Financement de l`innovation Quelles solutions pour mon entreprise ?

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Financement de l`innovation Quelles solutions pour mon entreprise ?
DOSSIER
L’innovation
PAR
FLORENCE LAFARGUE
ASSOCIÉE, RICOL
LASTEYRIE CORPORATE
FINANCE
PAR
GILLES DE COURCEL
ASSOCIÉ-GÉRANT, RICOL
LASTEYRIE CORPORATE
FINANCE
Quand l’autofinancement ne suffit plus, quand les banques ne prêtent
pas, quelles sont les solutions qui s’offrent à l’entreprise pour financer
l’innovation ?
L’
effort financier lié à l’innovation se révèle
généralement conséquent. Or, la durée du processus
et les risques inhérents restreignent l’accès à certains types de financement, dont les prêts bancaires
classiques.
De nombreuses alternatives existent, résultat d’initiatives publiques et privées, mais les fonds restent
difficiles à trouver. Les montants destinés à ces financements sont-ils insuffisants ou cachent-ils un problème d’adéquation de l’offre et de la demande ?
AUTOFINANCEMENT ET CRÉDIT :
DES SOURCES NON INTRUSIVES
L’autofinancement est bien sûr la première ressource
de l’entreprise et représente encore, en moyenne, plus
de 50 % des investissements. À l’image des sociétés de
santé ou de nouvelles technologies, certaines entreprises s’efforcent ainsi d’affecter une partie de ressources à la R & D. Attention, l’autofinancement a
cependant un coût (celui des fonds propres !) et il ne
pourra souvent pas absorber de montée en puissance
rapide. Or, l’une des clefs du succès est de réussir à
concrétiser des innovations le plus rapidement possible.
À celui-ci s’ajoute le crédit-impôt recherche, premier
dispositif de financement externe utilisé par les entreprises. Le seul inconvénient qu’il présente encore, en
dépit de multiples simplifications, est une lourdeur qui
peut rebuter les petites entreprises. Moins connu, le
dispositif Jeunes Entreprises Innovantes (JEI), mis en
place par la Loi de finances pour 2004, a vu ses avantages renforcés dans celle de 2014 avec, notamment,
une exonération de 100 % des cotisations sociales
patronales pendant 8 ans, alors qu’elle était auparavant dégressive. Depuis 2004, 4 500 entreprises ont
bénéficié de près de 800 m€ d’exonérations, dont 75 %
employant moins de 10 salariés.
Ces deux sources seront cependant rarement suffisantes lorsque le projet prend de l’ampleur ou s’il
est, dès l’origine, particulièrement gourmand en
investissements.
La société sera alors tentée de se tourner vers sa
banque. Or, les banques ne proposent généralement
pas ce type de financement, notamment lors des premiers stades (amorçage en particulier), qui portent
encore des risques élevés. La crise financière a en effet
entraîné un net recul des prêts et le renforcement des
règles de sécurité va encore raréfier ceux considérés
comme risqués au regard des critères définis par Bâle
III. Tout n’est cependant pas perdu : les banques pourront être contactées dans le cadre du financement des
stades plus avancés de l’innovation tels que la mise en
production.
SI les concours obtenus ne sont pas suffisants, les
actionnaires se trouveront face à un dilemme : faire
ou ne pas faire entrer un tiers au capital de la société ?
L’entrée d’un investisseur privé au capital est en effet
un vrai bouleversement pour les actionnaires historiques, qui préféreront souvent – réaction bien française –, se tourner dans un premier temps vers les
aides publiques.
LES INITIATIVES PUBLIQUES
Dans le prolongement de la crise et de la raréfaction
des sources de financement, les initiatives publiques
se multiplient.
Bpifrance (BPI) concentre aujourd’hui l’essentiel
de l’offre et apporte son soutien au financement de
l’innovation via de très nombreux dispositifs de prêts
et d’aides : 3 650 entreprises ont ainsi bénéficié de
747 m€ de financement de l’innovation en 2013
(- 2 % par rapport à 2012). Ces dispositifs, déjà nombreux, devraient s’enrichir du « prêt d’amorçage
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investissement » permettant à une société levant des
fonds de recevoir un prêt de BPI et d’un « prêt d’innovation » pour stimuler l’industrialisation des innovations et accélérer les exportations.
BPI investit également en capital, directement ou via
des fonds. Une partie de ces participations s’inscrit
dans le cadre des investissements d’avenir définis dans
la Loi de finances rectificative pour 2010 (programme
de 35 Md€). Ils ciblent notamment le financement des
entreprises innovantes, à travers des fonds sectoriels
type « ambition numérique » (300 m€), ou le fonds
national d’amorçage (600 m€). Un fonds large venture
(500 m€) a de plus été lancé en 2013 à destination
des entreprises innovantes à fort besoin capitalistique
(tickets supérieurs à 10 m€).
Si les offres sont nombreuses, leur lecture reste difficile pour les PME et il n’existe pas de guide permettant
de se repérer aisément dans cet environnement en
pleine évolution. Le volume des dossiers à renseigner
peut également s’avérer décourageant.
S’agissant des investissements en capital, il ne faut
pas se leurrer : les exigences de BPI sont proches de
celles des fonds de private equity en matière d’information et de retour attendu. Ils présentent cependant
deux avantages majeurs :
- leur durée d’investissement peut être plus longue que
celle du private equity ;
- l’entrée d’un fonds public au capital est de nature à
rassurer et attirer d’autres investisseurs. En effet, bien
que significatifs, les montants affichés restent limités
rapportés aux besoins de l’industrie française… L’investissement en capital-innovation de BPI n’a ainsi
atteint que 111 m€ en 2013.
INVESTISSEURS PRIVÉS
En matière de renforcement des fonds propres, le
private equity est un acteur de longue date de l’innovation. Rompu aux problématiques de financement
et à l’optimisation des dispositifs, il constituera d’un
partenaire pour impulser un nouveau rythme à
l’entreprise. Le revers de la médaille est une présence
qui peut sembler contraignante aux actionnaires
historiques en matière de prise de décision, alliée à
un formalisme certain en matière de reporting. La
tendance globale de levée de fonds en capital innovation est aujourd’hui redevenue favorable. Cependant, la part des FIP et des FCPI a diminué et le niveau de 2013 reste inférieur à celui de 2011, les
réformes fiscales ayant conduit à un plafonnement
global des « niches ». Sans ce type d’incitation, les
contribuables français ont en effet peu tendance à
investir dans ce type de fonds…
L’entrée d’acteurs industriels peut également être
envisagée. Le recours à ce type d’investisseur sera fonction de la sensibilité de l’entrepreneur et des dirigeants : sont-ils prêts à échanger de manière transparente ? Si la réponse est positive, un partenaire
judicieusement choisi pourra, comme un fonds spécialisé, apporter à la société son expérience sectorielle
et dans la conduite de projets innovants, d’où un gain
de temps dans le développement.
En tout état de cause, et au-delà de la frilosité des
actionnaires à voir entrer un tiers au capital et du TRI
attendu par les investisseurs, se poseront les problématiques :
- du calibrage du montant initial de l’augmentation
de capital, qui devra permettre de financer au moins
les premiers stades de l’innovation. L’établissement
d’un plan prévisionnel et d’un tableau de financement
détaillés seront indispensables ;
- de la dilution si une levée de fonds complémentaire
se révélait nécessaire, avec, à la clef, un risque de
perte de contrôle de la société par les actionnaires
historiques.
LA QUESTION DE L’INTRODUCTION
EN BOURSE
Un temps dédaignées, les introductions en bourse
retrouvent les faveurs des entreprises innovantes.
À titre d’exemple, 4 sociétés de santé/biotech ont été
cotées (Alternext/Euronext) en 2013 et elles sont déjà
7 à avoir amorcé ce processus pour 2014. La création
d’Enternext devrait permettre de soutenir ce mouvement.
La cotation reste un processus lourd… et les sociétés
qui y ont recours ont souvent déjà utilisé l’ensemble
des types de financement décrits ci-avant. Le cas des
sociétés de santé est illustratif : le processus de recherche est généralement long et complexe, et les investisseurs des premiers tours pourront rechercher de
la liquidité avant la fin du développement. Au-delà
d’une levée de fonds complémentaire, l’introduction
en bourse offrira cette liquidité.
La montée en puissance des introductions en
bourse peut également s’expliquer par la difficulté à
trouver des fonds de capital développement à l’issue
de la période d’amorçage. C’est en effet à ce moment
que les besoins seront les plus importants, et il existe
en France peu de fonds dimensionnés pour accompagner les entreprises dans cette phase essentielle.
Ainsi, Criteo s’est introduite à la bourse de New York
pour attirer des investisseurs locaux. ●
Faire ou ne pas faire entrer
un tiers au capital de la société ?