Un forum ouvert au lycée de Caulnes, un parcours d
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Un forum ouvert au lycée de Caulnes, un parcours d
Un forum ouvert au lycée de Caulnes, un parcours d'accompagnement des élèves à l'animation de parole collective. Quand on a dix-sept ans, on n'est peut-être pas toujours sérieux, mais on n'en est pas moins citoyenne ou citoyen, capable de prendre pleinement la responsabilité de son devenir. C'est sur une telle idée que s'est mis en place le projet Agora, qui a conduit près de 200 élèves et enseignants du LEGTA de Caulnes a s'essayer ensemble à la parole collective autour de cette belle question « Échanges, liberté, bien-être… Et si le lycée de nos rêves devenait réalité ? ». Voilà plusieurs années qu'il se distingue, ce lycée « agricole » (qui abrite cependant aussi des filières de services aux personnes). Nombreuses actions culturelles en partenariat avec Itinéraires bis, compagnonnages suivis avec des artistes-intervenants locaux, dynamisme de l'association et du foyer des élèves, projets singuliers… L'impulsion d'un enseignant éclairé, Erwan Bariou, y est pour beaucoup, mais c'est à présent un pari éducatif fort, porté par toute une équipe : « La démocratie, ça doit commencer par s'expérimenter pour de bon à l'école, à travers ce genre de démarche, explique David Bismuth, le CPE de l'établissement. Donner vraiment aux élèves la possibilité de parler de leur expérience et de construire des propositions, c'est affirmer qu'ils ont le pouvoir de participer pleinement à ce qui les concerne. On les a écoutés, on a pensé avec eux et non pas pour eux. » Avec la complicité de l'équipe de direction, et en faisant appel à une coopérative d'éducation populaire locale, la Dynamo, ils ont organisé fin mars l'un des premiers « Forums ouverts » tenu en France avec des lycéens. Technologie « Open space » Qu'est-ce qu'un forum ouvert ? Une méthode de réunion en intelligence collective, où des centaines de personnes peuvent se réunir autour d'une même question, en contribuant au maximum et avec une grande liberté de mouvement. Issue du monde de l'entreprise, cette « technologie organisationnelle » appelée en anglais « open space », est née de ce constat : dans un colloque « traditionnel », c'est la pause-café qui est la plus productive. L'idée est venue alors de fonder une réunion conçue comme une vaste pause café. Le principe en est simple : on se retrouve tous en cercle, et une fois posées les règles du jeu et l'intention partagée, chaque participant peut proposer des ateliers de réflexion (phase d'« émergence »), qui pourront ensuite donner lieu à des groupes d'action (phase de « convergence »). Chacun de ces ateliers se voit attribuer un espace, et tous ceux qui sont intéressés par la thématique s'y joignent alors. On est invité à circuler à sa guise, afin d'être toujours soit en train d'apprendre soit en train de contribuer : c'est la « loi des deux pieds », qui entre autres principes confère à cette rencontre sa créative originalité. Buffet à volonté et pauses musicales sont aussi de mise pour nourrir cet esprit de convivialité où travailler reste un plaisir. L'animation très cadrée de la journée (et, dans ce contexte scolaire, quelques rappels à l'ordre plus impérieux) permet à cette réunion autogérée de rester centrée sur ses objectifs. Chaque atelier partage sa production à travers un compte-rendu tapé aussitôt en « salle des nouvelles » et affiché pour pouvoir être lu par toutes et tous dans le « Grand journal ». L'éducation populaire en actes La coopérative la Dynamo, jeune entreprise installée sur Dinan depuis 2013 et dont la raison d'être est justement de « cultiver les chances collectives », a accompagné la préparation de l'événement. En répartissant les rôles essentiels à sa bonne organisation, en formant un groupe d'élève, le « groupe source », à la facilitation de la parole commune dans les ateliers, et en animant les temps en pleinière, les acteurs de la coopérative ont donné sa dimension à la rencontre. Pour Amans, comédien et metteur en scène qui s'est formé aux pratiques collectives pour cofonder la Dynamo, « c'est une alchimie, vivre et travailler ensemble. Ça ne concerne pas que notre tête, le coeur et les mains ont toute leur place ici. C'est en équilibrant ces différentes dimensions qu'on peut parvenir à dépasser les barrières de culture, de genre, d'âge, et à trouver vraiment la joie qu'il y a à se parler et à s'entendre, à devenir co-responsable de son destin, acteur ou actrice de sa vie. » Une autre façon de voir Lorsqu'on donne aux jeunes ainsi le pouvoir de libérer leur parole, qu'est-ce qui se produit ? On peut penser fantaisistes certains des thèmes d'ateliers comme « être libre d'aller en cours ». Cependant la discussion qui se déroule là parle bien d'apprentissage choisi et de pédagogies alternatives : pourquoi ne pas saluer le fait que les élèves s'emparent aussi de ces questions ? Mais la plupart des groupes ont initié des actions très concrètes pour améliorer le devenir de l'établissement. Activités extra-scolaires, aménagements pour le foyer des élèves ou pour l'extérieur, actions ados-adultes, charte relationnelle élèves/profs/surveillants… Des projets pleins de sens ont émergé. À charge aux élèves autant qu'à l'équipe éducative à présent de ne pas lâcher le morceau, et de travailler à mettre en œuvre les idées qui ont commencé à se construire ce jour-là. Indépendamment des projets initiés, pour le « groupe source », le fait même d'avoir été responsables a représenté aussi un apprentissage important. « C'est une chance merveilleuse pour les élèves, souligne Erwan Bariou, de prendre confiance dans leurs capacités d'organiser une action d'envergure, atypique. C'est l'occasion d'acquérir à la fois l'esprit d'expérimentation, le goût du risque et de l'innovation, et des méthodes de travail et des outils d'animation concrets pour cadrer tout ça. On est vraiment au coeur de notre mission ! » Les lycéens de Caulnes peuvent être fiers de leur travail et de leur établissement !