La mobilité urbaine : un besoin d`innovations technologiques
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La mobilité urbaine : un besoin d`innovations technologiques
La mobilité urbaine : un besoin d’innovations technologiques, économiques et sociales Synthèse de la table ronde des Journées Scientifiques du Pôle, le 25 juin 2015 La mobilité urbaine : un besoin d’innovations technologiques, économiques et sociales Comment les modèles économiques, politiques et sociaux intègrent-ils les innovations ? Politiques, industriels, enseignants et chercheurs, les acteurs de la cité doivent susciter des convergences pour équilibrer l’écosystème des connexions et des transports urbains. Plusieurs experts ont croisé leurs regards pour faire accepter les nouvelles solutions d’organisation et accélérer la mise sur le marché des innovations technologiques. • INSCRIRE LA POLITIQUE DE LA VILLE DANS LA GLOBALITÉ • RENFORCER LA COHÉSION SOCIALE GRÂCE À LA MOBILITÉ • STIMULER LES INNOVATIONS D’USAGE • DESSERRER LA PRESSION SUR LES ENTREPRISES • METTRE UN FREIN À L’ÉTALEMENT URBAIN • RÉFORMER LES LIVRAISONS URBAINES INSCRIRE LA POLITIQUE DE LA VILLE DANS LA GLOBALITÉ « Apporter les fondations nécessaires à la mise en œuvre des nouvelles technologies, tout en gardant en tête les contraintes économiques, est la priorité du GART, l’association d’élus agissant en faveur du développement des transports publics et des modes alternatifs à la voiture individuelle. Innover, c’est soutenir de nouveaux modes de transport, comme le transport par câble. Innover, c’est aussi positionner les marchés et l’offre commerciale dans le long terme, en optimisant les réseaux et les systèmes de transport intelligents (ITS). L’innovation a un coût et elle est une prise de risque pour les élus, par exemple : décliner la fonction smartphone pour une billettique revient à engager environ 1,2 M€ pour un réseau dont il faut changer tous les équipements. » n Benoit Chauvin, GART (Groupement des autorités responsables de transport) « Nous assistons à une explosion des nouvelles attentes. C’est pourquoi le CEREMA privilégie l’innovation systémique : ses travaux prennent en compte les dimensions techniques, sociales et urbaines de l’innovation. Tous les écosystèmes sont concernés, comme on le voit par exemple avec la préoccupation grandissante pour la pollution de l’air, sujet de santé publique devenu aujourd’hui un sujet de société prioritaire. Les systèmes de gouvernance locale ont accompli de gros progrès sur ce chemin, mais le système de pilotage global, ainsi que les questions logistiques, restent le parent pauvre. L’évaluation des politiques publiques permettra de tirer des enseignements utiles à la connaissance des mobilités. » n Christian Curé, CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) « Les problématiques sont de plus en plus complexes, les besoins et les contraintes de plus en plus diversifiés. Construire une intelligence collective partagée, tel est le défi ! IDEX, un projet collectif porté par l’Université de Lyon pour le développement du territoire et de son potentiel en matière d’enseignement supérieur et de recherche, a choisi d’afficher un programme transport-mobilité dans sa proposition. Plutôt que de lister l’ensemble de nos projets, nous avons proposé de construire en transversalité, de mieux former les générations qui nous succéderont, de créer des démonstrateurs in vivo, et pas en laboratoire. Ainsi va la science des systèmes de transport : elle construit désormais une vision et des réponses systémiques. » n Olivier Klein, LET-ENTPE « La responsabilité des élus est d’avoir une vision globale. Au SYTRAL, nous avons fait en sorte que le réseau lyonnais soit le plus avancé techniquement. Sur le plan économique, l’élu doit aussi distinguer les vraies économies des fausses, celles qu’on croit faire dans l’immédiat mais qui sont couteuses à long terme. Il faut donc prendre en compte le développement des entreprises, l’environnement, le coût d’entretien des véhicules. Certains bus importés se sont révélés obsolètes après 5 ans, alors qu’ils devaient être utilisés pendant 14 ans. Ailleurs, dans certains pays chauds, des bus sont insuffisamment adaptés à leur infrastructure. Nous avons aussi la responsabilité du développement technologique. Il faut pouvoir anticiper. » n Bernard Rivalta, conseiller spécial du Président de la Métropole de Lyon RENFORCER LA COHÉSION SOCIALE GRÂCE À LA MOBILITÉ « La métropole de Lyon compte 1,4 million d’habitants et enregistre tous les jours 1,6 million de montées dans un transport collectif urbain. Ces transports représentent 30 % des déplacements mais ne sont responsables que de 3 % du taux de pollution. Les élus doivent s’intéresser aux mouvements de fond. C’est leur rôle, comme celui de veiller à relier les quartiers aux centres de vie. Ainsi à Lyon la ligne T4, qui va de Vénissieux à Lyon en passant par les universités, joue un rôle social considérable. Lyon doit puiser sa force dans le maillage, privilégier la mutualisation et la multi-utilisation des moyens de déplacement car il existe bien souvent une réelle complémentarité entre eux. C’est le SYTRAL qui a voulu donner une demi-heure de gratuité aux utilisateurs du Vélo’v à Lyon ! De même, il serait tout à fait possible de faire rouler un tramway de nuit pour assurer la distribution des marchandises en ville, à condition que toutes les parties concernées y contribuent. Le transport par câble, pour sa part, pose un problème de législation et d’acceptabilité, notamment lorsque des riverains apprennent qu’un téléphérique va passer au-dessus de chez eux ! » n Bernard Rivalta, conseiller spécial du Président de la Métropole de Lyon « De la puce électronique à la mobilité, de la molécule au véhicule, nous sommes à l’époque d’une complexification systémique croissante, démesurée. Face à cela, les attentes des usagers sont toujours à court-terme. » n Bernard Favre, consultant, ancien directeur de la recherche de Renault Trucks « Nos villes ont autant besoin d’innovation technologique que d’innovation sociale. La réglementation dans ce domaine est moins contraignante que chez nos voisins, Italie et Allemagne notamment, mais pourrait le devenir. Auquel cas, il faudra trouver comment renforcer la rentabilité économique et forcément adopter un écosystème de gouvernance locale partagée. » n Christian Curé, CEREMA STIMULER LES INNOVATIONS D’USAGE « L’innovation ne se borne pas à utiliser une invention. Elle ne prend pas comme unique source la technologie ! Les systèmes de vélos en libre-service ont été une formidable innovation il y a dix ans, pourtant on peut dire que le vélo existait depuis longtemps ! Le Grand Lyon a su saisir l’idée et lancer une innovation d’usage. L’innovation est d’abord une histoire de compétences partagées. » n Olivier Klein, LET-ENTPE « Pour un intégrateur, l’innovation technologique passe à la fois par le marketing et l’écoute de nos fournisseurs, afin d’être au rendez-vous des besoins réels, de proposer des solutions qui apportent un plus à nos clients. L’électromobilité en est un bon exemple aujourd’hui : faute de technologies de batteries suffisamment abouties, ces solutions n’avaient pas encore trouvé leur public. Désormais la demande est là et stimule l’innovation. Nous n’en sommes plus au stade de montrer ce qui pourrait marcher, mais de démontrer l’apport de nouveaux véhicules face aux besoins exprimés ou latents. » n Philippe Grand, Iveco France « Les industriels doivent accompagner leurs clients sur le partage de l’innovation pour donner plus de place à l’innovation de rupture. Les appels d’offre publics demandent d’ailleurs aux fournisseurs de développer de nouvelles solutions et de nouveaux services pour innover dans l’organisation des transports. Vous avez par exemple les constructeurs de voitures, qui de leur côté, réfléchissent à la manière de vendre de nouveaux services qui pourraient pousser à acquérir une voiture. » n Benoît Chauvin, GART « Les jeunes générations recherchent la valeur d’usage plutôt que de possession, développant une économie de la fonctionnalité qui constitue une rupture en tant que modèle social. Ce n’est nullement incompatible avec la fabrication des véhicules, et même cohérent par rapport à leur longévité. Les innovations technologiques et les nouveaux modèles sociaux s’interpénètrent dans cette nouvelle économie de la fonctionnalité. » n Patrick Burlat, École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne « Deux mondes se côtoient et se confrontent : celui du transport organisé, lourd, rigide et coûteux, auquel s’oppose la demande de flexibilité des usagers. Les jeunes générations en offrent un exemple : ils semblent de moins en moins intéressés par la voiture individuelle, sans non plus se retrouver totalement dans les transports publics. C’est surtout la lourdeur de la propriété individuelle du véhicule qu’ils tendent à rejeter, plébiscitant le covoiturage… voire la mobilité “virtuelle”. Blablacar ne s’appelle pas Vroumvroumcar, le site s’affiche autant comme la réponse à une demande de convivialité que de mobilité. » n Olivier Klein, LET-ENTPE DESSERRER LA PRESSION SUR LES ENTREPRISES « Renault Trucks offre aux transporteurs des solutions rentables, adaptées à leurs besoins, et de plus en plus propres : aujourd’hui, les camions diesel Euro 6 émettent 98 % d’oxydes d’azote et de particules en moins que ceux vendus il y a 25 ans. L’effort de recherche porte maintenant principalement sur la réduction de la consommation, donc des émissions de CO2. Parmi les technologies possibles, seules celles qui sont rentables pour les constructeurs et les clients arriveront sur le marché. Pour accélérer le développement des plus novatrices d’entre elles, la dimension économique peut être adaptée par des réglementations et aides publiques. Renault Trucks vient ainsi de lancer, avec le soutien du FUI Régions et 6 partenaires, le projet EDIT, visant à réduire de 13 % la consommation d’un camion de distribution urbaine, et est en pointe dans l’expérimentation de l’électromobilité avec des clients pilotes. Et grâce aux échanges au sein du LUTB entre industriels, académiques et pouvoirs publics, le flux de nouvelles technologies en développement continuera de diminuer l’empreinte carbone du transport de marchandise. » n Marc Lejeune, Renault Trucks SAS, Groupe Volvo « Nos innovations naissent à partir d’études effectuées auprès des clients et de progrès technologiques constants. Mais cette méthode est difficile à mettre en œuvre quand les décisions politiques sont brutalement imposées. Exemple, l’amendement gouvernemental au projet de loi sur la transition énergétique voté en mai 2015, prévoyant que les transports publics devront inclure, dans le renouvellement de leurs flottes, au moins 50 % d’autobus et d’autocars à faibles émissions à compter de 2020, voire 2018 pour la RATP. Les décideurs doivent tenir compte de ce qui est techniquement possible. Le groupe de travail mis en place par le ministère de l’écologie pour définir les modalités de cette loi est un bon exemple. Une décision politique trop brutale nous empêcherait de résister à l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs, qui n’ont pas les mêmes contraintes que nous. » n Philippe Grand, Iveco France « Au xxe siècle, les sociétés telles que Ford, puis Toyota, avaient successivement inventé des modèles d’organisation du travail dont les effets sur la productivité ont été considérables. Aujourd’hui, il est devenu nécessaire de travailler sur toutes les dimensions en même temps, ne plus croire que l’organisationnel suit le technique, mais au contraire les faire agir ensemble. » n Patrick Burlat, École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne RÉFORMER LES LIVRAISONS URBAINES « CityLogistics, est une approche innovante et écoresponsable, répondant à toutes les problématiques de logistique urbaine des grandes agglomérations. Il s’agit là de la première initiative en France, voire en Europe. CityLogistics apporte un service écoresponsable aux transporteurs en optimisant pour les entreprises, les commerces, les artisans et les collectivités, la logistique et les livraisons urbaines pour une très forte réduction des nuisances et des émissions. Le service CityLogistics repose sur un principe de concentration des marchandises en périphérie des agglomérations par la création de Centres de Distribution Urbains (CDU). Un traitement Logistique novateur et approprié regroupe les marchandises dans les CDU pour une livraison optimisée des plans de tournée et/ou dans des Espaces de Logistique Urbains (ELU). La chaîne globale de distribution du dernier kilomètre sera assurée par l’utilisation de véhicules verts (bio GNV, électrique, hydrogène) y compris pour les sous-traitants via un cahier des charges rigoureux qui bénéficieront d’un dispositif de financement approprié. Ceci sans incidence sur le coût de la livraison, car si les commerçants apprécient l’idée, ils ne veulent pas en supporter les coûts. » n Yves Guyon, Citylogistics « La ville intelligente se bâtit sur la base de simulation de flux. C’est pourquoi notre programme de recherche Annona, qui teste des scenarii de transport de marchandises en ville, ambitionne de créer un simulateur, à partir d’un modèle de la ville (réseau routier, bâtiments…) et d’une liste géolocalisant les commerces et autres activités. Ce simulateur permettra de tester diverses solutions innovantes au plus près des réalités. Le chercheur doit donc se confronter à la réalité économique et trouver des solutions non pas optimales, mais satisfaisantes pour tous. En expérimentant sur le terrain, il converge plus facilement vers les priorités de l’industrie.» n Patrick Burlat, École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne METTRE UN FREIN À L’ÉTALEMENT URBAIN « Plus de 85% de gens vivent aujourd’hui en ville et espace péri-urbain, si bien qu’aucune agglomération au monde ne peut plus vivre sans développer ses transports en commun. Reconstruire la ville sur la ville, plutôt que laisser se déployer un étalement urbain incontrôlé, est un choix politique majeur. L’innovation technologique doit nous permettre de réduire les coûts du transport en commun. Cet enjeu est crucial parce qu’à ce jour, dans une ville telle que Lyon, l’usager ne paie que 30% du coût réel des transports qu’il utilise quotidiennement. » n Bernard Rivalta, conseiller spécial du Président de la Métropole de Lyon « La ville subit bien des maux… mais chacun de nous les suscite. Aussi les élus doivent-ils enclencher les changements qui modifieront notre vision sociale et sociétale, par l’innovation à haute concentration ! Car c’est ainsi : les gens qui vivent à la périphérie des villes veulent habiter leur maison comme s’ils se trouvaient à la campagne, mais bénéficier des transports urbains comme au cœur de la ville. » n Benoît Chauvin, GART Textes : Jean Remy / intelligible.fr – Graphisme : Toufik Boumessaoud / ideogram.fr – Photos : DR La mobilité urbaine : un besoin d’innovations technologiques, économiques et sociales Ce document est issu de la table ronde organisée par LUTB Transport & Mobility Systems, à Lyon, le 25 juin 2015 : Comment les modèles économiques, politiques et sociaux intègrent-ils les innovations technologiques ? Cette table ronde s’est tenue au cours de la 3e édition des Journées Scientifiques du Pôle. Cet événement était centré sur les compétences et les innovations qui fondent le réseau et l’expertise du pôle de compétitivité, avec trois parcours d’expositions présentant des dizaines d’innovations : Ville intelligente, Ville décarbonée et Ville à vivre. Intervenants : • Patrick Burlat, École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne • Benoit Chauvin, GART (Groupement des autorités responsables de transport) • Christian Curé, CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) • Yves Guyon, Citylogistics • Olivier Klein, LET-ENTPE (Laboratoire d’Économie des Transports) • Marc Lejeune, Renault Trucks SAS, Groupe Volvo • P hilippe Grand, Iveco France, Président de LUTB-RAAC • B ernard Rivalta, conseiller spécial du Président de la Métropole de Lyon, ancien Président du SYTRAL (Syndicat Mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise) Animateurs : • P ascal Nief, (Directeur Général LUTB-RAAC) et Bernard Favre (consultant, ancien Directeur de la recherche de Renault Trucks) À propos du pôle de compétitivité LUTB Transport & Mobility Systems Classé en 2012 parmi les pôles de compétitivité « très performants », LUTB Transport & Mobility Systems est le seul pôle en Europe à centrer son action sur les enjeux des transports collectifs de personnes et de marchandises en milieu urbain, liés à la croissance de la population urbaine mondiale et aux contraintes environnementales. Il a engagé 164 projets collaboratifs depuis 2006, qui concernent la gestion des zones urbaines, la massification des flux, la conception de véhicules propres et économes, de bus et de camions mieux intégrés à la ville et autonomes, la création de nouveaux outils de pilotage et de mutualisation des données, ainsi que plus de confort, de sûreté, de design et d’intégration urbaine. Fondé par : LUTB Transport & Mobility Systems travaille en association avec le Rhône-Alpes Automotive Cluster, constituant une force de 180 entreprises, laboratoires, écoles et centres de recherche. Début 2014, l’association LUTB-RAAC a reçu le Label Or de la part du Secrétariat Européen d’Analyse des Clusters (ESCA), pour la gestion et le pilotage de ses deux activités de pôle de compétitivité et de cluster. www.lutb.fr LUTB-RAAC, c/o CCI Lyon Place de la Bourse, F-69289 Lyon Cedex 02. Tél. + 33 (0)4 72 40 57 00 Soutenu par :