Le coup de gueule d`Alain-Dominique Perrin sur les formations du

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Le coup de gueule d`Alain-Dominique Perrin sur les formations du
PAYS : France
JOURNALISTE : Thiébault Dromard
SURFACE : 28 %
PERIODICITE : Quotidien
11 avril 2016
Le coup de gueule d’Alain-Dominique Perrin
sur les formations du luxe
L’ancien président du groupe de luxe Richemont et actuel président
de l’Ecole des Cadres et Sup de Luxe, dénonce "la multiplication des
écoles de management du luxe bidons".
C’est une personnalité reconnue du monde du luxe mais aussi de l’enseignement supérieur
français. Alain-Dominique Perrin a dirigé la maison Cartier et créé en 1984 la Fondation Cartier
pour l’art contemporain. Il a pris ensuite la tête du groupe Richemont (Cartier, Van Cleef,
Mont-Blanc…) le numéro deux mondial du luxe, pour lequel il exerce toujours la fonction
d’administrateur. Passionné par la jeunesse, il est aussi à la tête de l’Ecole des Cadres qu’il a
sauvé de la faillite en 1995 devenue EDC Paris Business School. Il fonde aussi le MBA Sup de
Lux. Et c’est à ce titre aujourd’hui qu’il prend la parole pour pousser un vrai coup de
gueule."Depuis une vingtaine d’années, avec une intensification ces derniers temps, je vois
fleurir, ça et là, de nouvelles formations destinées à alimenter l’industrie du luxe en jeunes cadres
plein d’enthousiasme", constate-t-il. Le problème c’est qu’il y a beaucoup trop d’écoles, à la
formation très aléatoire et que les jobs à la sortie ne sont pas légion. Quelques écoles trouvent
encore grâce à ses yeux : "Certaines d’entre elles, moins d’une dizaine, ont fait leurs preuves et je
les qualifierais de sérieuses : l’Essec, l’Isipca, l’Université de Marne La Vallée" sans oublier Sup
de Luxe, "créée il y a 26 ans, arrivée en tête du Palmarès 2016 (Source SMBG ) mais qui"n’a
besoin ni de notoriété, ni d’étudiants"."Les autres qui jouent avec ambiguïté sur les mots"Et puis
il y a les autres… "Celles qui font croire aux étudiants souvent crédules et à leurs parents, qui le
sont encore plus, que les embauches sont sans limite, que leurs programmes vont les armer pour
entrer par la grande porte dans un monde qui brille et qui génère un chiffre d’affaires colossal",
écrit l’ancien patron de Cartier, dans une lettre transmise à Challenges. "Les autres qui jouent
avec ambiguïté sur les mots, à grands renforts de publicité, en prétendant par exemple posséder
des accords avec 700 entreprises du secteur!... Alors qu’on en dénombre péniblement la moitié
dans le monde. C’est tout simplement tendancieux et bien racoleur." Des écoles qui d’après lui
pullulent en province. Challenges a compté environ 30 écoles d’enseignement supérieur qui
propose une formation liée à l’industrie du luxe. En gros, 2.000 étudiants sortent de ces écoles
chaque année alors que d’après Alain-Dominique Perrin le secteur ne propose aujourd’hui
qu’environ 250 nouveaux emplois de cadres juniors par an. Pas plus. Conséquence: beaucoup
d’étudiants deviennent vendeurs dans des boutiques de luxe avec un diplôme en poche étiqueté
Bac + 5."Les grandes marques ont déjà recruté la plupart des profils dont elles avaient besoin". Et
à l’international? "Les marques ont changé de stratégies en privilégiant désormais les
recrutements locaux plutôt que les expatriations", constate-t-il. Quand elles embauchent, les
grandes marques de luxe recherchent plutôt les pros du marketing, les spécialistes de
communication digitale, de logistique, et les métiers de la main qui ne sont pas formés dans ces
écoles de management visées par Alain Dominique Perrin. Pour lui, il serait temps que l’Etat
régule enfin un peu ce secteur de l’enseignement supérieur, "lui qui est tellement capable par
ailleurs de nous pondre des règlements".
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