Simplifiez, de grâce

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Simplifiez, de grâce
Focus
FACILITY MANAGEMENT
Simplifiez, de grâce !
Comment les prestataires de services facilitaires peuvent-ils inspirer suffisamment confiance à leurs clients
pour que ceux-ci leur délèguent l’ensemble de ces services ? Nous avons posé la question Sodexo, Cofely et
Vinci. « La confiance ne se gagne pas seulement en disant ce qu’on va faire, mais aussi en faisant ce qu’on dit. »
Éparpillement
Les pays limitrophes en sont déjà à
la troisième phase, celle de la soustraitance intégrale des services facilitaires. La quatrième apparaît ci et là,
avec des entreprises qui n’ont plus de
Il y a, outre la sous-traitance horizontale
(l’achat classique de services facilitaires),
la variante verticale qui regroupe les services, d’ailleurs souvent répartis en deux
groupes : les hard services (tout ce qui a
trait aux bâtiments) et les soft services (ce
qui concerne les gens). Ce FM de phase 2
gagne du terrain dans le privé. La plupart
des grandes entreprises emploient un
facility manager qui supervise les divers
services et contribue à la réflexion stratégique.
Peur de l’eau
©Cofely Services
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personnel FM sur le payroll. En Belgique,
on n’a souvent pas dépassé la phase 1.
« C’est parce que nous sommes un pays
de PME », déclare Philippe van Hasselt,
Business Development Manager de Vinci
Facilities. « La gestion des divers services
facilitaires reste souvent confiée à des
collaborateurs internes. L’IT s’occupe des
photocopieuses et des imprimantes, les
RH organisent l’accueil et la gestion de
la flotte... Bref, l’éparpillement. Personne,
dans bien des PME, ne s’efforce d’optimiser
l’ensemble. »
Confier les activités facilitaires à un tiers, c’est
quitter sa zone de confort, admet Piet De
Grauwe, de Cofely Services.
Les entreprises d’origine anglo-saxonne
sont habituellement adeptes d’une soustraitance poussée, constate Philippe van
Hasselt. Il faut dire que le FM nous vient
des USA via la Grande-Bretagne. « J’ai
l’impression que la sous-traitance intégrale des services facilitaires gagne droit
de cité dans les grandes entreprises. Pourtant, pareille sous-traitance qui inclut le
facility manager lui-même rencontre
encore beaucoup de résistance chez nous
car les entreprises préfèrent garder cette
compétence en interne. Peut-être parce
qu’elles ne veulent pas dépendre d’un
tiers. »
Cofely Services ne dit rien d’autre. Ce
prestataire de services FM travaille
essentiellement pour les multinationales. « Des entreprises B2B plus modestes
©Vinci Facilities
L
e Facility Management (FM ou
services facilitaires) couvre la
gestion des services et activités
qui ne relèvent pas du cœur de métier
de l’organisation, mais sont pourtant
indispensables à l’atteinte des objectifs
dans les meilleures conditions. La plupart
des entreprises utilisaient, jusque dans
les années 80, leur propre personnel pour
les services facilitaires : Madame café,
l’équipe de nettoyage... Ces services ont
ensuite été progressivement sous-traités.
Il s’agissait, dans une première phase,
des services qui dégageaient le moins
de valeur ajoutée ou demandaient le
plus travail. Le service technique reste
en revanche souvent en interne, parce
que proche du core business.
Les entreprises d’origine anglo-saxonne sont
habituellement adeptes d’une sous-traitance
poussée, constate Philippe van Hasselt (Vinci
Facilities). En Belgique, la gestion des divers
services facilitaires reste souvent confiée à des
collaborateurs internes.
commencent pourtant à adopter le
principe de sous-traitance », indique
Piet De Grauwe, Business Development
Manager. « Elles aussi préfèrent un seul
interlocuteur plutôt qu’une trentaine de
fournisseurs et de sous-traitants. Pensez
à la facturation. Chez un de nos clients,
nous avons pu ramener de 13.000 à... 24 le
nombre de factures annuelles de services
facilitaires. »
L’entretien des prisons
Le secteur public a coutume de grouper et
d’adjuger les services facilitaires par service tower. Quelques exemples : « HVAC,
sanitaires et électricité », « nettoyage
quotidien, lavage de vitres, nettoyage
de tapis et consommables sanitaires »
ou encore « restauration, distributeurs
automatiques et accueil ». Les appels
d’offre relèvent habituellement du service des achats, dans les services publics.
Focus
« L’intégration maximale ou les synergies
par-delà les service towers ne suscitent
pour ainsi dire aucun intérêt », selon
Philippe van Hasselt, de Vinci Facilities.
Carine De Strooper, Solutions Platform
Director chez Sodexo, constate toutefois
un intérêt croissant du secteur public
pour le FM. « Ce secteur recherche d’autres
modes de financement de ses projets. Le
secteur non marchand – l’enseignement
ou les soins de santé par exemple – doit
également consentir des efforts importants en matière d’infrastructures et de
technologies. Et puis, il y a le monde carcéral, toujours à la recherche de davantage de sous-traitance. Sodexo assure par
exemple une série de services facilitaires à
la prison de Marche. Nous nous y acquittons de l’entretien technique, de l’entretien des jardins, de la restauration, de la
blanchisserie et même de la formation
de détenus en vue de leur réintégration
dans la société. »
Flexibilité
Le FM en phase 2 contraint les fournisseurs à plus de proactivité et d’implication. « Il est fini, le temps où nous avions
un rôle essentiellement opérationnel », dit
Philippe van Hasselt, de Vinci Facilities.
« Les clients attendent des propositions
d’optimisation. Le groupage de services
et la simplification administrative représentent des économies non négligeables
pour eux. »
Sodexo distingue quatre grandes attentes chez les clients : 1) L’attraction et
la fidélisation des talents ; 2) La compétitivité ; 3) Le maintien de l’activité en
toute circonstance ; et 4) La réputation.
« Et n’oublions pas la durabilité et le
bien-être au travail », ajoute Carine De
Strooper. Sodexo cherche surtout à fournir de la valeur ajoutée en matière de
Quality of Life. « Nos services répondent
à des critères spécifiques de durabilité,
de compétitivité et de flexibilité. Nous
optons pour l’excellence opérationnelle.
Cette qualité requiert une maîtrise totale
de nos processus et une grande maturité
de management. Nous proposons une
équipe flexible de collaborateurs pour les
domaines FM classiques, et de spécialistes,
par exemple pour l’entretien de matériel
de laboratoire. »
Reprise du personnel
Cofely Services est un adepte de l’integrated facility management (IFM) : un service unique et intégré. Piet De Grauwe :
Avec l’IFM, le facility manager interne
du client ne s’occupe plus du cahier des
charges, ce qui implique beaucoup de
confiance. « Le facility manager externe
gagnera cette confiance en disant ce qu’il
va faire et en faisant ce qu’il dit », explique
Philippe van Hasselt. « Il y a encore du
pain sur la planche en Belgique pour
convaincre les directions des clients des
atouts de l’IFM. C’est un choix stratégique
qui implique souvent la reprise de personnel. D’où les réticences, par crainte de
remous sociaux. »
Confier les activités facilitaires à un tiers,
c’est quitter sa zone de confort, admet
Piet De Grauwe, de Cofely Services. « Du
coup, certaines entreprises freinent des
quatre fers. Mais face à la nécessité de
réduire les coûts, elles se ravisent. Cofely
suscite la confiance par des engagements
de résultats audacieux. De tels ‘service
level agreements’ nous maintiennent à
la pointe. »
Transparence
La sous-traitance intégrale ne contraint
par le facility manager interne à l’oisiveté, car un bon suivi est indispensable.
IFMA, la fédération professionnelle de
Prêt pour le dialogue avec la direction
IFMA Belgium veut faire figure de guide dans le monde en mutation rapide
du FM. Ce centre de connaissances entend soutenir les facility managers dans
les entreprises via des formations thématiques et via les groupes de travail
Nettoyage, Energie et FM & Architecture (ce dernier étant le plus récent). Mieke
Loncke : « La conception de bâtiments s’articule autour de l’esthétique, mais un
beau bâtiment n’est pas forcément facile à entretenir. Peut-être faudrait-il que
le facility manager s’implique plus tôt dans le processus... »
IFMA publiera en septembre de l’année prochaine un manuel d’architecture
pour facility managers. La fédération s’efforce d’en publier un chaque année.
Les fascicules précédents traitaient du nettoyage et de l’énergie. Mieke Loncke
constate également une forte demande d’assistance dans le domaine des
finances et de la communication. « Les facility managers sont l’interface entre
l’opérationnel et le stratégique. Ils doivent pouvoir discuter avec la direction,
qui considère encore trop souvent le FM comme un coût. Les facility managers
doivent être bien préparés pour démontrer le retour sur investissement. »
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©Sodexo
« Tous les services sont liés. En restauration, les machines à café et distributeurs
de friandises nécessitent de l’entretien
technique. La préparation d’une salle de
réunion implique autant le catering que
la mise en place de moyens audio-visuels.
La création de synergies génère des avantages financiers. »
©Cofely Services
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Qui dit bon suivi, dit bon reporting. Cofely
Services a dès lors mis au point la plateforme Cofelydirect, accessible 24 h sur
24 aux clients en quête d’informations
via leur système de content management. Piet De Grauwe : « Cela améliore
la transparence et renforce la confiance.
Mais nous n’oublions pas l’importance
des contacts humains. »
Vinci Facilities assure un compte rendu
mensuel des opérations de FM, par le
biais d’un web based tool. Philippe van
Hasselt : « Cet outil enregistre toutes les
demandes imaginables des utilisateurs
aux services facilitaires. Nous l’utilisons
aussi pour le planning des entretiens et
certifications d’installations. Le client il y a
accès, pour rester au courant des activités
de maintenance. »
Défis à volonté
Le FM doit tenir compte de nombreuses
évolutions récentes, telles que le renforcement de la législation relative à la
maintenance et à la gestion énergétique
de bâtiments. « La complexité régionale
de notre législation complique la mise
en œuvre des modifications exigées »,
déplore Philippe van Hasselt. « Nous pouvons dégager de la valeur ajoutée parce
que nous suivons la réglementation à
la lettre. La nécessité pour les bâtiments
de consommer toujours moins d’énergie
constitue un vrai défi pour les entreprises
de services facilitaires. »
Pour Sodexo, il y a de défis à foison, qui
représentent des risques mais aussi des
opportunités pour les clients. « Citons
l’environnement, la gestion énergétique,
la compétitivité, l’emploi, la qualité de vie,
le vieillissement de la population, la démographie... », énumère Carine De Strooper. « L’évolution technologique induit
d’autres changements encore : réaménagement de l’espace de travail, exigence de
la Génération Y au travail, dématérialisation de certaines infrastructures. Nous élaborons donc des solutions pragmatiques
à dimension humaine, qui contribuent à
la qualité de vie de nos clients, de leurs
collaborateurs et de leur propre clientèle.
Le monde devient toujours plus complexe
mais aussi plus global ; par conséquent, les
clients souhaitent que nous simplifiions
les services facilitaires. »
Collaborer avec les RH
Piet De Grauwe de Cofely Services distingue cinq tendances incontournables :
1) La durabilité : l’environnement, la pénurie d’eau, la diminution des déchets,
les économies d’énergie (un problème
pour la Belgique et son patrimoine
immobilier vieillissant) ; 2) La maîtrise
(R.A.)
FM, constate même un élargissement des
attributions du facility manager interne.
« Il doit être au courant de tout et compléter constamment sa formation », déclare
Mieke Loncke, directrice d’IFMA.
des risques, notamment celui d’un blackout cet hiver : les clients sont-ils prêts ? ;
3) La sévérité des normes légales. « Je
constate, dans certaines entreprises un
certain laxisme vis-à-vis des nouvelles
directives. Nous signalons à nos clients
que certaines obligations européennes
ont abouti à des contrats de gestion de
l’énergie qui contraignent les entreprises
de notre pays à analyser leurs flux énergétiques. » ; 4) Le big data : « Nous disposons, en tant que prestataires de services
facilitaires, de nombreuses données sur les
installations techniques des entreprises et
leur consommation. Nous ne pouvons pas
tolérer l’utilisation abusive de ces données,
qui restent la propriété des entreprises. »
5) L’IFM devrait être intégré à la gestion
RH. « Les employeurs ont du mal à trouver
du personnel et à le fidéliser. Ces collaborateurs doivent donc trouver du plaisir
et de la satisfaction dans leur travail. Ils
doivent pouvoir se concentrer sur leurs
tâches. D’où le besoin d’une meilleure collaboration avec les départements RH des
clients. Seul un partenariat authentique
nous permettra de convertir la stratégie
du client en un service adéquat. »
Autre tendance : l’internationalisation. Cofely a constitué avec Besix une
entreprise de FM à Dubaï. « Je suis particulièrement fier que notre entreprise
bruxelloise soit responsable de la maintenance du gratte-ciel Burj Khalifa, le plus
grand bâtiment au monde, ainsi que du
centre commercial attenant, le Dubai
Mall, y compris les fontaines dansantes
devant ces bâtiments », explique Piet De
Grauwe. « Cofely Besix cherche par ailleurs
à étendre ses activités au Moyen-Orient.
Nous avons en outre créé une division FM
internationale au sein de Cofely, l’année
passée, pour poursuivre l’internationalisation de nos activités. »
Peter Van Dyck

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