La prévention de la dMLa - Pratiques en Ophtalmologie
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La prévention de la dMLa - Pratiques en Ophtalmologie
L’essentiel sur… La prévention de la DMLA Quels moyens utiliser ? n La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une pathologie rétinienne acquise affectant électivement la région centrale de la rétine responsable de la discrimination des hautes fréquences spatiales (lecture), de la vision colorée et du champ visuel central. Elle représente la première cause de malvoyance chez les plus de 50 ans dans les pays occidentaux (1), concernant en France près d’un million de patients. L’intérêt d’un traitement préventif de la DMLA se justifie par la grande fréquence de cette pathologie et notamment de sa forme atrophique qui est majoritaire et contre laquelle aucun traitement curatif n’est à ce jour disponible. A vant d’exposer les moyens de prévention possibles de la DMLA, les mécanismes physiopathogéniques supposés de cette pathologie seront rappelés ainsi que ses facteurs de risque et sa classification, qui lui définit différents stades de progression, les stades précoces ou “précurseurs” constituant un risque de développer ultérieurement un stade plus sévère. Physiopathogénie de la DMLA Le stress oxydatif est le mécanisme principal des altérations rétiniennes constituant progressivement une DMLA (2). Le cycle visuel produit physiologiquement des radicaux libres oxygénés qui, compte tenu de leur toxicité, doivent être éliminés de façon constante par un système dit antioxydant. Le renouvellement permanent des segments externes des photoré- * Ophtalmologiste, Fondation Rothschild, Paris Dr Aude Affortit * cepteurs par l’épithélium pigmentaire contribue à cette élimination des radicaux libres, tout comme le pigment xanthophylle qui joue un double rôle d’antioxydant et de filtre vis-à-vis des ultra-violets (UV). Plusieurs enzymes utilisant notamment le cuivre comme cofacteur et certaines vitamines comme les vitamines C et E participent également à ce système antioxydant. Des mécanismes inflammatoires et ischémiques sont par ailleurs impliqués dans la physiopathogénie de la DMLA. Facteurs de risque âge Plusieurs facteurs favorisent la survenue d’une DMLA, au premier rang desquels se situe l’âge. Une étude récente sur la prévalence de la DMLA aux Etats-Unis chez les plus de 60 ans l’estimait à 13,4 % pour les formes précoces et 2,2 % pour les formes tardives, cette prévalence augmentant ensuite progressivement avec l’âge (3). Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 Facteurs ethniques Des facteurs ethniques entrent également en jeu, les sujets caucasiens étant préférentiellement atteints. Facteurs environnementaux Certains facteurs comme le tabagisme (supérieur à 10 paquets/ année), l’obésité et l’HTA sont des facteurs de risque avérés ; le rôle négatif des UV, bien que très fortement suspecté, reste quant à lui hypothétique (4). Facteurs génétiques Le caractère familial de la DMLA a été observé de longue date. Le risque relatif de développer une DMLA pour un sujet ayant un antécédent familial de la maladie est approximativement multiplié par 4 (5). Plusieurs gènes de prédisposition à la DMLA ont été à ce jour identifiés comme le gène de l’apoE (apolipoprotéine E) (6) et le gène du CFH (facteur H du complément). Ils ne suffisent pas à eux seuls à déclencher 9 L’essentiel sur… la maladie mais y participent en association à des facteurs environnementaux. Il est désormais démontré que ces facteurs de susceptibilité génétique augmentent la probabilité de développer une DMLA dans des proportions beaucoup plus importantes que les facteurs environnementaux, avec des odds ratio nettement plus élevés. Classification de la DMLA Il est intéressant de rappeler ici la classification utilisée dans l’AREDS (Age Related Eye Disease Study) (7), grande étude prospective, multicentrique et randomisée, menée aux Etats-Unis entre 1992 et 1998 à l’initiative du National Eye Institute, puisque c’est ce travail qui a confirmé l’intérêt d’une supplémentation en vitamines antioxydantes et minéraux à visée préventive dans la DMLA. La classification de la DMLA selon l’AREDS est essentiellement fondée sur l’aspect du fond d’œil et définit 4 stades (8) : • stade 1 : absence d’anomalies ou petits drusen (de taille inférieure à 63 microns) non extensifs ; • stade 2 : petits drusen extensifs, drusen intermédiaires (entre 63 et 125 microns) ou anomalies pigmentaires sur au moins 1 œil ; • stade 3 : drusen intermédiaires extensifs, grands drusen (taille supérieure à 125 microns) ou atrophie géographique non centrale sur au moins 1 œil ; • stade 4 : DMLA avancée (atrophie géographique touchant le centre ou néovascularisation choroïdienne) ou acuité visuelle < 20/32 attribuable à des lésions de DMLA précoce. Les stades 2 et 3 constituent la maculopathie liée à l’âge (MLA) (Fig. 1) qui peut être asymptomatique 10 Figure 1 - DMLA de stade 3, photos du fond d’œil. A. Drusen séreux et intermédiaires. B. Drusen séreux partiellement confluents. C et D. Décollement de l’épithélium pigmentaire drusénoïde et hyperpigmentations Figure 2 - DMLA de stade 4. A. Photos couleur objectivant une plage d’atrophie géographique touchant le centre entourée de drusen de grande taille involutifs. B. Cliché en autofluorescence correspondant avec hypoautofluorescence des zones atrophiques. C. Photo couleur d’une DMLA exsudative avec volumineux hématome maculaire. D. Evolution fibrineuse de l’hématome ou se traduire par un trouble de l’adaptation au changement d’ambiance lumineuse ou encore par un besoin accru d’éclairage lors de la lecture. Les stades 4 et 5 constituent la DMLA à proprement parler (Fig. 2). Les symptômes associent de façon variable une baisse d’acuité visuelle prédominant en vision de près, des métamorphopsies et un scotome central. La DMLA atro- Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 La prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge Figure 3 - Différents types de néovaisseaux choroïdiens. Figure 4 - Anastomose chorio-rétinienne. A. Néovaisseau visible actif en angiographie à la fluorescéine à A et B. Au temps précoce et tardif de l’angiographie à la fluores- 1 minute. B. Néovaisseau visible actif en angiographie à la fluores- céine. C et D. En OCT spectral domain montrant un volumineux céine à 3 minutes montrant une diffusion progressive de l’hyper- œdème intrarétinien entourant l’anastomose en regard de fluorescence initiale. C et D. Néovaisseaux occultes bilatéraux, stade laquelle un décollement de l’épithélium pigmentaire est identi- tardif de l’ICG montrant une plaque hyperfluorescente. E et F. OCT fiable. E. Temps précoce de l’ICG montrant deux vaisseaux réti- spectral domain correspondant objectivant un discret soulèvement niens juxta fovéolaires à l’extrémité dilatée semblant plonger de de l’épithélium pigmentaire isolé à droite et accompagné d’un façon perpendiculaire vers une hyperfluorescence choroïdienne. décollement séreux rétinien à gauche. F. ICG temps tardif, hot-spot. phique, majoritaire, se caractérise par le développement progressif de plages d’atrophie rétinienne autour de la fovéa avec une tendance variable à l’extension notamment en position rétrofovéolaire. Elle ne bénéficie à ce jour d’aucun traitement curatif. La DMLA exsudative est définie par le développement de néovaisseaux choroïdiens de différents types selon leur comportement en OCT et angiographies figures 3 et 4. Elle est désormais traitée par injections intravitréennes (IVT) d’anti VEGF qui en ont considérablement amélioré le pronostic. Cette classification diffère quelques peu de la classification internationale de la DMLA qui souligne l’importance des pseudodrusen. Secondairement, le rapport n°18 de l’AREDS (9) a établi une classification simplifiée permettant de déterminer le risque de développer une DMLA avancée à 5 ans, en fonction des anomalies observées au FO qui sont cotées de la façon suivante : • présence de migrations pigmentaires sur 1 œil = 1 point ; • présence d’au moins 1 drusen séreux sur 1 œil = 1 point ; • les scores de l’œil droit et de l’œil gauche s’additionnant. La présence de drusen intermédiaires bilatéraux correspond à un score de 1 et l’existence d’une DMLA néovasculaire unilatérale à un score de 2. Ainsi le risque de développer une DMLA avancée à 5 ans peut être estimé à : score = 0 : 0,5 %, score = 1 : 3 %, score = 2 : 12 %, score = 3 : 25 %, score = 4 : 50 %. Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 La prévention de la DMLA Historique : l’étude AREDS ❚❚Méthode Cette large étude a étudié 3 557 sujets répartis en 4 groupes : le premier supplémenté par une association de vitamine C (500 mg), de vitamine E (268 mg) et de béta-carotène (15 mg), le deuxième par cuivre (80 mg) et zinc (2 mg), le troisième à la fois par vitamines antioxydantes, cuivre et zinc, le quatrième par un placebo. ❚❚Résultats (10) Une réduction de 25 % du risque de progression de la DMLA a été observée dans le groupe de patients présentant un stades 3 ou 4 11 La prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge de DMLA et traités par l’association de vitamines C et E, de béta carotène, de zinc et de cuivre, contrairement aux groupes traités par l’un ou l’autre de ces éléments seuls et aux groupes de patients présentant un stade plus précoce de DMLA. Aucun effet secondaire majeur n’a été rapporté dans l’AREDS en dehors d’une coloration jaunâtre des téguments par ailleurs réversible. Par contre, un surrisque de cancer pulmonaire associé à la supplémentation en béta-carotène chez les fumeurs a été attesté par deux études (11, 12). Depuis l’AREDS, un faisceau d’arguments a suggéré l’effet protecteur d’autres nutriments ❚❚Les oméga-3 Acides gras polyinsaturés, ils sont représentés d’une part par l’acide alpha-linolénique ou ALA (à chaine courte) et d’autre part par l’acide docosahexaenoique ou DHA et l’acide eicosapentaenoique ou EPA, tous deux à longue chaine. L’ALA et l’EPA sont des précurseurs du DHA qui est fortement concentré dans les segments externes des photorécepteurs. Leur provenance est essentiellement alimentaire, l’organisme ne pouvant les synthétiser. Le DHA est très concentré dans les poissons gras (thons, sardines, maquereaux, saumon), l’ALA dans les huiles d’origine végétale (colza, soja, noix, germe de blé). Des études épidémiologiques ont montré que les sujets présentant une alimentation riche en oméga-3 et pauvre en acides gras polyinsaturés de type oméga-6 présentaient un moindre risque de DMLA (13, 14). Une méta-analyse de Chong et al (15) concluait récemment à la nécessité d’études randomisées supplémentaires pour attester formellement l’intérêt d’une supplémentation par oméga-3. ❚❚Les caroténoïdes La lutéine et la zéaxanthine composent physiologiquement le pigment xanthophylle maculaire où ils jouent un double rôle de filtre des courtes longueurs d’onde associé à une action antioxydante. Tout comme les oméga-3, leur source est essentiellement alimentaire. Ils sont présents à de fortes concentrations dans le cresson, les épinards, le chou vert, la laitue, les brocolis, les petits pois, le maïs et le jaune d’oeuf. Leur rôle a d’abord été suggéré par des études épidémiologiques fondées sur des questionnaires alimentaires retrouvant un plus faible taux de DMLA chez les sujets à l’alimentation riche en légumes verts (16, 17). Une augmentation de la densité du pigment maculaire a d’autre part été observée chez des sujets supplémentés en lutéine et zéaxanthine (18). Des études interventionnelles de petite taille ont également suggéré l’effet bénéfique d’une telle supplémentation (19). Une méta-analyse récente reprenant les résultats des différentes études parues à ce jour concluait à l’intérêt d’une supplémentation en lutéine et zéaxanthine pour prévenir la survenue d’une DMLA néovasculaire mais pas la survenue d’une DMLA précoce (20). Dans un avenir proche : l’étude AREDS 2 Actuellement en cours, elle étudie l’intérêt d’une association entre la formule de l’AREDS 1 avec ou sans bétacarotène, les oméga-3 et la lutéine/zéaxanthine. Ses résultats très attendus pourront prochainement (fin 2012) établir Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50 plus finement la dose nécessaire exacte de chacun des nutriments évalués par la première version de l’AREDS et apporter la preuve de l’intérêt d’y ajouter des oméga-3, de la lutéine et de la zéaxanthine. Les vitamines du groupe B Les vitamines B6, B9 et B12 interviennent dans le métabolisme de l’homocystéine en réduisant son taux circulant. Dans la Blue Mountain Eye Study, une hyperhomocystéinémie ou un faible taux sanguin de vitamines B12 étaient associés à un risque plus élevé de DMLA (21). Une récente étude a retrouvé une diminution du risque de DMLA en cas de supplémentation en vitamines du groupe B dans une population très spécifique de femmes présentant une pathologie cardiovasculaire préexistante ou de multiples facteurs de risque (22). Le bénéfice d’une telle supplémentation dans une plus large population reste à démontrer. Les extraits de myrtille Malgré leur vertu antioxydante supposée, l’intérêt de leur consommation à visée préventive dans la DMLA reste à démontrer. Que faire en pratique ? La première étape de la prévention de la DMLA suppose un dépistage des lésions éventuelles du fond d’œil par un examen ophtalmologique au moins annuel chez le sujet de plus de 55 ans, qui déterminera l’existence ou non d’éventuels précurseurs. Prévention primaire En prévention primaire, c’est-àdire chez le sujet sain, indemne de DMLA, il n’existe pas suffisamment de preuves scientifiques 13 L’essentiel sur… pour conseiller une supplémentation en micronutriments (1). On peut conseiller une éviction des facteurs de risque (tabagisme, surpoids, HTA) associée à une alimentation riches en vitamines C (poivrons, kiwis, agrumes), vitamine E (huiles et margarines végétales), zinc (huitres, coquillages, pain complet, foie), caroténoïdes et oméga-3, d’autant plus que le patient présente des antécédents familiaux de DMLA. Une prévention ciblée avec supplémentation en micronutriments des individus sains présentant un risque relatif de DMLA élevée du fait de leurs variants génétiques pourrait à l’avenir être envisagée (23). Prévention secondaire En prévention secondaire, c’està-dire pour diminuer le risque de développer une DMLA sévère ou retarder sa survenue, chez des individus présentant une DMLA précoce, la conduite à tenir est cette fois mieux codifiée et comprend : • Les règles hygiéno diététiques précédemment citées : arrêt du tabac, réduction pondérale, traitement d’une HTA et alimentation variée. Il faut toutefois préciser que le sur risque lié à la consommation de tabac n’est annulé qu’après 20 ans de sevrage. • Une association d’antioxydants type AREDS (sans béta carotène pour les fumeurs, même sevrés), seule supplémentation formellement validée; en se rappelant que les concentrations en vitamines C, E et zinc validées par l’AREDS sont très supérieures aux apports journaliers recommandés et qu’une simple alimentation équilibrée ne suffit donc pas à atteindre ces niveaux d’apport. Par exemple, la dose de vitamine C préconisée par l’AREDS nécessiterait la consommation de 7 à 8 oranges par jour… • Une supplémentation éventuelle en caroténoïdes et oméga-3. Il s’agit de recommandations qui pour l’heure, dans l’attente des résultats de l’AREDS 2, ne s’appuient pas sur des preuves scientifiques formelles. Cependant, les effets secondaires potentiels étant minimes et le bénéfice attendu important, la lutéine, la zéaxanthine et le DHA ont déjà été intégrés dans bon nombre de préparations visant à prévenir l’aggravation d’une DMLA, en association au cocktail validé par l’AREDS le plus souvent dépourvu n de béta-carotène. Mots-clés : DMLA, Prévention, Classification, Nutriment, Bibliographie 1. Krishnadev N, Meleth AD, Chew EY. Nutritional supplements for age-related macular degeneration. Curr Opin Ophthalmol 2010 ; 21 : 184-9. 2. Desmettre T, Lecerf JM, Souied EH. Nutrition and age-related macular degeneration. J Fr Ophtalmol 2004 ; 27 : 3S38-56. 3. Klein R, Chou CF, Klein BE et al. Prevalence of age-related macular degeneration in the US population. Arch Ophthalmol 2011 ; 129 : 75-80. 4. Clemons TE, Milton RC, Klein R et al ; Age-Related Eye Disease Study Research Group. 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