la potion qui va lui donner
l’apparence de la mort, puisqu’elle imagine tout ce qui peut arriver dans le tombeau. Les
hypothèses traduisent un état proche du délire, provoqué par l’angoisse.
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9. Au sens propre, l’expression « son argentin » (scène 5, l. 402) employée par Pierre et les
musiciens signifie « qui résonne clair comme l’argent » (c’est-à-dire comme le métal). Ils font
ensuite une série de jeux de mots avec le nom « argent » sur lequel est formé l’adjectif
« argentin » : la musique aurait un son argentin quand elle rapporte de l’argent aux musiciens.
Pierre se moque d’eux en disant que de piètres musiciens comme eux gagnent rarement de
l’or grâce à leur musique. D’ailleurs, il ne les paye pas.
ÉTUDIER LE DISCOURS
10. Dans la scène 5, le type de phrase dominant est la phrase de forme exclamative, utilisée
par tous les personnages présents, alternativement, au moment de la découverte de la mort
apparente de Juliette. La récurrence de cette ponctuation expressive traduit la stupéfaction et
le bouleversement des personnages présents : leur incrédulité, leur désespoir et leur révolte ;
puis les reproches de frère Laurence à tous.
11. Dans les lamentations, les répliques des différents personnages se répondent en échos, par
des reprises de mots ou d’expressions identiques d’une réplique à l’autre. La nourrice : « Elle
est morte, décédée, elle est morte ; ah ! mon Dieu ! » (l. 294-295). Lady Capulet : « Mon
Dieu ! elle est morte ! elle est morte ! elle est morte ! » (l. 296-297). La réplique de la
nourrice : « Ô douleur ! ô douloureux, douloureux, douloureux jour ! » (l. 322-323) est
l’imitation dérisoire et grotesque de la réplique précédente, dite par Lady Capulet, car elle ne
sait que répéter les mêmes mots sans le lyrisme élégiaque de sa maîtresse.
ÉTUDIER LE GENRE :
UNE TRAGICOMÉDIE
12. Le genre de l’acte IV est à la fois celui du comique et du tragique.
• Les scènes qui relèvent de la comédie sont :
– le début de la scène 1, par le thème du mariage, puis par le dialogue entre Pâris et Juliette
qui s’apparente à une scène de « dépit amoureux » propre aux comédies ;
– la scène 2 est tout entière une scène de comédie par les préparatifs du mariage, le registre
comique, la présence des valets, la réconciliation entre Juliette et son père ;
– la scène 4 est une scène de comédie par les préparatifs de la fête et la présence des valets ;
– la fin de la scène 5 est comique parce que les musiciens se disputent avec Pierre le valet et
qu’ils s’insultent.
• Les scènes qui relèvent de la tragédie sont :
– la seconde partie de la scène 1 entre Juliette et le frère Laurence par la présence du moine,
par le thème de la mort et le registre tragique ;
– la scène 3 est tragique par la solitude de Juliette, le thème de la mort, le lieu évoqué, les
registres pathétique et fantastique du long monologue de Juliette ;
– le début de la scène 5 est tragique, car on y découvre la mort présumée de Juliette et que
tous se lamentent.
13. Les registres de ces scènes alternent régulièrement, une scène de comédie précédant et
suivant une scène de tragédie. L’effet produit sur le lecteur/spectateur par ce contraste est
d’éviter une tension dramatique trop continue et forte, d’alléger ou de faire retomber cette
tension par des moments joyeux ou même drôles comme les disputes des valets.
17
ÉTUDIER L’ÉCRITURE
14. Une « complainte » est une chanson populaire d’un ton plaintif dont le thème est tragique
ou pieux. L’expression « complainte joyeuse » (scène 5, l. 374-375) est donc un oxymore,
puisque le sens du nom et de l’adjectif qui forment le groupe nominal s’oppose fortement :
par définition, une complainte est triste et non joyeuse.
15. La phrase prononcée par Capulet : « Le sépulcre est mon gendre, le sépulcre est mon
héritier, le sépulcre a épousé ma fille » (scène 5, l. 312-313) repose sur un rythme ternaire,
produit par les trois propositions construites symétriquement, et par l’anaphore du sujet « le
sépulcre » répété en tête de proposition. D’autre part, le « sépulcre » est personnifié par les
termes qui lui sont associés : « gendre », « héritier » et « épousé ma fille ». L’effet produit est
un effet d’insistance sur le tragique de la situation par la mise en valeur et la répétition du mot
qui désigne le tombeau, et un effet d’horreur par l’image évoquée au travers de la
personnification, comme si Juliette avait épousé la mort.
ÉTUDIER UN THÈME :
LA CÉRÉMONIE
16. Les deux cérémonies évoquées dans cet acte sont un mariage et des funérailles, Juliette
étant le personnage concerné par les deux.
– Les termes qui se rapportent au mariage sont : « le fiancé » (scène 1, l. 105), « mariée »
(scène 3, l. 201), « déflorée » (scène 5, l. 311), « fête » (scène 5, l. 352), « bouquet nuptial »
(scène 5, l. 355), etc. ».
– Les termes qui se rapportent aux funérailles : « cercueil » (scène 1, l. 108), « cadavre »
(scène 1, l. 103), « caveau » (scène 1, l. 109), « sépulcre » (scène 5, l. 312), etc.
– Les éléments communs aux deux cérémonies : « se parer » (scène 3, l. 170), « les
parures » (scène 3, l. 161), « la toilette » (scène 3, l. 176), « aller à l’église » (scène 5, l. 307),
etc. Les termes communs sont nombreux, puisque tout l’acte repose sur cette ambiguïté, dont
joue Juliette au début de la scène 3 en répondant à sa nourrice et à sa mère.
17. La réplique prononcée par Capulet dans la scène 5 est la suivante : « Tous nos préparatifs
de fête se changent en appareil funèbre […] et tout change de destination » (l. 352 à 356). Il y
exprime le lien entre les noces de Juliette et ses funérailles – la métamorphose de l’un en
l’autre, très exactement – par une série de comparaisons dont les comparants et les comparés
sont antithétiques : « concert »/« glas » (l. 353), par exemple.
ÉTUDIER L’EXTRAIT :
« L’ACTE DE JULIETTE »
18. Il est difficile en effet de comprendre comment un moine, qui respecte la religion, peut
proposer à Juliette l’artifice d’un breuvage qui lui donne l’apparence de la mort. Mais il y est
contraint par plusieurs facteurs : sa responsabilité dans les événements, puisqu’il a accepté
d’unir secrètement Roméo et Juliette, le déshonneur de Juliette si elle doit effectivement être
mariée à Pâris alors qu’elle l’est déjà à Roméo, et enfin la menace de suicide de Juliette s’il ne
trouve pas une solution pour empêcher ce second mariage. Tout cela est clairement expliqué
par Juliette dans la scène 1 : « et, avant que cette main, engagée par toi à Roméo, scelle un
autre contrat, avant que mon cœur loyal, devenu perfide et traître, se donne à un autre, ceci
aura eu raison de tous deux » (c’est-à-dire le poignard, l. 62 à 65).
19. On peut appeler cet acte « l’acte de Juliette » parce que la jeune fille y est présente dans
toutes les scènes, en vie ou faussement morte. Dans la seule scène où elle n’est pas présente
physiquement, la scène 4, Capulet demande à la nourrice d’aller l’éveiller et de l’habiller pour
le mariage. Toute l’action de l’acte IV tourne autour d’elle, de son mariage précisément, que
ce soit pour le préparer ou pour y échapper.
18
Elle montre dans cet acte de l’esprit et de la détermination face à Pâris, de la fidélité pour
Roméo, du courage, de la résolution et le sens de l’honneur avec le frère Laurence, de la ruse
qui s’apparente à de la rouerie face à son père, et de l’anxiété quand elle est seule dans sa
chambre avant de boire la potion. On comprend qu’elle est prête à tout pour ne pas trahir
Roméo, même à mentir à son père, ou à affronter la terreur de la solitude du tombeau.
Pourtant, c’est une toute jeune fille, humaine et sensible, et elle est terrorisée par ce qui
l’attend. Elle est mue par son amour total et profondément sincère pour Roméo, par son refus
du déshonneur, qui lui donnent assez de force pour tout affronter.
20. La péripétie sur laquelle repose cet acte – la fausse mort de Juliette – annonce
le dénouement, parce que Juliette y a l’apparence de la mort dont elle et son entourage font
une sorte de répétition macabre (lamentations, cérémonie funèbre, mise au tombeau),
avant de mourir véritablement dans le dernier acte, en se suicidant.
LIRE L’IMAGE
21. La gravure de la page 128 représente la fausse mort de Juliette (acte IV, scène 5). Juliette
est mise en valeur par l’artiste tout d’abord par le lit sur lequel elle repose, qui occupe les
deux tiers de l’image au premier plan ; la jeune fille y est étendue horizontalement alors que
les autres personnages sont debout, ce qui attire les regards vers elle. Ensuite, la blancheur du
linge qui l’entoure, sa robe et ses draps, constitue une tache claire qui contraste avec le reste
du décor sombre, mis à part la robe de la jeune femme agenouillée à gauche. Enfin, tous les
personnages l’entourent ou sont tournés dans sa direction, et le regard du lecteur suit leurs
regards. Autour de Juliette endormie, on identifie : à droite, son père, Capulet ; derrière sa
tête, la nourrice, qui lève les mains au ciel, penchée sur elle ; Pâris la tient dans ses bras ; le
frère Laurence lève un bras au ciel ; Lady Capulet, à la droite de celui-ci, se tord les mains.
Les personnages de gauche sont peut-être des musiciens, des domestiques et des invités de la
noce. L’artiste a placé la mère de Juliette au centre de l’image pour accentuer le pathétique de
la scène, en mettant en évidence sa douleur maternelle. D’ailleurs Juliette est encadrée par sa
mère – à ses pieds – et son père – à sa tête. Tous les personnages sont horrifiés et désespérés
de la mort de Juliette, et en appellent à Dieu en levant les mains au ciel. Le frère Laurence
semble prononcer cette réplique de reproche adressé à tous : « Silence, n’avez-vous pas de
honte ? Le remède aux maux désespérés n’est pas dans ces désespoirs » (scène 5, l. 336-337).
ACTE V (pp. 137 à 152)
AVEZ-VOUS BIEN LU ?
1. Dans la scène 1, à l’annonce de la mort de Juliette, Roméo décide d’acheter du poison à un
apothicaire de Mantoue, bien que la vente en soit interdite, pour se suicider.
2. Dans la scène 2 survient un terrible contretemps. Le frère Laurence demande au frère Jean
de porter une lettre à Roméo, à Mantoue, pour l’informer de son stratagème et lui dire de
venir chercher Juliette à son réveil dans le tombeau ; mais le frère Jean est enfermé dans une
maison par les inspecteurs de la ville, qui craignaient la contagion de la peste, et il ne peut
quitter Vérone. Personne n’a donc prévenu à temps Roméo que Juliette n’était qu’endormie.
3. Dans la scène 3, Pâris justifie sa présence au cimetière par les « rites funèbres » (l. 132)
qu’il veut accomplir chaque nuit sur la tombe de Juliette, en y répandant des fleurs et des
pleurs. Roméo prétend être venu pour revoir le visage de Juliette et pour prendre un anneau
précieux qu’elle porte à son doigt.
19
4. Dans cette même scène, Pâris défie Roméo car il pense que celui-ci est responsable de la
mort de Juliette pour avoir tué son cousin Tybalt, et qu’il est venu au cimetière pour outrager
les cadavres et poursuivre sa vengeance. Roméo n’avait pas reconnu Pâris avant de l’avoir
tué, et il ne voulait pas se battre avec le jeune homme qui le défiait. Après avoir reconnu
Pâris, il l’emporte dans le caveau auprès de Juliette, selon les dernières volontés du comte.
5. Toujours dans cette scène, le frère Laurence vient au cimetière pour être présent au réveil
de Juliette et l’emmener hors du cimetière, dans sa cellule, en attendant l’arrivée de Roméo
qu’il a fait prévenir par un second message. Mais en voyant les cadavres de Roméo et de
Pâris, puis le réveil de Juliette, il lui recommande de quitter aussitôt ce lieu et veut la faire
entrer dans un couvent.
6. Les gardes arrivent au cimetière, prévenus par le page de Pâris qui a vu son maître se battre
avec un inconnu.
7. Pour savoir la vérité sur ce qui vient de se passer au cimetière, le prince Escalus interroge
successivement le frère Laurence, puis le valet de Roméo, Balthazar, et enfin le page de Pâris.
8. À la fin de la scène 3, pour honorer leurs enfants défunts, les Capulets et les Montagues se
réconcilient et décident d’ériger deux statues d’or représentant Juliette et Roméo, monument
en leur honneur et en leur mémoire.
ÉTUDIER LE VOCABULAIRE
ET LA GRAMMAIRE
9. Dans la phrase de l’apothicaire : « eussiez-vous la force de vingt hommes, vous serez
expédié immédiatement » (scène 1, l. 74-75), « eussiez-vous la force de vingt hommes » est
une subordonnée hypothétique, complément circonstanciel de condition du verbe
« expédier ». Si le verbe de la proposition principale passe au conditionnel présent, il s’agit de
l’expression de l’irréel du présent : « Même si vous aviez la force de vingt hommes, vous
seriez expédié immédiatement. »
10. Dans la réplique de Roméo : « C’est moi qui te vends le poison » (scène 1, l. 79), le verbe
« vendre » est à la première personne du singulier, il s’accorde avec son sujet, le pronom
relatif « qui », lequel a pour antécédent le pronom personnel « moi » auquel il emprunte sa
personne.
11. Dans la réplique de Jean : « nous ayant rencontrés tous deux dans une maison qu’ils
soupçonnaient infectée de la peste » (scène 2, l.92-93), le premier participe passé
« rencontrés » s’accorde avec le COD « nous » placé avant l’auxiliaire « avoir », au masculin
pluriel ; le deuxième participe passé « infectée » s’accorde avec « qu’ » mis pour « une
maison » ; « infectée » est attribut du COD « qu’ ».
ÉTUDIER LE DISCOURS
12. Dans le récit du frère Laurence à partir de : « Je serai bref » (scène 3, l. 358 à 388),
l’énoncé est à la fois ancré et coupé de la situation d’énonciation, car ce passage relève du
discours et du récit tout à la fois. En effet, c’est le système-temps passé qui domine avec les
temps de l’imparfait, du plus-que-parfait, du futur du passé et du passé simple auquel se
substitue le passé composé, qui appartient au système-temps présent. Les verbes sont à la
première personne du singulier quand l’énonciateur parle de lui-même et à la troisième
personne pour les autres personnages, sauf Capulet à qui le frère Laurence s’adresse
directement à la deuxième personne du pluriel. Les indices spatio-temporels « ici
gisant », « cette cité », « dès cette nuit fatale », « hier soir », etc. relèvent du système
ancré dans la situation d’énonciation. Le présent « Elle s’éveille » est un présent de narration,
comme ceux qui suivent, pour rendre le récit plus vivant. « Voilà tout ce que je sais » est un
présent d’énonciation.
20
13. L’indice de l’énonciation qui montre que le récit du frère Laurence est inséré dans le
dialogue est l’apostrophe « vous » (« Vous, pour chasser la douleur qui assiégeait votre
fille », l. 364-365) adressée à Capulet, présent lors de cette scène. La reprise du dialogue
s’effectue à partir de la phrase : « Voilà tout ce que je sais » (l. 386).
ÉTUDIER LE GENRE :
LA « CATASTROPHE » FINALE
14. La composition de la scène 3 comporte six mouvements qui vont clore cette tragédie.
– Premier mouvement : du début de la scène jusqu’à « Nuit, voile-moi un instant » (l.
133), Pâris arrive au cimetière.
– Second mouvement : depuis « Donne-moi cette pioche » (l. 139) jusqu’à « Je meurs ainsi…
sur un baiser ! » (l. 227), Roméo tue Pâris et se suicide sur le corps de Juliette.
– Troisième mouvement : depuis « Saint François » (l. 231) jusqu’à « Rouille-toi là et laissemoi mourir ! » (l. 286), le frère Laurence découvre les corps de Pâris et de Roméo, tandis que
Juliette se réveille et se suicide à son tour.
– Quatrième mouvement : depuis « Voilà l’endroit » (l. 289) jusqu’à « Produisez ceux qu’on
soupçonne » (l. 351), le guet puis le prince Escalus, les Capulets et les Montagues découvrent
les morts.
– Cinquième mouvement : depuis « Tout impuissant que j’ai été » (l. 353) jusqu’à « reposer
près de Juliette » (l. 411), le prince Escalus interroge les témoins.
– Sixième mouvement : depuis « Où sont-ils ces ennemis ? » (l. 412) jusqu’à la fin (l. 430),
les deux familles se réconcilient.
Le mouvement qui constitue la « catastrophe » est le troisième mouvement au cours duquel
Juliette se suicide en découvrant la mort de Roméo, car le stratagème du frère Laurence a
totalement échoué.
15. Ce qui fait le lien d’un mouvement à l’autre dans la scène 3, c’est l’arrivée successive
dans le même lieu de tous les personnages importants de cette tragédie (Pâris, Roméo, le frère
Laurence, Juliette, le prince Escalus, les Capulets et les Montagues), et l’enchaînement des
malentendus dans la première partie de la scène jusqu’à la « catastrophe ». Seule la nourrice
n’est pas présente.
16. Shakespeare n’a pas scindé cette scène pour lui donner un rythme soutenu, en ne
ménageant aucun temps mort dans la tension dramatique. On ressent plus fortement
l’impression d’un engrenage tragique que rien ne peut arrêter jusqu’au dénouement, selon le
principe même de la fatalité antique.
ÉTUDIER L’ÉCRITURE
17. Dans le monologue de Roméo à partir de : « Examinons cette figure » (scène 3, l. 189
à 227), de nombreuses figures de style traduisent l’état du personnage. Les métaphores,
comparaisons et personnifications poétisent le langage en faisant naître des images variées et
fantastiques, dont la mort est le thème commun ; elles sont souvent renforcées par des
hyperboles : « l’âpre adversité a inscrit comme moi sur son livre ! », « un tombeau
triomphal », « un louvre splendide » , « une salle de fête illuminée », « enterré par un
mort », « La mort qui a sucé le miel de ton haleine », « la flamme de la beauté », « le
pâle drapeau de la mort », « le spectre de la Mort », « l’affreux monstre décharné »,
« ta chambrière, la vermine ! », « au joug des étoiles ennemies », « amer conducteur […]
âcre guide […] Pilote désespéré […] ma barque épuisée ». On y trouve le lexique de la
lumière, du combat, de la navigation.
Les types de phrases, interrogatives et exclamatives, traduisent le bouleversement de Roméo.
21
18. Ce même monologue fait songer au délire de Juliette juste avant de boire la potion donnée
par le frère Laurence. Roméo semble sous l’effet de visions délirantes, provoquées par
l’exaltation et la volonté de mourir comme Juliette. Ce monologue accentue la tension
dramatique, d’autant que le lecteur/spectateur en sait plus que Roméo, et assiste impuissant au
malentendu qui provoque sa mort. C’est l’ironie tragique.
ÉTUDIER UN THÈME :
UN DÉCOR GOTHIQUE
19. Les indications qui décrivent le cimetière dans la scène 3 sont très nombreuses.
– Dans les didascalies : « Un cimetière au milieu duquel s’élève le tombeau des Capulets »
(l. 112-114), « allant au tombeau » (l. 159), « Montrant les tombeaux » (l. 173), « Allant à un
autre cerceuil » (l. 208), « à l’autre extrêmité du cimetière » (l. 229), etc.
Dans les répliques : « ces ifs là-bas » (l. 117), « le sol du cimetière, tant de fois amolli et
fouillé par la bêche du fossoyeur » (l. 119-120), « cette alcôve de la mort » (l. 141), « ce
cimetière affamé » (l. 147), « Horrible gueule […] une nouvelle proie ! » (l. 159 à 163), « un
tombeau triomphal […] un louvre splendide » (l. 196 à 198), « une salle de fête illuminée »
(l. 199), « ce sinistre palais de la nuit » (l. 216-217), « ce lieu de paix » (l. 259), « ce
sang qui tache le seuil de pierre de ce sépulcre » (l. 259-260), « ce nid de mort, de
contagion, de sommeil contre nature » (l. 267-269), « Le sol est sanglant » (l. 291).
20. Au début de la scène 3, le cimetière est présenté comme un lieu de paix, de recueillement,
avec ses arbres et ses fleurs ; peu à peu, sa présentation change, à cause de la mort de Pâris et
de l’entrée de Juliette dans le tombeau. Le sang et la mort remplacent les images de fleurs et
de paix. Plus que le cimetière (sauf pour les valets de Pâris et de Roméo qui craignent d’y
rester seuls), c’est le tombeau qui est inquiétant, même si Roméo le glorifie par des images
hyperboliques. L’image du « nid de mort contagieux » utilisée par le frère Laurence est
particulièrement évocatrice.
21. Le cimetière avait été précédemment présenté par Juliette dans l’acte IV, scène 3, juste
avant de boire la potion du frère Laurence. Juliette l’avait présenté comme un lieu morbide,
inquiétant et maléfique, sous l’effet de son délire provoqué par l’angoisse.
ÉTUDIER L’EXTRAIT :
« L’ACTE DE ROMÉO »
22. Roméo semble résolu et déterminé à mourir quand il s’adresse à son valet pour le menacer
s’il s’avise de l’épier. Il refuse ensuite de se battre avec Pâris, comme il l’avait fait avec
Tybalt, ce qui confirme son caractère pacifique. Il est noble et généreux avec son rival, dont il
emporte le corps auprès de Juliette, comme celui-ci le lui a demandé juste avant de mourir. Il
se montre passionné face à Juliette endormie, qu’il croit morte, et admire sa beauté comme il
l’a fait dès leur rencontre. Enfin, il se donne la mort sans hésitation ni regret.
23. Pâris, Juliette, les Capulets et les Montagues, à leur arrivée, sont fidèles à eux-mêmes.
Pâris est tendre et compatissant, mais aussi vindicatif face à Roméo. Juliette est déterminée.
Les Capulets et les Montagues incriminent le sort sans envisager leur responsabilité. La fuite
du frère Laurence surprend le lecteur/spectateur, qui l’aurait cru plus courageux. La
réconciliation finale des Capulets avec les Montagues est également étonnante car elle montre
un revirement brutal des deux familles.
24. Le prince exprime la leçon morale de la pièce dans son avant-dernière réplique : « Voyez
par quel fléau le ciel châtie votre haine : pour tuer vos joies il se sert de l’amour ! Et moi,
pour avoir fermé les yeux sur vos discordes, j’ai perdu deux parents. Nous sommes tous
punis » (l. 413 à 416). Ces phrases dénoncent la responsabilité des Capulets et des Montagues
dans la mort de Roméo et de Juliette, qui est présentée comme un châtiment divin. L’amour
22
de Roméo et de Juliette ainsi que leur sacrifice causeront le désespoir éternel de leurs parents,
qui en sont responsables. D’ailleurs, cette réplique provoque la prise de conscience de leur
culpabilité par les Capulets et les Montagues qui se réconcilient aussitôt et décident d’ériger
un monument commun à leurs enfants.
LIRE L’IMAGE
25. Sur la gravure de la page 146, on voit au centre Juliette qui se réveille dans le tombeau ;
au premier plan, à gauche, Pâris est étendu mort ; aux pieds de Juliette se trouve Roméo, mort
lui aussi ; au-dessus de Juliette se trouve le corps de Tybalt, son cousin, en position de gisant,
les mains jointes ; et à droite, en train de descendre l’escalier, apparaît le frère Laurence. Ce
dernier tient une torche dans la main droite et une bêche dans la main gauche ; derrière lui est
posée une lanterne. Roméo tient dans sa main gauche la fiole qui contenait le poison, et
devant Pâris se trouvent les deux épées qui ont servi à leur duel. Les trois personnages du
premier plan sont disposés en triangle, dont le sommet est formé par le bras gauche étendu de
Juliette. La blancheur dont Juliette est nimbée évoque un spectre, mais aussi la pureté ; elle est
là pour attirer le regard du lecteur vers le personnage le plus important de la scène. À cet
instant précis, le frère Laurence enjoint Juliette de sortir du tombeau et de le suivre :
« J’entends du bruit… Ma fille, quitte ce nid de mort […]. Allons, viens, chère Juliette »
(l. 267 à 274).
RETOUR SUR L’ŒUVRE (pp. 157 à 159)
LA DURÉE DE L’ACTION
1. L’histoire se déroule en cinq jours, du dimanche matin au vendredi matin.
• Acte I (dimanche)
– scène 1 : « Neuf heures viennent de sonner » (Benvolio, l. 183) ;
– scène 2 : « Je donne ce soir une fête » (Capulet, l. 281) ;
– scène 5 : « il se fait tard : je vais me reposer » (Capulet, l. 735).
• Acte II (lundi)
– scène 1 : « Bonne nuit, Roméo… » (Mercutio, l. 55-56) ;
– scène 2 : « Ô céleste, céleste nuit ! » (Roméo, l. 194) ;
– scène 3 : « L’aube » (frère Laurence, l. 256) ; « nous marier aujourd’hui même » (Roméo,
l. 315) ;
– scène 4 : « aller à confesse cette après-midi » (Roméo, l. 531-532) ;
– scène 5 : « de neuf heures à midi » (Juliette, l. 583) ; « pas plus tard que ce soir » (la
nourrice, l. 653).
• Acte III (lundi après-midi, soir et mardi matin)
– scène 1 : « La journée est chaude » (Benvolio, l. 3-4) ;
– scène 2 : « Viens, nuit solennelle » (Juliette, l. 221) ;
– scène 3 : « Le jour baisse » (didascalie, l. 352) ;
– scène 4 : « quel jour est-ce ? […] jeudi, elle sera mariée… » (Capulet, l. 544 à 547) ;
– scène 5 : « C’est le jour… » (Juliette, l. 584).
23
• Acte IV (mardi à mercredi matin)
– scène 1 : « C’est demain mercredi » (frère Laurence, l. 92) ;
– scène 2 : « Nous irons à l’église demain », c’est-à-dire mercredi (Capulet, l. 166) ;
– scène 3 : « laisse-moi seule cette nuit » (Juliette, l. 178) ;
– scène 4 : « il est trois heures » (Capulet, l. 236).
• Acte V (jeudi matin à vendredi matin)
– scène 1 : « depuis ce matin » (Roméo, l. 5) ;
– scène 2 : « dans trois heures » (frère Laurence, l. 107) ;
– scène 3 : « La nuit » (Pâris, l. 132).
2. • Le premier combat des Montagues et les Capulets : Acte I, scène 1 (jour 1, dimanche,
neuf heures du matin).
• La rencontre de Roméo et Juliette : Acte I, scène 5 (nuit du dimanche), au bal, Roméo tombe
amoureux de Juliette.
• Le mariage de Roméo et Juliette : Acte II, scène 6 (lundi après-midi).
• La mort de Mercutio et de Tybalt : Acte III, scène 1 (lundi après-midi).
• La nuit de noces de Roméo et Juliette : Acte III, scène 5 (mardi au petit jour) : matin de la
nuit de noces.
• La fausse mort de Juliette : Acte IV, scène 3 (mardi, tard le soir).
• La mort de Pâris : Acte V, scène 3 (jeudi soir)
• La mort de Roméo et de Juliette : Acte V, scène 3 (nuit du jeudi soir).
3. Le resserrement de la durée de l’action en accentue la tension et l’intensité. Il crée un effet
d’accélération progressive, d’enchaînement inéluctable de la fatalité tragique, qui se déroule
comme un mécanisme que l’on ne peut enrayer. C’est la même visée qui est recherchée par
l’unité de temps de vingt-quatre heures, dans la tragédie classique, pour donner plus de force à
la « crise ».
LES LIEUX
4. Correspondance des lieux et des actions qui s’y déroulent.
– La chambre de Juliette : la nuit de noces et le stratagème de la fausse mort.
– Le cimetière : la mort de Pâris.
– Une rue de Vérone : les combats entre les Montagues et les Capulets et la conversation entre
Roméo et la nourrice.
– Une rue de Mantoue : l’achat du poison.
– La maison des Capulets : le bal, la rencontre entre Roméo et Juliette et les préparatifs du
mariage.
– Le jardin des Capulets : la déclaration d’amour.
– La cellule de frère Laurence : le stratagème de la fausse mort.
– Une place publique : les combats entre les Montagues et les Capulets.
– Le tombeau des Capulets : la mort de Roméo et Juliette.
5. Oui, il y a souvent changement de lieux durant un même acte, mais pas durant une même
scène : chaque scène se déroule dans un lieu unique.
6. Caractérisation de chacun des lieux suivants.
– Une rue de Vérone : lieu ouvert, public, populaire et clair.
– Une place publique : lieu ouvert, public, populaire et clair.
– Une rue de Mantoue : lieu ouvert, public et populaire.
– La maison des Capulets : lieu fermé, privé, noble et joyeux.
– La chambre de Juliette : lieu fermé, privé et noble.
24
– Le jardin des Capulets : lieu fermé, privé, noble et sombre.
– La cellule de frère Laurence : lieu fermé, religieux et sombre.
– Le cimetière : lieu ouvert, public, religieux et sombre.
– Le tombeau des Capulets : lieu fermé, privé, noble, religieux et sombre.
7. Le lieu le plus marquant est certainement le tombeau des Capulets, présenté d’abord par
Juliette, puis par Roméo, et par l’ensemble des protagonistes à la fin de l’acte V : il réunit
davantage de caractéristiques que les autres lieux. C’est un lieu qui exacerbe l’imagination,
lieu tragique où se déroule la mort des deux protagonistes.
LES THÈMES
8. Les thèmes de l’œuvre sont l’amitié, l’amour, la violence, la mort, la
vengeance, l’humour et la poésie. Les abréviations des noms de personnages dans
le tableau sont : R. pour Roméo, M. pour Mercutio, B. pour Benvolio, J. pour
Juliette, P. pour Pâris, T. pour Tybalt.
Thèmes
Amitié
Amour
Violence
Mort
Vengeance
Humour
Poésie
Personnages
R., M. et B.
R., J. et P.
R., T., M. P.
R., J., T., M. P.
R., T., M. et P.
M., R. et B.
M. et R.
Circonstances
rues, bal
bal, jardin, chambre
combats de rues
rues, cimetière
rues, cimetière
rues
rues
Traitement
positif
positif
négatif
négatif
négatif
positif
positif
Registre
lyrique
lyrique
tragique
tragique
tragique
comique
lyrique
Visée
amusement
émotion
tension
tension
tension
amusement
amusement
LES PERSONNAGES
9. Portrait physique et moral de l’un des deux principaux personnages, au choix.
– Juliette est âgée de quatorze ans ; elle a un père, une mère et une nourrice ; son portrait est
fait par Roméo (acte I, scène 5, acte II, scène 2 et acte V, scène 3) et par Pâris (acte IV,
scène 1).
Ce portrait est fait principalement par Roméo : il est mélioratif. Juliette apparaît comme
résolue dès sa rencontre avec le jeune homme, malgré sa pudeur.
– Roméo est dépeint par Juliette (acte I, scène 5) et par la nourrice (acte II, scène 5 et acte III,
scène 5).
Roméo est peu décrit. Son portrait moral est ambigu : d’efféminé au début, il évolue vers la
détermination, la générosité et le courage.
10. Analyse des personnages secondaires.
Nom
Mercutio
Tybalt
Capulet
La nourrice
Le frère Laurence
Rôle
ami
ennemi
père
alliée
religieux
Caractère
léger
vindicatif
autoritaire
tendre
déterminé
Influence sur les héros
positive et négative
négative
négative
positive
positive et négative
11. Réponse personnelle.
12. a) faux ; b) vrai ; c) vrai ; d) faux ; e) vrai ; f) vrai ; g) faux ; h) faux ; i) faux ; j)
faux.
25
PROPOSITION DE
SÉQUENCE DIDACTIQUE
Durée : cinq séances.
Problématique : comment s’exerce la fatalité tragique ?
Objectif : étude de l’évolution de la passion amoureuse des deux héros, au travers de cinq
extraits déterminants.
SÉANCE 1 : LA RENCONTRE
Acte I, scène 5 (page 35) : depuis « ROMÉO, prenant la main de Juliette. – Si j’ai profané avec
mon indigne main » (l. 693-694) jusqu’à la fin de la scène (page 43).
Axes de lecture : questions 21 et 22 du thème « La rencontre amoureuse » (page 46).
Outils de langue : champ lexical dominant ; images.
Lecture/Écriture : question 25 « Lire l’image » ; question 26 « À vos plumes ! » (page 47).
SÉANCE 2 : LA DÉCLARATION
Acte II, scène 2 (dite « scène du balcon », page 51) : du début de la scène ou depuis Juliette
« Hélas ! » (l. 84) jusqu’à la fin de la scène.
Axes de lecture : composition de la scène ; circonstances de la déclaration d’amour ;
comparaison entre les deux personnages ; par quoi sont-ils menacés ?
Outils de langue : question 11 « Étudier le discours » ; question 13 « Etudier le genre : le
lyrisme amoureux » (page 77).
SÉANCE 3 : LA SÉPARATION
Acte III, scène 5 (page 101) : du début de la scène jusqu’à « JULIETTE. – Ô fortune ! fortune !
[…] et tu me le renverras » (l. 619 à 623)
Axes de lecture : cadre de la scène et circonstances de la séparation ; réactions et sentiments
des deux personnages ; comment se précisent les menaces ?
Outils de langue : étude de l’image de l’alouette et du rossignol ; étude des formes de
phrases.
Lecture/Écriture : question 25 (page 116) « Lire l’image » (« Juliette en cage »).
SÉANCE 4 : LE STRATAGÈME FATAL
Acte IV, scène 1 (page 117) : depuis « JULIETTE. – Oh ! ferme la porte » (l. 52) jusqu’à la fin
de la scène.
Axes de lecture : questions 18 à 20 dans « Étudier l’extrait : “l’acte de Juliette” » (page 135).
Outils de langue : étude de la tirade du frère Laurence (pages 120-121) : temps et modes
employés, avec quelles valeurs ; images macabres.
Lecture/Écriture : effectuer une recherche sur le « philtre » magique confectionné par la
mère d’Iseult pour sa fille dans Tristan et Iseult. Dans quel but a-t-il été fabriqué ? Les
effets en sont-ils aussi maléfiques que la potion du frère Laurence ?
26
SÉANCE 5 : LA MORT DES DEUX AMANTS
Acte V, scène 3 (page 141) : depuis « ROMÉO. – Sur ma foi, je le ferai » (l. 188) jusqu’à
« JULIETTE. – […] Rouille-toi là et laisse-moi mourir ! (Elle tombe sur le corps de Roméo et
expire) » (l. 286-287).
Axes de lecture : circonstances de la scène ; réactions et sentiments des deux personnages au
moment de mourir.
Outils de langue : questions 17 et 18 dans « Étudier l’écriture » (page 155) sur le
« monologue de Roméo ».
Lecture/Écriture : comparaison avec la mort des amants dans Hernani de Victor Hugo,
acte V, scène 6.
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EXPLOITATION
DU GROUPEMENT DE TEXTES
RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE TEXTE 1
A. Ces deux scènes ont en commun le moment, le lieu et le thème : elles se déroulent la nuit,
dans un jardin et l’amoureux est au pied du balcon de la jeune fille pour lui déclarer son amour.
Cependant, dans la scène de Cyrano de Bergerac, la situation de Cyrano est particulière : il fait
une déclaration d’amour sincère mais au compte de son rival, Christian, qui en recueillera tous
les bénéfices.
B. Les répliques de Cyrano portent plusieurs marques de l’intensité de ses sentiments. Ainsi,
l’excès dans lequel le jette son amour rend celui-ci douloureux, ce qui s’exprime à travers le
champ lexical de la souffrance (« j’étouffe », « je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop »). Par
ailleurs, les nombreuses répétitions, notamment du déterminant et du pronom de totalité
« tout » (« Tous ceux, tous ceux, tous ceux », « tout le temps » ; « De toi, je me souviens de
tout, j’ai tout aimé »), et les phrases exclamatives révèlent la force de sa passion.
C. Cyrano répète le pronom personnel « moi » dans sa dernière réplique, ce qui sous-entend
« pas lui, pas Christian ». En effet, dans cette scène, c’est lui, malgré sa laideur mais grâce à
son esprit, qui parvient à séduire Roxane ; et non Christian, malgré sa beauté. Cette déclaration
est particulièrement émouvante pour lui : il a enfin l’occasion d’exprimer toute la passion qu’il
a si longtemps retenue et le bonheur de la voir partagée. Mais le fait qu’elle se fasse sous
l’identité d’un autre et pour son compte donne une tonalité pathétique à la scène.
RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE TEXTE 2
A. La passion ressentie par l’adolescente n’était pas partagée par son voisin. En effet, il avait si
peu conscience de son existence (« presque jamais plus tu ne m’as regardée ! ») qu’elle
n’imagine même pas qu’il se souvienne encore d’elle (« Certainement tu ne te le rappelles
plus. »).
B. Sa passion pour son voisin change complètement et tout à coup le comportement de
l’adolescente : pour faire ce qu’elle imagine lui plaire, elle se met à lire et à s’intéresser aux
études (« je devins tout d'un coup la première de la classe »), à travailler son piano (« je
commençai brusquement, au grand étonnement de ma mère, à m’exercer au piano ») et à
porter une attention particulière à son apparence (« j’eus soin de ma parure uniquement pour
avoir un air plaisant et propre à tes yeux »). Enfin, elle passe ses journées à guetter son
passage sur le palier dans des conditions très inconfortables (« là pendant des mois et des
années, dans le vestibule glacial », « passant des après-midi entiers à guetter »).
C. Au moment où elle écrit, la jeune femme n’a pas changé de sentiment à l’égard de cet
homme, sa passion est intacte (« mais moi, oh  ! je me souviens passionnément du moindre
détail ; je sais encore, comme si c'était hier »). Et même si elle a conscience que sa passion l’a
poussée à certains excès, elle est bien loin de les condamner : « aujourd'hui encore, je n'ai pas
honte de ces heures-là  ! ».
RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE TEXTE 3
A. Jusqu’à cette scène, Troïlus n’a exprimé son attirance pour Hélène que par son
comportement : il la suit partout, il est toujours derrière elle. Cette attitude muette révèle sa
timidité et une certaine maladresse enfantine.
B. Hélène a remarqué que Troïlus ne fait ce qu’elle lui demande que lorsqu’elle ajoute son
prénom à la fin de sa phrase. Elle utilise ce procédé à quatre reprises : « Viens ici, Troïlus ! »,
« Tu trembles, Troïlus. », « Dis-moi ce que tu veux, Troïlus ! » et « Tu veux m’embrasser,
n’est-ce pas, mon petit Troïlus ? ». À chaque fois, Troïlus, qui avait commencé par lui faire
une réponse négative, finit par aller dans son sens. La répétition de ce type d’enchaînement de
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répliques produit un effet comique.
C. Les répliques de Troïlus sont très courtes, notamment les trois premières qui ne comptent
qu’un seul mot (l. 2, 4, 6), et généralement composées d’une phrase simple (« Je ne tremble
pas », « Je ne veux rien », « Je les hais. »). Par ailleurs, Troïlus semble se contredire en
enchaînant la même phrase à la forme négative puis immédiatement après l’intervention
d’Hélène, à la forme affirmative (« Je ne tremble pas. / Oui, je tremble » ; « Je ne veux rien ! /
Tout ! Je veux tout ! »). Enfin, il utilise souvent des phrases exclamatives. Tout cela suggère
que le jeune garçon est en proie à une vive émotion qui l’empêche de parler en mettant son
esprit sens dessus dessous. Ainsi, si Troïlus a bien du mal à dire clairement son amour et ce
qu’il voudrait, c’est précisément son trouble qui fait comprendre à Hélène ce qu’il ressent.
RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE TEXTE 4
A. L’admiration de la narratrice pour Elena s’exprime à travers le vocabulaire mélioratif
(« ravissant », « céleste », « perfection ») qu’elle emploie pour faire son portrait, qui, par les
fréquents retours à la ligne, fait penser à un poème. Par ailleurs, la périphrase « le centre du
monde » qui désigne Elena révèle toute l’importance qu’elle lui accorde.
B. Elena se distingue par son narcissisme (« qu'une seule chose importait à Elena : être
regardée ») et son caractère dédaigneux (« Elle eut un petit rire méprisant », « D'une voix
sobre, hautaine et amusée »).
C. La narratrice, au moment où elle écrit, a pris ses distances avec ses sentiments d’enfant et se
moque un peu d’elle-même. Cette autodérision est sensible quand elle évoque la maladresse et
l’égocentrisme de sa déclaration qu’elle formule comme une nécessité (« Il faut que tu
m'aimes. ») et les explications qu’elle lui donne, présentées comme une évidence : « Il faut que
tu m'aimes parce que je t'aime. »
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LECTURE D’IMAGES
ET HISTOIRE DES ARTS
RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 1
A. La sculpture représente un couple étroitement enlacé, dans la posture de danseurs de valse.
B. Les lignes du corps de la danseuse sont courbes, notamment celles de son bras, de son dos
jusqu’à la nuque. Une impression d’abandon se dégage de sa tête posée sur l’épaule de son
cavalier.
C. L’impression de mouvement est créée par la draperie de la robe qui semble tourbillonner
autour du couple. La position très inclinée des deux corps semble les placer au point de rupture
de leur équilibre.
D. Cette sculpture donne différentes images de la passion amoureuse. D’abord par l’enlacement
des corps en partie nus, l’inclinaison des deux têtes qui semblent fusionner, les deux mains qui
s’effleurent, l’abandon de la jeune femme dans les bras de son cavalier, il se dégage une grande
sensualité de cette sculpture. Par ailleurs, le mouvement de la jupe et des corps incarne un état
d’ivresse et de vertige propre à la passion. Mais l’inclinaison des deux corps est telle qu’elle
menace leur équilibre : les excès de la passion peuvent faire perdre pied aux amoureux et faire
vaciller leur raison.
RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 2
A. Le format large souligne l’éloignement des deux personnages.
B. Les couleurs chaudes dominent : le parquet est brun, le fond de la pièce rouge et les robes des
danseuses sont rouges, roses et orange, les danseurs sont en costumes foncés. Ces couleurs
symbolisent la passion mais aussi la violence. Par contraste, la robe blanche de Maria se détache
sur ce fond : elle évoque sa pureté, son innocence d’avant la rencontre de l’amour, annoncé
toutefois par le rouge de sa ceinture et de ses chaussures.
C. Le destin tragique des deux amoureux est annoncé par le fait qu’ils sont loin de l’autre,
séparés par les membres des bandes ennemies dont les rivalités les empêcheront de s’aimer
librement. Par ailleurs, le rouge connote la violence et le sang.
D. Le flou représente bien ce que vit une personne lors d’un coup de foudre : la surprise et la
fascination sont telles que l’environnement perd de sa réalité, devient très secondaire. Toute
l’attention se concentre sur l’autre qui devient seul digne d’intérêt. Le flou évoque aussi un
certain vertige lié au choc émotionnel.
RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 3
A. Cette photographie correspond au moment où les effets du narcotique administré à Juliette se
sont dissipés : elle s’est réveillée dans le tombeau des Capulet et découvre à côté d’elle le corps
de Roméo qui, la croyant morte, s’est suicidé (Acte V, scène 3).
B. La douleur de Juliette s’exprime par le cri qu’elle pousse à gorge déployée, la tête
complètement renversée.
C. Les choix scénographiques peuvent être qualifiés de somptueux, solennels et historiques. En
effet, les tissus sont riches et ornés : Juliette a une robe de velours chatoyant, le matelas semble
être recouvert de soie, et les immenses tentures noires sont brodées de fils d’or de façon très
ouvragée. Par ailleurs, la présence de deux cierges sur de hauts chandeliers, placés
symétriquement de part et d’autre de l’estrade (ou catafalque) confère une ambiance solennelle à
la scène. Enfin, le style de la robe de Juliette s’inspire des vêtements de la Renaissance
italienne : ils inscrivent le ballet dans un cadre historique précis.
D. Le lys blanc est porteur de nombreux messages depuis la mythologie et la Bible.
Apparaissant souvent dans des cérémonies, il est associé à la noblesse des sentiments, à la pureté
de l’amour mais aussi à la mort : on l’utilise donc aussi bien lors d’un mariage que d’un
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enterrement. La fleur a aussi des connotations royales, elle est l’emblème de la royauté
française. La plupart de ces connotations sont activées dans cette scène : c’est le moment où
l’amour et la mort se rejoignent, dans une scénographie très cérémonielle.
RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 4
A. D’une scène à l’autre, l’action de Roméo et Juliette se déroule dans des lieux très différents :
sur une place, dans la salle de bal des Capulet, dans leur jardin, dans la cellule de frère Laurent,
chez un apothicaire de Mantoue, etc. Cela pose un problème pour les décors, car on ne peut en
changer aussi vite. Il est donc judicieux de choisir un décor un peu abstrait, plus souple pour
figurer différents lieux.
B. Il y a des échafaudages autour d’une maison quand celle-ci est en travaux, donc en mauvais
état. Cela peut évoquer la fragilité des deux maisons qui sont sur le point de s’effondrer avec la
mort de leurs enfants. Un choix assez semblable a été fait pour la mise en scène d’Éric Ruf à la
Comédie française : les ruines évoquent aussi le délabrement, la perte de stabilité, un monde qui
se fissure.
C. Les comédiens ont pu s’appuyer sur ce décor pour insuffler de l’énergie à leurs personnages.
En effet, grâce aux escaliers et aux plateformes sur plusieurs niveaux, les déplacements
verticaux sont aussi possibles, tout l’espace scénique est exploitable. Les comédiens peuvent
monter les escaliers, escalader la structure métallique, s’accrocher aux barres. Ce décor favorise
une grande variété de déplacements, ce qui est particulièrement intéressant dans les scènes de
bagarre, et ce qui met en relief le dynamisme de la jeunesse, conformément au souhait de
Magali Léris : « Les acteurs circuleront sur les échafaudages avec l’agilité d’un âge qui peut
tout et ne craint rien. » (La Terrasse, n°128, novembre 2010)
RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 5
A. Les couleurs du décor sont un camaïeu de gris, rien n’accroche le regard, il y a bien une
« neutralité visuelle » telle que l’a souhaitée Éric Ruf. Ainsi dépouillé, le décor laisse toute la
place à l’histoire.
B. Juliette se tient non pas à un balcon mais sur une corniche sans garde-corps. Elle est donc
dans une position vertigineuse, dangereuse qui peut évoquer les risques de la passion.
C. Notes d’intention d’Éric Ruf
« Imposer une neutralité visuelle pour réentendre l’histoire. Pour parvenir à faire entendre ce
texte, je crois qu’il est nécessaire de déplacer la mire, de trouver une frange, un entre-deux
d’époque, d’esthétique, une jachère suffisamment inactuelle et contemporaine pour que le
spectateur n’y reconnaisse pas immédiatement une intention manifeste mais se laisse porter par
l’histoire. L’Italie bien sûr, mais une Italie pauvre où l’on observe sur les murs délabrés et beaux
le souvenir d’une civilisation glorieuse. Une Italie du sud où la chaleur écrase les places et
échauffe les esprits. Une Italie d’entre-deux-guerres encore extrêmement pieuse où les peurs
irraisonnées, les croyances populaires demeurent vivaces. Une Italie pauvre où la qualité de la
langue sera d’autant plus audible si elle n’est pas noyée dans les moirures des velours et les cols
de fourrure de la Renaissance et si elle se frotte à la grandeur perdue de façades écaillées. »
D. Réponde personnelle.
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BIBLIOGRAPHIE
COMPLÉMENTAIRE
ÉDITIONS DE ROMÉO ET JULIETTE
– William Shakespeare, Œuvres complètes, Tragédies I (édition bilingue), collection
« Bouquins », Robert Laffont, 1995.
– William Shakespeare, Œuvres complètes, Tragédies, collection « Bibliothèque de la
Pléiade », Gallimard, 2002. Préface et notice sur Roméo et Juliette, pages 1327 à 1349.
ÉTUDES SUR WILLIAM SHAKESPEARE
– Henri Fluchère, Shakespeare,
dramaturge élisabéthain, collection « Idées », NRF
Gallimard, 1966.
– Stendhal, Racine et Shakespeare, GF-Flammarion, 1970 ; réédité dans la collection « Les
Introuvables », L’Harmattan, 1993.
– Marie-Thérèse Jones-Davies, Shakespeare, le théâtre du monde, Balland, 1987.
– Michel Grivelet, Marie-Madeleine Martinet et Dominique Goy-Blanquet, Shakespeare de A
à Z… ou presque, Aubier, 1988.
– Shakespeare, Magazine littéraire, n° 393, décembre 2000.
ÉTUDES SUR ROMÉO ET JULIETTE
– Shakespeare, Roméo et Juliette, collection « Analyses et réflexions », Ellipses, 1991.
– François Brunet, Le Mythe de Roméo et Juliette, collection « Entre légendes et histoires »,
Privat, 2002.
– Marinette Faerber, Roméo et Juliette, collection « Profil bac », Hatier, 2007.
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