Roméo et Juliette - biblio
Transcription
Roméo et Juliette - biblio
Roméo et Juliette Livret pédagogique correspondant au livre de l’élève n 71 Établi par Brigitte WAGNEUR, agrégée de Lettres classiques, professeur en collège-lycée et Anne-Laure Chat, certifiée de Lettres modernes, professeur en collège 1 © Hachette Livre, 2016. 58, rue Jean Bleuzen, 92170 Vanves. Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays. www.biblio-hachette.com www.hachette-education.com 2 SOMMAIRE RÉPONSES AUX QUESTIONS Acte I Acte II Acte III Acte IV Acte V Retour sur l’œuvre 4 4 8 11 16 19 23 PROPOSITION DE SÉQUENCE DIDACTIQUE 26 EXPLOITATION DU GROUPEMENT DE TEXTES 28 LECTURE D’IMAGES ET HISTOIRE DES ARTS 30 BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE 32 3 RÉPONSES AUX QUESTIONS Les indications de pages renvoient aux questionnaires des cinq actes du livre de l’élève. ACTE I (pp. 13 à 43) AVEZ-VOUS BIEN LU ? 1. Dans le prologue (page 11) et la scène 1, les Capulets et les Montagues se battent à cause d’« anciennes rancunes » (prologue, l. 4) qui ne sont pas précisées. Le prince Escalus fait allusion à la fin de la scène 1 à « trois querelles civiles, nées d’une parole en l’air » (l. 116-117) par la faute des Capulets et des Montagues, qui ont ensanglanté la ville de Vérone. 2. Si les deux familles ne mettent pas fin à leurs combats, le prince Escalus les menace de mort : « Si jamais vous troublez encore nos rues, votre vie payera le dommage fait à la paix. […] Encore une fois, sous peine de mort, que tous se séparent ! » (scène 1, l. 121 à 128). 3. Au début de la pièce, Roméo est d’« humeur sombre » (scène 1, l. 160), mélancolique, il recherche la solitude et l’obscurité. Il avoue à Benvolio que sa tristesse vient du fait qu’il est amoureux d’une beauté insensible à ses avances. 4. Capulet ne veut pas donner sa fille Juliette en mariage à Pâris parce qu’elle n’a que quatorze ans, elle, selon lui, « est encore étrangère au monde » (scène 2, l. 271) ; il veut attendre deux ans avant de la marier. Il n’est pas favorable à un mariage et à une maternité précoces qui fanent la femme trop vite. D’autre part, Juliette est son seul enfant. Il veut son bonheur, il souhaite qu’elle aime Pâris. 5. Dans la scène 3, Lady Capulet demande à sa fille ce qu’elle pense du mariage. Puis elle lui demande d’y songer, et d’observer Pâris, le soir même à la fête donnée chez eux (métaphore du « livre d’amour »), et de répondre à son amour. Elle semble plus impatiente que son mari. 6. Dans la scène 4, Roméo et ses amis se présentent costumés et masqués à la fête des Capulets. Ainsi, ils ne sont pas reconnus immédiatement. 7. Tybalt est le neveu de Capulet, il reprend à son compte la querelle entre les deux familles ; il considère Roméo comme un ennemi, venu les provoquer chez eux et faire injure à la fête (scène 5). 8. Roméo et Juliette ne s’étaient encore jamais rencontrés avant cette fête. C’est pourquoi ils s’informent l’un et l’autre de leur identité auprès de la nourrice (scène 5). ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 9. Au début de la scène 1, le jeu de mots entre « brocard(s) » (l. 4) et « brocart » (l. 6) joue sur l’homophonie des deux mots : le premier, prononcé par Samson, désigne les insultes et moqueries ; le second, prononcé par Grégoire qui fait un quiproquo, désigne un tissu précieux. Le procédé théâtral du quiproquo sur le sens d’un mot appartient ici au comique verbal. Dans les deux répliques suivantes, il est question d’allonger « le couteau » (Samson, l. 8) et de se faire allonger « le cou tôt ou tard » (Grégoire, l. 9-10), la première expression signifiant « se battre, tuer » et la seconde « être pendu ». 10. Dans le dialogue entre Roméo et Juliette (scène 5, l. 693 à 717), le champ lexical dominant est celui de la religion, qui donne un caractère sacré à leur amour naissant : 4 « profané », « châsse sacrée », « pénitence », « pèlerin(s) », « prient », « exauce-les », « dévotion », « sainte(s) », « pieux », « prière(s) », « péché ». ÉTUDIER LE DISCOURS 11. Dans le prologue (page 11), le chœur est composé des acteurs de la pièce : « où nous plaçons notre scène » (l. 3), « notre scène » (l. 13), « nous écouter » (l. 14), « notre zèle », « notre insuffisance » (l. 15). Il s’adresse aux lecteurs/spectateurs : « si vous daignez » (l. 14). 12. La tirade du chœur, dans le prologue, a pour fonction de présenter l’intrigue en quelques mots, la fatalité de la passion et du destin de Roméo et Juliette dont la mort mettra fin à la querelle de leurs familles. C’est une rupture de l’illusion théâtrale, le dénouement tragique étant annoncé dès le début. Le chœur intervient à nouveau au début de l’acte II, pour présenter les obstacles à la passion de Roméo et Juliette. 13. La réplique de Benvolio : « Ces harangues prolixes […] et nous partirons » (scène 4, l. 482 à 488) relève du procédé baroque du « théâtre dans le théâtre » car, pour conseiller Roméo sur leur entrée à la fête, il évoque le renouvellement nécessaire de l’écriture dramatique, la fin des longs discours, la fin des clichés, des prologues qui ralentissent une pièce ; il prône la vivacité. « Harangues », « de mode », « Cupidon aux yeux bandés », « prologue appris par cœur », « débité », « souffleur », « préparer notre entrée », « nous […] danserons une mesure » appartiennent au champ lexical du spectacle. Benvolio associe leur entrée chez Capulet (déguisés et masqués comme des acteurs) à une entrée au théâtre, qui doit se faire in medias res. ÉTUDIER LE GENRE : UN DRAME SHAKESPEARIEN 14. La tirade du chœur, dans le prologue (page 11), situe la pièce dans le registre tragique, de même que l’intervention du prince Escalus qui menace de mort les Capulets et les Montagues, ou la mélancolie de Roméo évoquée par ses parents et Benvolio (scène 1) ; le projet de mariage sans l’accord de Juliette (scènes 2 et 3) ; la prémonition d’une catastrophe par Roméo (scène 4) ; les insultes de Tybalt et son désir de vengeance contre Roméo (scène 5) ; la découverte de leur identité respective par Juliette et Roméo (scène 5). 15. Les passages comiques se trouvent dans la scène 1, avec le dialogue entre les valets Samson et Grégoire qui singent les querelles de leurs maîtres (comique verbal, comique de caractère, comique de situation…), le court passage où Capulet arrive en robe de chambre pour se battre sous les moqueries de sa femme (comique de situation et de caractère) ; dans la scène 2, quand Roméo se moque du valet de Capulet qui ne sait pas lire la liste d’invités (comique verbal et de situation) ; dans la scène 3, quand la nourrice évoque une scène de l’enfance de Juliette (comique verbal, obscénité) ; dans la scène 5, la fête avant l’intervention de Tybalt. On voit que le comique est surtout provoqué par la présence des personnages populaires. 16. L’acte I relève davantage de la comédie que de la tragédie, surtout si on ajoute aux passages comiques énumérés précédemment les passages poétiques (Roméo amoureux de Rosaline ou la tirade de Mercutio sur la reine Mab). 17. L’effet produit par ce mélange de registres sur le lecteur/spectateur, c’est qu’il n’est pas encore soumis à une forte tension dramatique et qu’il est plus poussé par la curiosité que par la crainte concernant l’évolution de l’intrigue. Il est dans l’attente, avec toutefois un peu d’appréhension. 5 ÉTUDIER L’ÉCRITURE 18. Dans la scène 1 (l. 234 à 241), Roméo dit de Rosaline qu’« elle a le caractère de Diane » (l. 235) car, comme cette déesse romaine de la chasse (Artémis chez les Grecs), sœur jumelle d’Apollon et déesse de la lune, elle veut demeurer chaste et vierge, fuyant l’amour des hommes. Une des légendes de Diane-Artémis raconte qu’elle transforma en cerf le jeune Actéon qui l’avait surprise se baignant nue dans un cours d’eau. C’est pourquoi Roméo dit qu’« elle est hors d’atteinte des flèches de Cupidon » (l. 235), le dieu romain de l’amour. 19. Pour présenter la beauté de Pâris à sa fille Juliette (scène 3, l. 447 à 460), Lady Capulet utilise la métaphore du « livre d’amour » empruntée à la poésie médiévale : Pâris est comparé à un livre précieux, sur les pages duquel Juliette peut lire toutes ses qualités, qui y ont été placées par un artiste. Le champ lexical du livre est très présent dans ce passage : « lisez », « tracées », « la plume », « ces traits », « page », « livre », « relié », « fermoir ». Cette métaphore filée, jointe aux termes mélioratifs et hyperboliques tels « les grâces », « si bien mariés », « quel charme », « belle page », « précieux », « parfait », « la splendeur suprême » , « plus magnifique », place toute la réplique de Lady Capulet dans le registre de la préciosité, issue de la courtoisie du Moyen Âge. 20. La tirade de Mercutio sur « la reine Mab » (scène 4, l. 539 à 571) appartient au registre fantastique, comme le montrent les nombreuses images telles que « la fée accoucheuse », « une agate », « un attelage de petits atomes », « les rayons des roues de son char sont faits de longues pattes de faucheux », « son cocher est un petit cousin », etc., empruntées au règne animal et au règne végétal ; mais aussi au registre lyrique par les énumérations ou accumulations, les parallélismes de construction, les anaphores, les rythmes ternaires, etc. qui font de cette tirade un poème en prose. La reine Mab constitue une allégorie poétique qui personnifie en fée l’activité inconsciente de l’esprit durant la nuit, provoquant des rêves liés aux désirs et aux activités de chacun. Cette reine détient le pouvoir de donner à chacun en rêve ce qu’il désire le plus. ÉTUDIER UN THÈME : LA RENCONTRE AMOUREUSE 21. C’est dans la scène 4 que naît l’amour entre Roméo et Juliette, au cours de la fête traditionnellement organisée par Capulet ; Roméo s’y est introduit incognito, costumé et masqué. Dans la salle de bal, il aperçoit pour la première fois Juliette et est immédiatement sous le charme de sa beauté, au point d’oublier Rosaline. C’est lui qui courtise Juliette aussitôt la danse terminée, en embrassant sa main puis sa bouche, sans savoir qui elle est. L’amour naît donc par le regard puis par la parole et les baisers. Juliette est séduite par le langage galant de Roméo et par ses baisers. La séduction est tout autant intellectuelle et morale que physique. Roméo et Juliette présentent des similitudes de comportement et de caractère, mais aussi des différences. Ce qui les différencie, c’est que Roméo se croyait amoureux de Rosaline car il attendait l’amour alors que Juliette n’y songeait pas. Mais leur coup de foudre est immédiat et réciproque, sans qu’ils aient connaissance de leur identité. Ils sont donc aussi passionnés l’un que l’autre, même si Roméo semble plus exalté que Juliette, plus sage et réservée. 22. Certaines répliques confirment que leur amour est menacé, comme l’avait annoncé le chœur dans le prologue. À la fin de la scène 4, Roméo est troublé : « Mon âme pressent qu’une amère catastrophe, encore suspendue à mon étoile, aura pour date funeste cette nuit de fête, et terminera la méprisable existence contenue dans mon sein par le coup sinistre d’une mort prématurée » (l. 581 à 585) ; dans la scène 5, Tybalt déclare : « Je vais me retirer ; mais cette fureur rentrée, qu’en ce moment on croit adoucie, se convertira en fiel amer » (l. 691-692) ; Roméo se lamente : « Ma vie est due à mon ennemie ! » (l. 725-726) ; 6 Juliette s’emporte : « Mon unique amour émane de mon unique haine ! Je l’ai vu trop tôt sans le connaître et je l’ai connu trop tard. Il m’est né un prodigieux amour, puisque je dois aimer un ennemi exécré ! » (l. 750 à 753). ÉTUDIER L’EXTRAIT : UN ACTE D’EXPOSITION 23. À la fin de l’acte I, le lecteur/spectateur sait que l’action se passe à Vérone et que la maison des Capulets est au cœur de l’intrigue ; deux groupes de personnages antagonistes se constituent : Roméo et ses amis d’une part, Juliette et sa famille d’autre part ; l’atmosphère générale est passionnée, avec un mélange de violence et d’amour, de fête et de vengeance. Alors que les Capulets et les Montagues se haïssent, Roméo oublie son amour pour Rosaline en voyant Juliette, et Juliette, peu attirée par l’amour de Pâris, auquel la destinent ses parents, tombe amoureuse de Roméo au premier mot. Tybalt, le cousin de Juliette, a juré de se venger de l’humiliation subie à cause de Roméo. 24. À l’issue de cet acte, le lecteur/spectateur espère que la passion de Roméo et Juliette va se développer, que l’amour de Roméo pour Juliette n’est pas aussi léger que pour Rosaline ; mais il craint les conséquences de la haine des deux familles sur cet amour, le désir de vengeance de Tybalt, la menace de mort du prince Escalus, le projet de mariage de Juliette avec Pâris. Les scènes plaisantes de comédie ne font pas oublier les menaces qui planent sur les deux jeunes gens. LIRE L’IMAGE 25. La gravure de la page 41, dont la scène se déroule à la fin de l’acte I, représente la fin de la fête chez les Capulets. On voit, dans un décor nocturne, la salle de danse et des danseurs à l’arrière-plan, les invités masqués ; au premier plan, au bas de l’escalier qui constitue peut- être le perron du palais, le vestibule avec deux candélabres, et les convives massés autour de Roméo et Juliette. Roméo tient son masque dans une main et la main de Juliette de l’autre (didascalie « Roméo, prenant la main de Juliette », l. 693), ils concentrent l’attention de tous, comme le regard du spectateur qui suit un mouvement descendant du haut vers le bas des marches. L’artiste a choisi une disposition en triangle, et Roméo et Juliette sont au centre de sa base. Ils sont entourés de la nourrice à droite, de Tybalt à gauche prêt à sortir son épée et retenu par Capulet derrière lui ; à droite se trouve le groupe des amis de Roméo, dont Mercutio et Benvolio. L’amour naissant entre Roméo et Juliette est traduit par la proximité des deux personnages, leurs mains jointes et leurs regards liés l’un à l’autre. Ils sont l’objet de la curiosité de tous, mais aussi de leur désapprobation, semble-t-il. Le tableau placé en vignette au-dessus représente un édifice religieux, un monastère et son cloître, avec une église à l’arrière-plan ; une foule à droite, qui accourt vers d’autres personnages assemblés au bas de l’escalier d’entrée de l’édifice. C’est sans doute le monastère du frère Laurence (et l’entrée du tombeau des Capulets ?) figurant la menace du châtiment divin, comme une anticipation du destin des deux héros qui viennent de se rencontrer (à la manière de la tirade du chœur dans le prologue, page 11). On aurait ainsi une sorte de raccourci de l’histoire des « amants de Vérone », de leur rencontre à leur mort. 7 ACTE II (pp. 49 à 75) AVEZ-VOUS BIEN LU ? 1. Selon le chœur (prologue, page 49), Roméo et Juliette ne peuvent se rencontrer librement du fait de la haine réciproque de leurs familles. Ils ne peuvent donc s’avouer leur amour, car ils sont considérés comme des ennemis. 2. Dans la scène 1, Mercutio et Benvolio cherchent Roméo, parce que celui-ci s’est esquivé sans les prévenir lorsqu’ils quittaient ensemble la fête des Capulets, pour escalader le mur du jardin de la maison des Capulets et tenter d’apercevoir Juliette. Ils croient que Roméo est rentré chez lui. 3. Dans la scène 2, Juliette demande d’abord à Roméo s’il l’aime ; mais elle ne le laisse pas jurer pour l’assurer de cet amour. Ensuite, en échange d’un aveu réciproque, elle demande à Roméo si son intention est de l’épouser et, dans ce cas, de la faire prévenir le lendemain des circonstances du mariage. 4. Dans la scène 3, avant l’arrivée de Roméo, le frère Laurence herborisait : il cueillait des plantes médicinales pour confectionner des remèdes. C’est un effet d’annonce sur le philtre qu’il donnera ensuite à Juliette pour la plonger dans un état cataleptique, et lui éviter le mariage avec Pâris. Roméo vient lui demander de célébrer son mariage avec Juliette ce jour même. 5. Dans la scène 4, après son intrusion à la fête des Capulets, Roméo est menacé d’un duel avec Tybalt qui l’avait reconnu ; celui-ci a envoyé une lettre de provocation chez les Montagues et Roméo ne voudra pas se dérober au combat. Or, Tybalt est un redoutable adversaire, un habitué des duels, d’après Mercutio. 6. Dans cette même scène, Roméo demande à la nourrice de Juliette que celle-ci fasse en sorte d’aller se confesser l’après-midi même, dans la cellule de frère Laurence, pour y être mariée à Roméo par le moine. La nourrice, quant à elle, devra attendre derrière le mur de l’abbaye que le valet de Roméo lui apporte une échelle de corde par laquelle il montera dans la chambre de Juliette le soir. 7. Dans la scène 5, la nourrice s’amuse à faire attendre Juliette pour la faire enrager et rire de son impatience. Elle fait semblant de critiquer Roméo, tout en faisant l’éloge de sa beauté ; elle lui reproche un langage qui manque de poésie, mais reconnaît ses qualités morales : sa douceur, sa loyauté, sa politesse et son honnêteté. 8. Dans la scène 6, le frère Laurence, avant de marier Roméo et Juliette, exprime sa crainte que ce mariage secret ait d’éventuelles conséquences funestes. ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 9. L’adjectif « ineffables » (prologue, page 49, l. 17) est composé du préfixe négatif « in », du suffixe de possibilité « ble », et du mot de base « effa » issu du verbe latin effari qui veut dire « parler ». Celui-ci est lui-même formé du préfixe d’intensité « ex » et du verbe latin déponent fari. L’adjectif ainsi formé signifie « que l’on ne peut exprimer ». 10. Dans la réplique de Juliette : « Je ne voudrais pas pour le monde entier qu’ils te vissent ici » (scène 2, l. 130-131), la forme verbale « vissent » est la troisième personne du pluriel du subjonctif imparfait du verbe « voir ». Le subjonctif est employé ici dans une proposition subordonnée conjonctive complétive objet, après un verbe de volonté dans la proposition principale. Exemple de subjonctif dans une proposition indépendante : « que ton œil me soit doux » (scène 2, l. 128). Le verbe « être » est à la troisième personne du singulier du subjonctif 8 présent, pour exprimer une exhortation, une demande, à la place de l’impératif qui n’existe qu’à la seconde personne. ÉTUDIER LE DISCOURS 11. Au début de la scène 2 (l. 60 à 103), Juliette parle sans savoir que Roméo l’entend, et celui-ci répond sous forme d’apartés qui ne sont pas entendus de Juliette, jusqu’à la réplique « Je te prends au mot ! » (l. 104). Mais les deux personnages ont des interlocuteurs imaginaires, auxquels ils s’adressent par des apostrophes à la deuxième personne : Roméo parle à l’aurore, il utilise des interjections (« Voilà », l. 64), des questions (« Que dit-elle ? », l. 71), des exclamations (« Ah ! si les étoiles », l. 76), et la deuxième personne du pluriel pour parler aux lecteurs/spectateurs (« Voyez », l. 81). Puis Roméo parle à Juliette sans être entendu d’elle : (« Oh ! parle encore », l. 85). Quant à Juliette, elle parle à Roméo comme s’il était absent, en utilisant la deuxième personne du singulier : « Roméo, renonce à ton nom » (l. 101). Ainsi les deux personnages effectuent un dialogue involontaire, en pensant parler seuls. 12. Dans la scène 4, le comique verbal repose d’abord sur le badinage entre Mercutio et Roméo qui échangent des plaisanteries et des jeux de mots spirituels en se répondant d’une réplique à l’autre (sur « l’escarpin », l. 413, sur « l’oie », l. 427) ; puis à l’arrivée de la nourrice, le comique reprend avec les moqueries et les obscénités des jeunes gens à son égard. Enfin, à la fin de la scène, le comique repose sur le caractère de la nourrice, à la fois naïve et susceptible, et sur son langage familier. Ses questions amusantes sur l’orthographe de « Romarin » et de « Roméo » (l. 560) montrent son inculture, qui crée un contraste avec l’esprit dont font preuve les trois jeunes gens. ÉTUDIER LE GENRE : LE LYRISME AMOUREUX 13. Procédés du registre lyrique dans cet acte : le thème de l’amour qui domine est sans doute le thème lyrique par excellence, puisqu’il exprime un sentiment personnel qui en entraîne souvent d’autres, comme la tristesse, la jalousie, l’impatience, la joie, etc. Ainsi le champ lexical de la passion amoureuse est présent dès le prologue et se retrouve dans l’ensemble de l’acte II. Les répliques de Mercutio, dans la scène 1, le complètent par des allusions à Vénus et à Cupidon, ou des images empruntées à la magie. 14. Les comparaisons et les métaphores de Roméo pour décrire la beauté de Juliette, puis les images précieuses dont l’un et l’autre se servent dans toute la scène 2 pour parler de leur amour (comme celles du fauconnier et du tiercelet, l. 218), font sans conteste de cette scène la plus lyrique de l’acte. Les adjectifs y sont innombrables, et la ponctuation expressive (exclamations et interrogations rhétoriques) donne un rythme syncopé qui reproduit l’émotion des amants. Il s’agit en effet de la scène de déclaration d’amour. Le frère Laurence s’exprime lui aussi avec lyrisme, multipliant les images poétiques comme dans la scène 6. ÉTUDIER L’ÉCRITURE 15. Dans la scène 3, la sentence prononcée par le frère Laurence : « les femmes peuvent faillir, quand les hommes ont si peu de force » (l. 328-329) excuse la faiblesse des femmes dans la fidélité amoureuse, leur légèreté de sentiments, en la justifiant par l’inconstance masculine. Cette sentence s’applique à Roméo puisqu’il se disait épris à jamais de Rosaline et que la seule vue de Juliette lui a fait immédiatement oublier son précédent amour. 16. Dans cette même scène, le frère Laurence s’exprime souvent par phrases sentencieuses, car il est là pour rappeler la loi morale et religieuse, ce qui est la fonction même des sentences : « La vertu même devient vice, étant mal appliquée, et le vice est parfois ennobli 9 par l’action » (l. 273-274) ; « Le souci fait le guet dans les yeux du vieillard, et le sommeil n’entre jamais où loge le souci » (l. 286 à 288) ; « Allons sagement et doucement : trébuche qui court vite » (l. 345-346). On les reconnaît aux présents de vérité générale, aux tournures impersonnelles et au lexique moral. ÉTUDIER UN THÈME : LA PASSION AMOUREUSE 17. Dans la scène 2, le premier aveu est fait par Roméo : « Voilà ma dame ! Oh ! voilà mon amour ! Oh ! si elle pouvait le savoir ! » (l. 70-71) qui parle seul, puis par Juliette qui croit parler seule mais est entendue par Roméo : « Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière » (l. 101 à 103) ; puis le dialogue commence véritablement entre eux : « Appelle-moi seulement ton amour, et je reçois un nouveau baptême : désormais je ne suis plus Roméo » (l. 104 à 106). Ensuite, Roméo avoue son amour à plusieurs reprises sans que Juliette lui réponde explicitement, alors qu’elle lui demande au contraire de proclamer cet amour. Enfin, Juliette renonce à la pudeur féminine et à la retenue due à son rang et son éducation pour avouer à son tour ses sentiments à Roméo avec exaltation : « En vérité, beau Montague, je suis trop éprise » (l. 153). Toute la fin de la scène 2 est un échange d’aveux amoureux qui constitue un duo où les deux personnages sont à l’unisson l’un de l’autre. 18. Dans l’acte II, Roméo avoue aussi son amour pour Juliette au frère Laurence, tandis que Juliette, impatiente, manifeste ses sentiments pour Roméo devant sa nourrice, sans retenue. Les deux personnages, après un certain décalage dû à la réserve de Juliette, à son sexe, son éducation et son âge, montrent la même exaltation amoureuse et la même franchise. Juliette ne s’embarrasse pas de détours précieux, de pudibonderie ou d’hypocrisie ; de même, Roméo ne s’abrite pas derrière une galanterie artificielle et convenue. La jeunesse et la sincérité des deux personnages donnent à leur aveu une innocence et une justesse rares. 19. La phrase « ce que l’amour peut faire, l’amour ose le tenter » (scène 2, l. 123-124) prononcée par Roméo en réponse aux craintes de Juliette sur sa présence dans le jardin des Capulets la nuit montre sa confiance dans ses sentiments et leur légitimité, qui lui donnent témérité et courage – ou peut-être inconscience – et transforment l’amoureux transi de l’acte I en véritable héros. 20. Dans la scène 2, l’image du « fauconnier » et du « tiercelet » (l. 219) énoncée par Juliette lui sert à exprimer la force du lien qui l’unit à Roméo : elle se compare au fauconnier qui appelle l’oiseau dont il est le maître, et qui en est obéi à chaque appel ; elle prolonge ensuite cette image par celle de l’oiseau captif d’une enfant, jalouse de sa liberté. Les deux images traduisent la servitude de l’amant envers sa maîtresse, à qui il doit obéissance absolue, selon les règles de la courtoisie médiévale, à laquelle ces images sont d’ailleurs empruntées (cf. les Lais de Marie de France.) ÉTUDIER L’EXTRAIT : DES PÉRIPÉTIES HEUREUSES ? 21. L’acte II est l’acte des péripéties heureuses, autour de la préparation du mariage secret de Roméo et Juliette. Le mot « joie » et son champ lexical sont présents tout au long de l’acte. En effet, malgré la haine des deux familles et les menaces qui se profilent sur les héros, l’acte II, tout entier sous le signe de l’amour avec la double déclaration de Roméo et de Juliette, est un acte joyeux, grâce à la confiance des deux jeunes gens dans leur sincérité et dans la légitimité de leur amour. Cette ambivalence – joie mêlée de crainte – était annoncée par les derniers mots du chœur, dans le prologue (page 49) : « Mais la passion leur donne la force, et le temps, l’occasion 10 De goûter ensemble d’ineffables joies dans d’ineffables transes » (l. 16 à 18). Dans la scène 3, même le frère Laurence se laisse convaincre par l’enthousiasme de Roméo, et accepte de les marier avec confiance car, d’après lui, « cette union peut, par un heureux effet, changer en pure affection la rancune de vos familles » (l. 341 à 343). La présence des amis de Roméo, Benvolio et surtout Mercutio, par leurs plaisanteries spirituelles auxquelles se mêle Roméo lui-même, contribue à l’atmosphère joyeuse de l’acte (scènes 1 et 4). Il en est de même avec les moqueries de la nourrice à l’égard de l’impatience de Juliette, à son retour (scène 5) ; elle aussi s’est laissée gagner par l’amour des deux jeunes gens. 22. Pourtant, quelques phrases évoquent tout au long de l’acte les menaces qui pèsent contre les amoureux (menaces humaines et divines de vengeances et de châtiments) : « Considère qui tu es : ce lieu est ta mort, si quelqu’un de mes parents te trouve ici » (Juliette, scène 2, l. 119-121) ; « Tybalt, le parent du vieux Capulet, lui a envoyé une lettre chez son père […]. C’est à l’auteur de la lettre qu’il répondra : provocation pour provocation » (Benvolio, scène 4, l. 353-354 ; l. 359-360) ; « Veuille le ciel sourire à cet acte pieux, et puisse l’avenir ne pas nous le reprocher par un chagrin ! » (frère Laurence, scène 6, l. 657-658). LIRE L’IMAGE 23. La carte postale de la page 53 correspond au début de l’acte II, scène 2, pendant la nuit qui succède à la rencontre de Roméo et Juliette à la fête des Capulets. Juliette sort sur son balcon pour rêver tout haut à Roméo, sans savoir que celui-ci se cache en bas dans le jardin. Roméo l’observe et commente son apparition : « Elle se tait… Mais non ; son regard parle, et je veux lui répondre… Ce n’est pas à moi qu’elle s’adresse. Deux des plus belles étoiles du ciel, ayant affaire ailleurs, adjurent ses yeux de vouloir bien resplendir dans leur sphère jusqu’à ce qu’elles reviennent » (l. 71 à 75). Pour reproduire l’éloge que Roméo fait des yeux de Juliette, l’artiste a donné beaucoup d’intensité à son regard, en lui faisant de grands yeux perdus dans le vague. La jeune fille a la tête penchée sur l’épaule, dans une attitude de rêverie mélancolique, et elle est encore parée de ses vêtements de bal. Elle pense à Roméo dont elle vient de tomber amoureuse, mais elle connaît son identité, révélée par sa nourrice, et donc l’impossibilité de cet amour, ce qui cause sa mélancolie (première réplique de Juliette « Hélas ! », l. 84) ACTE III (pp. 81 à 112) AVEZ-VOUS BIEN LU ? 1. Dans la scène 1, Roméo répond sans colère aux insultes de Tybalt, car il sait que celui-ci est le cousin de Juliette ; il fait donc partie de sa famille dorénavant et il est prêt à l’aimer pour cette raison : « Je proteste que je ne t’ai jamais fait injure, et que je t’aime d’une affection dont tu n’auras idée que le jour où tu en connaîtras les motifs… » (l. 75 à 77). Mais Mercutio ne peut comprendre ce comportement, car il ne sait pas que Roméo a épousé Juliette et que Tybalt est devenu le cousin de Roméo : « Ô froide, déshonorante, ignoble soumission ! » (l. 79). 2. Dans cette même scène, Mercutio meurt, tué par Tybalt, alors que Roméo s’est interposé entre eux pour arrêter le combat. Tybalt l’a touché « par-dessous le bras de Roméo » (l. 97). Roméo est donc en quelque sorte responsable de la mort de son ami. Après sa mort, il se reproche sa lâcheté, puisque c’est pour son honneur que s’est battu Mercutio. Il considère que 11 son amour pour Juliette l’a « efféminé » (l. 125). Il réagit par la colère contre Tybalt, le provoque en duel et le tue. 3. Le prince Escalus condamne Roméo à l’exil, à la fin de la scène 1 ; il doit partir immédiatement, sinon il sera tué. Le prince rejette toute possibilité de pardon. 4. Dans la scène 2, le début du dialogue entre Juliette et la nourrice repose sur un malentendu à propos de la mort de Tybalt. Juliette croit que la nourrice parle de la mort de Roméo, car celle-ci nomme Roméo puis Tybalt sans préciser qui est mort. 5. Dans cette même scène, la nourrice décide brusquement d’aller chercher Roméo car Juliette, apprenant que Roméo est banni, annonce qu’elle va se tuer, ce qui terrifie la nourrice : « À moi, cordes ! à moi, nourrice ! je vais au lit nuptial, et au lieu de Roméo, c’est le sépulcre qui prendra ma virginité » (l. 341 à 343). 6. À la fin de la scène 3, le frère Laurence ordonne à Roméo de quitter Vérone « avant la fin de la nuit » (l. 515) ou « à la pointe du jour sous un déguisement » (l. 518), aussitôt après sa nuit de noces avec Juliette, et de rester à Mantoue. Il lui enverra des nouvelles par son valet. 7. Dans la scène 4, Capulet décide – lundi – que le mariage de Juliette avec Pâris aura lieu jeudi, pour laisser le délai nécessaire au deuil de Tybalt. 8. Dans la scène 5, le dialogue entre Juliette et sa mère repose sur un quiproquo volontairement entretenu par Juliette ; Lady Capulet croit que Juliette pleure la mort de son cousin (sa « perte », l. 637, 640), alors que Juliette pense au bannissement de Roméo (« la perte de cet ami », l. 640). Ensuite, le quiproquo se déplace sur la vengeance : Lady Capulet parle de trouver Roméo pour l’empoisonner et venger Tybalt, alors que Juliette parle de le retrouver pour l’aimer. 9. Dans cette même scène, à la fin de l’entretien, la nourrice propose à Juliette d’épouser le comte Pâris, car jamais Roméo n’osera venir la retrouver et c’est comme si ce premier mari était mort. D’ailleurs, elle trouve Pâris bien préférable à Roméo. ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 10. À partir de l’expression de Tybalt « tu es de concert avec Roméo » (scène 1, l. 49), Mercutio fait un jeu de mots en prenant le mot « concert » (l. 49) dans le sens d’ensemble musical ; il s’appuie pour cela sur le champ lexical de la musique : « ménestrels » (l. 51), « désaccords » (l. 52), « archet », « danser » (l. 53). 11. Dans cette même scène, il joue également sur les mots après la réplique de Tybalt : « Voici mon homme » (l. 62). Il fait semblant de comprendre que Roméo est le domestique de Tybalt (son « homme »), alors que Tybalt veut dire qu’il a trouvé son adversaire. Mercutio s’appuie sur le champ lexical de la servitude : « livrée » (l. 64), « suite » (l. 65). 12. À la fin de la scène 1, « Que Roméo se hâte de partir » (l. 208) est un subjonctif présent à valeur d’ordre ; « l’heure où on le trouverait ici serait pour lui la dernière » (l. 208-209) est un conditionnel présent à valeur hypothétique ; « Qu’on emporte ce corps et qu’on défère à notre volonté » (l. 209-210) est un subjonctif présent à valeur d’ordre ; « la clémence ne fait qu’assassiner en pardonnant à ceux qui tuent » (l. 210-211) est un indicatif présent à valeur de vérité générale. C’est l’autorité du prince Escalus qui s’exprime ainsi. ÉTUDIER LE DISCOURS 13. Dans le récit de de Benvolio à partir de « Tybalt, que vous voyez ici » (scène 1, l. 170 à 190), le discours narratif de Benvolio commence aux temps du passé puisque c’est un récit rétrospectif : imparfait, puis passé composé. Il se poursuit au présent de narration à partir de « oppose le fer » (l. 178) pour donner plus de vie au récit du combat. Puis il reprend au passé avec le passé composé – qui remplace le passé simple dans un énoncé ancré – et l’imparfait. 12 La dernière phrase est au subjonctif présent, car elle exprime un souhait. Le champ lexical dominant est celui du duel, très riche dans cette réplique. Les images sont soit des métaphores (« avec l’humilité d’un suppliant agenouillé », l. 174, « Leur lutte a été un éclair », l. 187), soit des personnifications (« la fureur indomptable », l. 175, « il écarte d’une main la froide mort », l. 179). Elles animent le récit. Les paroles rapportées le sont au discours narrativisé au début (« En vain Roméo lui parlait sagement, lui disait », l. 171), puis au discours direct (« Arrêtez, amis ! amis, séparez-vous ! », l. 181) pour les rendre avec plus de vie et de force. 14. Dans la tirade prononcée par le frère Laurence à partir de « Retiens ta main désespérée ! » (scène 3, l. 464 à 505), ce discours argumentatif, qui a pour objet de détourner Roméo du suicide, utilise la ponctuation expressive : les phrases exclamatives et interrogatives sont en effet nombreuses, surtout au début du discours. Les exclamations servent à traduire la désapprobation du frère Laurence : il veut faire honte à Roméo sur son lâche comportement. Les phrases interrogatives sont des questions rhétoriques qui doivent faire réfléchir Roméo et lui faire prendre conscience de la meilleure attitude à adopter dans ces circonstances. Les phrases sont également injonctives, avec les exhortations et les ordres donnés à l’impératif ou au futur de l’indicatif. Le frère Laurence se sert aussi de nombreuses répétitions qui produisent des rythmes binaires ou ternaires, destinés à donner plus de force à ses paroles. Les arguments mis en avant sont le caractère efféminé du comportement de Roméo qui lui fait honte, l’amour de Juliette et la confiance qu’elle a mise en lui, l’ingratitude de Roméo face à son bonheur dont il n’a pas conscience. Il lui montre les aspects positifs de sa situation pour lui redonner de la combativité et de la volonté. Il appuie sa critique des défauts de Roméo sur des images variées, la monstruosité animale, l’avarice, l’artifice et le mensonge, l’inaptitude ; des personnifications de la loi, de la fortune. ÉTUDIER LE GENRE : REBONDISSEMENTS ET COUPS DE THÉÂTRE DRAMATIQUES 15. Différents rebondissements se succèdent dans l’acte III. – Tybalt et Mercutio combattent sur la promenade publique : ce combat s’achève par la mort de Mercutio (scène 1). – Roméo et Tybalt combattent au même endroit : ce combat s’achève par la mort de Tybalt (scène 1). – Roméo est condamné à l’exil par le prince Escalus, toujours sur la promenade du Cours (scène 1). – Juliette menace de se suicider, dans le jardin de sa maison (scène 2). – Roméo menace de mourir, dans la cellule du frère Laurence (scène 3). – Dans la maison des Capulets, Capulet accepte le mariage de sa fille avec Pâris et fixe la date au jeudi suivant (scène 4). – Capulet menace Juliette de la désavouer et de la déshériter si elle refuse ce mariage (scène 5). On passe donc de l’extérieur à l’intérieur, du lieu ouvert au lieu clos, dans un resserrement tragique. 16. Ces rebondissements donnent un rythme précipité et angoissant à l’acte III ; le lecteur/spectateur voit l’étau tragique se refermer autour de Roméo et Juliette dont le destin bascule en très peu de temps du bonheur (leur mariage, à la fin de l’acte II) au malheur (leur séparation). Le lecteur/spectateur est donc anxieux de savoir comment le sort des deux héros va évoluer. 17. Les personnages secondaires associés aux rebondissements sont Benvolio pour les combats, la nourrice pour le suicide de Juliette, le frère Laurence pour le suicide de Roméo, 13 Pâris, Capulet et Lady Capulet pour le mariage de Juliette. Dans cet acte, tous les personnages qui ont une influence sur l’intrigue participent donc à l’action. ÉTUDIER L’ÉCRITURE 18. L’expression « Oh ! je suis le bouffon de la fortune ! » (scène 1, l. 149) signifie : « Je suis le jouet du destin ! ». Roméo, par une métaphore, se compare à ces valets des rois qui servaient à leur amusement, en étant ridiculisés et en se prêtant à leurs caprices pour les distraire. La fortune (ici, « le sort », « le hasard », « le destin », au sens du mot latin fortuna) fait de Roméo ce qu’elle veut et se moque de lui. 19. Dans la réplique de Juliette à partir de « Ô cœur de reptile caché sous la beauté en fleur ! » (scène 2, l. 284 à 293), les oxymores sont nombreux : « Gracieux tyran », « démon angélique », « corbeau aux plumes de colombe », « agneau ravisseur de loups », « méprisable substance d’une forme divine », « saint damné », « noble misérable » appartiennent aux domaines de la politique, de la religion, de la morale, mais aussi au règne animal ; ils traduisent l’idée de la duplicité, de l’hypocrisie, de l’opposition entre l’être et le paraître. Ils sont complétés par des antithèses hyperboliques : « Ô cœur de reptile »/« beauté en fleur », « dragon » […] caverne »/« splendide », « l’esprit d’un démon »/« un corps si exquis » , « vile rapsodie »/« livre […] si bien relié », « la perfidie »/« dans un magnifique palais » qui appartiennent aux mêmes domaines, auxquels s’ajoute l’art. La violence de ces formules et de ces images dans la bouche de Juliette suscite la surprise du lecteur/spectateur, plus habitué à son lyrisme poétique et à sa retenue, d’autant qu’elle parle ainsi de Roméo ! ÉTUDIER UN THÈME : LA VIOLENCE 20 et 21. La violence est omniprésente dans l’acte III. – Dans la scène 1, il s’agit d’une violence physique contre autrui, puisque l’on assiste à deux duels successifs, tout d’abord entre Mercutio et Tybalt, puis entre Tybalt et Roméo, les deux combats se concluant par la mort de l’un des adversaires. Mais les duels ont été précédés de violence verbale, car les adversaires se sont d’abord provoqués par des insultes, avant de s’affronter. Mercutio est à l’origine du premier combat et il en est la victime ; Roméo est à l’origine du second combat et Tybalt en est la victime. – Dans la scène 2, il s’agit d’une violence verbale, car Juliette, apprenant la mort de Tybalt et l’exil de Roméo, se laisse aller à la colère contre Roméo d’abord puis elle-même, contre Tybalt, et enfin contre la décision du bannissement de Roméo. À la fin de la scène, elle menace de retourner la violence contre elle-même en se suicidant. Elle est donc à l’origine de la violence verbale et pourrait être victime de sa violence physique. – Dans la scène 3, il s’agit encore une fois de violence verbale, provenant de Roméo, qui se révolte contre son sort et sa condamnation à l’exil, et retourne la violence contre lui en menaçant comme Juliette de se suicider. – La scène 4, à première vue, ne semble pas receler de violence ; toutefois, on y trouve une violence morale de la part de Capulet qui prend la décision de marier Juliette à Pâris, et de fixer la date du mariage au jeudi, sans consulter sa fille sur ses sentiments. Capulet est donc à l’origine de la violence dont Juliette va être la victime. – Dans la seconde partie de la scène 5, avec l’arrivée de la mère de Juliette puis de son père, la violence est verbale et morale : verbale avec les menaces d’empoisonnement de Roméo formulées par Lady Capulet ; morale avec les menaces contre Juliette formulées par son père, lorsqu’elle refuse le mariage avec Pâris. La violence verbale est présente jusqu’à la fin de cette scène, par les insultes que Juliette profère contre la nourrice, qui trahit Roméo. 14 22. Le court passage qui échappe à la violence est le début de la scène 5, constitué par un duo lyrique entre Roméo et Juliette (« le rossignol » et « l’alouette », l. 563), après leur nuit de noces et juste avant leur séparation. Les thèmes en sont l’amour, la mort, la séparation. ÉTUDIER L’EXTRAIT L’ACMÉ DE LA PIÈCE 23. Dans la scène 1, la réplique de Roméo qui annonce la tragédie à venir est la suivante : « Ce jour fera peser sur les jours à venir sa sombre fatalité : il commence le malheur, d’autres doivent l’achever » (l. 131-132). Avant même sa condamnation à l’exil, Roméo a compris que le meurtre de Tybalt entraînait la séparation d’avec Juliette – le malheur – et la série de malentendus qui provoqueront la catastrophe finale. Cette réplique est prémonitoire, parce qu’il y prévoit l’évolution tragique vers la mort de leurs destinées. 24. La scène qui constitue l’acmé de la pièce peut donc être la scène 1 de l’acte III, parce qu’elle voit le bannissement de Roméo, conséquence du double meurtre – de Mercutio par Tybalt et de Tybalt par Roméo – qui produit la mise en marche de la fatalité tragique comme Roméo lui-même le laisse entendre dans sa réplique prémonitoire. Cette condamnation à l’exil entraîne la séparation des amants, la solitude de Juliette, son impossibilité d’avouer son mariage à ses parents pour refuser celui avec Pâris. Il ne lui reste donc que le subterfuge proposé par le frère Laurence, qui provoque les malentendus et les morts en chaîne de l’acte V. Mais on peut aussi considérer que l’acmé se situe dans la scène 4, avec la décision de Capulet de marier Juliette à Pâris, ce qui noue totalement l’action et précipite les événements. Car Juliette est prise au piège, et c’est par fidélité à Roméo et par honnêteté qu’elle réclame au frère Laurence un moyen pour échapper à ce second mariage. Le breuvage et la fausse mort de Juliette entraînent ensuite la mort de Pâris, celle de Roméo et enfin celle de Juliette ellemême, dans le schéma classique de la catastrophe finale. LIRE L’IMAGE 25. La photo d’une mise en scène contemporaine de la pièce, page 104, est surprenante à cause du choix du décor et des costumes, « modernes » ou plutôt « intemporels ». Le dépouillement du décor, extrêmement anguleux, sévère et triste, est bien loin de l’image de l’Italie traditionnelle. Le balcon figure symboliquement la « cage » qui enferme Juliette et qui l’empêche de partir avec Roméo. Cette photo se situe au moment précis où Roméo quitte Juliette en descendant par le balcon, comme il est venu : « Adieu, adieu ! un baiser, et je descends » (l. 602). La mise en scène a conservé le balcon par lequel Roméo s’enfuit de l’appartement de Juliette après leur nuit de noces, mais pas l’échelle de cordes fournie par la nourrice. Les deux acteurs semblent très jeunes, comme dans la pièce de Shakespeare. Ils ont du mal à se quitter et leurs mains se rejoignent une dernière fois, dans un geste de tendresse et d’union. Leurs visages sont tournés l’un vers l’autre et leurs regards restent rivés. Ils traduisent leur amour et leur angoisse de l’avenir. Le metteur en scène veut accentuer pour le spectateur l’impression d’enfermement de Juliette, la difficulté et la souffrance de leur séparation. Le décor froid connote la tristesse et annonce le malheur qui les attend. 26. Les personnages présents sur la gravure de la page 109 sont la nourrice à gauche, la mère et le père de Juliette à droite, et Juliette mise en valeur au premier plan, au centre. Cette gravure correspond à la réplique de Juliette : « Juliette s’agenouillant. Cher père, je vous en supplie à genoux, ayez la patience de m’écouter ! rien qu’un mot ! » (l. 721-722). La nourrice est représentée âgée, s’appuyant sur sa canne, et elle semble apitoyée par Juliette. Lady Capulet retient son mari par le bras, elle s’interpose devant la colère et la violence de son époux. Celui-ci semble prêt à frapper sa fille. Juliette s’est agenouillée à ses pieds et, dans le 15 geste rituel des suppliants de l’Antiquité, elle saisit les genoux de son père pour lui adresser sa prière. Elle veut le supplier de renoncer au projet de mariage avec Pâris. La scène est pathétique, la fureur de Capulet est bien rendue, comme le désespoir de Juliette. C’est une illustration réaliste très fidèle au texte. ACTE IV (pp. 117 à 132) AVEZ-VOUS BIEN LU ? 1. Dans la scène 1, le frère Laurence s’oppose à la date prévue pour le mariage de Juliette avec Pâris – jeudi – en prétextant que cette date est trop proche et que Pâris ne connaît pas encore les sentiments de Juliette à son égard. Mais le véritable motif est que Juliette est déjà secrètement mariée avec Roméo, et que c’est lui-même qui a célébré leur mariage. 2. Dans cette même scène, Juliette menace de se suicider si le frère Laurence ne peut empêcher son mariage avec Pâris (« Elle montre un poignard », didascalie l. 61). 3. Toujours dans cette scène, pour que Juliette échappe au mariage avec Pâris, le frère Laurence lui propose de boire une potion le lendemain soir, qui la fera paraître morte alors qu’elle ne sera que profondément endormie (dans un état de catalepsie). Elle restera près de deux jours dans cet état. Ensuite, après ses funérailles, Roméo et le frère Laurence viendront la chercher dans le caveau familial, à son réveil, pour l’emmener à Mantoue. 4. Dans la scène 2, Juliette explique à son père son changement de comportement envers lui, par l’intervention du frère Laurence qui l’a convaincue, en confession, de lui demander pardon pour sa désobéissance. 5. Dans la scène 3, le soir même, seule dans sa chambre, avant de boire le breuvage donné par le frère Laurence, Juliette est prise de terreur. Elle craint que ce ne soit un poison ; elle a peur ensuite de se réveiller dans le tombeau avant l’arrivée de Roméo et d’y être seule avec les morts – dont son cousin Tybalt – et d’en perdre la raison. 6. La scène 4 se déroule durant la nuit, précisément au petit jour : elle décrit les préparatifs du mariage effectués par Capulet, sa femme et leurs domestiques. Pendant que la noce se prépare, Juliette boit la potion et tombe en catalepsie. La maisonnée la trouve apparemment morte au petit jour. C’est un exemple d’« ironie tragique » et le lecteur/spectateur en sait plus que les personnages. 7. Dans la scène 5, le frère Laurence interrompt brutalement les plaintes des Capulets et de la nourrice face à la fausse mort de Juliette, en leur imposant silence : « Silence, n’avez-vous pas de honte ? » (l. 336). Il leur démontre qu’elle est au ciel et donc heureuse. Ils devraient avoir honte de pleurer, puisque Juliette s’est élevée jusqu’au ciel. D’après lui, il vaut mieux mourir jeune et heureuse que vivre longtemps mariée. Il leur fait la morale en justifiant la « mort » de Juliette par un mystérieux châtiment divin à leur encontre : « Le ciel s’appesantit sur vous, pour je ne sais quelle offense » (l. 359). ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 8. Dans sa tirade de la scène 3 (l. 191 à 227), Juliette utilise principalement des propositions subordonnées conjonctives, compléments circonstanciels d’hypothèse, introduites par la conjonction de subordination « si ». Ces subordonnées hypothétiques sont associées au champ lexical de la mort : « breuvage », « poison », « mourir », « tombeau », « mort », « caveau », etc. Cela traduit l’angoisse de Juliette au moment de boire la potion qui va lui donner l’apparence de la mort, puisqu’elle imagine tout ce qui peut arriver dans le tombeau. Les hypothèses traduisent un état proche du délire, provoqué par l’angoisse. 16 9. Au sens propre, l’expression « son argentin » (scène 5, l. 402) employée par Pierre et les musiciens signifie « qui résonne clair comme l’argent » (c’est-à-dire comme le métal). Ils font ensuite une série de jeux de mots avec le nom « argent » sur lequel est formé l’adjectif « argentin » : la musique aurait un son argentin quand elle rapporte de l’argent aux musiciens. Pierre se moque d’eux en disant que de piètres musiciens comme eux gagnent rarement de l’or grâce à leur musique. D’ailleurs, il ne les paye pas. ÉTUDIER LE DISCOURS 10. Dans la scène 5, le type de phrase dominant est la phrase de forme exclamative, utilisée par tous les personnages présents, alternativement, au moment de la découverte de la mort apparente de Juliette. La récurrence de cette ponctuation expressive traduit la stupéfaction et le bouleversement des personnages présents : leur incrédulité, leur désespoir et leur révolte ; puis les reproches de frère Laurence à tous. 11. Dans les lamentations, les répliques des différents personnages se répondent en échos, par des reprises de mots ou d’expressions identiques d’une réplique à l’autre. La nourrice : « Elle est morte, décédée, elle est morte ; ah ! mon Dieu ! » (l. 294-295). Lady Capulet : « Mon Dieu ! elle est morte ! elle est morte ! elle est morte ! » (l. 296-297). La réplique de la nourrice : « Ô douleur ! ô douloureux, douloureux, douloureux jour ! » (l. 322-323) est l’imitation dérisoire et grotesque de la réplique précédente, dite par Lady Capulet, car elle ne sait que répéter les mêmes mots sans le lyrisme élégiaque de sa maîtresse. ÉTUDIER LE GENRE : UNE TRAGICOMÉDIE 12. Le genre de l’acte IV est à la fois celui du comique et du tragique. • Les scènes qui relèvent de la comédie sont : – le début de la scène 1, par le thème du mariage, puis par le dialogue entre Pâris et Juliette qui s’apparente à une scène de « dépit amoureux » propre aux comédies ; – la scène 2 est tout entière une scène de comédie par les préparatifs du mariage, le registre comique, la présence des valets, la réconciliation entre Juliette et son père ; – la scène 4 est une scène de comédie par les préparatifs de la fête et la présence des valets ; – la fin de la scène 5 est comique parce que les musiciens se disputent avec Pierre le valet et qu’ils s’insultent. • Les scènes qui relèvent de la tragédie sont : – la seconde partie de la scène 1 entre Juliette et le frère Laurence par la présence du moine, par le thème de la mort et le registre tragique ; – la scène 3 est tragique par la solitude de Juliette, le thème de la mort, le lieu évoqué, les registres pathétique et fantastique du long monologue de Juliette ; – le début de la scène 5 est tragique, car on y découvre la mort présumée de Juliette et que tous se lamentent. 13. Les registres de ces scènes alternent régulièrement, une scène de comédie précédant et suivant une scène de tragédie. L’effet produit sur le lecteur/spectateur par ce contraste est d’éviter une tension dramatique trop continue et forte, d’alléger ou de faire retomber cette tension par des moments joyeux ou même drôles comme les disputes des valets. 17 ÉTUDIER L’ÉCRITURE 14. Une « complainte » est une chanson populaire d’un ton plaintif dont le thème est tragique ou pieux. L’expression « complainte joyeuse » (scène 5, l. 374-375) est donc un oxymore, puisque le sens du nom et de l’adjectif qui forment le groupe nominal s’oppose fortement : par définition, une complainte est triste et non joyeuse. 15. La phrase prononcée par Capulet : « Le sépulcre est mon gendre, le sépulcre est mon héritier, le sépulcre a épousé ma fille » (scène 5, l. 312-313) repose sur un rythme ternaire, produit par les trois propositions construites symétriquement, et par l’anaphore du sujet « le sépulcre » répété en tête de proposition. D’autre part, le « sépulcre » est personnifié par les termes qui lui sont associés : « gendre », « héritier » et « épousé ma fille ». L’effet produit est un effet d’insistance sur le tragique de la situation par la mise en valeur et la répétition du mot qui désigne le tombeau, et un effet d’horreur par l’image évoquée au travers de la personnification, comme si Juliette avait épousé la mort. ÉTUDIER UN THÈME : LA CÉRÉMONIE 16. Les deux cérémonies évoquées dans cet acte sont un mariage et des funérailles, Juliette étant le personnage concerné par les deux. – Les termes qui se rapportent au mariage sont : « le fiancé » (scène 1, l. 105), « mariée » (scène 3, l. 201), « déflorée » (scène 5, l. 311), « fête » (scène 5, l. 352), « bouquet nuptial » (scène 5, l. 355), etc. ». – Les termes qui se rapportent aux funérailles : « cercueil » (scène 1, l. 108), « cadavre » (scène 1, l. 103), « caveau » (scène 1, l. 109), « sépulcre » (scène 5, l. 312), etc. – Les éléments communs aux deux cérémonies : « se parer » (scène 3, l. 170), « les parures » (scène 3, l. 161), « la toilette » (scène 3, l. 176), « aller à l’église » (scène 5, l. 307), etc. Les termes communs sont nombreux, puisque tout l’acte repose sur cette ambiguïté, dont joue Juliette au début de la scène 3 en répondant à sa nourrice et à sa mère. 17. La réplique prononcée par Capulet dans la scène 5 est la suivante : « Tous nos préparatifs de fête se changent en appareil funèbre […] et tout change de destination » (l. 352 à 356). Il y exprime le lien entre les noces de Juliette et ses funérailles – la métamorphose de l’un en l’autre, très exactement – par une série de comparaisons dont les comparants et les comparés sont antithétiques : « concert »/« glas » (l. 353), par exemple. ÉTUDIER L’EXTRAIT : « L’ACTE DE JULIETTE » 18. Il est difficile en effet de comprendre comment un moine, qui respecte la religion, peut proposer à Juliette l’artifice d’un breuvage qui lui donne l’apparence de la mort. Mais il y est contraint par plusieurs facteurs : sa responsabilité dans les événements, puisqu’il a accepté d’unir secrètement Roméo et Juliette, le déshonneur de Juliette si elle doit effectivement être mariée à Pâris alors qu’elle l’est déjà à Roméo, et enfin la menace de suicide de Juliette s’il ne trouve pas une solution pour empêcher ce second mariage. Tout cela est clairement expliqué par Juliette dans la scène 1 : « et, avant que cette main, engagée par toi à Roméo, scelle un autre contrat, avant que mon cœur loyal, devenu perfide et traître, se donne à un autre, ceci aura eu raison de tous deux » (c’est-à-dire le poignard, l. 62 à 65). 19. On peut appeler cet acte « l’acte de Juliette » parce que la jeune fille y est présente dans toutes les scènes, en vie ou faussement morte. Dans la seule scène où elle n’est pas présente physiquement, la scène 4, Capulet demande à la nourrice d’aller l’éveiller et de l’habiller pour le mariage. Toute l’action de l’acte IV tourne autour d’elle, de son mariage précisément, que ce soit pour le préparer ou pour y échapper. 18 Elle montre dans cet acte de l’esprit et de la détermination face à Pâris, de la fidélité pour Roméo, du courage, de la résolution et le sens de l’honneur avec le frère Laurence, de la ruse qui s’apparente à de la rouerie face à son père, et de l’anxiété quand elle est seule dans sa chambre avant de boire la potion. On comprend qu’elle est prête à tout pour ne pas trahir Roméo, même à mentir à son père, ou à affronter la terreur de la solitude du tombeau. Pourtant, c’est une toute jeune fille, humaine et sensible, et elle est terrorisée par ce qui l’attend. Elle est mue par son amour total et profondément sincère pour Roméo, par son refus du déshonneur, qui lui donnent assez de force pour tout affronter. 20. La péripétie sur laquelle repose cet acte – la fausse mort de Juliette – annonce le dénouement, parce que Juliette y a l’apparence de la mort dont elle et son entourage font une sorte de répétition macabre (lamentations, cérémonie funèbre, mise au tombeau), avant de mourir véritablement dans le dernier acte, en se suicidant. LIRE L’IMAGE 21. La gravure de la page 128 représente la fausse mort de Juliette (acte IV, scène 5). Juliette est mise en valeur par l’artiste tout d’abord par le lit sur lequel elle repose, qui occupe les deux tiers de l’image au premier plan ; la jeune fille y est étendue horizontalement alors que les autres personnages sont debout, ce qui attire les regards vers elle. Ensuite, la blancheur du linge qui l’entoure, sa robe et ses draps, constitue une tache claire qui contraste avec le reste du décor sombre, mis à part la robe de la jeune femme agenouillée à gauche. Enfin, tous les personnages l’entourent ou sont tournés dans sa direction, et le regard du lecteur suit leurs regards. Autour de Juliette endormie, on identifie : à droite, son père, Capulet ; derrière sa tête, la nourrice, qui lève les mains au ciel, penchée sur elle ; Pâris la tient dans ses bras ; le frère Laurence lève un bras au ciel ; Lady Capulet, à la droite de celui-ci, se tord les mains. Les personnages de gauche sont peut-être des musiciens, des domestiques et des invités de la noce. L’artiste a placé la mère de Juliette au centre de l’image pour accentuer le pathétique de la scène, en mettant en évidence sa douleur maternelle. D’ailleurs Juliette est encadrée par sa mère – à ses pieds – et son père – à sa tête. Tous les personnages sont horrifiés et désespérés de la mort de Juliette, et en appellent à Dieu en levant les mains au ciel. Le frère Laurence semble prononcer cette réplique de reproche adressé à tous : « Silence, n’avez-vous pas de honte ? Le remède aux maux désespérés n’est pas dans ces désespoirs » (scène 5, l. 336-337). ACTE V (pp. 137 à 152) AVEZ-VOUS BIEN LU ? 1. Dans la scène 1, à l’annonce de la mort de Juliette, Roméo décide d’acheter du poison à un apothicaire de Mantoue, bien que la vente en soit interdite, pour se suicider. 2. Dans la scène 2 survient un terrible contretemps. Le frère Laurence demande au frère Jean de porter une lettre à Roméo, à Mantoue, pour l’informer de son stratagème et lui dire de venir chercher Juliette à son réveil dans le tombeau ; mais le frère Jean est enfermé dans une maison par les inspecteurs de la ville, qui craignaient la contagion de la peste, et il ne peut quitter Vérone. Personne n’a donc prévenu à temps Roméo que Juliette n’était qu’endormie. 3. Dans la scène 3, Pâris justifie sa présence au cimetière par les « rites funèbres » (l. 132) qu’il veut accomplir chaque nuit sur la tombe de Juliette, en y répandant des fleurs et des pleurs. Roméo prétend être venu pour revoir le visage de Juliette et pour prendre un anneau précieux qu’elle porte à son doigt. 19 4. Dans cette même scène, Pâris défie Roméo car il pense que celui-ci est responsable de la mort de Juliette pour avoir tué son cousin Tybalt, et qu’il est venu au cimetière pour outrager les cadavres et poursuivre sa vengeance. Roméo n’avait pas reconnu Pâris avant de l’avoir tué, et il ne voulait pas se battre avec le jeune homme qui le défiait. Après avoir reconnu Pâris, il l’emporte dans le caveau auprès de Juliette, selon les dernières volontés du comte. 5. Toujours dans cette scène, le frère Laurence vient au cimetière pour être présent au réveil de Juliette et l’emmener hors du cimetière, dans sa cellule, en attendant l’arrivée de Roméo qu’il a fait prévenir par un second message. Mais en voyant les cadavres de Roméo et de Pâris, puis le réveil de Juliette, il lui recommande de quitter aussitôt ce lieu et veut la faire entrer dans un couvent. 6. Les gardes arrivent au cimetière, prévenus par le page de Pâris qui a vu son maître se battre avec un inconnu. 7. Pour savoir la vérité sur ce qui vient de se passer au cimetière, le prince Escalus interroge successivement le frère Laurence, puis le valet de Roméo, Balthazar, et enfin le page de Pâris. 8. À la fin de la scène 3, pour honorer leurs enfants défunts, les Capulets et les Montagues se réconcilient et décident d’ériger deux statues d’or représentant Juliette et Roméo, monument en leur honneur et en leur mémoire. ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE 9. Dans la phrase de l’apothicaire : « eussiez-vous la force de vingt hommes, vous serez expédié immédiatement » (scène 1, l. 74-75), « eussiez-vous la force de vingt hommes » est une subordonnée hypothétique, complément circonstanciel de condition du verbe « expédier ». Si le verbe de la proposition principale passe au conditionnel présent, il s’agit de l’expression de l’irréel du présent : « Même si vous aviez la force de vingt hommes, vous seriez expédié immédiatement. » 10. Dans la réplique de Roméo : « C’est moi qui te vends le poison » (scène 1, l. 79), le verbe « vendre » est à la première personne du singulier, il s’accorde avec son sujet, le pronom relatif « qui », lequel a pour antécédent le pronom personnel « moi » auquel il emprunte sa personne. 11. Dans la réplique de Jean : « nous ayant rencontrés tous deux dans une maison qu’ils soupçonnaient infectée de la peste » (scène 2, l.92-93), le premier participe passé « rencontrés » s’accorde avec le COD « nous » placé avant l’auxiliaire « avoir », au masculin pluriel ; le deuxième participe passé « infectée » s’accorde avec « qu’ » mis pour « une maison » ; « infectée » est attribut du COD « qu’ ». ÉTUDIER LE DISCOURS 12. Dans le récit du frère Laurence à partir de : « Je serai bref » (scène 3, l. 358 à 388), l’énoncé est à la fois ancré et coupé de la situation d’énonciation, car ce passage relève du discours et du récit tout à la fois. En effet, c’est le système-temps passé qui domine avec les temps de l’imparfait, du plus-que-parfait, du futur du passé et du passé simple auquel se substitue le passé composé, qui appartient au système-temps présent. Les verbes sont à la première personne du singulier quand l’énonciateur parle de lui-même et à la troisième personne pour les autres personnages, sauf Capulet à qui le frère Laurence s’adresse directement à la deuxième personne du pluriel. Les indices spatio-temporels « ici gisant », « cette cité », « dès cette nuit fatale », « hier soir », etc. relèvent du système ancré dans la situation d’énonciation. Le présent « Elle s’éveille » est un présent de narration, comme ceux qui suivent, pour rendre le récit plus vivant. « Voilà tout ce que je sais » est un présent d’énonciation. 20 13. L’indice de l’énonciation qui montre que le récit du frère Laurence est inséré dans le dialogue est l’apostrophe « vous » (« Vous, pour chasser la douleur qui assiégeait votre fille », l. 364-365) adressée à Capulet, présent lors de cette scène. La reprise du dialogue s’effectue à partir de la phrase : « Voilà tout ce que je sais » (l. 386). ÉTUDIER LE GENRE : LA « CATASTROPHE » FINALE 14. La composition de la scène 3 comporte six mouvements qui vont clore cette tragédie. – Premier mouvement : du début de la scène jusqu’à « Nuit, voile-moi un instant » (l. 133), Pâris arrive au cimetière. – Second mouvement : depuis « Donne-moi cette pioche » (l. 139) jusqu’à « Je meurs ainsi… sur un baiser ! » (l. 227), Roméo tue Pâris et se suicide sur le corps de Juliette. – Troisième mouvement : depuis « Saint François » (l. 231) jusqu’à « Rouille-toi là et laissemoi mourir ! » (l. 286), le frère Laurence découvre les corps de Pâris et de Roméo, tandis que Juliette se réveille et se suicide à son tour. – Quatrième mouvement : depuis « Voilà l’endroit » (l. 289) jusqu’à « Produisez ceux qu’on soupçonne » (l. 351), le guet puis le prince Escalus, les Capulets et les Montagues découvrent les morts. – Cinquième mouvement : depuis « Tout impuissant que j’ai été » (l. 353) jusqu’à « reposer près de Juliette » (l. 411), le prince Escalus interroge les témoins. – Sixième mouvement : depuis « Où sont-ils ces ennemis ? » (l. 412) jusqu’à la fin (l. 430), les deux familles se réconcilient. Le mouvement qui constitue la « catastrophe » est le troisième mouvement au cours duquel Juliette se suicide en découvrant la mort de Roméo, car le stratagème du frère Laurence a totalement échoué. 15. Ce qui fait le lien d’un mouvement à l’autre dans la scène 3, c’est l’arrivée successive dans le même lieu de tous les personnages importants de cette tragédie (Pâris, Roméo, le frère Laurence, Juliette, le prince Escalus, les Capulets et les Montagues), et l’enchaînement des malentendus dans la première partie de la scène jusqu’à la « catastrophe ». Seule la nourrice n’est pas présente. 16. Shakespeare n’a pas scindé cette scène pour lui donner un rythme soutenu, en ne ménageant aucun temps mort dans la tension dramatique. On ressent plus fortement l’impression d’un engrenage tragique que rien ne peut arrêter jusqu’au dénouement, selon le principe même de la fatalité antique. ÉTUDIER L’ÉCRITURE 17. Dans le monologue de Roméo à partir de : « Examinons cette figure » (scène 3, l. 189 à 227), de nombreuses figures de style traduisent l’état du personnage. Les métaphores, comparaisons et personnifications poétisent le langage en faisant naître des images variées et fantastiques, dont la mort est le thème commun ; elles sont souvent renforcées par des hyperboles : « l’âpre adversité a inscrit comme moi sur son livre ! », « un tombeau triomphal », « un louvre splendide » , « une salle de fête illuminée », « enterré par un mort », « La mort qui a sucé le miel de ton haleine », « la flamme de la beauté », « le pâle drapeau de la mort », « le spectre de la Mort », « l’affreux monstre décharné », « ta chambrière, la vermine ! », « au joug des étoiles ennemies », « amer conducteur […] âcre guide […] Pilote désespéré […] ma barque épuisée ». On y trouve le lexique de la lumière, du combat, de la navigation. Les types de phrases, interrogatives et exclamatives, traduisent le bouleversement de Roméo. 21 18. Ce même monologue fait songer au délire de Juliette juste avant de boire la potion donnée par le frère Laurence. Roméo semble sous l’effet de visions délirantes, provoquées par l’exaltation et la volonté de mourir comme Juliette. Ce monologue accentue la tension dramatique, d’autant que le lecteur/spectateur en sait plus que Roméo, et assiste impuissant au malentendu qui provoque sa mort. C’est l’ironie tragique. ÉTUDIER UN THÈME : UN DÉCOR GOTHIQUE 19. Les indications qui décrivent le cimetière dans la scène 3 sont très nombreuses. – Dans les didascalies : « Un cimetière au milieu duquel s’élève le tombeau des Capulets » (l. 112-114), « allant au tombeau » (l. 159), « Montrant les tombeaux » (l. 173), « Allant à un autre cerceuil » (l. 208), « à l’autre extrêmité du cimetière » (l. 229), etc. Dans les répliques : « ces ifs là-bas » (l. 117), « le sol du cimetière, tant de fois amolli et fouillé par la bêche du fossoyeur » (l. 119-120), « cette alcôve de la mort » (l. 141), « ce cimetière affamé » (l. 147), « Horrible gueule […] une nouvelle proie ! » (l. 159 à 163), « un tombeau triomphal […] un louvre splendide » (l. 196 à 198), « une salle de fête illuminée » (l. 199), « ce sinistre palais de la nuit » (l. 216-217), « ce lieu de paix » (l. 259), « ce sang qui tache le seuil de pierre de ce sépulcre » (l. 259-260), « ce nid de mort, de contagion, de sommeil contre nature » (l. 267-269), « Le sol est sanglant » (l. 291). 20. Au début de la scène 3, le cimetière est présenté comme un lieu de paix, de recueillement, avec ses arbres et ses fleurs ; peu à peu, sa présentation change, à cause de la mort de Pâris et de l’entrée de Juliette dans le tombeau. Le sang et la mort remplacent les images de fleurs et de paix. Plus que le cimetière (sauf pour les valets de Pâris et de Roméo qui craignent d’y rester seuls), c’est le tombeau qui est inquiétant, même si Roméo le glorifie par des images hyperboliques. L’image du « nid de mort contagieux » utilisée par le frère Laurence est particulièrement évocatrice. 21. Le cimetière avait été précédemment présenté par Juliette dans l’acte IV, scène 3, juste avant de boire la potion du frère Laurence. Juliette l’avait présenté comme un lieu morbide, inquiétant et maléfique, sous l’effet de son délire provoqué par l’angoisse. ÉTUDIER L’EXTRAIT : « L’ACTE DE ROMÉO » 22. Roméo semble résolu et déterminé à mourir quand il s’adresse à son valet pour le menacer s’il s’avise de l’épier. Il refuse ensuite de se battre avec Pâris, comme il l’avait fait avec Tybalt, ce qui confirme son caractère pacifique. Il est noble et généreux avec son rival, dont il emporte le corps auprès de Juliette, comme celui-ci le lui a demandé juste avant de mourir. Il se montre passionné face à Juliette endormie, qu’il croit morte, et admire sa beauté comme il l’a fait dès leur rencontre. Enfin, il se donne la mort sans hésitation ni regret. 23. Pâris, Juliette, les Capulets et les Montagues, à leur arrivée, sont fidèles à eux-mêmes. Pâris est tendre et compatissant, mais aussi vindicatif face à Roméo. Juliette est déterminée. Les Capulets et les Montagues incriminent le sort sans envisager leur responsabilité. La fuite du frère Laurence surprend le lecteur/spectateur, qui l’aurait cru plus courageux. La réconciliation finale des Capulets avec les Montagues est également étonnante car elle montre un revirement brutal des deux familles. 24. Le prince exprime la leçon morale de la pièce dans son avant-dernière réplique : « Voyez par quel fléau le ciel châtie votre haine : pour tuer vos joies il se sert de l’amour ! Et moi, pour avoir fermé les yeux sur vos discordes, j’ai perdu deux parents. Nous sommes tous punis » (l. 413 à 416). Ces phrases dénoncent la responsabilité des Capulets et des Montagues dans la mort de Roméo et de Juliette, qui est présentée comme un châtiment divin. L’amour 22 de Roméo et de Juliette ainsi que leur sacrifice causeront le désespoir éternel de leurs parents, qui en sont responsables. D’ailleurs, cette réplique provoque la prise de conscience de leur culpabilité par les Capulets et les Montagues qui se réconcilient aussitôt et décident d’ériger un monument commun à leurs enfants. LIRE L’IMAGE 25. Sur la gravure de la page 146, on voit au centre Juliette qui se réveille dans le tombeau ; au premier plan, à gauche, Pâris est étendu mort ; aux pieds de Juliette se trouve Roméo, mort lui aussi ; au-dessus de Juliette se trouve le corps de Tybalt, son cousin, en position de gisant, les mains jointes ; et à droite, en train de descendre l’escalier, apparaît le frère Laurence. Ce dernier tient une torche dans la main droite et une bêche dans la main gauche ; derrière lui est posée une lanterne. Roméo tient dans sa main gauche la fiole qui contenait le poison, et devant Pâris se trouvent les deux épées qui ont servi à leur duel. Les trois personnages du premier plan sont disposés en triangle, dont le sommet est formé par le bras gauche étendu de Juliette. La blancheur dont Juliette est nimbée évoque un spectre, mais aussi la pureté ; elle est là pour attirer le regard du lecteur vers le personnage le plus important de la scène. À cet instant précis, le frère Laurence enjoint Juliette de sortir du tombeau et de le suivre : « J’entends du bruit… Ma fille, quitte ce nid de mort […]. Allons, viens, chère Juliette » (l. 267 à 274). RETOUR SUR L’ŒUVRE (pp. 157 à 159) LA DURÉE DE L’ACTION 1. L’histoire se déroule en cinq jours, du dimanche matin au vendredi matin. • Acte I (dimanche) – scène 1 : « Neuf heures viennent de sonner » (Benvolio, l. 183) ; – scène 2 : « Je donne ce soir une fête » (Capulet, l. 281) ; – scène 5 : « il se fait tard : je vais me reposer » (Capulet, l. 735). • Acte II (lundi) – scène 1 : « Bonne nuit, Roméo… » (Mercutio, l. 55-56) ; – scène 2 : « Ô céleste, céleste nuit ! » (Roméo, l. 194) ; – scène 3 : « L’aube » (frère Laurence, l. 256) ; « nous marier aujourd’hui même » (Roméo, l. 315) ; – scène 4 : « aller à confesse cette après-midi » (Roméo, l. 531-532) ; – scène 5 : « de neuf heures à midi » (Juliette, l. 583) ; « pas plus tard que ce soir » (la nourrice, l. 653). • Acte III (lundi après-midi, soir et mardi matin) – scène 1 : « La journée est chaude » (Benvolio, l. 3-4) ; – scène 2 : « Viens, nuit solennelle » (Juliette, l. 221) ; – scène 3 : « Le jour baisse » (didascalie, l. 352) ; – scène 4 : « quel jour est-ce ? […] jeudi, elle sera mariée… » (Capulet, l. 544 à 547) ; – scène 5 : « C’est le jour… » (Juliette, l. 584). 23 • Acte IV (mardi à mercredi matin) – scène 1 : « C’est demain mercredi » (frère Laurence, l. 92) ; – scène 2 : « Nous irons à l’église demain », c’est-à-dire mercredi (Capulet, l. 166) ; – scène 3 : « laisse-moi seule cette nuit » (Juliette, l. 178) ; – scène 4 : « il est trois heures » (Capulet, l. 236). • Acte V (jeudi matin à vendredi matin) – scène 1 : « depuis ce matin » (Roméo, l. 5) ; – scène 2 : « dans trois heures » (frère Laurence, l. 107) ; – scène 3 : « La nuit » (Pâris, l. 132). 2. • Le premier combat des Montagues et les Capulets : Acte I, scène 1 (jour 1, dimanche, neuf heures du matin). • La rencontre de Roméo et Juliette : Acte I, scène 5 (nuit du dimanche), au bal, Roméo tombe amoureux de Juliette. • Le mariage de Roméo et Juliette : Acte II, scène 6 (lundi après-midi). • La mort de Mercutio et de Tybalt : Acte III, scène 1 (lundi après-midi). • La nuit de noces de Roméo et Juliette : Acte III, scène 5 (mardi au petit jour) : matin de la nuit de noces. • La fausse mort de Juliette : Acte IV, scène 3 (mardi, tard le soir). • La mort de Pâris : Acte V, scène 3 (jeudi soir) • La mort de Roméo et de Juliette : Acte V, scène 3 (nuit du jeudi soir). 3. Le resserrement de la durée de l’action en accentue la tension et l’intensité. Il crée un effet d’accélération progressive, d’enchaînement inéluctable de la fatalité tragique, qui se déroule comme un mécanisme que l’on ne peut enrayer. C’est la même visée qui est recherchée par l’unité de temps de vingt-quatre heures, dans la tragédie classique, pour donner plus de force à la « crise ». LES LIEUX 4. Correspondance des lieux et des actions qui s’y déroulent. – La chambre de Juliette : la nuit de noces et le stratagème de la fausse mort. – Le cimetière : la mort de Pâris. – Une rue de Vérone : les combats entre les Montagues et les Capulets et la conversation entre Roméo et la nourrice. – Une rue de Mantoue : l’achat du poison. – La maison des Capulets : le bal, la rencontre entre Roméo et Juliette et les préparatifs du mariage. – Le jardin des Capulets : la déclaration d’amour. – La cellule de frère Laurence : le stratagème de la fausse mort. – Une place publique : les combats entre les Montagues et les Capulets. – Le tombeau des Capulets : la mort de Roméo et Juliette. 5. Oui, il y a souvent changement de lieux durant un même acte, mais pas durant une même scène : chaque scène se déroule dans un lieu unique. 6. Caractérisation de chacun des lieux suivants. – Une rue de Vérone : lieu ouvert, public, populaire et clair. – Une place publique : lieu ouvert, public, populaire et clair. – Une rue de Mantoue : lieu ouvert, public et populaire. – La maison des Capulets : lieu fermé, privé, noble et joyeux. – La chambre de Juliette : lieu fermé, privé et noble. 24 – Le jardin des Capulets : lieu fermé, privé, noble et sombre. – La cellule de frère Laurence : lieu fermé, religieux et sombre. – Le cimetière : lieu ouvert, public, religieux et sombre. – Le tombeau des Capulets : lieu fermé, privé, noble, religieux et sombre. 7. Le lieu le plus marquant est certainement le tombeau des Capulets, présenté d’abord par Juliette, puis par Roméo, et par l’ensemble des protagonistes à la fin de l’acte V : il réunit davantage de caractéristiques que les autres lieux. C’est un lieu qui exacerbe l’imagination, lieu tragique où se déroule la mort des deux protagonistes. LES THÈMES 8. Les thèmes de l’œuvre sont l’amitié, l’amour, la violence, la mort, la vengeance, l’humour et la poésie. Les abréviations des noms de personnages dans le tableau sont : R. pour Roméo, M. pour Mercutio, B. pour Benvolio, J. pour Juliette, P. pour Pâris, T. pour Tybalt. Thèmes Amitié Amour Violence Mort Vengeance Humour Poésie Personnages R., M. et B. R., J. et P. R., T., M. P. R., J., T., M. P. R., T., M. et P. M., R. et B. M. et R. Circonstances rues, bal bal, jardin, chambre combats de rues rues, cimetière rues, cimetière rues rues Traitement positif positif négatif négatif négatif positif positif Registre lyrique lyrique tragique tragique tragique comique lyrique Visée amusement émotion tension tension tension amusement amusement LES PERSONNAGES 9. Portrait physique et moral de l’un des deux principaux personnages, au choix. – Juliette est âgée de quatorze ans ; elle a un père, une mère et une nourrice ; son portrait est fait par Roméo (acte I, scène 5, acte II, scène 2 et acte V, scène 3) et par Pâris (acte IV, scène 1). Ce portrait est fait principalement par Roméo : il est mélioratif. Juliette apparaît comme résolue dès sa rencontre avec le jeune homme, malgré sa pudeur. – Roméo est dépeint par Juliette (acte I, scène 5) et par la nourrice (acte II, scène 5 et acte III, scène 5). Roméo est peu décrit. Son portrait moral est ambigu : d’efféminé au début, il évolue vers la détermination, la générosité et le courage. 10. Analyse des personnages secondaires. Nom Mercutio Tybalt Capulet La nourrice Le frère Laurence Rôle ami ennemi père alliée religieux Caractère léger vindicatif autoritaire tendre déterminé Influence sur les héros positive et négative négative négative positive positive et négative 11. Réponse personnelle. 12. a) faux ; b) vrai ; c) vrai ; d) faux ; e) vrai ; f) vrai ; g) faux ; h) faux ; i) faux ; j) faux. 25 PROPOSITION DE SÉQUENCE DIDACTIQUE Durée : cinq séances. Problématique : comment s’exerce la fatalité tragique ? Objectif : étude de l’évolution de la passion amoureuse des deux héros, au travers de cinq extraits déterminants. SÉANCE 1 : LA RENCONTRE Acte I, scène 5 (page 35) : depuis « ROMÉO, prenant la main de Juliette. – Si j’ai profané avec mon indigne main » (l. 693-694) jusqu’à la fin de la scène (page 43). Axes de lecture : questions 21 et 22 du thème « La rencontre amoureuse » (page 46). Outils de langue : champ lexical dominant ; images. Lecture/Écriture : question 25 « Lire l’image » ; question 26 « À vos plumes ! » (page 47). SÉANCE 2 : LA DÉCLARATION Acte II, scène 2 (dite « scène du balcon », page 51) : du début de la scène ou depuis Juliette « Hélas ! » (l. 84) jusqu’à la fin de la scène. Axes de lecture : composition de la scène ; circonstances de la déclaration d’amour ; comparaison entre les deux personnages ; par quoi sont-ils menacés ? Outils de langue : question 11 « Étudier le discours » ; question 13 « Etudier le genre : le lyrisme amoureux » (page 77). SÉANCE 3 : LA SÉPARATION Acte III, scène 5 (page 101) : du début de la scène jusqu’à « JULIETTE. – Ô fortune ! fortune ! […] et tu me le renverras » (l. 619 à 623) Axes de lecture : cadre de la scène et circonstances de la séparation ; réactions et sentiments des deux personnages ; comment se précisent les menaces ? Outils de langue : étude de l’image de l’alouette et du rossignol ; étude des formes de phrases. Lecture/Écriture : question 25 (page 116) « Lire l’image » (« Juliette en cage »). SÉANCE 4 : LE STRATAGÈME FATAL Acte IV, scène 1 (page 117) : depuis « JULIETTE. – Oh ! ferme la porte » (l. 52) jusqu’à la fin de la scène. Axes de lecture : questions 18 à 20 dans « Étudier l’extrait : “l’acte de Juliette” » (page 135). Outils de langue : étude de la tirade du frère Laurence (pages 120-121) : temps et modes employés, avec quelles valeurs ; images macabres. Lecture/Écriture : effectuer une recherche sur le « philtre » magique confectionné par la mère d’Iseult pour sa fille dans Tristan et Iseult. Dans quel but a-t-il été fabriqué ? Les effets en sont-ils aussi maléfiques que la potion du frère Laurence ? 26 SÉANCE 5 : LA MORT DES DEUX AMANTS Acte V, scène 3 (page 141) : depuis « ROMÉO. – Sur ma foi, je le ferai » (l. 188) jusqu’à « JULIETTE. – […] Rouille-toi là et laisse-moi mourir ! (Elle tombe sur le corps de Roméo et expire) » (l. 286-287). Axes de lecture : circonstances de la scène ; réactions et sentiments des deux personnages au moment de mourir. Outils de langue : questions 17 et 18 dans « Étudier l’écriture » (page 155) sur le « monologue de Roméo ». Lecture/Écriture : comparaison avec la mort des amants dans Hernani de Victor Hugo, acte V, scène 6. 27 EXPLOITATION DU GROUPEMENT DE TEXTES RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE TEXTE 1 A. Ces deux scènes ont en commun le moment, le lieu et le thème : elles se déroulent la nuit, dans un jardin et l’amoureux est au pied du balcon de la jeune fille pour lui déclarer son amour. Cependant, dans la scène de Cyrano de Bergerac, la situation de Cyrano est particulière : il fait une déclaration d’amour sincère mais au compte de son rival, Christian, qui en recueillera tous les bénéfices. B. Les répliques de Cyrano portent plusieurs marques de l’intensité de ses sentiments. Ainsi, l’excès dans lequel le jette son amour rend celui-ci douloureux, ce qui s’exprime à travers le champ lexical de la souffrance (« j’étouffe », « je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop »). Par ailleurs, les nombreuses répétitions, notamment du déterminant et du pronom de totalité « tout » (« Tous ceux, tous ceux, tous ceux », « tout le temps » ; « De toi, je me souviens de tout, j’ai tout aimé »), et les phrases exclamatives révèlent la force de sa passion. C. Cyrano répète le pronom personnel « moi » dans sa dernière réplique, ce qui sous-entend « pas lui, pas Christian ». En effet, dans cette scène, c’est lui, malgré sa laideur mais grâce à son esprit, qui parvient à séduire Roxane ; et non Christian, malgré sa beauté. Cette déclaration est particulièrement émouvante pour lui : il a enfin l’occasion d’exprimer toute la passion qu’il a si longtemps retenue et le bonheur de la voir partagée. Mais le fait qu’elle se fasse sous l’identité d’un autre et pour son compte donne une tonalité pathétique à la scène. RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE TEXTE 2 A. La passion ressentie par l’adolescente n’était pas partagée par son voisin. En effet, il avait si peu conscience de son existence (« presque jamais plus tu ne m’as regardée ! ») qu’elle n’imagine même pas qu’il se souvienne encore d’elle (« Certainement tu ne te le rappelles plus. »). B. Sa passion pour son voisin change complètement et tout à coup le comportement de l’adolescente : pour faire ce qu’elle imagine lui plaire, elle se met à lire et à s’intéresser aux études (« je devins tout d'un coup la première de la classe »), à travailler son piano (« je commençai brusquement, au grand étonnement de ma mère, à m’exercer au piano ») et à porter une attention particulière à son apparence (« j’eus soin de ma parure uniquement pour avoir un air plaisant et propre à tes yeux »). Enfin, elle passe ses journées à guetter son passage sur le palier dans des conditions très inconfortables (« là pendant des mois et des années, dans le vestibule glacial », « passant des après-midi entiers à guetter »). C. Au moment où elle écrit, la jeune femme n’a pas changé de sentiment à l’égard de cet homme, sa passion est intacte (« mais moi, oh ! je me souviens passionnément du moindre détail ; je sais encore, comme si c'était hier »). Et même si elle a conscience que sa passion l’a poussée à certains excès, elle est bien loin de les condamner : « aujourd'hui encore, je n'ai pas honte de ces heures-là ! ». RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE TEXTE 3 A. Jusqu’à cette scène, Troïlus n’a exprimé son attirance pour Hélène que par son comportement : il la suit partout, il est toujours derrière elle. Cette attitude muette révèle sa timidité et une certaine maladresse enfantine. B. Hélène a remarqué que Troïlus ne fait ce qu’elle lui demande que lorsqu’elle ajoute son prénom à la fin de sa phrase. Elle utilise ce procédé à quatre reprises : « Viens ici, Troïlus ! », « Tu trembles, Troïlus. », « Dis-moi ce que tu veux, Troïlus ! » et « Tu veux m’embrasser, n’est-ce pas, mon petit Troïlus ? ». À chaque fois, Troïlus, qui avait commencé par lui faire une réponse négative, finit par aller dans son sens. La répétition de ce type d’enchaînement de 28 répliques produit un effet comique. C. Les répliques de Troïlus sont très courtes, notamment les trois premières qui ne comptent qu’un seul mot (l. 2, 4, 6), et généralement composées d’une phrase simple (« Je ne tremble pas », « Je ne veux rien », « Je les hais. »). Par ailleurs, Troïlus semble se contredire en enchaînant la même phrase à la forme négative puis immédiatement après l’intervention d’Hélène, à la forme affirmative (« Je ne tremble pas. / Oui, je tremble » ; « Je ne veux rien ! / Tout ! Je veux tout ! »). Enfin, il utilise souvent des phrases exclamatives. Tout cela suggère que le jeune garçon est en proie à une vive émotion qui l’empêche de parler en mettant son esprit sens dessus dessous. Ainsi, si Troïlus a bien du mal à dire clairement son amour et ce qu’il voudrait, c’est précisément son trouble qui fait comprendre à Hélène ce qu’il ressent. RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE TEXTE 4 A. L’admiration de la narratrice pour Elena s’exprime à travers le vocabulaire mélioratif (« ravissant », « céleste », « perfection ») qu’elle emploie pour faire son portrait, qui, par les fréquents retours à la ligne, fait penser à un poème. Par ailleurs, la périphrase « le centre du monde » qui désigne Elena révèle toute l’importance qu’elle lui accorde. B. Elena se distingue par son narcissisme (« qu'une seule chose importait à Elena : être regardée ») et son caractère dédaigneux (« Elle eut un petit rire méprisant », « D'une voix sobre, hautaine et amusée »). C. La narratrice, au moment où elle écrit, a pris ses distances avec ses sentiments d’enfant et se moque un peu d’elle-même. Cette autodérision est sensible quand elle évoque la maladresse et l’égocentrisme de sa déclaration qu’elle formule comme une nécessité (« Il faut que tu m'aimes. ») et les explications qu’elle lui donne, présentées comme une évidence : « Il faut que tu m'aimes parce que je t'aime. » 29 LECTURE D’IMAGES ET HISTOIRE DES ARTS RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 1 A. La sculpture représente un couple étroitement enlacé, dans la posture de danseurs de valse. B. Les lignes du corps de la danseuse sont courbes, notamment celles de son bras, de son dos jusqu’à la nuque. Une impression d’abandon se dégage de sa tête posée sur l’épaule de son cavalier. C. L’impression de mouvement est créée par la draperie de la robe qui semble tourbillonner autour du couple. La position très inclinée des deux corps semble les placer au point de rupture de leur équilibre. D. Cette sculpture donne différentes images de la passion amoureuse. D’abord par l’enlacement des corps en partie nus, l’inclinaison des deux têtes qui semblent fusionner, les deux mains qui s’effleurent, l’abandon de la jeune femme dans les bras de son cavalier, il se dégage une grande sensualité de cette sculpture. Par ailleurs, le mouvement de la jupe et des corps incarne un état d’ivresse et de vertige propre à la passion. Mais l’inclinaison des deux corps est telle qu’elle menace leur équilibre : les excès de la passion peuvent faire perdre pied aux amoureux et faire vaciller leur raison. RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 2 A. Le format large souligne l’éloignement des deux personnages. B. Les couleurs chaudes dominent : le parquet est brun, le fond de la pièce rouge et les robes des danseuses sont rouges, roses et orange, les danseurs sont en costumes foncés. Ces couleurs symbolisent la passion mais aussi la violence. Par contraste, la robe blanche de Maria se détache sur ce fond : elle évoque sa pureté, son innocence d’avant la rencontre de l’amour, annoncé toutefois par le rouge de sa ceinture et de ses chaussures. C. Le destin tragique des deux amoureux est annoncé par le fait qu’ils sont loin de l’autre, séparés par les membres des bandes ennemies dont les rivalités les empêcheront de s’aimer librement. Par ailleurs, le rouge connote la violence et le sang. D. Le flou représente bien ce que vit une personne lors d’un coup de foudre : la surprise et la fascination sont telles que l’environnement perd de sa réalité, devient très secondaire. Toute l’attention se concentre sur l’autre qui devient seul digne d’intérêt. Le flou évoque aussi un certain vertige lié au choc émotionnel. RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 3 A. Cette photographie correspond au moment où les effets du narcotique administré à Juliette se sont dissipés : elle s’est réveillée dans le tombeau des Capulet et découvre à côté d’elle le corps de Roméo qui, la croyant morte, s’est suicidé (Acte V, scène 3). B. La douleur de Juliette s’exprime par le cri qu’elle pousse à gorge déployée, la tête complètement renversée. C. Les choix scénographiques peuvent être qualifiés de somptueux, solennels et historiques. En effet, les tissus sont riches et ornés : Juliette a une robe de velours chatoyant, le matelas semble être recouvert de soie, et les immenses tentures noires sont brodées de fils d’or de façon très ouvragée. Par ailleurs, la présence de deux cierges sur de hauts chandeliers, placés symétriquement de part et d’autre de l’estrade (ou catafalque) confère une ambiance solennelle à la scène. Enfin, le style de la robe de Juliette s’inspire des vêtements de la Renaissance italienne : ils inscrivent le ballet dans un cadre historique précis. D. Le lys blanc est porteur de nombreux messages depuis la mythologie et la Bible. Apparaissant souvent dans des cérémonies, il est associé à la noblesse des sentiments, à la pureté de l’amour mais aussi à la mort : on l’utilise donc aussi bien lors d’un mariage que d’un 30 enterrement. La fleur a aussi des connotations royales, elle est l’emblème de la royauté française. La plupart de ces connotations sont activées dans cette scène : c’est le moment où l’amour et la mort se rejoignent, dans une scénographie très cérémonielle. RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 4 A. D’une scène à l’autre, l’action de Roméo et Juliette se déroule dans des lieux très différents : sur une place, dans la salle de bal des Capulet, dans leur jardin, dans la cellule de frère Laurent, chez un apothicaire de Mantoue, etc. Cela pose un problème pour les décors, car on ne peut en changer aussi vite. Il est donc judicieux de choisir un décor un peu abstrait, plus souple pour figurer différents lieux. B. Il y a des échafaudages autour d’une maison quand celle-ci est en travaux, donc en mauvais état. Cela peut évoquer la fragilité des deux maisons qui sont sur le point de s’effondrer avec la mort de leurs enfants. Un choix assez semblable a été fait pour la mise en scène d’Éric Ruf à la Comédie française : les ruines évoquent aussi le délabrement, la perte de stabilité, un monde qui se fissure. C. Les comédiens ont pu s’appuyer sur ce décor pour insuffler de l’énergie à leurs personnages. En effet, grâce aux escaliers et aux plateformes sur plusieurs niveaux, les déplacements verticaux sont aussi possibles, tout l’espace scénique est exploitable. Les comédiens peuvent monter les escaliers, escalader la structure métallique, s’accrocher aux barres. Ce décor favorise une grande variété de déplacements, ce qui est particulièrement intéressant dans les scènes de bagarre, et ce qui met en relief le dynamisme de la jeunesse, conformément au souhait de Magali Léris : « Les acteurs circuleront sur les échafaudages avec l’agilité d’un âge qui peut tout et ne craint rien. » (La Terrasse, n°128, novembre 2010) RÉPONSES AUX QUESTIONS SUR LE DOCUMENT 5 A. Les couleurs du décor sont un camaïeu de gris, rien n’accroche le regard, il y a bien une « neutralité visuelle » telle que l’a souhaitée Éric Ruf. Ainsi dépouillé, le décor laisse toute la place à l’histoire. B. Juliette se tient non pas à un balcon mais sur une corniche sans garde-corps. Elle est donc dans une position vertigineuse, dangereuse qui peut évoquer les risques de la passion. C. Notes d’intention d’Éric Ruf « Imposer une neutralité visuelle pour réentendre l’histoire. Pour parvenir à faire entendre ce texte, je crois qu’il est nécessaire de déplacer la mire, de trouver une frange, un entre-deux d’époque, d’esthétique, une jachère suffisamment inactuelle et contemporaine pour que le spectateur n’y reconnaisse pas immédiatement une intention manifeste mais se laisse porter par l’histoire. L’Italie bien sûr, mais une Italie pauvre où l’on observe sur les murs délabrés et beaux le souvenir d’une civilisation glorieuse. Une Italie du sud où la chaleur écrase les places et échauffe les esprits. Une Italie d’entre-deux-guerres encore extrêmement pieuse où les peurs irraisonnées, les croyances populaires demeurent vivaces. Une Italie pauvre où la qualité de la langue sera d’autant plus audible si elle n’est pas noyée dans les moirures des velours et les cols de fourrure de la Renaissance et si elle se frotte à la grandeur perdue de façades écaillées. » D. Réponde personnelle. 31 BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE ÉDITIONS DE ROMÉO ET JULIETTE – William Shakespeare, Œuvres complètes, Tragédies I (édition bilingue), collection « Bouquins », Robert Laffont, 1995. – William Shakespeare, Œuvres complètes, Tragédies, collection « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 2002. Préface et notice sur Roméo et Juliette, pages 1327 à 1349. ÉTUDES SUR WILLIAM SHAKESPEARE – Henri Fluchère, Shakespeare, dramaturge élisabéthain, collection « Idées », NRF Gallimard, 1966. – Stendhal, Racine et Shakespeare, GF-Flammarion, 1970 ; réédité dans la collection « Les Introuvables », L’Harmattan, 1993. – Marie-Thérèse Jones-Davies, Shakespeare, le théâtre du monde, Balland, 1987. – Michel Grivelet, Marie-Madeleine Martinet et Dominique Goy-Blanquet, Shakespeare de A à Z… ou presque, Aubier, 1988. – Shakespeare, Magazine littéraire, n° 393, décembre 2000. ÉTUDES SUR ROMÉO ET JULIETTE – Shakespeare, Roméo et Juliette, collection « Analyses et réflexions », Ellipses, 1991. – François Brunet, Le Mythe de Roméo et Juliette, collection « Entre légendes et histoires », Privat, 2002. – Marinette Faerber, Roméo et Juliette, collection « Profil bac », Hatier, 2007. 32