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SEMINAIRE ANMECS, Paul FUSTIER 31 mai 2013 Paul FUSTIER est professeur émérite de psychologie à l’Université Lumière-Lyon 2. Il est aussi docteur en musicologie et spécialiste de la vielle à roue à l’époque baroque. Il a également publié chez DUNOD : Le travail d’équipe en institution, Le lien d’accompagnement et Les corridors du quotidien. ___________________ P.FUSTIER engage cette intervention non pas sur le mode de la conférence mais davantage sur l’idée de partir du terrain, pour le croiser avec des élaborations théorico-cliniques, ou dit autrement frotter des éléments conceptuels avec des situations pratiques : « il s’agit de mettre en arrêt la décision pour valoriser le processus ». En référence à la musique : « Dans la musique, ce qui m’intéresse ce sont les répétitions(le processus), pas forcément le concert (le résultat ou l’état)». Psycho-clinicien, en charge de la formation des psychologues, P.FUSTIER –face à cette assemblée de directrices et directeurs- expose que sa seule expérience de directeur, avait l’avantage pour lui de jouer le rôle de « premier » sans être le premier puisqu’il avait un supérieur hiérarchique qui lui accordait une large délégation ! Plus concrètement, il s’est rapidement intéressé aux équipes institutionnelles en intervenant auprès de ces équipes à partir de deux axes forts : - La crise institutionnelle Le dispositif de prise en charge avec un objectif clair : comment faire que ce dispositif soit soignant ? 1 Paul Fustier évoque la notion de performance, très présente actuellement dans le secteur. Il indique que les directeurs ne doivent pas perdre de vue le sens, la clinique, le « faire équipe ». Plusieurs idées forces : - - L’effet ricochet ou : ne pas juger ce que l’on atteint mais aller à côté de que l’on souhaite atteindre en visant un objectif à réaliser, on obtient un effet de soin, de traitement ou d’éducation qui n’était pas explicitement visé. Dans le lien entre un élément A et un élément B, l’intérêt se porte sur la médiation qui va permettre le lien antre A et B Etre sensibilisé sur ce qui se vit à côté de l’affectif Concernant le lien d’accompagnement : accompagner la réponse plutôt que de donner la réponse Sur la question des genres féminin/masculin : il existe une confusion entre le maternel et le féminin ; d’autre part le féminin est-il réductible au maternel ? Pour en revenir aux questions de la direction et de son incarnation, P.FUSTIER s’arrête sur la question de la fondation, du « fondateur/créateur » et par voie de conséquence sur le changement de directeur, l’évolution d’un modèle basé sur la création/fondation et incarné par un directeur « paternaliste » ou « maternaliste ». Comment en tant que directeur succédant à un « fondateur », sortir du rôle du « père fouettard » et redonner de l’autonomie aux professionnels ? c’est un point important à prendre en compte car bien souvent les professionnels ne parviennent pas à trouver leur place dans ce nouveau modèle, ne s’autorisent pas (ou plus !) à passer de « bons moments » au-delà du cadre, à dépasser le fait de s’interdire d’utiliser ses propres compétences, comme l’a dit l’un d’entre nous : « en tant que nouveau directeur (qui a succédé à un « fondateur »), je les affranchis de la fonction maternelle dans laquelle elles étaient « enfermées » et malgré cela, elles ne s’autorisent pas »!! Dans une chronologie des profils de directeurs, on pourrait situer : Le fondateur/gourou (établit avec ses disciples un lien tel que chacun met le gourou dans sa tête) ; en effet, le gourou place ses disciples dans une position de décérébration, dans un renoncement à garder son cerveau indépendant. Le directeur est partiellement identifié à son équipes à ses éducateurs, au travers desquels il peut se reconnaître (il y a quelque chose de lui en eux et vice-versa). Le manager avec lequel il y a peu ou pas de système d’identification possible pour les gens qu’il dirige (il reste dans son bureau !!). Pour aller plus loin, on avance que dans le profil manager, il n’y a pas de fonction « contenante » exercée par le manager : la crise n’est pas loin !! Pour chaque directeur qui succède à un fondateur (voir un gourou !), il y a des nécessités qui vont rapidement s’imposer : particulièrement celle « d’apprivoiser le fantôme de son prédécesseur –quel qu’il ait été- ; apprivoiser voire même le protéger !». Par ailleurs, « y-a-t2 il dans un placard, un évènement identifiable au-delà du gourou/fondateur ? » (Le sexe et l’argent sont souvent à l’origine de ces évènements !). Il va donc s’agir pour ce nouveau directeur de créer les conditions pour produire une nouvelle identification. Et pour cela, le projet (mettre dans le conscient, un, organisateur inconscient) présente l’intérêt du travail d’un groupe de professionnels, rassemblé dans un même espace-temps et qui a un « petit quelque chose en commun » pour travailler à un objet. Cela nous ramène à l’effet « ricochet » et aux séances de répétition d’un orchestre avant concert évoqué précédemment : la démarche projet va créer l’équipe ou plutôt la fédérer. Le rôle du directeur va donc être de favoriser l’appropriation !! Par ailleurs, il sera nécessaire qu’existent des espaces - temps où l’on travaille sans en avoir l’air, des interstices (tel l’espace de la machine à café !) où savoir perdre son/du temps participe à une meilleure productivité : en effet comme les autres institutions, une MECS a deux productivités : - Productivité de l’objet : le nombre de jeunes accueillis, de sorties. Productivité du lien : toutes les pratiques qui génèrent du lien social et qui peuvent se réaliser dans les « temps perdus » ou dans les espaces interstitiels. La fonction contenante : une autre piste à explorer Dérivée du moi-peau (D.ANZIEU), la fonction « contenante » est une préoccupation permanente du directeur qui occupe une place d’exception en ce sens qu’il est garant de l’intérêt collectif, de la permanence; rappelons que cette fonction peut s’entendre comme le fait de « garder ensemble des éléments sans qu’ils s’abîment ou se détruisent mutuellement» ; en illustration de cette fonction, qui vient rapidement à l’esprit : les violences physiques et le raccourci qui va avec : c’est le directeur qui n’a pas su contenir, qui est jamais là quand il faut ou quand il devrait !! Bref tout ce travail de la différenciation des places, de l’architecture symbolique dans l’institution articulée à la permanence (combien de temps consacré à cette permanence d’un éducateur auprès d’un enfant pour éviter les phénomènes de violence), fait l’objet d’une attention soutenue de la même façon (en référence à WINNICOTT qui indique qu’il faut un temps de présence minimum de la mère auprès du bébé pour que s’inscrive, s’instaure un lien durable et fort permettant de supporter l’absence). Dans les MECS il s’agit de penser la question du temps au-delà de la segmentation du temps de travail et de compenser les effets de segmentation par de la « relience » entre les jeunes et les éducateurs : est-ce que l’enfant a suffisamment de temps de présence de l’éducateur pour que s’inscrive dans sa tête, un lien avec cet éducateur ? 3 Et l’argent dans tout cela ? Depuis les 30 glorieuses, nous évoluons dans un contexte de contraintes financières qui fait qu’aujourd’hui, il ne faut plus compter sur la manne financière pour les nouveaux projets mais plutôt prendre en compte les contraintes financières et développer des capacités d’innovation avec les équipes ; trouver le subtil équilibre entre bonnes pratiques et équilibres financiers ! Le champ social devrait pouvoir continuer sur un associatif pluriel, petit et expérimental même si les évolutions ne vont pas dans ce sens : il existe une réelle menace sur le projet social avec des exemples de conseils généraux qui font des choix de coupes franches sur les capacités de réponses des dispositifs de prise en charge. Quelle place pour l’associatif de demain ? Quel modèle ? Les associations sont de moins en moins porteuses de leur objet social ; elles ne sont plus source d’innovation ; seule compte la prestation qu’elle délivre : la gouvernance est de plus en plus difficile dans ce contexte tendu ; l’associatif a perdu sa liberté d’expérimentation au seul profit de l’opérationnalité ; il se trouve inévitablement en tension entre deux points : - La force externe : le budget accoré La force interne : le projet Comment se situer à la marge de ces deux points ? Comment exploiter le potentiel démocratique pour créer du lien et de l’objet vers l’usager, vers les salariés ? Comment se fait-il qu’il soit si facile d’attaquer le fort interne pour le fort externe ? Si la départementalisation apporte la segmentation et provoque une crise identitaire des acteurs, comment l’interne communique-t-il sur son existence ? A bien considérer la rémunération de la production du lien, des pratiques, on fait émerger le lien narcissique, l’autosatisfaction, le plaisir de donner ; tout cela participe à mieux définir le fort interne qui doit être, au vu des différents contextes actuels, suffisamment solide : le don apparaît alors comme la plus-value de l’ensemble. Refonder les MECS : L’objectif est l’accompagnement d’adolescents et enfants très difficiles ; or dans la mesure où nous sommes en difficulté pour penser, mettre en œuvre et « gérer » ces projets, on se laisse déborder par des idées comme le « coaching » qui décline une opérationnalité avec objet sans production de lien, où la clinique a de moins en moins sa place. Il y a donc nécessité de réintroduire un travail qui fasse que la question du don soit toujours posée ! 4 A Le donateur Les parents Le don B Le donataire reconnaît la dette qu’il a par rapport à la génération d’avant et devient L’enfant Enjeu du placement B’ reconnaît la dette qu’il a par rapport A la génération d’avant et devient Donateur C Nouveau donataire : c’est auprès de la génération C (troisième génération), que la génération B se libère de la dette contractée auprès de la génération A __________________________ Patrick RIPOCHE 5