Le Congo avant l` “Indépenda

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Le Congo avant l` “Indépenda
DVD
© FONDS ANDRÉ CAUVIN CEGES-SOMA
Le Congo avant l’
Comme Gérard de Boe, André Cauvin fut l’un des pionniers du cinéma belge au Congo.
CINEMATEK
Découvertes
Découvertes
En 1959, Gérard de Boe retraçait avec emphase la création de Lovanium, la première université du Congo.
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La Libre Belgique - jeudi 10 juin 2010
“Indépendance chacha”
P Trois
cinéastes en ont
filmé les prémices entre
exploration, marketing
et découverte de “l’autre”.
P Des
témoignages précieux
exhumés par la Cinematek.
C’
est un temps que les moins de
60 ans connaissent peu… ou mal.
Un temps où la Belgique vantait
fièrement les réalisations et conquêtes
de sa colonie : le Congo. Un territoire im­
mense aux ressources encore largement
inexploitées, trônant en plein cœur de
l’Afrique. A l’époque, des milliers de Bel­
ges avaient quitté leurs familles pour
tenter leur chance en Afrique centrale.
L’heure était aux rêves, à la prospérité et
aux espaces inexplorés. Si ces “premiers
temps de la colonie” ont suscité une
abondante littérature, ils ont aussi ins­
piré de nombreux jeunes réalisateurs.
Scolarité, éducation, soins de santé,
pêche, sculptures et culture tradition­
nelle: autant de traces touchantes et
troublantes d’une époque révolue.
Après la mission exploratoire (façon
Genval) et la propagande (pratiquée par
les trois hommes), l’heure était enfin au
partage culturel : chacun des cinéastes, à
son tour, se laissant toucher par la
beauté de ce qu’il découvrait des coutu­
mes locales.
Dix des quinze films proposés sont
l’œuvre de Gérard De Boe, réalisateur
au style très reconnaissable: l’ancien
agent sanitaire, devenu cinéaste, y
pointe les réalisations des missionnaires
et autres cadres européens auprès des
“indigènes et des évolués” (sic) de l’épo­
que. Dans ses commentaires, le lyrisme
le dispute très souvent à la propagande,
comme le voulait le journalisme d’alors.
Si le ton peut agacer ou hérisser, demeu­
rent le plus souvent des images d’une ri­
chesse et d’une qualité indiscutables.
Pour le spectateur, c’est aussi l’occa­
sion d’enfin visualiser des lieux tant de
fois cités dans les familles d’ici et de là­
bas: Stanleyville, Elisabethville, Lova­
nium, le fameux jardin botanique de Ki­
santu, fruit du travail acharné du frère
Gillet : autant de reflets d’un temps, pas
si lointain finalement, où le progrès
semblait irrémédiablement en marche.
D’autres, enfin, sont des images “cultes”
qu’il plaira aux plus jeunes d’entre nous
de découvrir, tel le fameux premier
voyage du roi Baudouin, filmé par Cau­
vin cinq ans seulement avant que le
Congo n’accède à l’Indépendance...
La publication de ce DVD est le ré­
sultat d’une vaste campagne de nu­
mérisation d’archives entamée il y a
plusieurs mois. A l’image des quinze
films présents dans “Congo belge”,
un grand nombre de films de l’épo­
que coloniale ont été numérisés et
seront ramenés prochainement au
Congo, au Rwanda et au Burundi.
Outre la numérisation, qui se pour­
suivra dans les semaines et mois à
venir, la Cinémathèque proposera en
octobre prochain une rétrospective
consacrée au cinéma colonial ainsi
qu’aux nombreux films de Thierry
Michel sur le Congo.
Karin Tshidimba
U “Congo belge”, 2 DVD (2 x 138 min.),
livret 112 pp., Ed. Cinematek, 21 €..
Entre le premier film, en noir et blanc,
datant de 1926 (muet avec accompa­
gnement musical et inserts explicatifs,
comme il se doit) et le plus “ancien”
(1959) en couleurs dont la “voix off”
magnifie la réalisation belge la plus ré­
cente, à savoir la mise sur pied de Lova­
nium, première université du Congo,
c’est toute l’évolution d’un pays, du re­
gard sur l’autre et d’une façon de “vivre
ensemble” qui se donne à voir. Et c’est
ce qui rend ce patrimoine à ce point vi­
vant et passionnant.
© FAM. DE BOE
Comme le rappelle Grace Winter,
dans l’avant­propos du riche livret tri­
lingue
(français/anglais/néerlandais)
qui accompagne le double DVD “Congo
belge”, “la production cinématographique
coloniale compte un petit millier de films,
courts, moyens et longs métrages, docu­
mentaires et de fictions”. De ce magma ci­
nématographique émergent trois
noms: Ernest Genval, Gérard De Boe et
André Cauvin. Chantres des réalisations
coloniales et de l’œuvre “civilisatrice”
de la Belgique, ces trois réalisateurs ont
su cependant montrer leur intérêt pour
les cultures et la vie quotidienne des po­
pulations congolaises. “Malgré une vision
stéréotypée de l’Afrique”, l’intérêt ethno­
sociologique l’a emporté sur d’autres
considérations, leur permettant de “dé­
passer l’objectif limité” du cinéma colo­
nial officiel.
A l’occasion du 50e anniversaire de
l’Indépendance du Congo, la Cinéma­
thèque royale publie –en collaboration
avec le Musée royal d’Afrique centrale et
le Centre d’études et de documentation
guerre et sociétés contemporaines
(Ceges)– un double DVD reprenant
quinze films réalisés par ces trois princi­
paux “cinéastes coloniaux” belges.
Gérard de Boe, ici avec son caméraman, a chanté la colonisation belge mais s’est aussi intéressé aux conditions de vie des Congolais.
jeudi 10 juin 2010 - La Libre Belgique
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