Hongrie : Le secteur bancaire à la peine dans un environnement
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Hongrie : Le secteur bancaire à la peine dans un environnement
Apériodique – n°14/06 – 16 janvier 2014 Hongrie : Le secteur bancaire à la peine dans un environnement économique qui reste difficile La crise de 2009 et une politique économique mal adaptée ont affecté le potentiel de croissance de la Hongrie alors que l’environnement européen reste médiocre et que les acteurs doivent se désendetter. Les banques font l’objet d’un intérêt fort de l’exécutif hongrois : de l'introduction de taxes spéciales prélevées sur les banques étrangères, à la conversion partielle en forints hongrois des dettes immobilières exprimées en devises étrangères. Conséquence : une perte de fonds pour les banques étrangères. Si cela a introduit une bouffée d'air frais pour les 140 000 ménages en défaut de paiement, la conséquence principale est une perte de confiance radicale et un tarissement du canal du crédit dans une économie déjà fragilisée. L’année 2014 s’inscrit sous le signe d’une réélection quasi assurée du Fidesz et du gouvernement Orban et donc de la continuation de la politique économique actuelle. Mais elle s’oriente également sous le signe d’un redressement de la croissance du PIB qui devrait atténuer les vulnérabilités économiques les plus criantes. Un environnement économique difficile, mais qui se stabilise En Europe centrale, la Hongrie a été plutôt plus affectée par la crise que les autres pays de son groupe (Pologne, République tchèque et Slovaquie) et son PIB reste encore de 7% inférieur à son niveau d’avant crise. Plusieurs raisons expliquent cette contre-performance. Tout d’abord, les déséquilibres macro-économiques de la balance des Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com paiements et la dérive de la dette publique dans la décennie 1999-2008 ont produit un surendettement externe et souverain très élevé qu’il a fallu réduire rapidement. « Déseuroïser » et stabiliser les déficits jumeaux n’a pu se réaliser sans affecter la croissance. Par ailleurs, l’environnement européen défavorable de l’année 2012 a fortement impacté l’économie très ouverte de la Hongrie. La récession (-1,7%) y a été un peu plus forte qu’ailleurs car la chute du forint a réduit le potentiel de consommation des ménages dont la dette en devise s’est, de plus, trouvée renchérie. Ne pouvant mettre en œuvre une politique keynésienne compte tenu du niveau élevé de dette publique (80% du PIB), le plan de relance gouvernemental axé sur la demande interne s’est révélé être largement inadapté aux circonstances et a donc échoué dans son objectif de relance. Europe centrale: redressement post-crise (PIB € , 4 trim glissants, base 100 4T2008) 115 115 110 110 105 105 100 100 95 95 90 90 85 85 80 80 3T2007 3T2008 3T2009 3T2010 3T2011 3T2012 3T2013 Rép Tchèque Hongrie Pologne Slovaquie Source : Eurostat, Crédit Agricole SA Pour la Hongrie, l’année 2013 marque néanmoins une forme de stabilisation en dépit de l’environnement européen médiocre. La croissance du PIB devrait s’établir à 0,9% sur l’année, portée par le redressement des secteurs manufacturiers et de la Gaëlle BRY Olivier LE CABELLEC [email protected] [email protected] construction, et un effet de base après la mauvaise année 2012. Les excédents courants s’accumulent depuis deux ans et contribuent à faire diminuer l’endettement externe (144% des recettes d’exportation à fin sept. 2013) et maintenir les réserves de change à un niveau correct. Mais la politique économique, très interventionniste, reste peu conventionnelle : le redressement des finances publiques s’opère par le biais d’une fiscalité très lourde sur des secteurs ciblés, la lutte contre l’inflation se réalise par un contrôle des prix de l’énergie et la relance de la demande interne est rendue possible grâce à des cadeaux fiscaux donnés aux ménages au détriment de certaines entreprises. Le surendettement des ménages chute à 54% de leurs ressources et la baisse du taux d’épargne y contribue en 2012 tandis que les entreprises restent encore trop endettées. La forte chute de l’inflation au cours de l’année 2013 a néanmoins permis une forte détente des taux qui chutent à 3% (repo 2m). Dans cet environnement difficile, le secteur bancaire occupe une place bien particulière. Un secteur bancaire à la peine La crise a porté un coup violent à l’activité bancaire en Hongrie. L’encours de crédit se contracte depuis maintenant presque deux ans (-5,7% par an en moyenne). L’impératif de désendettement privé (ménages et entreprises) et public, couplé à une incertitude macroéconomique, a affecté durablement la demande de crédit. Néanmoins, le secteur bancaire hongrois accuse des pertes conséquentes – Raiffeisen Bank enregistre des pertes cumulées de plus de 150 Mds HUF entre 2010 et 2012, tout comme Erste ou encore MKB – alourdies par les multiples réglementations2 qui visent à réduire le montant des créances douteuses des ménages. Ces mesures incitent d’autant plus les ménages à modifier leur comportement de remboursement. Alors que les élections sont prévues en 2014, le gouvernement devrait encore légiférer pour alléger le poids du taux de change pour les emprunteurs, puisque la cour de justice a statué en faveur des banques sur la légalité des prêts en devises et le risque supporté par les emprunteurs Du côté de l’offre, les banques à capitaux européens, très présentes sur le territoire hongrois (60% du total des actifs), sont prises en étau entre le renforcement des contraintes réglementaires et une fiscalité très lourde mise en place par le gouvernement Orban en réponse à la crise de 1 2008 . Incitées par leurs maisons-mères, elles ont procédé à un réel deleveraging via un resserrement des conditions d’octroi de crédit, une réduction de leurs actifs et une réallocation de leurs risques. Aujourd’hui, sans amorcer une reprise réelle de la dynamique de crédit, la contraction semble s’atténuer, notamment au niveau des prêts libellés en forint – les prêts en devises (surtout en franc suisse) représentent encore 52,6% du stock total. Pourtant, la qualité des portefeuilles de prêts, déjà fortement impactée par la crise de 2008, a continué à se dégrader. Le taux de créances douteuses des crédits aux entreprises est passé de 8% mi-2009 à 20% mi-2013. L’assainissement des portefeuilles de prêts s’avère délicate compte tenu des pressions internes : marché immobilier paralysé, difficultés juridiques de liquidation et de récupération. Au-delà des difficultés temporaires de remboursement liées en partie à la dépréciation du forint (par rapport à l’euro et au franc suisse), les ménages comme les entreprises font face à d’importants problèmes de solvabilité liés à la conjoncture particulièrement maussade (chômage, chute de l’investissement, faible niveau de confiance). En conséquence, le coût du risque explose depuis plusieurs trimestres. Le gouvernement pourrait donc aller encore plus loin dans sa politique de désendettement des ménages par des mesures d’annulation partielle de leurs dettes ou encore par une recapitalisation de la 1 2 Initialement à caractère temporaire, la taxe bancaire créée en 2010, correspondant à 0,53% du total des actifs bancaires hongrois, a été maintenue en 2013. S’y est ajouté une taxe sur les transactions financières à hauteur de 0,2% du montant des transactions. Ces taxes cumulées représenteraient 1% du PIB d’après les estimations du FMI. N°14/06 – 16 janvier 2014 Le gouvernement Orban a mis en place un dispositif autorisant les ménages endettés en devises (notamment en CHF) à rembourser le solde de leurs emprunts immobiliers en monnaie locale entre octobre 2011 et février 2012. Il a également proposé un plafonnement du taux de change, permettant des remboursements à taux fixe. 2 Gaëlle BRY Olivier LE CABELLEC [email protected] [email protected] structure de défaisance « NAMA » (National Asset Management Company). Ce qui devrait accélérer le transfert des prêts immobiliers toxiques et leur traitement par la NAMA. Par ailleurs, la Banque Centrale (MNB) a adopté une politique non conventionnelle en avril 2013 – Funding for Growth Scheme (FGS). Associée à une politique monétaire expansionniste et à des incitations fortes (abattements fiscaux, gestion du risque), cette politique est susceptible de relancer le crédit aux entreprises et plus particulièrement aux PME3. Malgré un engouement certain pour le FGS, les perspectives de reprise rapide du crédit annoncées par la MNB semblent un peu surestimées d’autant que les grandes banques n’ont pas suffisamment provisionné leurs créances douteuses et poursuivent le nettoyage de leur bilan. Elles tardent donc à relâcher l’offre de crédit. Le FGS pourrait également limiter le repricing et réduire les marges de crédit des banques. 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Source de financement 70 60 50 40 30 certaine solidité financière. Le ratio Tier 1 atteint 14,38% en juin 2013 contre 11,77% deux ans auparavant. Plus généralement, les banques ont conservé leur profil de refinancement, même si légèrement moins tourné vers les financements externes souvent en provenance de leurs maisonsmère, mais plutôt axé sur des swaps de change offerts par la MNB dans le cadre du FGS. La réduction de leurs actifs en devises y a également contribué. Leurs maisons-mères les ont aidé à soutenir leur ratio de capitalisation et n’ont pas totalement asséché leurs lignes de liquidité comme on a pu l’observer par le passé dans d’autres pays de la zone. Néanmoins, la part de financement des maisons-mères dans le financement externe total s’est réduit de 7% depuis début 2013. Toujours assez volatils, les spreads sur les couvertures de change se sont détendus depuis avril 2013. Pour autant, les coûts de financement restent onéreux et les banques vont étendre leurs sources via une collecte plus active des dépôts en monnaie locale. Dès lors, l’effet conjugué de la charge fiscale et d’un horizon de pertes supplémentaires laisse présager d’une désaffection des banques étrangères pour leurs activités hongroises comme semblent l’indiquer de nombreuses rumeurs. Les banques domestiques plus petites ainsi que les banques coopératives y verraient alors une fenêtre d’opportunité, aidées en cela par une politique gouvernementale plutôt nationaliste, qui souhaite également une consolidation du secteur. Léger redressement en 2014 Au printemps 2014, les élections législatives devraient consacrer le renouvellement du Fidesz et du gouvernement Orban au pouvoir, aidé par des mesures populistes, et en l’absence d’une opposition politique véritablement crédible et structurée. Dans cette éventualité quasi assurée, la politique économique s’établira donc dans la continuité de celle actuellement en œuvre. 20 10 % 0 20 Financement externe (Mds €) Part du financement des maisons-mères dans le financement externe (%, ech. D) Source : MNB, Crédit Agricole S.A. En dépit d’une rentabilité fortement dégradée, la plupart des établissements financiers affichent une 3 Etant donné son taux d’utilisation (+ de 93%), ce plan de relance a été prolongé au-delà de septembre 2013, jusque fin 2014, dans des conditions quasi similaires. N°14/06 – 16 janvier 2014 Croissance du PIB et de la production industrielle % 4 10 2 0 0 -2 -10 -4 -20 -6 -30 -8 -40 01-09 11-09 09-10 07-11 05-12 Prod. industrielle (%, a/a, gche) 03-13 -10 01-14 PIB (%, a/a, dte) Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A. 3 Gaëlle BRY Olivier LE CABELLEC [email protected] [email protected] Les prévisions de croissance dans l’UE et la zone euro (1%) devaient favoriser la poursuite du redressement de l’activité : le PIB devrait croître de 2% en 2014, tiré par l’industrie exportatrice et une forme de reprise des investissements après cinq années de contraction. Cette reprise devrait donc permettre la poursuite de la correction des déséquilibres macro- économiques et notamment une légère réduction des surendettements externes et publics ainsi qu’une baisse du chômage. Elle devrait rester toutefois plutôt fragile et assez médiocre à moyen terme car un peu trop dépendante de mesures économiques peu conventionnelles qui, en plus du secteur bancaire, indisposent les investisseurs étrangers alors que la fiscalité reste l’une des plus élevées de l’UE. Crédit Agricole S.A. — Études Économiques Groupe 12 place des Etats-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille – Rédacteur en chef : Jean-Louis Martin Documentation : Dominique Petit, Elaine Durand - Statistiques : Robin Mourier Secrétariat de rédaction : Véronique Champion-Faure Contact: [email protected] Consultez les Etudes Economiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : l’application Etudes ECO disponible sur l’App store Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). 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