Le rôle des technologies de l`information dans la performance
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Le rôle des technologies de l`information dans la performance
Logistique & Management Le rôle des technologies de l’information dans la performance logistique Prof. Dr. Werner DELFMANN Département planification opérationnelle et logistique, Université de Cologne (Allemagne) Dipl- Kfm. Martin GEHRING Département planification opérationnelle et logistique, Université de Cologne (Allemagne) McKinsey & Company et le Département planification opérationnelle et logistique de l’université de Cologne ont conduit une étude internationale qui vise à cerner l’influence des technologies de l’information sur les réseaux logistiques. Des entretiens approfondis avec cinquante entreprises industrielles et de distribution et autant de prestataires de services logistiques ont permis d’identifier les facteurs clés de la performance dans le domaine des systèmes d’information logistique. Des cycles de vie plus courts, la volatilité de la demande et la complexité croissante des produits rendent le management logistique plus complexe et créent de nouveaux enjeux pour les entreprises. Les moyens informatiques modernes, lorsqu’ils sont bien utilisés, peuvent jouer un rôle important dans la gestion de la logistique, comme le montre une étude mondiale conduite par McKinsey & Company et le Département de planification opérationnelle et de logistique de l’université de Cologne. Cinquante prestataires de services logistiques représentant tous les secteurs de ce marché, et autant de leurs clients dans différentes industries – automobile, chimie, produits de grande consommation, etc. – ont été interrogés dans le cadre de ce travail. Des données empiriques concernant la productivité, la qualité et les coûts de l’activité logistique ont été collectées et les entreprises participantes ont été classées en « performantes » et « moins performantes » selon les notes obtenues dans ces trois domaines. Cet article, à partir des résultats de cette étude, décrit la manière dont les entreprises de distribution et les entreprises industrielles d’une part, les prestataires de Vol. 11 – N°1, 2003 services logistiques de l’autre, utilisent l’outil informatique pour répondre à ces enjeux. L’informatique dans la production et la distribution La complexité croissante du management logistique tend à en alourdir les coûts. Dans le même temps, les entreprises de distribution et industrielles doivent maîtriser ces coûts, qui représentent souvent 10 % ou plus de leurs charges totales. C’est, à première vue, un compromis classique mais l’étude montre que gérer la complexité et réduire les coûts logistiques ne sont pas des objectifs contradictoires. A contrario, plus les entreprises sont confrontées à des niveaux de complexité et de dynamique élevés dans leur secteur d’activité respectif, plus elles sont performantes dans la gestion logistique. Les constructeurs automobiles et les fabricants d’ordinateurs, tout comme les grandes chaînes de distribution, sont parvenus à maîtriser cet exercice en développant des concepts de management logis- 5 Logistique & Management tique innovants qui font largement appel à l’informatique. La base d’un management efficace est un système de gestion automatique des commandes qui permet un flux d’information continu et sans papier. Une majorité des entreprises classées les plus performantes dans l’étude utilisent de tels systèmes, à l’inverse des entreprises moins performantes, comme le montre la figure 1. Figure 1 - Systèmes informatiques de gestion automatique des commandes (pourcentage d’entreprises industrielles et d’entreprises de distribution performantes et moins performantes qui utilisent ces systèmes) tique. En particulier, des systèmes de planification des ressources globales (ERP) et des systèmes de planification et de gestion de la production (PPM) sont essentiels pour les entreprises qui visent à améliorer leur performance logistique, et la connectivité avec d’autres systèmes d’information, internes et externes, est également primordiale. Confrontés à la complexité croissante du management logistique, en termes de performance comme de coûts, les entreprises industrielles et, dans une certaine mesure, les distributeurs sont plus enclins à sous-traiter cette activité. Cette démarche offre de larges opportunités pour les prestataires de services logistiques (PSL), à la condition qu’ils soient en mesure de répondre aux attentes de leurs clients concernant la performance et les coûts. On verra dans le paragraphe suivant comment les PSL peuvent fournir des services efficaces en utilisant l’outil informatique. Les solutions informatiques pour les prestataires de services logistiques Les entreprises qui utilisent déjà un système de gestion des commandes automatisé et intégré montrent une plus grande efficacité que leurs concurrentes dans plusieurs domaines, en particulier dans le temps de traitement des commandes. En moyenne, elles parviennent à réduire ce temps de 20 % par rapport aux entreprises qui ne possèdent pas de système de ce type. Informatiser les processus internes ne suffit toutefois plus à garantir une performance supérieure à la moyenne. Les systèmes internes doivent être compatibles avec ceux des autres partenaires de la chaîne logistique afin de générer un flux d’information continu tout au long du processus de création de valeur. Les entreprises doivent étudier les potentialités de nouvelles normes de communication comme XML pour mettre en place des systèmes d’information normalisés et intégrés dans l’ensemble de la chaîne logistique. Choisir des systèmes de planification appropriés est aussi important que la connectivité et l’intégration des systèmes de gestion des commandes à l’intérieur de la chaîne logis- 6 Selon notre étude, pour les entreprises industrielles et de distribution qui sous-traitent leur fonction logistique, la qualité des services fournis par le PSL prime sur le coût. Ce résultat souligne l’importance stratégique croissante des services logistiques. Là encore, les systèmes informatiques sont le facteur clé de la performance. Les PSL interrogés le reconnaissent et 90 % d’entre eux considèrent l’informatique comme un élément stratégique de premier plan et en font l’une des priorités du management. Il semble pourtant qu’il existe un décalage entre cette reconnaissance de l’importance de l’informatique et le développement opérationnel des systèmes correspondants. D’une manière générale, chacune des activités qui compose le processus opérationnel d’un PSL peut être informatisée (figure 2). L’informatisation d’une partie seulement de ces activités peut améliorer considérablement la performance. Par exemple, la simple utilisation d’un système de transmission de données par radio génère souvent des gains d’efficacité notables dans l’entreposage, un fait reconnu par les entreprises de stockage performantes qui sont deux fois plus nombreuses que les entreprises moins performantes à utiliser de tels systèmes. Des progrès spectaculaires sont possibles en équipant l’ensemble du processus opérationnel d’un Vol. 11 – N°1, 2003 Logistique & Management système d’information intégré plutôt que d’informatiser seulement quelques activités. L’intégration des systèmes d’information se situe à trois niveaux. Le premier touche les processus individuels d’un PSL ; il concerne les principales activités et les intègre. Le niveau suivant est l’intégration de chaînes logistiques individuelles, par exemple dans le transport multimodal, et le troisième intègre les systèmes de l’ensemble de la chaîne logistique. Figure 2 - Utilisation de systèmes informatiques par les prestataires de services logistiques (pourcentage de PSL performants et moins performants qui utilisent ces systèmes) Les systèmes individuels d’une entreprise et leur intégration À l’intérieur d’une même entreprise, l’accent sera mis sur la gestion continue du processus de commande et l’utilisation de systèmes de gestion de capacité. Le principal objectif, pour le processus de commande, doit être l’accès à toutes les informations importantes relatives aux commandes à tous les stades du processus. Ce n’est possible qu’à la condition de recueillir les données pertinentes le plus rapidement possible puis de les mettre à la disposition de l’ensemble des utilisateurs au sein d’une structure commune. L’étude montre que les PSL performants possèdent d’excellents systèmes de gestion des données relatives aux commandes. Ces systèmes utilisent les codes barres et le scannage aux points essentiels du processus de commande pour transmettre les informations en temps réel aux systèmes de planification, en particulier de la capacité. Les systèmes de gestion de capacité sont vitaux pour les prestataires de services logistiques, que ce soit dans le transport ou l’entreposage, car l’utilisation optimum de la capacité est le premier levier de réduction des coûts. Les PSL performants utilisent différents systèmes. ➡ Les systèmes de planification dynamique des livraisons font partie intégrante de l’environnement informatique des entreprises de transport. Avec les systèmes de données par radio, ils contribuent à optimiser l’utilisation des véhicules et ils équipent 67 % des PSL performants contre 11 % seulement des moins performants. ➡ Pour accroître le potentiel d’utilisation de la capacité, on peut employer des systèmes de gestion du rendement. Ils associent la dimension planification de la capacité et la dimension prix et sont sans doute, à l’heure actuelle, les outils de planification les plus avancés pour les PSL du secteur du transport. Là en- Vol. 11 – N°1, 2003 core, près de 70 % des PSL performants de notre étude utilisent aujourd’hui ces systèmes. ➡ Selon les cas, les systèmes de planification dynamique des livraisons et les systèmes de gestion du rendement peuvent être complétés par des systèmes de planification du déploiement du parc de véhicules, de réservation informatisée et de programmation des quais de chargement. ➡ Pour que le flux d’information soit continu, ces systèmes doivent être connectés à une base de données décentralisée, sous la forme d’un entrepôt de données. ➡ Certaines des entreprises les plus innovantes de notre étude sont dotées d’un outil informatique de pointe, le système de planification du réseau, qui programme et ajuste le réseau de transport. Actuellement utilisés essentiellement par les compagnies aériennes, ces systèmes présentent également de nombreux avantages pour tous les autres PSL opérant au sein d’un réseau. La figure 3 résume les outils informatiques de gestion de capacité et leur utilisation par les entreprises étudiées. Intégration de la logistique par les systèmes d’information Les services logistiques sont aujourd’hui de plus en plus souvent composés de solutions individuelles associées pour former une chaîne logistique. Prenons le cas, par exemple, du transport de voitures entre l’Europe et les Etats-Unis. Une fois sortis des 7 Logistique & Management Figure 3 - Outils d’utilisation de la capacité avec leurs sources de données (pourcentage d’entreprises utilisant les systèmes) chaînes de montage, les véhicules sont amenés jusqu’à un port par camion et/ou par train, puis traversent l’Atlantique avant d’être acheminés, à nouveau par camion et/ou par train jusqu’à leur destination finale. D’autres chaînes logistiques comprennent non seulement plusieurs modes de transport mais également des solutions d’entreposage. Il y a deux grandes façons de gérer et de fournir les services dans une chaîne logistique de ce type. Soit ils sont confiés à un seul PSL qui, en tant qu’intégrateur de systèmes, gère l’ensemble de la chaîne et, dans la plupart des cas, fournit lui-même une partie des services en sous-traitant les autres à des confrères. Ou bien la Figure 4 - Utilisation de codes à barres et scannage (pourcentage d’entreprises utilisant les systèmes) chaîne logistique est constituée d’un groupe de PSL dont chacun fournit le service dans lequel il est spécialisé, sans qu’il y ait d’intégrateur. Dans l’un et l’autre cas, il doit y avoir un large échange d’informations en vue d’assurer un flux ininterrompu de données et de marchandises. Selon l’étude, la première condition de ce flux ininterrompu est l’utilisation d’un code à barres unique lisible par tous les membres de la chaîne. La transparence assurée par le scannage continu de ce code à barres aux points importants de la chaîne (en particulier ceux où les marchandises passent d’un mode à l’autre) permet une gestion plus proactive de l’ensemble du processus qui améliore le niveau du service, en termes de temps de transport et de qualité. Il est clair que les applications Internet sont appelées à jouer à l’avenir un rôle majeur dans la circulation continue des données concernant les commandes entre les partenaires de la chaîne, favorisant ainsi l’intégration du flux de données généré par l’utilisation d’un code à barres unique. Intégration des chaînes de valeur complètes : « Supply Chain Management » Les leaders en matière de solutions informatiques pour le management logistique global ou « Supply Chain Management » (SCM) sont une fois encore les entreprises industrielles, et notamment les constructeurs automobiles, qui sont la référence pour les PSL. Des systèmes qui permettent de gérer simultanément les processus interentreprises sont aujourd’hui une nécessité. Même si les performances de nombre des systèmes informatisés qui sont proposés dans ce secteur ne sont pas tout à fait à la hauteur de ce qui est annoncé, la voie à suivre est claire : l’augmentation de la puissance de calcul et des algorithmes de planification avancés permettent de visualiser les limites de tous les maillons de la chaîne logistique en termes de capacité. En association avec des systèmes EPR, il devrait être possible d’optimiser la logistique et la production quasiment en temps réel. Pour les prestataires de services logistiques, cette évolution peut être un handicap ou un atout. Ils peuvent soit être réduit au simple rôle de fournisseurs de services logistiques, soit adopter les nouvelles technologies et devenir le moteur du développement en tant qu’intégrateurs de systèmes et gestionnaires de l’ensemble du processus ou « Supply Chain Manager ». Ce rôle de pilote semble être le plus recherché dans le management logistique moderne. Mais il faut savoir exactement en quoi il 8 Vol. 11 – N°1, 2003 Logistique & Management consiste. Nous définissons le SCM comme la synchronisation de tous les processus, du fournisseur au consommateur, à l’intérieur d’une chaîne de valeur. L’informatique tient une place essentielle dans la synchronisation de ces processus et elle est toujours productive. Notre étude cite des réductions de coûts et des améliorations du niveau de service obtenues par les entreprises les plus performantes qui ont investi dans le soutien électronique des processus de SCM : • Dans le secteur automobile, par exemple, près de 50 % des charges totales sont liés au SCM et peuvent donc être influencés par les bonnes décisions de management. • Le SCM contribue également à accroître la disponibilité des produits, que ce soit des composants dans le processus en amont ou des produits finis à l’interface avec le consommateur. • Il suffit de quelques minutes pour répondre aux demandes d’information des clients et les nouvelles commandes peuvent facilement être incorporées dans le système ; un programme de production est ainsi disponible immédiatement, une information très utile pour le client. Figure 5 - Principaux processus du Supply Chain Management Éléments du SCM autres que la logistique Gestion de la production •Point d'entrée de la commande •Temps d'exécution /flux de matières •Séquençage/planification de la production •Gestion de la capacité/flexibilité •Stratégie de location •Planification de la disposition Gestion des fournisseurs •Cycle de commande •Fréquence de livraison •Fiabilité •Stockage/transport •Sélection et encadrement des fournisseurs Gestion des commandes/de la demande •Segmentation des commandes •Politiques de commande •Planification des volumes de vente •Méthodes de prévision •Gestion et partage des informations concernant les commandes/la demande Structure de distribution/entreposage •Opérations d'entreposage/transport aval •Gestion des entrepôts pour différents produits •Gestion du niveau des stocks/stocks de sécurité Gestion du niveau de service •Identification des besoins du client •Suivi du niveau de service •Gestion des contrats •·Gestion des créances clients © McKinsey/SPL Figure 6 - Impact du SCM sur le coût, le temps de production et les ventes non réalisées Il est évident que cette disponibilité de l’information a un prix. Les données doivent être collectées par des systèmes tout au long de la chaîne logistique, transférées dans des bases de données avancées et des systèmes de communication doivent analyser et diffuser les informations résultantes. Outre le développement et la mise en œuvre de systèmes informatiques appropriés pour un SCM performant, une autre question importante se pose : les entreprises industrielles et les entreprises de distribution sont-elles prêtes à sous-traiter non seulement leurs activités logistiques mais l’ensemble du management de la chaîne ? Notre étude montre que 11 % des entreprises industrielles performantes ont fait ce choix, avec succès semble-t-il. Mais, d’une marnière générale, il y a encore beaucoup de scepticisme chez les fabricants et les distributeurs concernant la capacité des PSL à assumer ces fonctions. Ils ont, en effet, le sentiment que les PSL accusent un certain retard en matière d’informatique. Il appartient aux PSL de faire de sérieux efforts pour gommer cette image négative. La compréhension et l’utilisation des nouveaux outils décrits dans cet article seront des facteurs clés. Vol. 11 – N°1, 2003 Conclusions et perspectives L’utilisation judicieuse du potentiel de l’informatique peut contribuer à élever la performance dans le domaine logistique. Il appartiendra notamment aux PSL d’exploiter ces possibilités s’ils veulent devenir l’acteur majeur du management global de la chaîne logistique, car ils ont, d’une manière générale, un temps de retard sur leurs clients lorsqu’il s’agit d’accroître l’efficacité des processus logistiques par le biais de l’informatique. L’émergence de nouveaux concepts de SCM comme celui de maître d’œuvre » logistique 9 Logistique & Management (« fourth party logistics service provider ») – chargé de diriger des réseaux de fournisseurs, de fabricants et de PSL pour élever la performance globale – rend encore plus nécessaire d’intégrer la gestion des informations. Mais même si les PSL ne souhaitent pas assumer les responsabilités managériales d’un gestionnaire de chaîne logistique ou de maître d’œuvre logistique, ils devront informatiser leurs activités de base – le transport et l’entreposage – pour apporter la transparence qui est aujourd’hui impérative. Dans le cas contraire, ils n’auront pas leur place dans un concept moderne de SCM, la force de la chaîne globale étant fonction de son maillon le plus faible. 10 Le développement des marchés électroniques via l’Internet est un nouvel enjeu et une nouvelle opportunité pour les PSL. Des matières premières, notamment, sont vendues chaque jour sur ces marchés. D’un point de vue logistique, la différence est importante par rapport à la durée habituelle des prestations au sein d’une chaîne logistique établie. Les PSL devront, à l’avenir, être en mesure d’opérer à la fois dans le cadre de partenariats logistiques ou d’intervenir pour des transactions ponctuelles sur des marchés électroniques. La maîtrise de l’outil informatique est la condition sine qua non d’un rôle majeur dans ces deux environnements. Vol. 11 – N°1, 2003