faire - Etudes économiques du Crédit Agricole
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N° 71 – 20 septembre 2007 Retour sur un FOMC très attendu -50 points de base sur les Fed funds : la Fed frappe fort Lors de sa réunion du 18 septembre, la Réserve fédérale aura opté pour 50 points de base de baisse du taux des Federal funds (le portant à 4,75 %). Elle assortit ce choix d’un geste similaire sur le taux d’escompte (porté à 5,25 %). La Réserve fédérale a donc décidé de frapper fort. La raison en est que « le durcissement des conditions de crédit a le potentiel d’intensifier la correction immobilière et de freiner la croissance globale de l’économie ». Ceci est préventif : la baisse des taux doit « contribuer à contenir certains des effets adverses sur l’économie qui autrement pourraient survenir des perturbations sur les marchés financiers ». Les marchés ont salué le double geste. Le S&P 500 a gagné presque 3 %. Les taux interbancaires se sont détendus de 35 pdb sur le 1 mois et le 3 mois (respectivement : 5,1 % et 5,24 %). Les primes de risque ont reculé. Les rendements à 10 ans sur les obligations d’Etat sont repassés au-dessus de 4,50 %. En revanche, le dollar s’est franchement affaibli contre euro (s’approchant de 1,40). La réactivité de la Réserve fédérale est donc claire : la question se pose désormais de savoir si la Banque centrale va s’arrêter, ou si d’autres baisses vont suivre. Selon nous, la porte reste ouverte à la poursuite du relâchement monétaire. Le risque inflationniste n’est en effet plus la préoccupation principale. Et si le risque baissier sur la croissance n’est pas explicitement mentionné comme la nouvelle inquiétude, la Réserve fédérale adopte implicitement un biais baissier. Il est justifié par des perspectives économiques plus incertaines. Surtout, elle répète qu’elle agira pour assurer la stabilité des prix et une croissance soutenable. Un retour à la neutralité monétaire est un minimum. Il amènerait les Fed funds à 4,50 % en fin d’année. Cependant, il n’est pas impossible que la Réserve fédérale aille un cran plus loin, à 4,25 %. La baisse supplémentaire interviendra en 1 ou 2 fois, lors du FOMC des 30/31 octobre et/ou du 11 décembre, en fonction des données d’activité et d’inflation. Les gestes Cela faisait longtemps que l’issue d’un FOMC n’avait été à ce point incertaine. Si une baisse des taux semblait acquise, le débat portait sur l’ampleur du geste : 25 ou 50 pdb. Les deux options se défendaient. 50 plutôt que 25 sur les Fed funds La Réserve fédérale a jugé qu’une baisse d’un quart de point n’enverrait pas un signal suffisamment fort. Déjà « pricée » par les marchés, son impact aurait été limité, faisant passer la Réserve fédérale pour impuissante ou timorée. Certes, un geste plus modeste se défendait. Il s’inscrivait dans la continuité d’une approche graduelle face à la crise. Les éléments macroéconomiques dont on dispose à ce jour ne plaidaient pas non plus pour un geste de plus grande ampleur, et les membres votants ne s’accordaient pas tous sur la nécessité d’une détente. Enfin, une baisse de 25 pdb aurait entériné le fait que le taux effectif des Fed funds oscillait déjà en dessous du taux cible depuis le 10 août (cf. graphique ci-dessous). % 5,50 US : le taux effectif des Fed funds oscillait déjà sous la cible 5,25 5,00 cible Fed funds 4,75 Fed funds effectif 4,50 01/01/2007 01/03/2007 01/05/2007 Source : Réserve fédérale, CA. 01/07/2007 01/09/2007 En optant pour une baisse de 50 pdb, la Réserve fédérale se montre donc plus agressive dans sa prévention du risque de récession. Elle applique ce faisant à la lettre le principe du risk management : réagir préventivement à un événement de faible probabilité, mais de coût élevé. En l’occurrence, c’est un ralentissement trop marqué de la croissance, pour ne pas dire une récession. Le risque d’un dérapage de l’inflation passe alors au second plan, (Suite page 2) Hélène Baudchon Tél. +33 (0)1 43 23 27 61 [email protected] Internet : http://www.creditagricole.fr/Rubrique kiosque Eco Hélène BAUDCHON Tél. +33 (0)1 43 23 27 61 [email protected] sans nuire pour autant à la crédibilité de la Réserve fédérale. En montrant qu’elle agit pour la croissance, la Réserve fédérale envoie aussi un message rassurant aux investisseurs étrangers, éventuellement inquiets de l’affaiblissement du dollar. Avec un tel geste, la Banque centrale prend les devants. Elle lève une part de l’incertitude sur la politique monétaire. 50 sur le taux d’escompte Jusqu’à récemment, les mesures prises pour stimuler le recours à la fenêtre d’escompte1 n’ont eu qu’un succès limité. Les marchés monétaires ne fonctionnent toujours pas correctement. Il y a des signes de stabilisation, mais la liquidité est toujours très réduite au-delà du très court terme. Abaisser encore la pénalité sur le taux d’escompte par rapport aux Fed funds aurait semblé une bonne idée pour répondre à ces tensions persistantes (-25 pdb sur les Fed funds, -50 pdb sur le discount). La Réserve fédérale en a décidé autrement : -50 partout (cf. graphique ci-dessous). La baisse combinée des deux taux est donc un signal fort, devant permettre la normalisation des conditions sur les marchés monétaires. US : le taux d'escompte se rapproche % des Fed funds 7,00 6,50 6,00 5,50 5,00 4,50 4,00 3,50 3,00 2,50 Fed funds 2,00 1,50 taux d'escompte 1,00 primaire 0,50 0,00 2004 2005 2006 2007 Source : Réserve fédérale, CA. 7,00 6,50 6,00 5,50 5,00 4,50 4,00 3,50 3,00 2,50 2,00 1,50 1,00 0,50 0,00 A l’inverse, la tonalité sur l’inflation s’adoucit. La Réserve fédérale considère toujours qu’il reste un risque haussier, mais sans plus développer ses arguments. Evidemment elle précise qu’elle restera vigilante, mais ce n’est plus sa préoccupation principale. L’ambiguïté du communiqué vient de ce que la Réserve fédérale n’affiche pas explicitement, dans le dernier paragraphe, que la croissance est sa nouvelle priorité. Elle souligne, de manière plus évasive, que les perspectives économiques sont entourées de plus d’incertitudes, à cause des turbulences financières. Et de conclure qu’elle « continuera d’évaluer les effets de ces perturbations et autres développements sur les perspectives économiques et agira en conséquence pour assurer la stabilité des prix et une croissance soutenable ». Les motivations Si la Réserve fédérale ne peut compter sur un effet immédiat de la baisse des taux sur la croissance, elle peut cependant jouer sur la confiance et minimiser les facteurs d’incertitude. L’exercice est difficile, car elle doit rassurer sans cautionner les prises de risque indues. Elle doit surtout parvenir à limiter l’effet négatif de la crise financière sur l’offre de crédit. En baissant d’un demi-point ses taux, elle augmente les chances d’atténuer le durcissement des conditions monétaires induit par la hausse des taux interbancaires (cf. graphique ci-dessous). La tonalité du premier paragraphe sur l’activité est clairement plus pessimiste. Désormais, la Réserve fédérale reconnaît que le durcissement des conditions de crédit peut faire ralentir la croissance, ce qui n’était pas le cas dans le communiqué du 7 août. 1 Réduction le 17 août de 100 à 50 pdb de l’écart entre le taux d’escompte et le taux des Fed funds ; élargissement des collatéraux éligibles ; allongement de la durée des prêts à 30 jours, renouvelables ; communication de la Réserve fédérale sur le thème « le recours à la fenêtre est un signe de force et non de faiblesse » pour mettre fin au stigmate qui est attaché à ce mode de financement. N° 71 – 20 septembre 2007 6,00 cible FED 5,75 1 mois 5,75 3 mois Les mots Le communiqué publié à l’issue de ce FOMC n’a plus grand-chose à voir avec les précédents. Les changements sont nombreux, au prix cependant d’une certaine perte de lisibilité. US : LIBOR % 6,00 5,50 5,50 5,25 5,25 5,00 5,00 4,75 01/01/2007 01/03/2007 01/05/2007 Source : Global Insight, CA. 4,75 01/07/2007 01/09/2007 L’enjeu économique La Réserve fédérale est confrontée à un ralentissement marqué de la croissance (comme en 2000) et doit gérer en même temps un choc financier (comme en 1998). Or, il lui a été reproché d’avoir sur-réagi en 1998 et réagi trop tard en 2000. En baissant de 50 pdb le 18 septembre son taux directeur, elle suggère que la situation d’aujourd’hui est davantage comparable à celle de 2000-2001. La comparaison ne porte pas sur le positionnement dans le cycle2. 2 De ce strict point de vue, le cycle ne donne pas encore de signes convaincants qu’il touche à sa fin. 2 Hélène BAUDCHON Tél. +33 (0)1 43 23 27 61 [email protected] Ce dont il s’agit, c’est de ne pas faire deux fois la même erreur, à savoir sous-estimer l’impact du choc sur la croissance, à l’époque l’éclatement de la bulle Internet, aujourd’hui la récession immobilière et ses diverses répercussions financières. En se montrant agressive, la Fed corrige l’impression qu’elle avait pu donner de sous-estimer le problème. Pour sa défense, hors l’immobilier résidentiel, le reste de l’économie a jusqu’à présent remarquablement bien résisté au choc. La croissance a sensiblement ralenti depuis le début 2006 (à 2 % en moyenne par trimestre en rythme annualisé sur les cinq derniers trimestres après une moyenne à 3,3 % pour les cinq trimestres précédents). Mais c’est pour une large part due à la récession immobilière : la baisse de l’investissement résidentiel a enlevé presque 1 point de croissance par trimestre sur la période. Mais cette résilience est soumise à rude épreuve. Si l’on écarte la récession comme scénario central, la croissance devrait rester molle à l’horizon 2008. Après 2,9 % en moyenne en 2006, nous attendons 2 % pour 2007 et 2,2 % pour 2008. L’information qui nous manque aujourd’hui, ce sont les prévisions de la Réserve fédérale, plus exactement ses révisions en baisse. L’enjeu financier A plus court terme, ce dont la Réserve fédérale doit s’assurer, c’est du bon fonctionnement des marchés même si cela signifie d’épargner à certains investisseurs imprudents toutes les conséquences de leurs actes. La Réserve fédérale a laissé jouer les lois du marché aussi loin qu’elle pouvait. Mais aujourd’hui la situation sur les marchés monétaires reste tendue, les primes de risque sur le corporate sont remontées, le marché immobilier s’enfonce dans la récession et, par ré-intermédiation, les banques se retrouvent au cœur de la croissance. Une tension sur les conditions de crédit est inévitable, mais sans savoir le degré qu’elle atteindra, la confiance est ébranlée. Bref, les risques baissiers sur la croissance s’accumulent. La Banque centrale doit faire preuve de pragmatisme et mettre de côté tout dogmatisme à l’égard du risque d’aléa moral. Dans ce contexte, la baisse des taux va se poursuivre et la crise de liquidité devrait s’en trouver atténuée. La Réserve fédérale aura donc marqué un point décisif, cependant les efforts de transparence et d’explications devront continuer. Mais il vaut mieux les mener dans un climat moins tendu ! En effet, derrière la baisse du taux des Fed funds, il y a un nouveau scénario macroéconomique et une nouvelle lecture des risques qui l’entourent. Les chiffres dont on dispose sont ceux rendus publics en juillet. Notre prévision est aujourd’hui plus pessimiste que celle de la Réserve fédérale à l’époque (cf. tableau ci-dessous). Peut-être n’a-t-elle fait que nous rejoindre, ce qui serait rassurant. Prévisions comparées de croissance et d’inflation 2007 Fed CA 2006 Croissance du PIB (a/a, %) Inflation sousjacente (a/a, %) Taux de chômage (en T4, %) 2008 Fed CA 2,6 2,25-2,5 2,1 2,5-2,75 3,1 2,3 2-2,25 1,8 1,75-2 2,1 4,5 4,,5-4,75 4,8 ≈4,75 5 Crédit Agricole S.A. — Direction des Études Économiques 75710 PARIS Cedex 15 — Fax : +33 (0)1 43 23 58 60 Directeur de la Publication : Jean-Paul Betbèze Réalisation : Sophie Bigot Contact : [email protected] Internet : http://www.credit-agricole.fr — Rubrique : Kiosque Eco Cette publication reflète l’opinion du Crédit Agricole à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. 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