à la recherche des origines d`une didactique du plurilinguisme
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à la recherche des origines d`une didactique du plurilinguisme
tIn : Bernard Colombat, Jean-Marie Fournier, Valéry Raby (éds.) : Vers une histoire générale de la grammaire française. Matériaux et perspectives. Actes du colloque international de Paris (HTL/SHESL, 27-29 janvier 2011). Paris : Honoré Champion, p. 533-550. À LA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME Franz-Joseph MEISSNER1 (Justus Liebig Universität, Giessen) De nos jours, la didactique du plurilinguisme (Mehrsprachigkeitsdidaktik, didactics of plurilingualism) est une notion générique à laquelle se rattachent plusieurs concepts voisins. Son succès international est dû à la promotion du plurilinguisme par l’Union Européenne et aux résultats des recherches empiriques qui soulignent l’importance des savoirs préalables de l’apprenant et des modèles d’apprentissage basés sur le réseautage. Dans ce contexte, cet article se propose d’éclairer la tradition plurilinguistique de l’apprentissage des langues. Ce faisant, il recourt aux matériaux didactiques et bibliographiques. Son objectif est de donner une réponse à la question de savoir si une didactique du plurilinguisme existait avant la lettre. t In our days, didactics of plurilingualism (Mehrsprachigkeitsdidaktik, didactique du plurilinguisme) is an umbrella term that attracts a certain number of neighboring pedagogical concepts. Last but not least this is due to the promotion of plurilingualism by the European Union and to the findings of empirical research that stresses the role of the learners’ relevant previous knowledge and of networking models of learning. Against this background, the following paper tries to elucidate the plurilingual tradition of learning and teaching of foreign languages as far as such an approach can be found in didactic materials and some bibliographical documents. Its ambition is to find an answer to the question whether a kind of didactics of plurilingualism avant la lettre can be supposed. I NTRODUCTION 2 Aujourd’hui, la notion de didactique du plurilinguisme (didactics of plurilingualism, Mehrsprachigkeitsdidaktik, etc.) est un mot-clef de la politique des langues européennes. Il s’agit d’un « catch-word » – easy 1 Adresse de correspondance : [email protected]. Cet article est une version actualisée d’une publication parue en langue allemande dans Fremdsprachen Lehren und Lernen 39 (2010). 2 tt t t 534 À LA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME to remember, pleasant to repeat. La fonction primaire d’un tel terme est de créer un large consensus par rapport à ce qu’il exprime et/ou à ce qu’il pourrait exprimer aux yeux d’un public hétérogène. On soulignera d’ailleurs que la formule est au cœur de la politique des langues de l’Union Européenne. Il suffit de se remettre en mémoire les directives de sa politique linguistique et éducative dont la finalité centrale est de faire « connaître au moins deux langues étrangères en dehors de la langue maternelle » à un maximum de personnes (cf. Lutjeharms 2007). Ce que cela signifie au niveau du type du plurilinguisme se lit chez le penseur et linguiste italien Umberto Eco : Une Europe de polyglottes n’est pas une Europe de personnes qui parlent couramment beaucoup de langues, mais, dans la meilleure des hypothèses, de personnes qui peuvent se rencontrer en parlant chacune sa propre langue et en comprenant celle de l’autre, mais qui, ne sachant pourtant pas parler celle-ci de façon courante, en la comprenant, même péniblement, comprendraient le « génie », l’univers culturel que chacun exprime en parlant la langue de ses ancêtres et de sa tradition. (1993, p. 377) t Très positivement connoté, le terme attire un certain nombre de concepts voisins : didactique intégrée – cohésive – de l’intercompréhension pour n’en énumérer que quelques-uns (Meissner 2005). Bien que la didactique du plurilinguisme englobe un certain nombre de concepts pédagogiques (voir Candelier et al. 2007), la didactique de l’intercompréhension est au carrefour de ces concepts car, dans son centre sémantique, se trouve le désir de faciliter à l’individu l’acquisition du plurilinguisme en l’incitant à exploiter ses savoirs préalables, entre autres les ressemblances interlinguales identifiables et ses expériences avec les langues et leur apprentissage. Aussi faut-il considérer l’intercompréhension – c’est-à-dire la capacité à comprendre une langue ou une variété étrangère sans l’avoir acquise en milieu naturel ou apprise de manière formelle – comme le dénominateur commun de tous ces courants, aussi différents soient-ils. Il suffit de se rappeler la célèbre phrase du psychologue américain David Ausuble (1968, p. vi) : « If I had to reduce all of educational psychology to just one principle, I would say this : The most important single factor in influencing learning is what the learner already knows ». Tout cela explique pourquoi la didactique de l’intercompréhension a élargi la typologie des transferts (Meissner 2004). Celui qui est sur les traces des précurseurs historiques de l’actuelle didactique du plurilinguisme, doit rechercher – en tenant compte des aspects tt t tt 535 FRANZ-JOSEPH MEISSNER sémasiologiques et onomasiologiques – les caractéristiques suivantes et ce, parce qu’ils sont au cœur de cette approche : 1. Ne pas enfermer la méthode dans la description d’une seule langue de départ et/ou de langue-cible. 2. Activer les connaissances plurilingues des apprenants et faciliter des transferts interlinguaux basés sur des comparaisons entre les langues. On voit bien la proximité d’un tel concept de phénomènes pour lesquels le XXe siècle va forger les termes ‘inférence’ et ‘transfert’. 1. D E L ’ INVENTION ET L ’ APPRENTISSAGE / ENSEIGNEMENT DES LANGUES , DES GRAMMAIRES ET DES MATERIAUX DIDACTIQUES : DISTANCES INTERLINGUALES t t t t Tout regard sur le passé exige un mot au sujet des sources écrites, dans notre cas des matériaux d’enseignement et d’apprentissage : dictionnaires, grammaires, manuels de langue(s). Il ne faut pas oublier que les mots grammaire et manuel et leurs séries (esp. gramática, manual, it. grammatica, manuale etc.) ont, pendant des siècles, été synonymes. A côté des manuels, des listes de vocabulaire signalent elles aussi un intérêt pour l’apprentissage et l’enseignement de ‘plusieurs’ langues (Hüllen 1989). Le concept d’enseignement des langues étrangères suppose souvent que la variété à apprendre possède déjà un statut de « langue ». Ce fait relie l’histoire de l’enseignement des langues vivantes à leurs noms et à leurs normes. L’historien de l’italien, Bruno Migliorini (1978, p. 265), constate à l’égard de l’époque de Dante : « … si adoperano promiscuamente e quasi indifferentemente i termini di volgare, fiorentino, toscano, italiano… ». Glück, auteur d’une synthèse sur l’histoire de l’allemand comme langue étrangère, souligne le statut incertain de la langue (2002, p. 29) par rapport au néerlandais. L’auteur de la première grammaire du hollandais, Twe-spraak van Nederduitsche letterkunst (1584), voit le rapport de sa langue maternelle avec le danois, le frison et l’anglais et les nomme verscheyden Duytsche spraak (Glück 2002, p. 29). Matthias Kramer rapporte en 1716 que les locuteurs du bas-allemand et ceux du haut-allemand ne se comprennent pas facilement, et à l’époque de la Révolution française, l’abbé Grégoire constate que sur les 25 millions de citoyens et citoyennes, seuls quelque trois millions possèdent vraiment l’idiome de la République (Le Rapport Grégoire, Convention Nationale, tt 536 t t t À LA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME juin 1794). Il en suit que pendant de nombreux siècles, la réalité sociolinguistique des Français était plutôt caractérisée par des variétés que par la présence de la langue nationale, ce qui souligne une fois de plus l’importance historique de l’intercompréhension. Il suffit de voir la codification tardive de nos langues européennes entre le XVe et le XVIIIe siècle pour comprendre pourquoi leur enseignement devait rester dans la tradition du latin. L’utilisation de cet adstrat savant servant de métalangue rendait l’ouvrage accessible à un grand nombre de personnes. L’Ars grammatica d’Aelius Donatus au milieu du e IV siècle (cf. Schönberger 2008) passe pour être l’exemple par excellence de l’influence des grammaires latines. Toutes les grammaires du temps, y compris le Donatz Proensals de Hugues Faidit au XIIIe siècle, suivent le schéma d’Aelius Donatus, c’est-à-dire traitent des partes orationis (noms, pronoms, verbes, adverbes, participes, conjonctions, prépositions, interjections – auxquels se joignent dans le cas des langues vulgaires les règles de prononciation prises dans telle ou telle variété). La filiation grammaticographique ne pouvant être traitée dans le cadre de cette contribution, nous nous contenterons d’évoquer le lien étroit que l’on peut constater entre les schémas de description largement similaires (du moins dans leurs bases) des langues anciennes et des grammaires vulgaires. Pour le français, on ne peut totalement exclure une relation sousjacente entre, d’une part, les « universalistes », avec leur œuvre pionnière – la Grammaire générale et raisonnée (1660) d’Antoine Arnauld et Claude Lancelot, plus connue sous le nom de Grammaire de PortRoyal –, et les ouvrages de François-Séraphin Régnier-Desmarais (1705), Claude Buffier (1709), Pierre Restaut (1730), Gabriel Girard (1747), Nicolas Beauzée (1767), dont l’œuvre porte le titre significatif de Grammaire générale ou Exposition raisonnée des éléments nécessaires du langage, pour servir de fondements à l’étude de toutes les langues et, d’autre part, les méthodes et grammaires (pratiques) destinées à l’apprentissage des langues. L’essence pédagogique au sens le plus strict de la Grammaire générale repose sur la supposition que la connaissance de principes universels facilitera l’entendement de « toutes les langues ». Mais évidemment, dans la Préface de la Grammaire générale, Beauzée (1767) voit l’insuffisance de l’approche « universelle » pour décrire et expliquer les formes et le fonctionnement concret des langues « particulières ». En même temps, il souligne la nécessité de différencier entre « grammaire générale » et « grammaire particulière » (Monreal-Wicker 1976, p. 34 et suiv.). Néanmoins, on voit que la pensée d’une économie t tt 537 FRANZ-JOSEPH MEISSNER t d’apprentissage concernant plusieurs langues était sous-jacente. Qu’une telle « économie » ne fût pas forcément limitée d’ailleurs aux langues de la même famille, c’est ce que montre le Projet pour perfectionner l’orthografe des langues d’Europe de Charles Irénée Castel de Saint-Pierre (1730). Son « parfait alphabet » ne reposait pas sur le principe phonographique traditionnel (une lettre indique un son), mais articulatoire (position et mouvement de la bouche en produisant un son) (Meissner 1998). L’introduction d’un tel alphabet articulatoire aurait, croyait l’Abbé, réduit les difficultés de prononciation des apprenants de toutes les langues étrangères. Dans le cas de l’intercompréhension romane, une telle idée d’économie d’apprentissage plurilinguale était, vu les innombrables parallèles entre les langues-sœurs, particulièrement évidente… et tentante3. Dieudonné Thiébault, dans sa Grammaire philosophique ou la métaphysique, la logique et la grammaire, réunies en un seul corps de doctrine (1802), freine pourtant les attentes exagérées émises dans la grammaire générale (prétendant qu’avant d’affirmer l’existence d’une grammaire générale, il faut connaître toutes les langues). Mais l’intérêt porté au plurilinguisme et à l’économie de l’apprentissage était déjà trop important pour que de telles critiques puissent porter leurs fruits. Ceci est aussi prouvé au début du XIXe siècle par l’ouvrage de Samuel Barnard, A polyglot grammar of the Hebrew, Chaldee, Syriac, Greek, Latin, English, French, italian, Spanish and German languages, reduced to one common syntax and an uniform mode declension and conjugation as far as practicable, with notes explanatory of the idioms of each language ; a succinct plan of their prosody and an extensive index. The whole intended to simplify the study of the languages (Philadelphia, 1825). Mais revenons à l’apprentissage du latin, de la grammaire générale et du plurilinguisme en l’an 1611. En cette année paraît à Salamanque un ouvrage destiné à l’apprentissage du latin, ianua linguarum sive Modus maxime acommodatus, quo petefit aditus ad omnes linguas intelligendas du jésuite W. Bathe. Sánchez Pérez (1992, p. 129) reprend une citation tirée d’une lettre du Père Hernando Vásquez de Guzmán à un frère irlandais concernant le livre du jésuite : « Recibi el methodo breve para aprender lenguas [… ] he leydo las sentencias todas, y me parece la cosa mas ingeniosa […] que jamas he visto a este proposito, fuera de ser un methodo para aprender cualquier lengua muy breve […] ». 3 t t Nous renvoyons les lecteurs à la publication de Suso Lopez coord. (2010). t tt 538 À LA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME 2. G LOSSAIRES PLURI - LANGUES AVANT 1756 De nombreux glossaires pluri-langues prouvent que les langues vulgaires ont surtout été apprises pour des raisons pratiques. Ces glossaires sont dans leur forme et leur taille très hétérogènes, remplissent une fonction pratique et sont sur le plan méta-lexicographique difficiles à classer (Haensch 1991, p. 2910). Glück (2002, p. 413) voit, au sujet d’une source précoce, leur teneur pédagogique de la façon suivante : « Dans deux manuscrits du vocabularius quadriidiomaticus […] du maître d’école Dietrich Engelhus (env. 1362-1434) […] du début du XVe siècle, est mentionnée la possibilité de prévoir ce type de texte également pour aliud ydioma ut […] ungaricum, anglicum, behemicum, jtalicum […] » (traduit par F.-J. M.). Il n’est pas prévu d’étudier plus avant les glossaires plurilangues dans le cadre de cet article. Du point de vue de la pédagogie des langues étrangères, la macrostructure des glossaires est intéressante. Hüllen note (1997, p. 33, traduit par F.-J. M.) : t t L’ordre encyclopédique lui-même (de l’inventaire onomasiologique) est devenu principe didactique. Alors que dans les glossaires alphabétiques, on s’en est toujours tenu au terme latin et au terme de la langue vulgaire, dans l’ordre onomasiologique, c’est l’ordre lui-même qui est le moyen de l’apprentissage. La relation que l’on voyait en lui était considérée comme « naturelle » et comme méthode d’apprentissage. Il saute aux yeux que la composition des glossaires est faite en fonction de l’âge des destinataires. Dans Orbis sensualium pictus… / le monde visible etc. (Nuremberg 1658) de Jan Amos Comenius, les lemmes sont expliqués à l’aide de petits scénarios mentaux faits d’images et de textes courts parce que l’ouvrage s’adresse à des enfants : « agnus balat, le mouton bêle ; cornix cornicatur, la corneille craille,… » (voir Reinfried 1992, p. 37 « das Schaf blöcket, die Krähe krächzet… ». Aussi : « Der Herr schauet vom Himmel… De caelo respexit Dominus… Il Signóre riguárda dal ciélo… L’Eternel regarde des cieux… »). Autrement dit, on n’enseigne pas seulement une langue, mais un savoir encyclopédique à travers une langue, et vice-versa. Mais si, par contre, on utilise successivement des versions du même texte dans des langues différentes pour apprendre ces autres langues, cela signifie que l’apprenant recourt évidemment au savoir acquis préalablement. Une version en quatre langues de l’Orbis pictus (latin allemand, italien, français) paraît en 1666. Pour replacer les matériaux d’enseignement dans un contexte historicodidactique, il est important de savoir comment ces matériaux ont été t t t tt FRANZ-JOSEPH MEISSNER t 539 utilisés au plan pédagogique. Un scrupuleux travail sur les commentaires et les instructions méthodologiques sera par conséquent de propos. Les titres suivants, par ordre chronologique, sont cités par Stengel (1890), Niederehe (1976), Puren (1988), Minerva & Pellandra (1991), Sánchez Pérez (1992), Germain (1993), Caravolas (1994), Bierbach (1997), Lépinette (2001) et Glück (2002). Les listes ainsi composées prouvent l’intérêt apporté sans relâche aux glossaires pluri-langues et aux grammaires jusqu’en 17504. 1502 : Ambrosius Calepinus Bergomates, Dictionarium latinarum et graeco pariter derivantium earundemque [....]. (1555, Venetiis, Ioann. Gryphius). 1520 : Anonymus, vocabulario para aprender Franches, Espannol y Flaminco. (Antwerpen, Willem Vosterman). 1531 : Franciscus Garonus, Quinque linguarum utilissimus vocabulista Latine, Tusche, Gallice, Hispane, et Alemanice valde necessarius. (Nurimbergae, F. Peypus). 1546 : Calepinus, Pentaglottos, hoc est quinque linguis, nempe Latina, Graeca, Germanica, Flandrica & Gallica constans. (Antwerpiae). 1551 : Anonymus, vocabulario de quatro lenguas. Tudesco, francés, latino y español, muy provechoso para los que quisieren aprender estas lenguas. (Louvain). 1554 : Noël Berlaimont, Colloquia et dictionariolum septem linguarum. Belgicae, Anglicae, Teutonicae, Latinae italicae, Hispanicae, Gallicae. (Liège, Henri Hus). 1555 : Noël Berlaimont, vocabulaire (français, flamand, latin, espagnol). (Louvain, B. de Graves). 1572 : Calepinus, Dictionarium, quanta maxima fide et diligentia fieri potuit accurate emendatum, ac multis hinc inde locis auctum ; in quo latinis dictionibus adiectae sunt graecae, gallicae, italicae et hispanicae ; accesserunt insignes loquendi modi, lectiones, etymologiae… (Antwerpen). 1572 : Calepinus, Dictionarium linguarum septem. Aussi : Dictionarium septem linguarum iam demum accurata emendatione, atque infinitorum locorum augmentatione, collectis ex bonorum authorum monumentis, omnium vocum significationibus flosculis… ; respondent antem latinis vocabulis, graece, italica, gallica, hispanica, germanica, belgica. 4 Au sujet de la problématique de la saisie des ouvrages de référence, voir zöfgen (1998 : 298). t t t t 540 t À LA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME 1589 : Anonymus, Colloquila y diccionariolum linguarum Belgicae, Teutonicae, Latinae, italicae, Hispanicae, Gallicae. (Bruxelles, Apud Henricum Houium). 1624 : Isaac Habrecht, Janua linguarum quadrilinguis Latina, Germanica, Gallica, Hispanica. 1626 : José ángel de zumarán, Thesaurus linguarum, in quo facilis via Hispanicam, Gallicam, italicam attingendi etiam per Latinam et Germanicam sternitur. (Ingolstadt) différentes éditions. 1659 : Philemon Fabri, Dialogues en cinq langues, y compris le latin, revus et augmentés. 2e éd. des Dialogues en quatre langues, français, espagnol, italien, allemand, qui avaient été publiées en 1656 à Amsterdam. 1666 : Johann Amos Comenius, Orbis sensualium pictus quadrilinguis, Hoc est, Omnium fundamentalium in mundo rerum, et in vita actionum, Pictura et Nomenclatura Germanica, Latina, italica et Gallica ; Cum Titulorum juxta, atque vocabulorum indice. (Noribergae, Endterus) (qui a connu de nombreuses éditions, encore en 1777). 1741 : Calepinus, Septem linguarum Calepinus. Hoc est lexicon latinum, variarum linguarum interpretatione adjecta in usum Seminarii Patavini. 1756 : Ignatius Weitenauer, Modus addiscendi intra brevissimum tempus linguas gallicam, italicam, hispanicam, graecam, hebraicam et chaldaicam ut ope lexici libros explicare queas (Francofurti ad Moenum, Varrentrapp). À nos yeux, la liste ne documente pas seulement un intérêt longitudinal pour apprendre / enseigner plusieurs langues, mais souvent aussi pour apprendre une langue à travers une autre que l’apprenant connaît déjà5. Il n’est pas rare que les œuvres dépassent les limites d’un glossaire et mélangent des informations lexicales et grammaticales. L’observation de Sánchez Pérez sur Hexagloton (1992, p. 189) est symptomatique : « Weidenauer incorpora su propia teoría sobre cómo aprender una lengua. y para ello se vale del método comparativo y de la traducción interlineal. » Parmi les éléments de l’Hexagloton on retrouve (1) un schéma de base pour toutes les langues, (2) un vocabulaire (dans la mesure où celuici est utilisé dans le texte), (3) des listes de formes, (4) des exemples pratiques et (5) une description des règles de prononciation. 5 Il y aurait encore beaucoup à dire au sujet de chaque glossaire, mais cela dépasserait le cadre de cet article. t tt FRANZ-JOSEPH MEISSNER 541 3. MANUELS ET GRAMMAIRES t t On peut supposer le concept de l’économie de l’apprentissage derrière de très nombreux titres de manuels, publiés avant 1750, dont : 1558 : Gabriel Meurier, Coniugaisons, régles et instructions mout propres et necessairement requises pour ceux qui desirent apprendre français, italien, espagnol et flamen, dont la plus part est mise par manière d’interrogations et de reponses. 1560 : Giovanni Mario Alessandri d’Urbino, il parangone della lingua toscana e castigliana. (Napoli, M. Cancer). 1586 : Antonio del Corro, Reglas gramaticales para aprender la lengua española y francesa. (Oxford). 1589 : Scipio Lentul(l)us, Grammatica italica et gallica in Germanorum, Gallorum et italorum gratiam latine acuratissime conscripta… huic nuper adjecata interpretatio Gallica tam nominum quam verborum, caeterumque particularum orationis autore Antonio Francisco Madio. 1590 : Antonio del Corro, The Spanish Grammar with certeine Rules teaching both the Spanish and the French. By which they that haue some knowledge in the French tongue, may easier attaine to the Spanish, and likewise… (London, John Wolfe). 1590 : John Thorius, The Spanish Grammar. With certain rules teaching both the Spanish and the French Tongues. By which they that have some knowledge of the French tongue, may the easier attain to the Spanish, and likewise they that have the Spanish, with more facilitie learne the French : and they that are acquainted with neither of them, learne either of both, London, John Wolfe (traduction de la grammaire citée par Antonio del Corro, 1586). 1614 : Heinrich Doergang, institutiones in linguam Gallicam, admodum faciles, quales antehac nunquam visae. Quibus omnes eius linguae difficultates ad viuum quàm luculentissime resecantur & dissoluuntur, adeò ut diligens ac generosus proprio eam Marte ex hic addiscere possit. Germanos inprimis qui eius linguae fragrant desiderio, explebunt gaudio & reliquis nationibus multum poterunt adferre fructus. (Colonia, plusieurs éditions). 1625 : Pietro Durante, La grammatica italiana per imparare la lingua francese / utilissima per tutti quelli, che saranno / studiosi di detta lingua (Roma, Franceso Corbelletti). 1626 : Antoine Fabre, Grammaire / pour apprendre / les langues / italienne, francoise et espagnole (…) en la quelle se declairent amplement auec grand fa-/clitè & propiertè les parties de l’oraison, en Francois, t 542 t t À LA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME italien & Espagnol… (Venise, Pour les Guerigl Libraire). NA : 1627, 1637, 1646, 1655, 1656. 1636 : Emericus Chappin, Grammatica Trilinguis idiomati trino italico, Gallico, Hispanico. (Monachi). 1637 : Pierre Bense, Analogo-Diaphora seu concordantia descrepans et discrentia concordans trium linguarum Gallicae, italicae et Hispanicae. (cf. Sánchez Pérez 1993, p. 127). 1655 : Giovanni Alessandro Longchamps & Lorenzo Franciosino, La novissima / grammatica / delle tre lingue / italiana, franzese / e spagnuola, cioè la franzese e l’italiana di Alessandro Longchamps, et la spagnuola di Lorenzo Franciosino (Venetia, Giunti). NA: 1664, 1667, 1668, 1669, 1673, 1681. 1666 : Bartolomé Labrioso de la Puente, Paralelos de las tres lenguas. Castellana, Francesa y italiana ; dirigidos a los hijos de los señores y de toda la nobleza de España… (Paris). 1673 : Giovanni Alessandro Longchamps, Grammatica delle lingue italiana e francese con la spagnuola di Lorenzo Franciosini. 1674 : Pierre Besnier, La réunion des langues ou l’art de les apprendre toutes par une seule. (Louvain / Paris). (Une année plus tard, on voit la parution d’une version anglaise à Oxford.). 1674 : John Smith, Grammatica quadrilinguis, or : Brief instructions for the French, italian and Spanish tongues. With the proverbs of each language, fitted for those who desire to perfect themselves therein. (London). 1675 : Roberto Paris, Nuova / Grammatica / francese, e italiana / nella quale / sono contenute tutte le Rego/le per imparare a ben leggere/ pronunciare, intendere, parla/re, e scriuere la lingua France-/se con molta facilità (Messina, Bisagni). L’auteur souligne la « rapidité » de la méthode : « Il francese si può imparare nello spazio di tre o quattro mesi » et la « lettura (…) in solo otto giorni grazie alle regole semplici di questo metodo » (Messina, stamperi del Bisagni). NA : 1679, 1681. (La phrase est reprise par Minerva & Pellandra 1991, p. 38.) 1677 : Michele Berti, L’art d’enseigner / la langue francoise / par le moyen de l’italienne /ou la langue italienne / par la francoise (Florence, A la Conduitte). NA : 1682, 1685, 1689. 1682 : Jacques Du Bois de Gomicourt, Nuova grammatica /francese, /spiegata in italiano (...) seconda edizione reuista, corretta e accresciuta dall’autore (...), (Roma, Crozier Librario vicino / L’Orologia della Chiesa Nuova). NA : 1693. 1728 : Josef Anton von Ehrenreich & François Louis Poëtevin, Le parfait entonnoir des langues, ou la nouvelle grammaire théoriquepratique français – allemand – italien. (Louisbourg). t 543 FRANZ-JOSEPH MEISSNER 4. EXEMPLES SUCCINCTS D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME HISTORIQUE : SCIPION LENTUL(L)US, HEINRICH DOERGANG, J. SMITH, PIERRE BESNIER Les références pour une didactique du plurilinguisme « avant la lettre » sont nombreuses. Nous en choisirons quatre qui correspondent aux différents domaines de l’architecture linguistique et à diverses langues : Scipion Lentullus, Doergang, Smith et Besnier. Il faut mentionner que la « comparaison de formes linguistiques comparables » correspond au principe pédagogique difficilis per praecepta via, facilis per exempla défendu également par von Ehrenreich. Il ne fait aucun doute que ce principe a une efficacité particulière lorsque les langues ont une forte ressemblance entre elles. Scipion Lentullus fournit de nombreux exemples à ce sujet. Il présente le thème « déclinaison en italien » le comparant, au français et au latin. t No. Sing. Genit. Dati. Acc. Ablat. Egli, ei, e, quéllo, coluí de lui, colúi, quéllo a lúi, colúi, quéllo lúi, colúi, quéllo da lúi, colúi, quéllo il, luy de luy à luy Luy de luy is, ille cuius, illius ei, illi eum, illum eo, illo Dans l’ouvrage de Heinrich Doergang, institutiones in linguam hispanicam… (1664, p. 60), la comparaison interlinguale est une stratégie de l’acquisition des langues : « Latina in ensis, & Iielica in ese, Hispenicè terminantur in és, ut : Boloniensis, Boloniese, Boliniés, Coloniensis, Coloniese, Coloniés… » ou bien « Ablativi in ctione & tione mutant ct & t in c […] ut : lectione, lecion, actione, acion, corruptione, corrupcion… » (ibid.) (voir Greive 1996). Dans la Grammatica Quadrilinguis. Or Brief instructions for the French, italian, Spanish and English Tongues… de J. Smith (1664), il s’agit – en termes actuels – d’une prophylaxie de fautes potentiellement commises lors de l’apprentissage de l’espagnol après celui du français et de l’italien pour des apprenants anglophones : “Cúyo, cúya is both, an Interrogative, and Relative, it makes cúyos, cúyas in the Plural Number, and signifies whose, of whom, whereof, of which. It alwayes agrees with the thing possessed, contrary to the French, which regards the possessor.” (1664, p. 65). Comme le note Pauchard (2004), Pierre Besnier, déjà évoqué plus haut, a développé avec La réunion des langues ou l’art de les apprendre toutes par une seule (1774) une méthode visant un apprentissage intégratif des langues étrangères t t t 544 t À LA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME romanes. Une telle approche prévoit le recours régulier aux langues d’ores et déjà connues par l’apprenant. Si l’on s’en tient au titre, la méthode favorise certes la compréhension et l’intercompréhension, mais beaucoup moins la compétence productive. Dès l’année suivante paraît, à Oxford, une version anglaise : A Philosophicall Essay for the Reunion of the Languages, or the Art of Knowing all by the Mastery of one (Oxford by Hen Hall for James Good, 1975). Besnier a joint au Dictionnaire étymologique de la langue françoise de Ménage (1650) le traité Sur la Science de l’Etymologie, et nomme des règles de correspondances interlinguales phonologiques : CADERE, cadere, caer, picard kêr/câr, choir. Lui aussi connaît – avant la lettre bien entendu – une forme de transfert interlingual (qui comprend toujours un transfert d’apprentissage). Comme cet article se contente d’élucider la question de savoir si une didactique de l’intercompréhension a existé avant la lettre, il n’aborde pas la discussion historique sur l’analogie linguistique et sur le comparatisme et leur éventuelle répercussion dans les manuels scolaires (Delesalle & Chevalier 1986, p. 331 et suiv.). 5. UN « COLLECTIONNEUR DE LANGUES » : L’AUTEUR DE LA « METHODE RADICALE» (WURZEL-METHODE), AUGUST LUDWIG VON SCHLÖZER Schröder (1983, III, p. 88 sq.) présente dans son recueil de sources biobibliographiques aussi les expériences du grand voyageur, amateur de la Russie et publiciste August Ludwig von Schlözer (1802), qui avait en 1751 commencé des études de théologie à l’université de Wittenberg. Peu de temps après, on le trouve à Göttingen, auprès de Johann David Michaelis, spécialiste de l’Orient. Pour préparer son voyage en Palestine, il apprend les langues orientales, dont l’arabe. En Suède, il travaille pendant trois ans en tant que précepteur. Entre 1761 et 1770, il vit en Russie en qualité d’adjoint de l’Académie de Saint Pétersbourg. Von Schlözer maîtrisait, outre l’allemand, surtout le grec et le latin, mais aussi le français ; il avait des connaissances réceptives de bien plus de langues, entre autres de l’arabe. Pour « l’apprentissage du russe, il disposait de la grammaire de Gröning en suédois (Stockholm 1750…) » (Schröder 1983, III, p. 88). De plus, il utilisait un cellarius d’un certain Cyrillus Kondratowitsch, dans lequel étaient notés « tous les mots sous leurs racines avec une traduction en latin » (Schröder 1983, ibid.). Selon ses propres notes, Schlözer choisissait de passer par la traduction, ce qui suppose une certaine transparence de la langue-cible. Il s’assurait – pour employer t t t FRANZ-JOSEPH MEISSNER 545 notre langage actuel – le traitement d’un immense input en recopiant tout simplement les 781 feuilles d’un livre grand format. L’ensemble des stratégies développées montre la grande proximité de son procedere avec la méthode intercompréhensive actuelle (Schlözer 1802, p. 40)6. t EXTRAIT DE LA SOURCE (trad. De l’alld. par F.-J. M.) Dans mon désespoir, je commençai (…) à copier (le cellarius) mot à mot, les radices d’une écriture plus grosse, les derivata et composita en plus petit et en retrait. Je continuai ce travail dès que j’étais trop fatigué pour travailler plus intelligemment, […] Je terminai les 6 lettres encore manquantes jusqu’au 26 juillet 1764 […]. Dès lors, je possédais un lexique très pratique à consulter, les 34 alphabets en folio réduits à 3 en quarto, avec une grande marge : dans laquelle étaient inscrites […] des remarques étymologiques, des améliorations, des compléments, des comparaisons […]. La langue russe me semblait plus difficile que toutes celles que j’avais apprises jusque là : pourtant, j’avais vaincu ses difficultés principales rapidement, bien sûr, seulement pour la comprendre, pas pour la lire et encore moins la parler. Mes études de langue passées me procurèrent un gros avantage. Je m’étais occupé pour ce qui est de la grammaire de jusqu’à 15 langues (si je peux me permettre de compter à part le bas-allemand et le chaldéen). Eh bien, plus on comprend de langues et plus on en apprend de nouvelles facilement : leurs singularités ne sont plus si voyantes, on les a déjà rencontrées ailleurs. Le walache (roumain) accroche l’article à la fin du mot, le suédois aussi : le russe apud me est, pour j’ai, correspond au latin est mihi, le Medium grec, suédois et russe et l’hébreu Hitpael s’expliquent l’un l’autre, les Britanniques et les Arabes prononcent le w de la même façon, le a des Japonais dans le nom de leur capitale Mako a le même son que le russe ja, etc. « Les premiers 100000, dit le millionnaire, étaient difficiles, avec les 900000 suivants, c’était plus simple ». ÉVALUATION DIDACTOLOGIQUE • stratégies autorégulatrices • visant au contrôle longitudinal de l’action d’apprentissage • évaluation des acquis • hypothèse de langues pour faciliter l’organisation des transfert interlinguaux aussi : stratégies de contrôle de la mémorisation • stratégie d’évaluation de la langue-cible sous l’aspect de la « difficulté » (conscientisation) • identification de ressources disponibles par rapport à la tâche • découvertes des bases de transferts interlinguales (schémas linguistiques déjà connus) • au niveau de la métacognition : confirmation de l’hypothèse de l’utilité d’une comparaison « structurelle » des langues… 6 August Ludwig Schlözers öffentliches und Privatleben, von ihm selbst beschrieben. 1. Fragment : Aufenthalt im Dienste in Rußland, vom Jahre 1761-1765. Literarnachrichten von Rußland in jenen Jahren. Göttingen. Traduit par F.-J. M. t t t 546 À LA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME Ensuite, mon grec […] m’a particulièrement aidé • identification d’une langue pour le russe, et ce de deux façons différentes. Cela de transfert disponible et fait peur de devoir apprendre un nouvel ABC quand particulièrement utile pour on apprend une nouvelle langue […]. Mais le grec apprendre la langue-cible m’a aidé pas seulement pour lire, mais aussi pour • activation d’éléments comprendre. Tous les mots russes ecclésiastiques, et il comparables en langue de y en a vraiment beaucoup, sont grecs, tout comme départ et langues cibles ceux du reste de la chrétienté sont latins […]. Je dois le reste à une méthode de langues que j’ai • évaluation (critique) des découverte par moi-même à l’âge de 15 ans, mais à approches méthodologiques laquelle m’ont formé plus tard Hiller à Wittenberg et utilisées dans le passé Gesner, mais encore plus Michaelis à Göttingen, une • rejet d’une méthode « trop méthode amusante, qui accentue plutôt la réflexion peu exigeante » (apprentisque la mémoire et qui dispense celui qui sait réfléchir sage par répétition) en d’un labeur stupide. Les jeunes lecteurs trouveront ici comparaison avec les peut-être quelque chose qui n’est pas connu de tous si ressources disponibles je la leur décris. (apprentissage par conscientisation) t t t a) Depuis mes onze ans, j’apprenais l’hébreu et avais la tête pleine de racines (radicibus). Par la suite, je pensais que de telles généalogies de mots devaient se trouver également dans d’autres langues et que des significations qui semblaient très différentes, devaient avoir un point d’union (Vereinigungspunkt). Je pensais ainsi à alt et Eltern, trübe et betrüben, fünf et Finger, pecus et pecunia, pes et impedio… Pour beaucoup de mots, je devinai le point d’union ou la signification de base et je fis dans toutes les langues la chasse aux radices. Si, dans une nouvelle langue, je ne connaissais que cent radices, 400 derivata (et encore bien plus de mots composés, voir ci-dessous) ne causaient plus que peu de peine. Sans la rechercher, je devinais leur sens ou bien les retenais très facilement. – Après cette méthode des racines, je m’attaquai au russe. Et alors que sinon, se souvenir de racines nouvelles cause un gros travail de mémoire, je n’avais ici pratiquement pas cette peine grâce à ma connaissance d’autres langues. J’avais en effet trouvé très tôt que parmi 10 mots de bases russes (ou slaves), il s’en trouvait toujours 9 qui se retrouvaient en allemand ou en latin ou en grec ou même dans les trois à la fois et donc l’identité de base pouvait être prouvée selon des règles sûres et sans faire de l’étymologie infantilement forcée […]. • invention d’une stratégie de mémorisation basée sur la comparaison de schémas linguistiques (des « points de rencontre » ; souvent il s’agit de rapports étymologiques) et adaptée à la capacité cognitive de l’apprenant (individualisation) • systématisation des activités transférentielles ;… de l’organisation des transferts interlinguaux ; approche plurielle • évaluation positive de la méthode appliquée • élaboration d’une « feuille de route » pour apprendre le russe • stratégies visant à passer par la décomposition de mots (approche morphologique) t t FRANZ-JOSEPH MEISSNER b) Au bout de ma méthode des racines, après quelques années, alors que les radices russes m’étaient familières, tous les dialectes slaves, le bohémien, le croate, le lusacien etc. étaient à ma disposition. Dans tous ces dialectes, les mots de base sont les mêmes, les exceptions dans les désinences me coûtèrent quatre semaines d’étude de la grammaire. Donc, après avoir vaincu le russe, je m’aperçus que je comprenais 4 ou 5 langues de plus ou que je pourrais les comprendre en quatre semaines. t 547 • vérification (subjective) longitudinale de l’efficacité de sa propre méthode • formation de routines interlinguales pour effectuer un transfert d’identification • prophylaxie des erreurs • accentuation du plurilinguisme acquis Comme le montre la colonne droite du tableau, le «portfolio des langues » de Schlözers comprend les critères cités au début de cet article pour identifier la méthode intercompréhensive, en particulier l’usage ciblé de stratégies métacognitives à plusieurs niveaux : la gestion de l’apprentissage (« dès que j’étais fatigué de travailler plus intelligemment ») ; la recherche de matériaux adéquats ; la recherche du contact pour son apprentissage personnel, l’organisation de la mémorisation (changement de l’ordre du vocabulaire et répétition systématique grâce à l’établissement d’une liste de mots structurée ; regroupement des questions grammaticales afin de désambiguïser ses hypothèses de langue). Au fond, il s’agit là d’une rencontre entre la grammaire d’hypothèses et le moniteur plurilingue didactique (Meissner 2004), le contrôle des résultats de l’apprentissage et les stratégies visant à augmenter l’auto-motivation (l’efficacité : « …ou que je pourrais les [les langues slaves] comprendre en 4 semaines »), l’exploitation du soutien de locuteurs compétents (qu’il attend de Müller à Saint-Petersbourg) etc. Comme d’autres contemporains, Schlözers reconnaît et utilise des phénomènes pour lesquels son temps n’avait pas encore forgé de termes. Un exemple frappant en est le point d’union de deux phénomènes provenant de langues différentes pour transfert, base de transfert, déclencheur de transfert, contrôle de transfert. 6. CONCLUSION De nombreuses références historiques – grammaires, manuels et méthodes, glossaires, pratiques pédagogiques ‒ documentent l’existence d’une « didactique du plurilinguisme » avant la lettre, au sens défini au début de cet article. Il va sans dire que les sources qui justifient une telle supposition sont largement imprégnées des conditions de leur temps. t t t 548 À LA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME Cela signifie en particulier qu’elles manquent d’aspects et surtout d’une terminologie qui sont le fruit d’époques plus récentes. Le résultat globalement positif de cette petite étude ne doit nullement occulter le fait que d’autres travaux surtout d’orientation onomasiologique seront nécessaires pour éclairer l’histoire du plurilinguisme telle qu’elle se reflète dans des matériaux didactiques destinés à l’apprentissage / enseignement des langues. Un autre aspect semble récurrent pour les auteurs de glossaires et de manuels basés sur la comparaison des langues : comme les auteurs maîtrisaient très souvent eux-mêmes plusieurs langues, ils se servaient de leurs propres expériences – conscientisation des langues et de l’apprentissage – pour développer les matériaux didactiques. 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