Tunisie : mission de soutien solidaire

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À une trentaine de minutes de Tunis, la faculté
des Lettres de La Manouba traverse les pires
heures de son existence postrévolutionnaire.
Pendant des mois, Habib Kazdaghli, son doyen,
a fait face à une centaine de salafistes exaltés
revendiquant le port du niqab au sein même de
l’université. La ligne de défense du doyen n’a
pas changé d’un iota tout au long de ces mois
de tension : le règlement d’ordre intérieur,
avalisé par le conseil de faculté, n’autorise
pas, pour des raisons évidentes de sécurité et
de pédagogie, le port du voile intégral. Lassés
par l’inflexibilité du doyen, les manifestants
pénètrent dans le bureau d’Habib Kazdaghli et
le séquestrent. Après des heures de palabres, il
parvient à se libérer et porte plainte. À son retour, il apprend que deux jeunes filles l’accusent
de les avoir frappées. La plainte est requalifiée
par le procureur et accuse Habib Kazdaghli de
“violence d’un fonctionnaire dans l’exercice de
ses fonctions”. Il risque 5 ans de prison.
Dans le centre-ville, lorsque nous rencontrons
quelques Tunisiens déambulant le long de l’avenue Bourguiba, beaucoup ignorent tout de
l’affaire. Les autres, eux, semblent désolés de
cette fâcheuse aventure tout en la qualifiant
d’épiphénomène au vu des nombreux autres
défis qui attendent la Tunisie.
Entre observance
et observation
En Belgique, Jean-Philippe Schreiber, professeur à l’ULB, suit attentivement la situation
de la faculté de La Manouba. La requalification des faits par le procureur durant l’été
2012 l’inquiète au plus haut point car à Tunis,
nul n’ignore que plane derrière cette nouvelle
accusation l’ombre du ministre de l’Intérieur
et donc d’Ennahda. La tentative de prise de
contrôle de la faculté, lieu de résistance historique en Tunisie, ne fait plus aucun doute. En
quelques semaines, le professeur met sur pied
une mission d’observation belge. L’ULB, le CAL
et une avocate pénaliste, Michelle Hirsch, feront le voyage le jour du procès. “Quand l’une
ou l’un de nos collègues quelque part dans le
monde se sent menacé, inquiété dans son travail ; quand l’autonomie de l’université est re-
mise en question ; quand l’indépendance du travail scientifique est menacée, nous devons nous
lever pour manifester notre solidarité”, déclare
Jean-Philippe Schreiber lors d’une conférence
de presse à Tunis le 24 octobre, veille du procès
(photo 1). “Nous savons ce que c’est que d’être
empêché d’organiser un colloque ou de devoir
envoyer les textes de nos interventions avant
de nous exprimer. Le courage d’Habib Kazdaghli nous donne l’espoir et l’énergie dont nous
avons besoin pour reconstruire la Tunisie”, nous
confie Faouzia Charfi, chercheuse tunisienne.
Neuf heures quarante-cinq, tribunal de première instance de La Manouba. Celles qu’on appelle ici “les niqabées” font leur entrée au tribunal sous les huées du millier de manifestants
venus soutenir le doyen de la faculté des Lettres
(photo 2). L’équipe de CanalCAL cherche les
contre-manifestants salafistes. En vain... Ceux
qui ne sont pas en prison ne semblent plus vouloir s’exposer. À la sortie du tribunal, les mines
radieuses de la mission d’observation rassurent
la foule présente (photo 3). “Nous avons pu assister au procès sans difficulté. C’est un signal
positif”, estime Pierre Galand. “Habib Kazdaghli a pu bénéficier de la défense de trente avocats et d’un véritable élan de solidarité ; autant
de signaux intéressants. Il y a aussi en Tunisie
une dynamique très rassurante et qui m’a beaucoup impressionné. Il ne faut dès lors pas être
manichéen lorsqu’on évoque la situation de ce
pays. Lorsqu’on se rend en Tunisie, on se rend
compte que non seulement le pays est en pleine
évolution mais que les démocrates peuvent
aussi s’exprimer. Et nous sommes là pour leur
apporter tout notre soutien !”, ajoute-t-il.
Habib a, lui aussi, gagné une bataille : le tribunal a entendu sa défense et a estimé que “les
niqabées” étaient, elles aussi, auteures d’un
délit. Elles seront donc jugées comme tel également. “S’il le faut, nous reviendrons en Tunisie”, lance Jean-Philippe Schreiber, conscient
que la volonté des islamistes de faire taire le
doyen ne s’arrêtera pas avec ce nouveau rebondissement. Mais cette fois, les tentatives d’influence de la justice par le pouvoir seront sous
haute surveillance.
INFO :
“Le CAL en Tunisie”
sur www.laicite.be
(rubrique
“Actualités”)
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