Le coin du lecteur - Association Française du TITANIC
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Le coin du lecteur - Association Française du TITANIC
Le coin du lecteur Par Jean-Philippe Marre A Chronicle of Comber, The Town of Thomas Andrews T homas Andrews fait incontestablement partie des personnages les plus emblématiques de l’histoire du Titanic, pourtant rares sont les historiens à s’être penchés sur son histoire personnelle avant le mois d’avril 1912, en dépassant la simple analyse de son comportement au cours du naufrage. Plus rares encore sont ceux qui ont cherché à reconstituer l’environnement dans lequel il a grandi, qui permet de comprendre et d’expliquer sa personnalité. Cet ouvrage, publié en 2011 et réédité en 2012, comble en partie cette lacune en proposant une chronique de la vie quotidienne de Comber, une petite-ville située à une quinzaine de kilomètres de Belfast, qui présente comme caractéristique principale d’être le lieu de naissance de l’architecte du Titanic. Les deux auteurs, Desmond Rainey et Laura Spence, sont membres de la Comber Historical Society, qui a produit au cours de ces dernières années d’importantes recherches sur l’histoire de la famille Andrews, étroitement liée à celle de Comber et sa région. En effet, dès le XVIIIe siècle, les Andrews ont joué un rôle déterminant dans le développement économique du comté de Down, leur usine de lin employant plus de cinq cents personnes en 1873, année de naissance de Thomas. C’est justement à partir de cette date que le livre retranscrit les grands événements qui ont ponctué l’histoire de Comber, jusqu’à ce que la disparition de l’enfant du pays à bord du Titanic ne vienne plonger la ville entière dans le deuil. Après une visite guidée de la ville, judicieusement illustrée de cartes postales d’époque qui permettent de se plonger dans la vie des habitants, l’essentiel de l’ouvrage se présente sous la forme d’une chronique des faits divers survenus dans la région année par année, tout en prenant soin de les resituer à chaque fois dans leur contexte historique. Les auteurs ont basé leurs recherches sur une sélection d’articles du Newtownards Chronicle, la gazette locale de Comber, souvent restitués dans leur version originale. Au fil des pages, nous plongeons ainsi dans le quotidien de Thomas Andrews et de ses proches, survolant les sujets qui ont dû être évoqués autour de la table familiale, ce qui fournit aussi un éclairage passionnant sur la société anglo-irlandaise de cette époque. Les jours heureux ou malheureux, les naissances, les décès, les accidents de chemin de fer, les matchs de cricket, le mariage de sa sœur Nina en 1906, tous les événements qui ont pu toucher Thomas Andrews de près ou de loin sont ici relatés, jusqu’à l’éloge funèbre prononcé en son honneur par le révérend de la paroisse familiale. Ce dernier témoignage, sans doute le plus émouvant, permet de mesurer l’influence locale de la famille Andrews, mais aussi l’impact retentissant que le naufrage a eu sur les habitants de la région de Belfast. Agrémenté de nombreuses illustrations, issues pour certaines des archives personnelles de la famille Andrews, ce livre ravira donc tous ceux qui souhaiteraient en apprendre un peu plus sur la jeunesse et la vie de Thomas Andrews en dehors de l’enceinte de Harland & Wolff. Desmond Rainey & Laura Spence, A Chronicle of Comber : The Town of Thomas Andrews Shipbuilder, Belfast, Ulster Historical Foundation, 2011. | 44 Le coin du lecteur Par Aurélie Saboureau Titanic (1943): Nazis Germany’s version of the disaster N ombre de livres dédiés au Titanic réutilisent encore et toujours le même sujet, à savoir l’histoire de son naufrage et peu d’auteurs s’attardent sur la cinématographie du « géant des mers ». L’ouvrage, Titanic « (1943) Nazis Germany’s version of the disaster » se différencie largement avec son contenu qui raconte l’histoire du film, « Titanic » controversé et réalisé sous le régime nazi en 1942. L’auteur, Malte Fiebing qui n’est autre que le rédacteur en chef de Der Navigator, revue de l’association allemande du Titanic, s’est focalisé sur ce film allemand où le Titanic est instrumentalisé pour dénoncer le capitalisme. Le scénario s’appuie sur le navire, considéré comme le seul « sauveur » d’une White Star Line en faillite et dirigée par Joseph Bruce Ismay, capitaliste britannique par excellence. Le scénario du film met en scène le tragique naufrage où 1 500 personnes perdent la vie dont des passagers allemands de troisième classe pour la grande majorité. Ainsi le couple d’immigrés séparé puis réuni lors de la scène finale de la commission d’enquête symbolise ces pauvres passagers méprisés par les Britanniques. Autre exemple avec la courageuse prussienne Sigrid Olinsky et l’officier Petersen1 qui évacuent les passagers dans des canots comme ils le peuvent et à leur propre péril en essayant de sauver le plus grand nombre de passagers du naufrage. Le film joue beaucoup au final sur l’opposition des Britanniques jugés lâches contre des Allemands jugés courageux et qui font face à la mort. L’illustration de ce duel est également montrée à travers la bataille de Bruce Ismay et de John Jacob Astor afin de remporter la majorité des actions de la White Star Line alors que l’officier Petersen, exemplaire, s’occupe et s’interroge sur la sécurité des passagers dans la zone de glaces face à un capitaine Smith décrédibilisé dans ses actes par la proposition financière du président de la White Star au début du long métrage. Si le scénario du film semble sans conteste jouer sur l’anti-capitalisme britannique et donner au nazisme une connotation plus humaine, le scénario écrit par trois auteurs différents s’inspire en partie du livre de Joseph Pelz Von Felinau2, premier scénariste du film remplacé par Harald Bratt puis Walter Zerlett-Olfensius. Malte Fiebing livre réellement à travers son ouvrage, l’histoire d’un film chaotique dès l’écriture du scénario jusqu’à la sortie non officielle/officielle du film en passant par un tournage souvent contraignant en raison des bombardements des studios berlinois de la Tobis film ou une partie des scènes ont été tournées et de l’occupation militaire hasardeuse du paquebot Cap Arcona3. Autre contretemps non négligeable et assez révélateur d’un film digne d’un cauchemar, les multiples changements de personnels dans l’équipe jusqu’aux derniers moments du tournage. Le plus intriguant et malheureux d’entre eux reste celui du réalisateur Herbert Selpin, mort mystérieusement après avoir critiqué le régime nazi. Ce dernier a été remplacé par Werner Klinger qui a fini le film après deux ans de tournage intensif. Malte Fiebing ne raconte pas seulement l’histoire de ce film mais pose une problématique : le film est-il un vrai film de propagande ? L’auteur analyse dès le début et jusqu’à la fin les différents points qui font ou non de ce film une propagande réelle. Dans les faits l’œuvre cinématographique fut commandée par le ministère de la culture et de la propagande, ce qui ne fait aucun doute sur les origines nazies du long-métrage. Illustré par des reproductions d’articles de journaux de l’époque, ce petit livre ne se noie pas dans le flot des publications et rééditions de livre traditionnels du Titanic qu’on a pu rencontrer ces derniers temps avec 1 - Sybille Schmitz et Hans Nielsen ont interprété respectivement les rôles de Sigrid Olinsky et de l’officier Petersen. 2 - Voir Latitude 41 n°31 (printemps 2007) : article Josez Pelz Van Felinau : l’imposter du Titanic de Thorsten Totzke. Le coin du lecteur Références le centenaire du naufrage. Aéré par les collections de photographies de Malte Fiebing et de Günter Babler et bien organisé et clair dans le contenu de l’ouvrage, les lecteurs peuvent suivre sans difficulté le raisonnement de l’auteur. Autre point qui mérite d’être mentionné : la comparaison du film de 1943 avec le film américain de 1953, sorte de réponse pro-capitaliste et réalisé par Jean Negulesco dans les studios d’Hollywood. Le film phare de James Cameron est également cité et comparé avec certaines scènes du « Titanic » de 1943. Parmi les nombreux exemples on peut citer l’affaire du bijou (un diamant bleu précisément) volé et appartenant au couple Astor pendant le naufrage ou encore l’emprisonnement d’un passager de troisième classe et délivré par son camarade à l’aide d’une hache. Ces scènes changées se retrouvent explicitement dans le film de Cameron avec le triangle amoureux de Cal, Rose et Jack. Le film éponyme de Roy Ward Baker réalisé en 1958, « A night to remember » réutilise également directement certaines scènes du film comme celles du naufrage à l’aide de la maquette du Titanic de Fritz Maurischat4. Le livre édité en allemand mais également en anglais pour les nongermanophones permet en somme à tous de découvrir sous un autre angle le film nazi « Titanic » de 1943 sans jugement hâtif. L’auteur prend soin d’expliquer sa démarche et reste neutre en donnant en complément des sources de lectures peu connues tel que les livres de Fritz Maurischat, « Selpin und Titanic » ou de Josef Pelz Von Felinau, « Titanic - Die Tragödie eines Ozeanriesen »5. Version allemande TITANIC (1943) : Die Nazis und das berühmteste Schiff der Welt Malte Fiebing, ISBN : 978-3-8448-1058-5 Disponible à 14,95 euros. Version anglophone TITANIC (1943) : Nazi Germany’s version of the disaster Malte Fiebing ISBN : 978-3-8448-1058-5 Disponible à 17 euros. En définitif, s’il y a bien un livre « rare » et qui reflète une initiative innovante de son auteur, il s’agit de l’ouvrage de Malte Fiebing. La lecture s’effectue simplement avec néanmoins un seul petit bémol, il n’y a que 140 pages, ce qui semble peu pour un livre. Comme pour le livre « Les Français du Titanic », l’auteur présente son association et s’applique à la faire connaître au grand public. Le livre de Fiebing mérite d’être connu des autre membres de l’AFT car les associations française et allemande ont déjà réalisé de nombreuses collaborations et les relations n’ont fait qu’améliorer les échanges. Malte Fiebing, Titanic (1943) : Nazi Germany’s Version of the Disaster, Books on Demand GmbH, 2012. 3 - Pour l’histoire du naufrage du Cap Arcona, voir : http://epavedepaquebots.wordpress.com/2012/04/22/le-cap-arcona-le-titanic-allemand-au-destin-tragique. 4 - La maquette utilisée pour le film de 1943 a coulé et disparu dans le lac de Scharmutzel. 5 - En français « Titanic - La tragédie d’un paquebot ». | 46