La souffrance psychique liée à une affection

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La souffrance psychique liée à une affection
La souffrance psychique liée à une affection médicale grave
La souffrance psychique est le terme à la mode, qui est utile, car il regroupe tout à la ois
l'angoisse, la dépression, le mal être ...
Et l'affection médicale grave porte cet adjectif, hélas, car c'est lui qui va focaliser notre
attention. C'est un mot qui certes blesse souvent, mais cette blessure est à l'image de
celle laissée par la maladie, dès le choc de l'annonce, lorsque ce choc de l'annonce existe
– ce qui n'est pas systématique, au vu d'échanges récents entre patients et soignants.
La maladie peut, chez certaines personnes, provoquer un effondrement du projet de vie
initial, et bien souvent le fait de basculer dans un monde autre, celui où les valeurs
changent, où les informations, y compris internes à son propre corps, deviennent lourdes
de possibles significations auxquelles on aurait auparavant attaché peu d’importance.
Elle peut aussi, dans d'autre cas, ne pas donner de dépression; au contraire, nous avons
rencontré des personnes que la maladie a « renforcé », en quelque sorte, allant depuis un
dynamisme non soupçonné jusqu'alors, jusqu'à un mode de vie centré par la maladie,
comme une autre manière d'exister. Un texte complémentaire, rédigé par quelques
patients, pourra éclairer cette réserve.
Disons de suite que le texte initial s'est trouvé utilement complété par plusieurs écrits, au
risque d'un texte plus décousu, mais où les mots sont comme une affirmation forte, un
vécu, une volonté de crier ce vécu. C'est pourquoi il était impossible de modifier ces
phrases là.
Si l'affection médicale grave est hélas facile à définir, la notion de souffrance psychique est
plus vaste. Pour réduire un peu cette notion, on peut déjà mettre de côté tout ce qui est
collectif, pour cerner le vécu individuel douloureux. Bien difficile de trouver la bonne
notion, pour ce qui "fait mal" à l'esprit. J. Holland parle aussi de détresse psychique, d'une
impossibilité à comprendre et à réagir.
Enfin, la notion de maladie rare est un point particulier, qui peut augmenter ce qui est de
l'ordre de l'angoisse. Car elle renvoie à une maladie inhabituelle, bizarre, et, dans certains
de ses aspects, incompréhensible. On comprend facilement que l'incompréhensible fait
peur encore davantage. Et, ajoutée à la notion de gravité, peut majorer les craintes face à
l'inconnu.
SOS DESMOÏDE-Siége social : Paris-Adresse postale 45 rue René La Combe 49100 Angers-Site : www.sos-desmoide.asso.fr
EN INTRODUCTION, LES MISSIONS DES SOIGNANTS
On peut déjà insister sur l'indispensable nécessité d'un soin de qualité, quelles que soient
les difficultés hospitalières actuelles
Chacun, professionnel ou malade, (dans les périodes où il le peut), doit penser sa
conduite en matière d'apprentissage, relationnel et comportemental.
Avec quelques affirmations solides pour ceux qui ont à prendre soin.
On va attendre d'un soignant :
- qu'il sache rattacher cette souffrance psychique au vécu du malade et de sa famille, et
prendre du temps, accepter le temps du malade. Qu'il arrive à entrer dans le mode de
compréhension des choses, par le malade et son entourage.
Le malade va parfois se recentrer sur lui, du fait de sa maladie; cela demeure normal.
Ensemble, nous devrons tenter de réintroduire – si on le peut – la notion de l'autre.
- qu'il sache inciter aux questions qui vont entraîner loin dans le dialogue. Si un traitement
vient aider, il ne doit pas se substituer à la parole.
Heureusement, on a dépassé le stade où, quand on donnait un traitement neutre (un
placebo), on pensait que la souffrance était feinte, puisque traitée par un produit inactif (on
sait maintenant que les placebos sont actifs, ... et même avec des effets indésirables)
- qu'il sache trouver un lieu professionnel où parler de sa propre angoisse, qu'elle soit le
moins possible ressentie par le patient.
La vraie liberté du malade n'est pas de venir, et de partir s'il est mécontent : c'est de venir,
et de ne repartir qu'une fois entendu et compris, hormis les cas où lui même se comporte
de manière abusive.
La prise en compte de la psychologique des patients est relativement récente, en
particulier dans les formations initiales des soignants. Elle est plus abordée dans les
formations continues, tout au long des carrières.
Sans parler de la sélection professionnelle, qui s'est longtemps trouvée réalisée sur des
critères scolaires, et non de personnalité et de capacité relationnelle.
C'est là que, avec insistance, les associations, les patients, les familles, peuvent
demander aux soignants des modalités d'approche plus humanistes.
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LES FONCTIONS DE RELATION
Je quitte ici les préalables de la fonction soignante, pour les préalables de la fonction de
relation : le dialogue nécessite inévitablement beaucoup de doigté ! Si on veut être
entendu, quelle que soit sa position, on ne peut que tenir un discours entendable, c'est à
dire à peine différent de la croyance de celui qui est en face. Sinon, on court droit à
l'échec, au refus, au déni, au conflit. Donc, avant de demander, de proposer, d'échanger, il
convient d'évaluer la capacité à entendre de l'interlocuteur ...
Je suis en train de dire que chacun doit être le formateur de l'autre en psychologie . Avec
progressivité ... Par expérience, cela n'est pas une mauvaise école - sauf dans les cas où
l'on oublie (pour des motifs variés, parfois même des troubles mentaux importants, quelle
que soit sa position) que l'autre est avant tout un être humain, dont l'histoire et la vie
personnelle font la base de son fonctionnement actuel.
Venons-en au malade lui même.
Le fondement des difficultés n'est pas que psychique, mais aussi bien réel : ainsi, un
élément de réalité qui s'est trouvé mentionné dans un échange récent : je me permettrai
de reprendre un texte qui m'a été adressé, et qui me semble un préalable avant de parler
de psychologie .
« les difficultés matérielles et financières induites par la maladie accroissent la souffrance
psychologique ( difficulté à obtenir des prêts immobiliers, difficulté à travailler ou à
s'arrêter,à accomplir certains gestes, à trouver un logement adapté à son handicap ) .Or,
les aides sociales et financières, ainsi que les droits et les prises en charges dont les
malades peuvent bénéficier, sont parfois tardivement connus ou proposés ( ou
complètement ignorés ) dans le cas de maladie rare, leur donnant parfois l'impression de
vivre en marge des autres malades qui ont " la chance" d'avoir une bonne grave maladie
bien reconnue et que l'on peut facilement et immédiatement classer dans les rubriques
médicales »
LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE DU PATIENT
C'est un sujet complexe, et, dans la souffrance psychique, nous allons tenter de repérer
les différences entre des notions, des mots, des sentiments, ... pour en citer quelques uns:
la dépression, la peur (de l'inconnu, de souffrir, de mourir), la recherche de causes, la
culpabilité, la colère, la superstition (parler de la maladie la ferait davantage exister ?), la
notion d'injustice, l'espoir, la qualité de vie, les relations affectives, la répétition, l'angoisse,
la protection par un tiers, le retour à une position infantile, voire foetale, les troubles du
caractère et du comportement, pouvant aller jusqu'au suicide, l'indifférence, le repli sur soi.
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Tout cela se retrouve, parfois mélangé, parfois en alternance, chez des personnes
différentes, ou chez la même personne dans des temps différents.
Certaines notions sont manifestement à classer au titre d'une affection psychique
secondaire (ou préexistante - on parle alors « savamment » de comorbidité : deux
maladies en même temps : une maladie physique, et une dépression).
Ce sont (deux exemples fréquents – mais, disons le bien, ne concernant pas chacun) :
- la dépression : tristesse, fatigue dès le matin, insomnie, perte de toute envie, insomnie
(ou sommeil augmenté), perte d'appétit.
- l'angoisse : une peur sans objet (gorge serrée, boule dans la poitrine, tremblements,
étouffement, nausées, sueurs, palpitations, maux de tête), comme une sensation de
malaise imminent, une impression d'un risque de mourir, de s'évanouir ... pouvant aller
jusqu'à une crise de panique.
C'est dans ces lignes sur l'angoisse qu'on pourra situer la particularité de la maladie rare :
peu d'information, des équipes moins nombreuses connaissant la maladie, l'impression –
juste ou fausse – que les professionnels vont se trouver davantage démunis. Parfois les
soignants seront en manque d'information, parfois les patients ont pu vivre un véritable
« nomadisme médical », pour reprendre l'expression d'un courrier, avant le bon diagnostic.
Le vécu a pu être celui d'une solitude accrue.
Les conduites peuvent aussi se trouver perturbées : troubles du caractère, impulsivité,
agressivité sur autrui, colères, agitation, ou dans l'autre sens repli sur soi, dans son lit,
dans son logement, refus de contacts.
L'envie de se faire du mal, de mourir, peut procéder de plusieurs mécanismes : tristesse
intense d'une dépression grave, envie de fuir, besoin de retrouver ses limites, ... Là
encore, c'est un symptôme, à relier au difficile retour d'une chaleur intérieure minimale,
synonyme d'être soi, d'être mieux à l'intérieur de soi.
La peur est aussi de la partie, il s'agit d'un sentiment, directement lié au vécu et au
traumatisme qu'entraîne ce vécu. Le danger est réel, la peur est bien sûr légitime. Là
encore, on gagne à la verbaliser, quand on le peut.
Au delà de l'angoisse, flottante et sans objet bien défini, la peur est aussi au rendez vous :
peur de la rechute, de la souffrance, de l'impossibilité de trouver des soins adaptés,
« vivre, obligé, avec une nouvelle compagne, la maladie », ai-je pu lire. « Il faut aussi faire
de deuil des activités, du métier, des loisirs … d’avant la maladie à cause des douleurs, de
la fatigue, du handicap… Et cela est la source de dépression, de révolte… »
Quand c'est le cas, on peut parler de pensée centrale, ou plutôt de "pensée univoque":
avec 3 caractéristiques principales :
- le syndrome de "la tête vide" : impression de ne penser à rien, de n'avoir plus de
pensées dans l'esprit.
- la présence constante de l'idée de la maladie, à l'exclusion de toute autre pensée.
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- et la surveillance anxieuse et permanente de tout signe susceptible de "dire" quelques
choses de l'évolution. Toute sensation corporelle est immédiatement suspecte d'être reliée
à sa maladie.
D'autres notions sont parfois à considérer comme conséquences de la maladie : en
particulier, la modification profonde des relations affectives préexistantes : comme la
relation au monde, la relation aux autres est nouvelle; elle doit être reconstruite, d'une
autre manière, et tant le malade que son entourage se trouvent confrontés à des
interlocuteurs nouveaux, pour partie. Chez chacun vont coexister des envies de fuir, des
incompréhensions, des interrogations, des doutes, des douleurs massives.
Certaines fois, la maladie isole celui qui est malade de ceux qui l'aiment, du fait d'un vécu
difficile à partager.
Cela débouche sur des sentiments comme la colère contre l'autre, ou contre soi même,
liée alors à un vécu de culpabilité, d'être peut être un mauvais malade, ou un mauvais
proche.
La colère est alors liée au sentiment d'injustice : pourquoi moi ? Pourquoi nous ?
La qualité de vie, ce qui fait le plaisir, le bonheur, tout cela est bouleversé, remis en cause,
dévasté comme par un tremblement de terre, ... on change de monde.
On va tenter de trouver des explications, des causes, des liens entre ces causes et les
conséquences. Trouver une explication pourrait en effet mettre à l'extérieur de soi
l'insupportable.
Le malade peut se demander aussi s'il est responsable. Alors même que, on peut en
convenir, cela ne peut pas être une situation librement choisie.
Tous les moyens peuvent se trouver tentés pour se défendre ; je serai très incomplet, mais
ne citerai que quelques unes des modalités de défense : avoir un proche toujours vers soi,
se replier sur soi comme un petit enfant, se comporter de manière "magique", dans des
"paris" avec cette étrangère à soi qu'est la maladie, ...
Des moments d'espoir, de répit, vont témoigner de l'efficacité des processus que chacun
trouve en lui. Bien sûr, il sont longtemps remis en cause, parfois des années plus tard, par
le moindre dysfonctionnement corporel, le corps étant la sentinelle que l'on épie, comme
signe du retour du risque.
Et, lors d'une possible rechute, tout semble recommencer comme avant ... alors même,
qu'avec du recul, tous ceux que j'ai pu croiser m'ont témoigné que ce n'était jamais
comme avant. Si un traumatisme en rappelle un autre, il fait partie d'une évolution linéaire.
La maladie préalable et la souffrance physique fragilise; elles sont aussi, hélas, terrain
connu : on ne part pas en guerre contre elle sans une connaissance, sans appuis, sans
référents. Ce n'est pas tout à fait le même saut dans l'inconnu.
A certains moments, certes, la détresse est centrale. Mais, à d'autres moments, qu'on peut
considérer comme privilégiés, l'intensité d'une communauté humaine est possiblement
porteuse et aidante.
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On voit bien qu'on parle, dans les paroles de patients, de souffrance « envahissante », et,
que ce soit le malade ou son proche, il n'est pas possible, il n'est pas souhaitable, de tout
laisser à l'intérieur de la famille. La tristesse du proche, la souffrance morale, c'est « un
poids supplémentaire », « il convient donc d'identifier cette souffrance afin qu'une solution
d'aide ou de soutien soit trouvée à l'extérieur »; « en effet le patient n'a pas à porter en
plus de ses propres souffrances, celles de son environnement »; « les mots atténuent les
maux... »
Comment pourrait on dire mieux ou davantage ?
Je conclurai mon propos en remerciant tous ceux dont les témoignages ont étayé cette
réflexion
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