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CHAPITRE 7 Q Les totalitarismes Frise d’ouverture page 230 La chronologie fait apparaître en parallèle l’évolution des trois États étudiés en mettant l’accent sur les étapes de la prise du pouvoir et les principales mesures mises en place par les trois régimes. gure enfin l’affrontement ultérieur de la Seconde Guerre mondiale La vue, prise du pavillon italien, indique la référence du régime fasciste à la Rome antique. Elle permet d’introduire la problématique du chapitre portant sur ce qui rapproche les trois régimes totalitaires et sur leurs spécificités irréductibles. Cartes Document d’ouverture pages 232-233 page 231 L’exposition universelle des arts et techniques de Paris en 1937 fut organisée par le gouvernement du Front populaire. Alors que la construction des pavillons de la France est retardée par les grèves, les pavillons étrangers sont bâtis à temps. Ils sont l’occasion, pour les régimes totalitaires, d’affirmer leur propagande. La localisation face à face, du pavillon soviétique et du pavillon allemand, revêt plusieurs significations. Elle signale à l’époque la vitalité et une certaine identité des deux régimes totalitaires, notamment par l’aspect imposant des deux architectures évoquant les cérémonies grandioses habituelles dans ces deux régimes. Elle marque également l’opposition idéologique entre les deux régimes : la statue L’ouvrier et la kolkhozienne (statue monumentale de Véra Mukhina, bel exemple de « réalisme socialiste ») signale la place de la classe ouvrière dans le régime soviétique, l’aigle impérial allemand fait référence à l’aspect militaire du régime nazi. À posteriori, elle préfi- Ces cartes visent à monter l’originalité des régimes totalitaires en Europe tout en mettant l’accent sur les traits spécifiques à chacun des trois régimes. La carte 1 montre que les régimes totalitaires s’opposent aux démocraties libérales puisqu’ils sont des dictatures. Mais l’Italie et Allemagne se distinguent en même temps des dictatures autoritaires conservatrices. Les cartes 2 et 3 pointent la volonté expansionniste de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie. Ces deux régimes regardent vers l’extérieur, envisagent l’expansion militaire et la guerre. La carte 3 permet également d’évoquer les notions de pangermanisme et d’« espace vital ». À l’opposé, la carte 4 montre que la dictature de Staline est tournée vers l’intérieur. Elle s’est exercée essentiellement contre la population soviétique par l’intermédiaire du goulag qui a permis la mise en valeur de la plus grande partie de l’espace soviétique. P101Q Découvrir 1 Affirmer un État nouveau pages 234-235 Problématique : Sur quelles valeurs se fondent les régimes totalitaires ? Dans les quatre doubles pages « Découvrir » de cette partie, on envisage principalement les caractères communs aux trois régimes totalitaires. Chacune des doubles pages met en évidence une caractéristique essentielle de ces régimes, à savoir le rejet de la démocratie libérale, l’adhésion volontaire ou forcée des populations, la terreur de masse et le contrôle de l’économie au service de l’Etat. Dans cette première double page, il s’agit de comprendre la nature de ces régimes radicalement nouveaux et spécifiques qui rejettent la démocratie libérale. On cherche ici les éléments communs à ces trois régimes : la place du chef charismatique, l’encadrement de la population par l’État ou le Parti, le rejet, proclamé ou non, des valeurs des droits de l’homme. En même temps, apparaissent les spécificités de chaque régime : l’État est premier dans le régime fasciste alors que c’est le racisme qui prime dans le régime nazi. Enfin, l’URSS de Staline ne se revendique pas comme régime totalitaire et se place comme une héritière de la Révolution française. Explication des documents Doc 1Q Ce texte est rédigé en réalité par Giovanni Gentile, qui fait partie des grandes figures intellectuelles du fascisme. Il constitue l’élaboration doctrinale la plus achevée de la définition du totalitarisme fasciste par ses propres acteurs dix ans après l’arrivée des fascistes au pouvoir. À partir de la première phrase se référant à Hegel, ce texte permet de définir le totalitarisme comme un régime politique contrôlant la totalité de l’existence de la population. En même temps, ce totalitarisme se place au service de l’État fasciste qui a pour vocation, selon Mussolini, d’absorber la société civile tout entière. C’est en effet l’État qui fonde le totalitarisme fasciste. Il apparaît également que ce régime s’oppose à la démocratie libérale, aux principes des droits de l’homme et même aux idées de bonheur et de progrès héritées des Lumières. Doc 2Q Cet extrait de Mein Kampf montre les fondements racistes du totalitarisme nazi. Plutôt que de se référer, comme Mussolini, au Totale staat, Hitler préfère la désignation d’État Völkisch (ethnico-racial) en raison de la primauté accordée au peuple (Volk) dans l’univers raciste des nazis. Hitler reprend explicitement l’héritage Völkisch, idéologie d’extrême droite constituée au XIXe siècle en réponse aux bouleversements de la société al- lemande par l’industrialisation. Cette idéologie est censée exprimer l’esprit du peuple (Volk) allemand caractérisé par une culture commune, par un enracinement dans la terre (à l’origine de la force vitale du peuple allemand) et les racines rurales traditionnelles, et partageant un même sang (Blut und Boden). Les conséquences en sont le pangermanisme, la revendication d’un espace vital et l’antisémitisme, puisque les Juifs sont rendus responsables de tous les maux qui accablent le peuple allemand. Porteurs de la modernité, ils menaceraient les fondements mêmes de l’existence du Volk enraciné dans les traditions et dans la terre. On sait également que les Juifs sont accusés d’avoir provoqué la défaite de 1918 et la crise économique. Selon Hitler, l’objectif du totalitarisme nazi est la préservation du Volk qui serait menacé par les Juifs. Doc 3Q Ce tableau est une illustration de l’idéologie völkisch. Hitler, représenté comme un chevalier teutonique, incarne cet enracinement dans les fondements médiévaux du Volk allemand. La référence aux chevaliers teutoniques est également un appel à la conquête de l’espace vital à l’Est. La fonction de porte-drapeau évoque enfin la fonction charismatique du chef dans un régime totalitaire. En effet, en tant que Führer, Hitler se prétend l’incarnation et l’interprète de la volonté du peuple allemand. Les documents 2 et 3 permettent également d’étudier la signification nationaliste et raciste du drapeau nazi. Au-delà des indications données par Hitler dans l’extrait de Mein Kampf, il faut rappeler que les trois couleurs retenues (rouge, blanc, noir) renvoient à celles de l’Empire allemand lui-même héritier du Saint-Empire romain germanique. Le choix de la couleur rouge est aussi une façon de ne pas laisser le monopole de celle-ci au communisme. Le svastika, croix gammée inclinée à 45° sur un cercle blanc, est un emprunt à un symbole cosmique indien. Il est interprété comme le symbole des Aryens, les ancêtres des Germains selon les nazis. Le svastika, selon les propres mots de Hitler, représente le « symbole du combat pour la victoire de l’Aryen » sur les races « inférieures », les Slaves et les « sous-hommes », les Juifs. Doc 4Q L’auteur, un juriste d’extrême droite, un des théoriciens de la « révolution conservatrice » en Allemagne, présente sa définition de ce que pourrait être un État totalitaire en Allemagne. Il s’inspire du modèle italien et du fonctionnement de l’État durant la Première Guerre mondiale qui avait mobilisé l’économie, la société, l’opinion publique au service de l’effort de guerre. On peut ainsi établir un lien généalogique entre la guerre totale et l’État total. Cet État total est également proche de l’État totalitaire italien car il vise le contrôle de toute la société civile et s’oppose à l’individualisme et aux valeurs des droits de l’homme. P102Q Mais sa dimension raciste, antisémite, nationaliste (le Diktat) et expansionniste (l’espace vital) est à nouveau soulignée ici. Précisons que ce texte fut critiqué par les nazis dans la mesure où, pour eux, ce n’est pas l’État qui prime, mais la dimension raciste de la défense du Volk allemand. À la différence de l’État totalitaire italien qui est une finalité pour Mussolini, l’État n’est pour les nazis qu’un moyen au service de leur politique antisémite. Doc 5Q Ces trois articles de la constitution soviétique de 1936 illustrent le paradoxe existant entre les principes affirmés (un État, des paysans et des ouvriers, un régime démocratique par l’intermédiaire des soviets élus par les citoyens) et le rappel du rôle dirigeant du Parti communiste, qui a confisqué, de fait, la démocratie soviétique (celle-ci n’a vécu que quelques mois en 1917). La dernière phrase suggère malgré tout la dimension totalitaire du régime, puisque le parti contrôle les organisations sociales et étatiques. Doc 6Q Cette affiche de propagande fait également apparaître un autre paradoxe qui fonde le totalitarisme stalinien. D’une part, cette constitution est présentée comme socialiste et démocratique (on parlait de « la constitution la plus démocratique du monde »). D’autre part, elle est présentée comme ayant été donnée par Staline, ce qui est fort peu démocratique et en tout cas contraire aux principes de la souveraineté nationale. Cette affiche illustre bien le fonctionnement d’un régime totalitaire : le peuple est enrégimenté sous les bannières rouges du Parti communiste alors que le buste de Staline au premier plan à gauche indique la place du chef, lui aussi charismatique. Découvrir 2 Encadrer les sociétés pages 236-237 Problématique : Comment susciter l’adhésion des populations ? Un autre caractère commun à ces régimes, et qui les différencie des dictatures autoritaires classiques, est qu’ils ont réellement suscité l’adhésion enthousiaste des masses, grâce à l’utilisation des moyens modernes de propagande et d’encadrement de la population. Cet aspect confère un caractère résolument moderne à ces régimes politiques. Sur ce plan, on discerne peu de différences entre les trois régimes. C’est pourquoi chaque document illustre ici un aspect commun aux trois régimes. Explication des documents Doc 1Q L’intérêt de ce document est double. Il montre que, cyniquement, Hitler perçoit l’éducation des jeunes comme un moyen de leur retirer leur liberté de penser et d’agir (dernière phrase du texte). D’autre part, il détaille les étapes de l’encadrement des jeunes Allemands. A dix ans, le jeune garçon entre dans le Jungvolk où il prête serment de fidélité à Hitler, tandis que les filles sont incorporées dans les Jungmädel. De 14 à 18 ans, les filles sont incorporées à la Bund deutscher Mädel et les garçons aux Jeunesses hitlériennes où ils subissent un entraînement sportif, militaire et idéologique. A 18 ans, les jeunes gens rejoignent le service du travail et l’armée. En 1936, ces organisations dirigées par Baldur Von Schirach remplacent toutes les organisations de jeunesse existantes et deviennent un rouage essentiel du totalitarisme en concurrençant les structures familiales et scolaires de socialisation des enfants. Doc 2Q Cette interview de Günter Grass précède de peu la publication de son autobiographie en 2006 qui a fait scandale en Allemagne. Ce prix Nobel de littérature, grande figure morale de l’Allemagne d’après-guerre qui a toujours dénoncé le passé nazi de l’Allemagne avoue en effet qu’il a servi, quelques mois durant, dans la Waffen SS à l’âge de 17 ans. Les extraits de cet article nous indiquent la manière dont les S.S. étaient perçus dans l’Allemagne nazie. On voit également que le régime nazi avait su susciter l’enthousiasme des jeunes gens. Il n’est ici jamais question de terreur. Ce document peut se lire dans le prolongement du document précédent puisqu’il nous indique l’état d’esprit des jeunes gens en Allemagne quand ils sortent des Jeunesses hitlériennes et du service du travail obligatoire. Doc 3Q Dans l’Italie fasciste, toutes les associations de loisirs populaires (culture populaire, éducation artistique, sport, tourisme) sont regroupées en 1925 dans l’Œuvre nationale Dopolovaro (« Après le travail ») qui passe sous le contrôle du Parti fasciste en 1927. Cette organisation a été rendue possible par l’institution de la journée de 8 heures en 1923. La photographie montre la finalité politique de cette organisation qui sert d’instrument de propagande et d’enrégimentement des ouvriers. Elle rassemblait 4,6 millions d’adhérents volontaires en 1939 et elle a servi de modèle d’encadrement des masses au KDF en Allemagne (voir p. 245). Doc 4Q Cette photographie permet d’aborder également l’embrigadement des enfants dans l’Italie fasciste. A 6 ans, les garçons intégraient les Fils de la Louve, de 8 à 14 ans, les Balillas (ils reçoivent un uniforme et des armes factices) et de 16 à 18 ans, les Avant-gardistes. Créées en 1926, ces organisations remplacent toutes les autres organisations de jeunesse en 1931. On inculque aux jeunes une éducation guerrière et une obéissance absolue au Duce. Le montage de la photographie suggère l’aspect militaire de leur entraînement et l’avenir guerrier auquel ils sont promis comme le souligne la statue présente dans le fond. En outre, cette photo date de 1936 et se situe entre la cam- P103Q pagne d’Éthiopie et l’intervention de l’Italie dans la guerre d’Espagne. Doc 5Q Cette affiche souligne la modernité, pour l’époque, des moyens employés par la Propagande nazie. Ministre de la propagande, Goebbels lança dès 1933 une campagne intense pour l’acquisition de Volksempfänger (Récepteur de radio populaire) qui fit de l’Allemagne le second pays d’Europe le mieux équipé en postes de radio. Le but était que tous les foyers allemands puissent écouter les discours de Hitler. C’est l’intrusion de la politique dans le cercle familial. Sur l’affiche, le poste de radio, relayant la voix de Hitler et dominant la foule, suggère l’adhésion du peuple au chef charismatique. La radio paraît ici comme un instrument privilégié du totalitarisme. Doc 6Q Ce texte est extrait d’un ouvrage de Victor Serge (1890-1947) décrivant la situation de l’URSS vingt ans après la révolution d’Octobre. Son point de vue est celui d’un révolutionnaire qui considère que le régime de Staline a trahi les idéaux de 1917. En effet, Victor Serge est un Belge d’origine russe, proche des mouvements anarchistes d’avant la Première Guerre mondiale. Après la révolution d’Octobre, il rejoint la Russie soviétique et devient un dirigeant de la IIIe internationale. Il se lie à Trotski et à l’opposition de gauche, ce qui lui vaut d’être déporté en Sibérie entre 1933 et 1936. Il est libéré après une campagne internationale de protestation. Il laisse une œuvre littéraire essentielle décrivant la guerre civile et la NEP et dénonçant surtout le régime instauré par Staline. Cet extrait se présente comme une revue de la presse soviétique en 1936. Le nom de Staline revient constamment pour en présenter une image paternelle caractéristique de tous les dictateurs, mais également une image quasi divine qui renvoie là aussi au caractère charismatique du pouvoir du chef dans un régime totalitaire. Découvrir 3 Réduire l’obéissance pages 238-239 Problématique : Quelles formes prend la terreur de masse ? L’adhésion des masses aux régimes totalitaires s’effectue également par la contrainte et la terreur. Il s’agit d’un autre point commun à ces régimes caractérisés par la terreur de masse, faisant suite à la brutalisation inaugurée par la Première Guerre mondiale et supposant un très fort contrôle social. Cette terreur est massive par le nombre de personnes détenues, elle est entretenue par la délation qui contribue à réprimer le moindre écart de langage et à contrôler la vie privée de chacun. Elle est largement évoquée pour que nul n’ignore son existence. Explication des documents Doc 1Q Cette photographie (à mettre en relation avec la carte 4 de la page 233) illustre la fonction et le caractère massif de la répression en URSS. Cette répression fournit une main-d’oeuvre abondante pour des grands travaux de mise en valeur de l’espace soviétique, dans des conditions épouvantables entraînant une très forte mortalité des détenus. Doc 2Q Ce texte montre le contrôle exercé sur la vie privée des membres du Parti communiste. Le militant dont il est question ici se voit reprocher les engagements des membres de sa famille et les propos antisémites de sa femme. On peut également supposer que ces deniers ont été rapportés par la délation qui contribue largement au contrôle social dans l’URSS de Staline. Doc 3Q Cette anecdote rapportée par Victor Serge montre que de simples propos (et même le fait de les avoir entendus sans les avoirs dénoncés) peuvent valoir de lourdes condamnations. L’objectif est de faire sentir à chaque citoyen qu’il est un coupable en puissance, puisque la moindre plaisanterie peut être fatale. Le traitement habituel des détenus (mise au secret, torture, absence de défense) montre une absence totale de garanties individuelles et le règne d’un arbitraire des plus aveugles. Doc 4Q Cette couverture du supplément illustré du Völkischer Beobachter, journal du N.S.D.A.P. depuis l’origine, est une photo des détenus du camp de concentration de Dachau, l’un des premiers ouverts en 1933 pour les opposants politiques au régime nazi. Pour ce journal, il s’agit de montrer que le régime a su réduire au silence ses opposants. Mais la diffusion de cette image indique que la réalité des camps était bien connue des Allemands. Tout Allemand susceptible de s’opposer au régime savait ce qui l’attendait, et il n’est pas douteux qu’une telle photographie a contribué à terroriser la population. Doc 5Q Ce texte est extrait du roman d’Anna Seghers (1900-1983), Allemande antifasciste et proche du Parti communiste, exilée en France en 1933. Dans ce roman rédigé en 1940, elle décrit la vie quotidienne sous le nazisme à partir des différents témoignages qu’elle a pu recueillir. Cet extrait montre que la réalité des camps de concentration n’était pas inconnue de la population allemande. Ce camp est situé délibérément à proximité du village et il n’est pas rare que des Allemands n’ayant rien à se reprocher y soient incarcérés. On peut rapprocher à cet égard le destin du jeune batelier évoqué à la fin du texte, de celui des deux couples qui avaient plaisanté sur Staline (document 3). Doc 6Q L’auteur de ce texte, Emilio Lussu, fondateur du Parti sarde d’action fut élu député en 1921. Emprisonné puis évadé d’Italie en 1929, il gagna la France où il publia en 1933 son témoignage sur l’avènement du fascisme en Italie. Ce P104Q texte évoque lui aussi le délit d’opinion puisque sont déportées des personnes simplement coupables d’être des adversaires du régime. Il décrit les mauvais traitements dont les détenus sont victimes pour des motifs apparemment futiles. Découvrir 4 Contrôler l’économie pages 240-241 Problématique : Comment l’économie est-elle soumise aux besoins de l’État ? On met parfois au crédit des régimes totalitaire leur réussite économique : industrialisation de l’URSS, modernisation de l’appareil productif italien, lutte contre le chômage en Allemagne. Il s’agit de montrer ici que ces réalisations se sont faites uniquement en fonction des impératifs de l’État, au détriment de la population et dans une perspective essentiellement belliciste, conformément à l’idéologie des ces régimes. Explication des documents Doc 1 et 2Q Ces deux tableaux montrent une certaine croissance de la production industrielle globale mais aussi un déséquilibre entre les productions destinées à satisfaire les besoins de la population qui ont été sacrifiées (textile, construction en Italie, biens de consommation en Allemagne) et les productions destinées à alimenter la machine de guerre qui connaissent une forte progression (industrie mécanique en Italie, biens d’équipement en Allemagne). Cette croissance est visible dès 1935-1936. A cette date Hitler a fait accepter à la Grande-Bretagne et à la France le principe du réarmement de l’Allemagne. En Italie, Mussolini s’est lancé dans une politique d’expansion coloniale (cf. carte page 232). Doc 5Q En forme d’illustration de la progression des industries mécaniques en Italie, ce document montre à la fois les progrès accomplis en terme de production navale ainsi que la propagande réalisée à cette occasion par le régime fasciste. Doc 6Q On trouve la même logique en URSS. Les productions agricoles se sont effondrées au début des années 1930 lors de la collectivisation forcée et de la dékoulakisation. Les paysans ont fréquemment abattu leur cheptel pour éviter leur confiscation pure et simple. Comme l’agriculture a été délaissée par la planification, les résultats restent faibles en 1940. Le contraste avec la forte augmentation des productions de l’industrie lourde est d’autant plus saisissant. Là aussi, la priorité à l’industrie est notable. Doc 3Q L’affiche publicitaire pour les usines Alfa Roméo est significative du contrôle de l’économie par l’État totalitaire fasciste. La devise veut faire croire à la mise au travail des ouvriers de l’entreprise par adhésion à l’idéologie du régime fasciste symbolisé ici par l’aigle impérial. De même, la composition suggère que l’aigle impérial trouve sa force dans la production industrielle. Il faut rappeler que l’entreprise devint propriété de l’État italien en 1933 en passant sous le contrôle de l’IRI et qu’elle fabriqua du matériel militaire pour la campagne d’Éthiopie. Durant la Seconde Guerre mondiale, les usines Alfa Roméo fabriquèrent exclusivement des moteurs d’avion. Doc 4Q Ce texte de Hitler signale les impératifs politiques présidant à l’organisation économique dans l’Allemagne nazie. L’objectif fixé à l’économie allemande est d’être capable de supporter une guerre d’ici quatre ans et, pour cela, de fonctionner en relative autarcie (recherche de produits de substitution à certaines matières stratégiques telles le caoutchouc). Les motivations à faire la guerre sont liées au programme nazi : l’affrontement de l’URSS et la conquête d’un espace vital à l’Est. Doc 7Q Le discours de Staline peut être considéré en parallèle au mémorandum de Hitler. Staline brosse un bilan plutôt flatteur des réalisations Bibliographie • Ph. Burrin., Fascisme, nazisme, autoritarisme, Seuil, Points, 2000. • A. Koestler, Le Zéro et l’infini, traduction française, 1938, rééd. Livre de Poche. • M. Ferro (dir.), Nazisme et communisme. Deux régimes dans le siècle, Hachette Pluriel, 1999. • P. Milza, Les fascismes, Imprimerie nationale, 1985, rééd. Champs Flammarion. • G. L. Mosse, De la Grande guerre au totalitarisme. La brutalisation des sociétés européennes, traduction française, Hachette Littérature, 1999. • H. Rousso, (dir.), Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparées, Complexes, 1999. • E. Traverso, Le totalitarisme. Le XXe siècle en débat, Seuil, Points, 2001. • J. et D. Musiedlack, Les totalitarismes. Fascisme et nazisme, Documentation photographique n° 7037, octobre 1996. • Th. Serrier, « Günter Grass ou le cauchemar allemand », L’histoire n° 314, novembre 2006, pp. 28-29. Sitographie Le Totalitarisme : un concept en débats par Bernard Bruneteau, maître de conférences à l’université Pierre Mendès France-Grenoble II http://hist-geo.ac-rouen.fr/doc/cfr/tot/tot.htm P105Q économiques du premier plan quinquennal (à confronter avec les résultats effectifs dans le document 6, notamment en ce qui concerne la production agricole). Certes, en quelques années, L’URSS est devenue la troisième puissance industrielle mondiale et elle est passée d’une économie essentiellement agraire à une économie industrielle. Mais sa conclusion est analogue à celle de Hitler : il s’agit là aussi de construire une force militaire capable de défendre le pays. S’entraîner au bac – Étude d’un ensemble documentaire L’embrigadement de la jeunesse : l’exemple de l’Allemagne nazie pages 246-247 Première partie � Il s’agit d’un témoignage rédigé après la Seconde Guerre mondiale, il y a réécriture d’événements passés dont l’auteur connaît l’issue. � Être courageux, endurant, sportif, dévoué, capable de vivre en communauté. � Un encadrement étroit dès le plus jeune âge, en dehors de l’influence des parents. � Les Juifs, les intellectuels, les scientifiques. � Former des guerriers valeureux, ayant assimilé les idées nazies. Deuxième partie Les régimes totalitaires, dans le but de créer un « homme nouveau », accordent beaucoup d’importance à la prise en main de la jeunesse, créant des organisations chargées de les encadrer et de les éduquer. C’est le cas des « Jeunesses hitlériennes » (Hitlerjugend ) dans l’Allemagne nazie, où, à partir de 1936, tous les jeunes âgés de 6 à 18 ans sont obligés d’être inscrits. Cette organisation regroupe plus de 8 millions de jeunes à la veille de la Seconde Guerre mondiale en 1938. Les garçons, enrôlés de 6 à 10 ans comme Pimpf (« gamin »), deviennent à 10 ans Jungvolk (« Jeune du Peuple ») (document 1) après avoir prêté serment sur le drapeau de servir et de donner sa vie à « Hitler, sauveur de la patrie ». À 14 ans, ils sont membres à part entière de la Hitlerjugend. À 18 ans, les garçons sont appelés à passer dans le « Service du Travail », puis dans l’armée. Les filles, elles, entrent à 10 ans dans le Jungmädel (« Jeunes Vierges ») pour devenir ensuite entre 14 et 18 ans, membres du Bund deutscher Mädel (« La Ligue des jeunes filles allemandes»). À 18 ans, elles accomplissent une année de service agricole ou de service ménager (document 4). À 21 ans, elles prolongent leur formation dans la section Glaube und Schönheit (« Foi et Beauté »). Ainsi, garçons et filles, durant leurs loisirs, sontils soustraits à l’influence de leur famille et, portant un uniforme paramilitaire, ils suivent une éducation qui diffère selon les sexes. Les garçons reçoivent un entraînement physique et militaire qui passe bien avant l’éducation académique et scientifique (document 5). Ils sont appelés à s’endurcir et à accepter une discipline de fer au sein d’une vie en communauté (documents 3 et 5). Les valeurs de courage et d’endurance sont magnifiées. Les filles sont préparées aux combats à venir (cours de secourisme, de défense passive), mais surtout elles sont initiées à la maternité, considérée par les nazis comme une fonction vitale pour la nouvelle Allemagne. La première raison d’être des Jeunesses hitlériennes est donc la formation d’hommes et de femmes prêts à servir loyalement le IIIe Reich. Cela passe aussi par le culte du chef (cf. le serment prêté à l’entrée de la Jungvolk) et la dénonciation des ennemis du Reich (cf. document 4 « les Juifs, les socialistes, les infirmes de naissance... la clique juive de Weimar, la méprisable S.D.N. »). Regards sur… la vie en Allemagne sous le nazisme pages 248-249 La photographie et le texte donnent une première impression de banalité de la vie quotidienne dans l’Allemagne nazie par la profusion des enseignes commerciales, les passants en costume d’une part, le repli du couple Karl et Trudel sur sa vie de famille d’autre part. Pourtant le nazisme s’insère dans tous les interstices de ce cadre apparemment paisible. La banderole antisémite dans la rue commerçante appelle au boycott des magasins juifs et évoque l’un des pires aspects du nazisme. Cette banderole rappelle également que les Allemands ne sont même pas libres d’acheter leurs produits où bon leur semble. Rappelons au passage que le boycott des magasins juifs fut lancé par Goebbels dès le 1er avril 1933. Le texte montre également qu’un couple qui s’abstient de participer aux collectes et aux réunions du Parti, qui se permet de donner son avis sur le sort des Juifs est aussitôt considéré comme suspect et surveillé étroitement par ses voisins. Dans les deux cas, l’adhésion au régime jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne, est obligatoire sous peine d’encourir de graves ennuis. Hans Fallada (1893-1947), journaliste et romancier, en racontant dans son roman l’itinéraire d’un couple qui décide de faire de la propagande antinazie à la suite du décès de son fils unique lors de la campagne de France, décrit la vie quotidienne à Berlin au tout début de la Seconde Guerre mondiale. P106Q Découvrir 5 L’Italie fasciste, le premier régime totalitaire pages 250-251 Problématique : Comment Mussolini et les fascistes prennent-il le contrôle de l’Etat ? Après avoir envisagé les caractères communs aux trois régimes totalitaires dans la partie précédente, on envisage maintenant les spécificités de chacun d’eux. En étudiant la manière dont les fascistes se sont emparé de l’État italien, il s’agit d’étudier les principales caractéristiques du régime fasciste : une dictature dirigée par le Duce s’appuyant sur un parti unique, l’exaltation de la violence comme mode de fonctionnement politique, au service finalement des milieux dirigeants traditionnels de la société italienne. Explication des documents Doc 1Q Le programme du P.N.F. de novembre 1921 est le second programme fasciste, rédigé au moment où Mussolini transforme les « Faisceaux italiens de combat » en « Parti national fasciste » avec le soutien financier de la grande bourgeoisie italienne. Il a été rédigé par Mussolini dans une perspective de recentrage politique et de remise au pas des membres de son mouvement, dont le nombre est passé de 20 000 à 320 000 entre 1919 et 1921. La démagogie révolutionnaire du programme de 1919 est abandonnée. Ce texte se présente comme un programme de gouvernement soucieux des intérêts des milieux dirigeants, d’où les mesures visant à protéger la propriété privée et à réduire les conflits sociaux. Ce point est important dans le contexte social de l’Italie d’après-guerre marqué par les grèves avec occupation d’usine de 1920. On peut rappeler à cet égard les expéditions punitives menées par les bandes fascistes contre les grévistes et les syndicalistes de gauche instaurant un climat de terreur politique qui a favorisé leur arrivée au pouvoir. Au-delà des aspects socialement conservateurs, apparaissent également des aspects spécifiques au fascisme au sujet de la définition de l’État souhaité par Mussolini. L’État serait le gardien de la nation italienne elle-même conçue comme la synthèse de la volonté de l’ensemble des Italiens. Nous trouvons là en germe la dimension totalitaire de l’État fasciste. Une conséquence en est la volonté d’expansion géographique (le terres irrédentes) et coloniale. Cet État est d’emblée présenté comme guerrier. L’analyse de ce texte montre que le régime fasciste n’est pas un régime autoritaire classique. Doc 2Q La loi sur les compétences du chef du gouvernement se place dans le cadre de l’instauration des « lois fascistissimes » instaurant totalement la dictature fasciste en 1925. Elles portent sur le pouvoir du Duce, du gouvernement et du parlement, elles instituent l’OVRA (la police politique), instaurent la censure de la presse et de la radio, rétablissent le délit d’opinion et interdisent les syndicats et partis non fascistes. Cette loi maintient l’apparence d’un régime parlementaire : le roi nomme et révoque le chef du gouvernement (ce qui s’est effectivement passé en 1943), les ministres sont responsables devant lui, le pouvoir législatif est maintenu. Formellement, Mussolini n’est que le chef du gouvernement. Il existe une forme de pouvoir bicéphale partagé nominalement par le roi et par le Duce qui constitue un frein au pouvoir de ce dernier. L’Italie fasciste est officiellement un État constitutionnel doté de bases législatives. Mais, de fait, le régime parlementaire est vidé de sa substance puisque le Duce détient un pouvoir exécutif exorbitant (les ministres sont responsables également devant lui et il peut avoir plusieurs portefeuilles en même temps) et il muselle le pouvoir législatif. Il n’y a donc plus de séparation des pouvoirs. En outre, l’interdiction de critiquer le Duce sous peine de prison renforce le caractère dictatorial de son pouvoir. Doc 3Q Cette photographie illustre les modalités de l’accession au pouvoir de Mussolini. Élu à la chambre en 1921, et après avoir fait échouer la grève générale de l’été 1922, Mussolini fait pression sur le gouvernement et le roi Victor Emmanuel III, et avec la Marche sur Rome, obtient d’être nommé chef du gouvernement le 30 octobre 1922. Cette photographie allie les deux images que les fascistes veulent donner d’eux-mêmes. Les responsables fascistes arborent la chemise noire signifiant le deuil de l’Italie bafouée lors du règlement de la paix en 1919 ainsi que leurs décorations attestant de leur bravoure durant la Grande guerre. Ils rappellent ainsi le nationalisme, l’esprit ancien combattant des Arditi et leur attachement à la violence politique, notamment contre les ouvriers et les syndicalistes. En revanche, Mussolini, en costume et chapeau, donne de lui-même une image des plus respectables destinée à rassurer les milieux dirigeants italiens. Doc 4Q Ce chant fasciste illustre le versant violent et anticommuniste du fascisme, tout en s’affirmant contre les honnêtes citoyens et les bourgeois. Il indique également l’importance du culte du chef dont les fascistes s’affirment être les fidèles serviteurs. Mussolini est placé sur le même plan que Jésus, ce qui lui confère une aura quasiment sacrée. On retrouve la dimension charismatique du chef dans un régime totalitaire. Doc 5Q La mise en scène de cette photographie suggère une continuité (par le geste et la stature) P107Q entre César, l’initiateur du l’Empire romain, et Mussolini qui se présente comme le restaurateur de la grandeur passée de Rome avec la conquête de l’Éthiopie (voir carte p. 232). De fait, une fois la conquête achevée, Mussolini a proclamé officiellement la constitution de l’Empire italien dans la continuité de l’Empire romain. L’uniforme et le contexte de photographie rappellent la nature guerrière du régime fasciste. Doc 6Q Ce bâtiment construit en prévision de l’Exposition universelle de 1942 exprime les divers héritages revendiqués par le régime. Les statues antiques à la base du bâtiment font référence à l’antiquité romaine tandis que l’inscription sur le fronton évoque bien entendu la Renaissance. En revanche, la forme du bâtiment est résolument moderniste et évoque les paysages du peintre de Chirico, proche du surréalisme. Découvrir 6 L’Allemagne nazie : un régime totalitaire pages 252-253 Problématique : Pourquoi cette dictature suppose-t-elle l’exclusion de catégories entières de population ? L’objectif est de faire comprendre aux élèves que la dictature nazie s’est exercée au premier chef contre la population allemande elle-même. On a vu précédemment que les régimes totalitaires supposaient l’adhésion enthousiaste de la population. Il s’agit maintenant de montrer que cette adhésion plus ou moins volontaire suppose en contrepartie l’exclusion de larges pans de la société allemande. Cette logique d’intégration (c’est-à-dire du contrôle étroit du Volk allemand) ou d’exclusion (tous ceux qui peuvent « pervertir » le Volk sur le plan racial et sur le plan politique : les Juifs, les handicapés mentaux, les noirs, les homosexuels, les communistes), structure cette présentation du régime nazi. La terreur s’exerce contre ceux qui sont considérés comme extérieurs au Volk germanique. Explication des documents Doc 1Q Le programme du N.S.D.A.P. de 1920 a été rédigé durant la crise de l’après-guerre. Il prône des mesures en faveur des chômeurs et des classes moyennes (paragraphes 7 et 15). En simplifiant un peu la réalité, on sait en effet que de larges bataillons du parti nazi se recrutaient dans ces milieux sociaux. Ce programme est également nationaliste (pangermanisme paragraphe 1 et hostilité aux traités de paix paragraphe 2) et expansionniste (introduction du thème de l’espace vital paragraphe 3). Enfin, ce programme est raciste puisque les Juifs, considérés non pas comme les pratiquants d’une religion, mais comme un peuple au sang différent de celui des Allemands, seraient exclus de la citoyenneté allemande pour cette raison. La question est de savoir si l’on peut introduire le débat (insoluble) opposant les historiens fonctionnalistes (la shoah fut décidée finalement pour toute une série de raisons tenant au contexte de la Seconde Guerre mondiale) et les historiens intentionnalistes (Hitler aurait eu dès le départ la volonté d’exterminer les Juifs et Auschwitz serait contenu dans ce programme de 1920). Doc 2Q Ces extraits de textes juridiques indiquent quelques aspects du contexte de la mise en place de la dictature nazie dans le cadre de la « révolution légale » de février à juillet 1933. Le 31 janvier 1933, Hitler dissout le Reichstag. Le 28 février, au lendemain de l’incendie du Reichstag, il adopte un premier décret suspendant les libertés individuelles. Ce décret installe un régime de terreur politique qui entache bien évidemment la campagne électorale. À l’issue des élections législatives du 5 mars, et après avoir obtenu les pleins pouvoirs grâce au parti du centre, le Zentrum, la loi du 24 mars accorde au chancelier la possibilité de promulguer des lois sans en référer au parlement. C’est la fin du régime parlementaire et l’instauration de fait de la dictature de Hitler dont la parole devient, dès lors, source de loi. Il en résulte que, dès lors, le régime nazi n’est plus un État au sens moderne du terme, mais un régime charismatique affranchi de toute rationalisation. Après l’occupation des sièges des syndicats et leur adhésion obligatoire au front du travail nazi, le 2 mai, l’ordonnance du 14 juillet clôt cette révolution légale avec l’interdiction de tous les partis à l’exclusion du Parti national-socialiste. Deux remarques peuvent être formulées. D’une part, l’instauration de la dictature nazie s’est faite en 6 mois tandis que celle de la dictature fasciste s’est réalisée en 4 ans. D’autre part, nous trouvons avec ces extraits la plupart des sources juridiques de la dictature de Hitler : Hitler détient le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, il est soutenu par un parti unique et toutes les libertés sont suspendues. Doc 3Q Le portrait officiel de Hitler et la devise officielle du IIIe Reich résument les grands traits de l’idéologie nazie et montrent en quoi l’Allemagne nazie est un État totalitaire raciste. Le terme Volk évoque la nation ou le peuple allemand. Il renvoie à la conception Völkisch de communauté raciale fondée sur le sang et la terre. Il suppose l’exclusion de ceux qui ne sont pas considérés comme étant de sang allemand, les Juifs. Mais l’idéologie Völkisch de lutte entre les races sous-entend également que la défense de ce Volk passe par la conquête d’un espace vital (Lebensraum) pour nourrir ce peuple et pour assurer la suprématie des Allemands sur P108Q les Slaves. Le terme Reich place le régime nazi dans la continuité du Saint-Empire romain germanique et du IIe Reich, dans une vision millénariste. Ce Reich suppose également l’unité de tous les Allemands (c’est-à-dire toutes les populations qui parlent l’allemand) dans une grande Allemagne. C’est donc l’application du pangermanisme. Enfin, le terme Führer (Guide) désigne le type de régime dirigeant le Reich. Depuis la mort du président Hindenburg en août 1934, Hitler est la fois « Chancelier et Führer du Reich » : il détient sans partage la totalité du pouvoir exécutif (ce que n’a pas Mussolini). Hitler exerce donc une dictature totale, il est le maître du Reich, mais il se veut également l’incarnation de la volonté du Volk : cette simple devise permet d’aborder le caractère charismatique du pouvoir de Hitler. Doc 4Q Les lois de Nuremberg sont la conséquence des conceptions raciales des nazis. Étant donné que les Juifs sont considérés comme ne faisant pas partie du peuple Allemand, en vertu du droit du sang (voir documents 1 et 3), ils sont exclus de la citoyenneté allemande. En outre, comme le mélange est perçu par les nazis comme une atteinte à la soi-disant pureté de la race susceptible de provoquer sa disparition, le mariage et les relations sexuelles sont prohibés. Ces lois marquent une étape importante dans l’exclusion des Juifs de la nation allemande et dans leur persécution préludant à l’extermination. Doc 5Q Cette photographie est à rapprocher du document 2 sur la mise en place de la dictature nazie. L’air abattu de ce militant communiste – accusé notamment d’avoir suscité la révolet de la flotte de guerre en 1918 – symbolise la défaite du Parti communiste allemand en 1933. Il contraste avec l’arrogance des S.A. On peut remarquer la présence à l’arrière-plan de nombreux policiers et S.A. qui semblent encadrer et quadriller la foule. Cette photographie illustre concrètement la mise en place de la dictature nazie. Doc 6Q Cette caricature de musicien de jazz noir rappelle que le régime nazi contrôle également les arts, ici le jazz, interdit en Allemagne dès 1933 en tant que « musique nègre ». On peut ainsi en rappeler le caractère totalitaire. Divers symboles rapprochent cette musique des communautés considérées comme des ennemis du Volk germanique : les noirs figurés par cette caricature qui nous rappelle que les nazis considéraient les noirs comme de sous-hommes, les Juifs que l’étoile de David et la boucle d’oreille évoquent vraisemblablement à l’époque, les homosexuels qui ont été également persécutés par le régime. On peut rapprocher cette affiche de la tristement célèbre exposition sur « l’art dégénéré » de 1937-1938. Organisée par Goebbels, elle présentait les œuvres des artistes qui ne correspondaient pas aux canons de l’art officiel nazi. En effet, dans le régime nazi, l’art doit exalter la communauté raciale allemande et doit être débarrassé de toute influence étrangère. Découvrir 7 L’URSS de Staline, le bouleversement autoritaire d’une société pages 254-255 Problématique : A quel prix le projet socialiste est-il mis en place ? Il s’agit de montrer que Staline use de la terreur de masse pour mettre en place un État obéissant aux principes du socialisme. Il faudrait toutefois souligner que l’État ainsi installé ne respecte pas l’intégrité des principes auxquels il se réfère. À l’inverse des deux régimes précédemment étudiés, la terreur s’exerce contre la population dans son ensemble, voire même surtout contre les communistes et les dirigeants eux-mêmes de l’appareil étatique. Doc 1Q Cette affiche imprimée à l’occasion du 17e congrès du P.C.U.S. de 1934, au cours du second plan quinquennal et au tout début des grandes purges qui décimèrent le Parti communiste, glorifie bien entendu l’œuvre de Staline. La composition de l’affiche est simple : à gauche Lénine, les marins et les gardes rouges qui réalisèrent la révolution d’octobre 1917. À droite, au bout du doigt tendu de Lénine, l’URSS de 1934, héritière de la révolution de 1917. Derrière le buste de Staline en vareuse militaire installé à une tribune, les combinats sidérurgiques et une escadrille d’avions de guerre symbolisent les réalisations industrielles du premier plan quinquennal dont la réussite est bien entendu attribuée à Staline. Au pied de Staline un défilé et des banderoles à sa gloire. On trouve ici quelques éléments du culte de la personnalité. Doc 2Q Extraits de la constitution de 1936 (voir aussi page 235). Cette constitution fonde un État socialiste (paragraphes 1 et 4) : État des ouvriers et des paysans, propriété collective des moyens de production (d’où la possibilité du plan quinquennal) opposée à la propriété privée du système capitaliste. Cette constitution assure également le respect de tous les droits fondamentaux hérités des droits de l’homme : liberté de la personne, liberté de conscience, liberté d’expression. On remarquera que, à la différence des deux régimes précédemment étudiés, l’URSS se situe dans la filiation des Lumières et de la Révolution française, et se présente comme un régime extrêmement démocratique. Bien entendu, les chapitres précédents ont permis de montrer aux élèves qu’il n’en était rien en réalité, mais le discours est d’importance malgré tout. Surtout, les documents qui suivent sont destinés à montrer ce qu’il en est réellement. Doc 3Q Cet extrait de l’ouvrage de Victor Serge résume la collectivisation de 1928-1932 dans les P109Q campagnes. Son point de vue est celui d’un membre de « l’opposition de gauche » proche de Trotski mais il s’agit également d’un témoignage direct puisqu’à cette époque, Victor Serge vivait encore en URSS et n’avait pas encore été interné au goulag. La première étape est celle des réquisitions. Il s’agit d’obliger les paysans à livrer leurs récoltes mais aussi d’obtenir celles-ci à bas prix pour financer en partie l’industrialisation qui débute alors. La seconde étape est celle de la collectivisation forcée avec l’entrée obligatoire des tous les paysans dans les Kolkhozes (coopératives), auxquels ils doivent apporter tout leur cheptel et tout leur matériel. Les paysans récalcitrants, riches au pauvres, sont qualifiés de koulaks (paysans riches) et déportés par familles et villages entiers en Sibérie ou en Asie centrale. On habille donc la répression sous un verbiage révolutionnaire pour justifier ces déportations massives. Le dernier paragraphe du texte esquisse un bilan de cette collectivisation forcée : chute de la production agricole, famine dans les campagnes (5 millions de morts, et notamment en Ukraine) organisée pour briser toute résistance au régime, soit 10 millions de personnes déportées. Doc 4Q Ces quelques statistiques élaborées par Victor Serge montrent la reconstitution des inégalités et d’une hiérarchie sociale en URSS (différence de salaires hommes / femmes ; différence ouvriers / hauts fonctionnaires, c’est-à-dire dirigeants de l’État et du Parti communiste). Les indications de prix des denrées montrent le très faible pouvoir d’achat des ouvriers et la très grande misère du peuple soviétique au début de l’industrialisation. La faiblesse des salaires ouvriers était le moyen de construire un appareil industriel à moindre coût. Doc 5Q Cette photographie des membres du Bureau politique (l’instance décisionnelle du Parti) en 1920 et l’indication de leur devenir montre que la plupart d’entre eux ont été liquidés par Staline. Dans les années 1930 en effet, Staline s’est débarrassé de la vieille garde bolchevique pour deux raisons : ces anciens compagnons de Lénine pouvaient contester son pouvoir ; d’autre part ils incarnaient les principes du socialisme et la période de la révolution durant laquelle Staline, lui, joua un rôle très secondaire. Doc 6Q Les procès de Moscou qui se tinrent de 1936 à 1938 furent l’occasion de juger et de condamner à mort les plus illustres des compagnons de Lénine (Zinoviev, Kamenev, Boukharine notamment). Torturés, drogués, ces derniers s’accusèrent des crimes les plus surprenants et principalement d’avoir comploté contre l’URSS sous la direction de Trotski (alors en exil) et sur ordre des services secrets occidentaux. Dans ce réquisitoire, Vychinski, le procureur le plus redoutable de ces procès (lui-même un ancien menchevik qui avait combattu les bolcheviks durant la guerre civile), nous livre en réalité les raisons de ces procès. Il s’agit de rendre les accusés responsable des faillites du système (les pénuries, le gaspillage, et la misère de la population) inhérentes à la gestion autoritaire de l’économie par Staline. L’autre fonction des procès de Moscou est de terroriser tous les membres du Parti communiste qui pourraient se reconnaître dans ces grandes figures du mouvement bolchevique pour les contraindre à une obéissance aveugle envers Staline. En effet, au cours des années 1936-1938, ce sont 700 000 personnes (dirigeants du Parti, de l’Etat ou de l’armée) qui furent exécutées, souvent sans procès. P110Q Bibliographie • P. Ayçoberry, La société allemande sous le IIIe Reich, Seuil, Points, 1998. • V. Chalamov, Récits de Kolyma, 2 tomes, Livre de poche 1990. • E. Gentile, Qu’est-ce que le fascisme ? Histoire et interprétation, Folio histoire, 2004. • I. Kershaw, Hitler. Essai sur le charisme en politique, Gallimard, Folio, 1995. • I. Kershaw, Qu’est-ce que le nazisme ? 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Van Regemorter, Le stalinisme, Documentation photographique n° 8003, juin 1998. • N. Werth, Histoire de l’Union soviétique - De l’Empire russe à la CEI, 1900-1991, PUF, 2001. • N. Werth, La terreur et le désarroi. Staline et son système, Perrin, Tempus, 2007. Sitographie • Sur Mein Kampf, une étude sous-titrée La matrice de la barbarie par Hélène Desbrousses : http:// www.anti-rev.org/textes/Desbrousses00a • Sur Hitler, à consulter avec les plus grandes précautions, un site révisionniste renfermant une collection de documents historiques, et iconographiques : http://www.hitler.org/ • Staline par Stéphane Courtois : http://www.canalacademie.com/Staline.html • Deux travaux de Nicolas Werth : Sur la paysannerie sous Staline ; le pouvoir soviétique et la paysannerie dans les rapports de police politique (1930-1934) (Dossier paru dans le Bulletin de l’IHTP, n° 81-82, décembre 2003) : http:// www.ihtp.cnrs.fr/spip.php?rubrique75?lang=fr Les « Opérations de masse » de la « Grande terreur » en URSS (1937-1938) (dossier paru dans le Bulletin de l’IHTP n° 86) : http://www.ihtp.cnrs.fr/spip.php?rubrique142?lang=fr P111Q Préparer le bac – L’explication d’un tableau de propagande Fête du kolkhoze d’Arkadi Plastov Pages 260-261 Ce que je tire du document Les connaissances que je dois mobiliser Peinture monumentale célébrant les valeurs du régime 1°) Quelle est la nature du document ? A qui est-il destiné ? Isolement du régime soviétique 2°) Dans quel contexte cette œuvre est-elle peinte ? Détail d’une œuvre de 188 X 307 cm 1937 Pouvoir communiste Staline, et les soviétiques Tableau monumental appartenant au courant du réalisme pictural, qui s’impose dans les années 1920 alors que le régime refuse l’avant-gardisme révolutionnaire (constructivisme …) Double destinataire : le chef de l’État soviétique et le peuple qui peut visiter les expositions itinérantes Isolement du régime soviétique enfermé sur lui-même et rejeté par tous au moment de la dépression des années 1930 Staline au pouvoir depuis une dizaine d’année, après l’élimination de Trotski. Période marquée par de grands procès politiques contre les contestataires ou les rivaux possibles (grandes purges dans le Parti …) 3°) Quel personnage est mis en valeur ? Que représente-t-il ? Quelles relations sont visibles avec l’ensemble des gens qui l’entourent ? Portrait de Staline au-dessus de la foule Banderole, drapeaux rouges et fleurs près du portrait Foule endimanchée et attablée Toutes générations confondues Une relation quasi religieuse de domination d’un homme et de la foule. Icône du « petit père des peuples » Une masse (aucune individualité ne se détache ) célébrant un homme providentiel et ses bienfaits 4°) Quelle est l’image du pays donnée par ce tableau ? Quelles sont les valeurs défendues par le régime, qui sont représentées dans ce tableau ? Climat de fête et de réjouissances. Abondance de victuailles sur les tables rustiques Aucun signe de pauvreté (vêtements modernes) Samovar en argent au Succès de la collectivisation premier plan Grand bâtiment en pierre Nombreuses taches rouges Prospérité Pays non touché par la dépression des années 1930 Cohésion sociale dans les campagnes Double fidélité : au régime (culte de la personnalité de Staline) à la patrie (racines russes présentes : samovar) Succès de la politique envers les campagnes : collectivisation (fête kolkhozienne), richesse (victuailles, bâtiment neuf en pierres) Triomphe du modèle communiste à la campagne 5°) En quoi le tableau est-il représentatif d’un art totalitaire ? Réalisme On doit organiser l’art, et pictural qui en faire, comme l’industrie n’est pas réalité lourde et l’Armée rouge, un instrument efficace au service d’un projet d’État total. Filonov, 1919 … vers le mythe du bonheur soviétique Allégeance du peintre à l’égard du régime Utilisation du courant pictural « réaliste » donnant une image déformée de la réalité afin de satisfaire le pouvoir en place Censure et contrôle des artistes qui doivent se mettre au service du régime Peinture d’une campagne mythique, dans laquelle la classe populaire qui célèbre son chef, est représentée triomphante et satisfaite P112Q Au commencement était le Verbe, tableau d’Hermann Hoyer Cette peinture réalisée avant 1933 met en scène Hitler, alors chef du parti nazi. Destinée à être reproduite, elle est l’un des outils de propagande destiné au peuple allemand. Il ne s’agit pas encore d’un exemple de l’art officiel qui mettra en avant une peinture traditionaliste. Mais cette peinture correspond au genre « héroïque » mis en avant par les nazis, avec, ici, un personnage contemporain. Si c’est dans le contexte de la lutte pour la prise de pouvoir dans les années 1930 sur fond de crise économique que cette peinture a été réalisée, l’intention de l’artiste était de montrer Hitler au moment de ses premiers engagements en politique dans les années 1920 à Munich. Ce tableau surprend par sa palette sombre. Un premier regard laisse croire à une scène banale : un homme parlant à une assistance attentive dans une auberge. Mais le contraste, couleurs sombres dominantes et lumière éclairant les visages et l’orateur, centre l’attention du spectateur sur Hitler. Celui-ci, habillé en vêtements civils, domine par sa stature le reste de l’assistance. Sa verticalité est soulignée par le S.A. au garde-à-vous à sa droite aux côtés du drapeau nazi qui se détache du décor. Hitler est représenté en homme respectable, cherchant à convaincre son auditoire. Celui-ci, composé de femmes et d’hommes de toutes conditions, apparaît écouter gravement les paroles de l’orateur. Mais cette réunion politique prend un autre sens lorsqu’on lit le titre du tableau choisi par le peintre : la première phrase de l’Évangile de Jean « Au commencement était le Verbe » ; Hitler devient l’équivalent d’un prophète apportant la lumière, voire de Jésus-Christ prêchant la Parole. La petite communauté à laquelle il fait face peut être alors assimilée à celle des premiers disciples chrétiens qui comprennent, le jour de la Pentecôte, que désormais Jésus guide leur action. Hitler est le nou- veau messie, le Sauveur d’une Allemagne dont les ennemis ne sont pas cités ici explicitement : ce sont les Juifs, ceux qui ont fait mettre à mort Jésus. Il y donc un détournement de thèmes religieux que pratiquait également Hitler dans ses discours où il multipliait les références aux Évangiles. On pourrait faire le parallèle avec un tableau plus tardif Le Führer parle de Paul Padua (1939) où toute la famille, rassemblée autour du poste de radio, écoute religieusement le discours du Führer. Au mur, les images pieuses sont remplacées par un portrait d’Hitler. Regards sur… le dimanche d’un jeune Italien pages 262-263 Ces deux documents illustrent l’encadrement des jeunes gens par le régime fasciste. La photographie permet de faire sentir aux élèves ce que signifie concrètement pour les jeunes garçons le fait d’appartenir aux Ballilas : leurs loisirs sont occupés par les entraînements et les défilés militaires. En revanche, le texte montre l’ennui et l’inertie opposée par les jeunes gens de la milice universitaire qui signale une faible adhésion au régime fasciste. Le roman « Giovenizza, Giovenizza » dont le titre renvoie à l’hymne du Parti national fasciste « Jeunesse », met en scène entre 1936 et 1941 trois jeunes Italiens habitants la ville de Ferrare. Giordano et Mariuccia, frère et sœur et leur ami Giulio, amoureux de cette dernière, symbolisent les différentes attitudes vis-à-vis du fascisme. « Giovenizza, Giovenizza » a été porté à l’écran par le réalisation Franco Rossi en 1969. P113Q