La mémoire dans la peau
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La mémoire dans la peau
Générosité Pascal Couffin a parcouru plus de 400 km à vélo afin de rejoindre la forêt de Verdun. Pour rendre hommage à son arrière-grand-père et inciter aux dons pour sauvegarder la mémoire du champ de bataille La mémoire dans la peau COLMAR, mardi 4 h 30. Sous la pluie, Pascal Couffin, 53 ans, enfourche son vélo. Il quitte la rue des Poilus où il habite, en direction de Verdun. Une coïncidence ? Va savoir. « Dans l’armée j’étais dans le 19e Groupe de chasseurs à pied. Sur la fourragère, on voyait les portes de Verdun. » Le chemin est long jusqu’à la Cité de la Paix, même pour cet habitué des grandes distances. Après 458 km, il arrive enfin à son gîte cour des Trois Rois. Il est 2 h du matin. L’intérêt de ce lieu est qu’il est à deux pas du cimetière militaire du Faubourg où repose son arrière-grand-père Camille Ernest Couffin. « Il est né à Aubin dans l’Aveyron, le 12 mars 1892. Le 27 octobre 1914, dans la Calonne, il a été touché par un obus et a perdu un bras. Il est décédé huit jours après », confie Pascal Couffin en arpentant, le lendemain, les allées du cimetière. Soudain il s’arrête, pose un genou à terre et, une main sur la croix devant lui, souffle : « Pépère », la voix remplie d’émotion. Bien sûr il ne l’a pas connu « mais c’est la famille. J’en ai perdu trente comme ça au combat ». En dix-sept mois, il les a retrouvés, tous ses aînés disparus, et pour ne pas les oublier a Donner pour les champs de bataille E La souscription nationale ouverte en septembre 2013 pour le projet « Verdun 14-18, forêt d’exception » lancée par l’ONF, la Fondation du patrimoine et le conseil général de Meuse vise à la création de parcours pédestres accessibles à tous, tels que la « route des villages détruits » ou « le parcours du quadrilatère des forts » ; la préservation et la mise en valeur des vestiges du conflit (tranchées, ouvrages militaires…) ; la mise en place de « parcours de biodiversité » destinés à faire connaître la singularité des richesses environnementales de cet espace reconquis par la nature (sentiers de découverte de la faune et la flore). E www.fondation-patrimoine.org/don-verdun K Se soucier des lieux est important car « le temps de la mémoire est venu », dit Pascal Couffin. Photo ER fait tatouer le nom des batailles sur ses bras : « Verdun, la Somme, Chemin des Dames, Vosges, Macédoine… » Maintenant direction l’Ossuaire. Sur le trajet, observant la forêt et poussant la Marseillaise, il repense aux Poilus « qui parcouraient 28 km par jour avec 25 kg sur le dos ». À la vue de la nécropole nationale, sa gorge se noue. « Tous ces hommes se sont battus pour un idéal. Pas pour eux, pour leur famille. Je suis fier d’eux, de ce qu’ils ont fait. » Dans l’Ossuaire, il lève les yeux, lit quelques noms et songe : « Tous les régiments d’armée sont passés ici. » C’est pour eux que Pascal Couffin a fait ce voyage. Pour cette forêt où ils sont si nombreux à être tombés, « cette cicatri- ce qui ne pourra jamais se refermer ». Ce lieu historique qui leur rend hommage et pour lequel une campagne de souscription nationale a été lancée. « Pour remettre en état la forêt » et de penser aux ossements qui seront peut-être découverts durant les travaux et « au bonheur des familles de retrouver les leurs ». Il s’agit aussi de favoriser la transmission aux jeunes générations « Il faut 3.500.000 € pour cette forêt d’exception, si chacun donnait 1 €, ce combat serait gagné. » Lui espère juste avoir englouti assez de kilomètres pour attirer la générosité de chacun sur ce projet, « mais ça, ce n’est rien par rapport à ce qu’eux ont fait ». Christine CORBIER