Institut des Humanités de Paris Séminaire « Réinventer les

Transcription

Institut des Humanités de Paris Séminaire « Réinventer les
Institut des Humanités de Paris Séminaire « Réinventer les Humanités » Vendredi 20 janvier 2012 15h-­‐-­‐-­‐17h Grands Moulins (995C) Pour une anthropologie historique des savoirs Séminaire organisé par : Christian Jacob, directeur d'études à l'EHESS, directeur de recherche au CNRS. Directeur scientifique des Lieux de Savoir (Albin Michel vol.1, 2007, vol. 2, 2011) et Aurélien Berra, maître de conférences à l'Université Paris-­‐Ouest Nanterre La Défense et enseignant à l’EHESS (Édition savante et humanités numériques) et contributeur aux Lieux de savoir Résumé programmatique : Peut-­‐on concevoir une anthropologie des savoirs allant au-­‐delà des barrières des disciplines, au-­‐delà des clivages entre sciences et humanités, entre techniques et spiritualités ? Telle est la question au cœur du projet des Lieux de savoir, dont deux volumes ont été publiés par les éditions Albin Michel (2007 et 2011). Interdisciplinaire, comparatiste, cette entreprise tente de renouveler les questionnements et les approches portant sur les formes et les modalités du savoir humain, les gestes et les opérations qui les produisent et les transmettent, les supports matériels et les instruments qu'elles mobilisent. Nous présenterons les hypothèses de travail à la base de ce projet, sa problématique d'ensemble. Nous discuterons également quelques exemples précis, portant notamment sur la mise en forme graphique des savoirs et sur les opérations intellectuelles. Nous ouvrirons enfin la réflexion sur les étapes à venir de ce travail collectif, auquel nous souhaitons donner une dimension nouvelle, sous la forme d'une édition numérique et d'une communauté de recherche ouverte.
Bibliographie sur http://lieuxdesavoir.hypotheses.org Compte-­‐rendu par Florence Dupont1 Historique du projet. Christian Jacob, présente d’abord l’historique du projet « Lieux de Savoir ». Celui-­‐ci a une double origine. Il est lié à l’histoire récente : à l’ouverture de la Biblioteca Alexandrina en Égypte (http://www.bibalex.org/) et à l’édification de la nouvelle BNF qui ont été l’occasion d’une réflexion sur le rôle des bibliothèques, le type de savoirs qu’elles impliquaient et plus généralement la culture du livre. C’est l’époque où la nouvelle BNF suscite de Vu l’importance pour les Humanités des Lieux de savoir, j’ai ajouté au compte-­‐rendu des informations sur les travaux qui ont précédé leur publication et un questionnement qui m’est apparu postérieurement.
1
nombreuses polémiques. D’où deux publications à la BNF destinées à rappeler qu’une bibliothèque est un lieu de savoir et de travail « le pouvoir des bibliothèques », de la tradition occidentale entre Alexandrie et la modernité. DES ALEXANDRIES I. DU LIVRE AU TEXTE Sous la direction de Luce Giard et de Christian Jacob, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2001. Christian Jacob. La carte des mondes lettrés Des Alexandries Jean Sirinelli. Alexandrie royaume du livre Mostafa El Abbadi. Alexandrie : carrefour des cultures Mohsen Zahran. Naissance d'une bibliothèque : la Bibliotheca Alexandrina Gérald Grunberg. Bibliotheca Alexandrina: Identité, coopération, nouvelles technologies Daniel Renoult. Les Bibliothèques numériques Jean-­‐Gabriel Ganascia. Le bâtisseur, l'informaticien et le cogniticien Corpus Christian Jacob. Fonder Gilles Dorival. La fixation du Canon de la Bible. Entre Jérusalem et Alexandrie Charles Malamoud. Le corpus védique Gregory Nagy. Homère comme modèle classique pour la Bibliothèque antique: les métaphores du corpus et du cosmos Anne Cheng. Le corpus canonique confucéen Alfred-­‐Louis de Prémare. Coran et Hadîth Bibliothèques et lettrés Christian Jacob. Réunir Jean-­‐Jacques Glassner. Scribes, érudits et bibliothèques en Mésopotamie Nicolas Grimal. Les scribes et la transmission des savoirs en Égypte ancienne Tiziano Dorandi. Pratiques "philologiques" à la bibliothèque de la Villa dei Papiri à Herculanum. Javier Teixidor. D'Antioche à Bagdad: bibliothèques et traductions syriaques Guglielmo Cavallo. Les bibliothèques monastiques et la transmission des textes en Occident Pierre Petitmengin. Collections de manuscrits et bibliothèques européennes : un tournant (fin XVIe-­‐
début XVIIe siècle) Traditions de textes Luce Giard. Conserver Gérard Colas. Critique et transmission des textes dans la littérature sanskrite Bernard Faure. Texte et " tradition orale " dans le Bouddhisme japonais médiéval et prémoderne Bernard Vitrac. La transmission des textes mathématiques : l'exemple des Éléments d'Euclide Luciano Canfora. La tradition indirecte: le cas de la Bibliothèque de Photius Pierre Lardet. Variante, conjecture, apparat : la philologie en acte Construction sociale des traditions Luce Giard. Composer Olga Davidson. La 'publication' des textes arabes sous forme de lectures publiques dans les mosquées Christian Förstel. La transmission des manuscrits grecs de Byzance en Italie Anthony Grafton. Les correcteurs d'imprimerie et la publication des textes classiques Jean-­‐Marc Chatelain. Polymathie et science antiquaire à la Renaissance Benjamin Elman. La crise de l'éducation classique en Chine au XVIIIe siècle Peter Kornicki. Le nationalisme et la construction d'une tradition philologique au Japon au XIXe siècle Et DES ALEXANDRIES II. LES MÉTAMORPHOSES DU LECTEUR sous la direction de Christian Jacob Paris, Bibliothèque nationale de France, 2003 Ouverture Christian Jacob. L'art de lire Henri-­‐Jean Martin. Du livre à la lecture Le lettré et ses livres Manier -­‐ Jean-­‐Jacques Glassner. La circulation et la transmission des oeuvres en Mésopotamie -­‐ Jean-­‐Luc Fournet. Le cabinet d'un homme de lettres d'après le dossier de Dioscore d'Aphrodite. -­‐ Guglielmo Cavallo. Lire, écrire et mémoriser les Saintes Écritures -­‐ Jean-­‐Pierre Drège. Comment devient-­‐on lecteur dans la Chine impériale? -­‐ Ayman Fu'ad Sayyid. Que reste-­‐t-­‐il de la bibliothèque des Fatimides ? La fabrique de la lisibilité Maîtriser -­‐ Gregory Nagy. Lire la poésie grecque à haute voix -­‐ François de Polignac. Décomposition et recomposition d'une culture savante: l'exemple des Vies d'Alexandre -­‐ Olga Davidson. Une "publication" non canonique dans le monde perse classique: un poème de Rudaki. -­‐ Jean-­‐Marc Chatelain. Les lecteurs humanistes à la Renaissance -­‐ Mona Tolba. Deux lectures de Abu El Alaa El Maari (979-­‐1058) Les chantiers du lecteur Penser -­‐ Jean Irigoin. Lire, c'est chercher à comprendre -­‐ Anne Cheng. Comment lit-­‐on les classiques dans la Chine impériale -­‐ Mary Carruthers. Lecteurs et art de la mémoire dans l'Occident médiéval -­‐ Jean Céard. Portrait de Guillaume Budé, lecteur humaniste -­‐ Natania Meeker. Les troubles du lecteur selon La Mettrie Lire pour écrire Maîtriser -­‐ Peter Bing. La poésie érudite à Alexandrie: l'exemple de Philetas de Cos -­‐Lorenzo Perrone. Le commentaire biblique d'Origène entre philologie, herméneutique et réception -­‐ Ann Moss. L'organisation du savoir: le livre de lieux communs à la Renaissance -­‐ Jean-­‐Pierre Lefebvre. Traduire avec des machines -­‐ Bernard Stiegler. Sociétés d'auteurs et sémantiques situées On voit d’après ces deux tables des matières la seconde origine du travail de Christian Jacob et de l’équipe qui l’entoure. Leur point de départ intellectuel est l’anthropologie historique de l’Antiquité telle qu’elle a été initiée par Jean-­‐Pierre Vernant et Pierre Vidal-­‐Naquet au Centre Louis Gernet. Le noyau dur de l’ouvrage est constitué par les domaines grecs où s’est construite une méthode de intellectuelle – appelée à l’étranger l’École de Paris, puis une volonté comparatiste a agrégé aux hellénistes, un second cercle : romanistes, médiévistes, spécialistes du Moyen Orient ancien et des cultures arabo-­‐islamiques, enfin de la Chine et du Japon. Tous travaillant sur des cultures lettrées. Le pluriel « des Alexandries » montre le refus d’une centralité de la Grèce et au contraire la volonté d’un pluricentrisme, évitant toute historicisation impérialiste (« miracle grec »). S’ajoute un troisième cercle, encore maigre, celui de la modernité. Déjà se dessine un mode d’exposition « thématique », ni diachronique ni géographique qui regroupe des monographies, dans des rubriques définissant des processus comme « lire pour écrire », qui sera celui des Lieux de savoir. Le soutien de diverses institutions, dont le CNRS, a permis le vaste projet des Lieux de savoir, qui reprend les méthodes de travail et d’exposition des deux Des Alexandries. Il ne s’agit plus seulement de savoirs lettrés organisés autour de la question du livre et des bibliothèques, mais de tous les savoirs englobant les sciences humaines, les sciences exactes et techniques, appartenant à toutes les aires culturelles. Le projet consiste donc à constituer le champ anthropologique des savoirs. Il est intéressant de comparer les tables des matières (documents joints) à celles des Des Alexandries. Christian Jacob présente la notion de savoir Christian Jacob s’explique sur le choix du terme « savoir ». Choix stratégique du terme « savoir » plutôt que celui de « sciences » ou tout autres. Choix d’un titre englobant au lieu d’une énumération des différents savoirs pris en compte. Ce qui permet de faire disparaître les cloisonnement disciplinaires ou autres clivages posés à priori dans la définition de l’objet ; par exemple entre sciences humaines et sciences exactes, mais aussi savoir-­‐faire et spiritualités, théories et pratiques ou sciences et techniques… C’est un titre ouvert qui peut accueillir des savoirs nouveaux. Le savoir n’est pas une catégorie philosophique ferme, elle appartient plutôt à l’anthropologie. (Le terme est celui choisi par Foucault dans l’archéologie du savoir, La volonté de savoir. FD). C.J. propose la définition suivante. Les savoirs sont (verbatim) « l’ensemble des procédures, discours et formes d’action par lesquels les membres d’une société située dans le temps et dans l’espace, ou d’une communauté englobée dans cette société, vont donner sens au monde dans lequel ils vivent, monde physique ou métaphysique, visible ou invisible, vivant et matériel, bien entendu le monde humain lui-­‐même dans la pluralité de ses traditions de son rapport à l’espace et au temps ». Le savoir est un (verbatim) « processus de sémantisation, socialisation et appropriation du monde par des groupes humains », Qui se réalise « des médiations comme les langages, signes symboliques ou protocoles particuliers d’action comme la construction, la guérison. » (Définition à la fois théorique et empirique qui utilise à son tour l’énumération, mais sans donner une liste définitoire et définitive, c’est une liste d’exemples, ouverte FD) Les collaborateurs des LS ont voulu non pas placer au centre de l’enquête un type de rationalité particulier mais envisager d’emblée des rationalités multiples, comme celles du devin du magicien, du scientifique ; ils ont aussi refusé des clivages du type culture avec écriture vs culture sans écriture. Regardées du point de vue des savoirs, toutes les cultures témoignent de la sémantisation et de l’appropriation du monde. Donc sans présupposer une hiérarchie des cultures ou même des proximités, il est possible d’établir des analogies de fonctionnement, inattendues, pour des types d’opération incluses dans des protocoles d’établissement du savoir très différents. Certes il y a un présupposé : il n’y a pas de sociétés humaines sans savoirs, des plus spéculatifs aux plus opératifs et quotidiens. Un ouvrage de référence pour le 2ème vol. a été le fameux livre d’Yvonne Verdier, Facons De Dire, Facons De Faire -­‐ La Laveuse, La Couturière, La Cuisinière, Gallimard 1979, sans cesse réimprimé. Cette étude d’ethnographie rurale dans le Dijonnais vers des années 1960, est exemplaire par sa minutie. Elle montre comment sont à l’oeuvre à chaque moment de la vie une multitude de savoirs cohérents qui informent la vie sociale et construisent une représentation du monde totale incluant une cosmologie. Minot, le village étudié par Yvonne Verdier est un lieu de savoirs. Comme de nombreuses sociétés traditionnelles ou communautés minoritaires, le plus souvent exclues des espaces savants. Ce qui ne sera pas le cas pour les Lieux de Savoir. . Le champ anthropologique des savoirs est donc un champ épistémologiquement multipolaire. Ce qui est un choix humaniste et politique. Le projet date du début du XXIe s. Au moment où « le choc des civilisations » s’imposait comme paradigme. D’où la visée humaniste de ce projet : tisser des liens entre les cultures, retrouver des formes d‘identités profondes sans faire d’amalgame, affirmer l’unité des cultures humaines à travers les savoirs. Aurélien Berra présente la notion de lieux Notion centrale dans l’ouvrage, particulièrement visible dans le Premier volume ; « Espaces et communautés ». Cette notion de lieu est déclinée de plusieurs façons. Ce sont des espaces concrets : bureaux, laboratoires, écran d’ordinateur ou des espaces métaphoriques, groupes sociaux ou individus, réseau de savants, traditions… L’ouvrage veut être lui-­‐même un lieu de savoirs. Tous les articles sont fondés sur des cas, définissant les lieux. Il s’agit de faire une cartographie des savoirs, chaque article est un point sur une carte, créant un espace « granulé », ce qui induit un nombre potentiel infini de lieux de savoir. Comment organiser un livre à partit de lieux uniques et a priori incomparables ? (Question posée par Marcel Detienne il y a quelques années dans Comparer l'incomparable. Paris, Seuil 2000). Comment faire dialoguer des anciens lettrés chinois et des biologistes contemporains ? Ils sont juxtaposés et le comparatisme sera un effet de la lecture. Le livre va faire dialoguer ces lieux par le dispositif éditorial qui ignore les regroupements géographiques ou temporels, mais suggère des rapprochements entre des dispositifs pratiques, comme on le voit à cet extrait de la table des matières du vol. 1. ■ PARTIE 2 ■ LIEUX DU TRAVAIL SAVANT SECTION 3 – Laboratoires 5 ■ Entre intimité et ostentation « Un monde à soi ou les espaces privés de la pensée », Sophie Houdart « Le studiolo à la Renaissance », Christopher S. Celenza « Jardins et pavillons dans la Chine des Ming », Richard Schneider « La maison de Karl Otfried Müller à Göttingen. L’autoreprésentation d’un professeur allemand vers 1835 », Paul Zanker 6 ■ Espaces partagés « Réseaux, généalogies, contrats : collectifs savants », Rafael Mandressi « Secrets de famille : prêtres et astronomes à Uruk à l’époque hellénistique », Eleanor Robson « Leopold von Ranke, la passion de la critique et le séminaire d’histoire », Kasper Risbjerg Eskildsen « Naissance d’une biopolitique des médicaments. La fabrication de l’insuline (1922-­‐1925) », Christiane Sinding Aucune théorie ni conceptualisation n’ancre ce travail dans une tradition philosophique ou une science humaine particulière. C’est un ouvrage interdisciplinaire, sans ancrage théorique unique : les éditeurs ne font référence ni à Foucault ni à Bourdieu ni à de Certeau qui sont pourtant à l’horizon intellectuel de l’entreprise. La seule référence est Yvonne Verdier. (Qui pour moi aussi est la Bible FD). L’ouverture théorique va de pair avec l’accueil de jeunes des chercheurs en devenir (doctorants). Cela tient à ce que Jean-­‐Pierre Vernant et les antiquisants qui ont travaillé avec lui et à sa suite ont toujours formé une communauté sans hiérarchie et hétérogène – philosophes, historiens, anthropologues, philologues, psychologues -­‐ créant ainsi une tradition. Exemple d’un « lieu de savoir », où espace physique et communauté sont intrinsèquement liés : Le bureau d’un lettré. « Leopold von Ranke, la passion de la critique et le séminaire d’histoire » par Kasper Risbjerg Eskildsen La relation maître et élèves est inscrite dans un lieu : le bureau du maître Leopold von Ranke, accueillant chez lui, dans son espace personnel de travail, ses étudiants en histoire qu’il choisissait (pour les former à sa propre méthode. Créant ainsi une communauté savante, espace de sélection et de transmission. Usages de la métaphore du lieu Il est possible d’établir des liens entre ces lieux :en suivant les itinéraires de savants, les trajets des philosophes antiques, les voyages des étudiants, la circulation des livres, les importations de technique…, permettant ainsi de dessiner une cartographie culturelle avec des espaces reconstitués à partir de lieux singuliers (points). La métaphore intellectuelle de la cartographie culturelle est essentielle au projet, Ces lieux de savoir ont certes une généalogie : une parenté certaine avec les lieux communs (loci ou topoi) de la rhétorique ; et une parenté plus vague avec les Lieux de mémoire de Pierre Nora. Les lieux de savoir, en effet, sont bien souvent inconnus du grand public : à la différence des lieux de mémoire de Nora qui appartiennent à une mémoire partagée par la majorité de ceux pour qui ils fonctionnent. II Matérialité des savoirs Ouvert sur les sciences expérimentales, les mathématiques et tous les langages artficiels, les LS. s’intéressent aussi au renouvellement du savoir par les pratiques numériques. En abordant par leur aspect pratiques ces savoirs numérisés, les LS montre que la prétendue dématérialisation du savoir est un pur mythe : ils présupposent des postures physique, induisent des comportements intellectuels (habitus), ont des implications sociales (délocalisation..), permettent des stratégies de pouvoir (Google), suscitent des conflits d’intérêt (Adopi). Ils sont aussi matériels et historiques que les autres. C’est contre une transparence illusoire de ce savoir numérique et l’idée que la pensée n’a pas de mains que le 2d volume a pour titre « Les Mains de l’intellect ». Il ne s’agit pas d’affirmer que l’instrument détermine la pensée, mais de constater que le savoir est toujours instrumenté : par des livres (cf. Les travaux de Roger Chartier), qu’il est liée aux techniques de l’écriture, ou de la parole, ou encore de la numérisation. Il n’y a pas non plus de savoir sans corps. Exemple des Véda, que les 3 classes des initiés (les Brahmanes : les prêtres, Les Ksatriyas : les rois et guerriers, les Vaishyas : les producteurs) doivent apprendre par cœur. La récitation védique est une inscription dans le corps, elle demande des récitants et non des savants. Jacob Les LS ont pour objet les opérations et non pas les contenus : ce n’est ni une histoire des idées ni une histoire des cultures ni une histoire intellectuelle. Ces opérations permettent de produire du savoir ou sont induites par les artefacts du savoir matérialisé. C’est le codage, inscription. et par contrecoup le décodage, la réactualisation et l’appropriation. Les types d’opération étudiés supposent des apprentissages locaux, des techniques apprises dans des communautés de savoir-­‐faire, des techniques sociales. Ces savoir-­‐faire, opérations graphiques et discursives, ne relèvent pas des sciences cognitives. Le modèle de référence est l’ethnographie du laboratoire par Bruno Latour, type d’enquête qui dépayse avec des situations de travail qui sembleraient anodines celles de la science contemporaine en train de se dérouler. Rien d’accessoire (cf. le trombone). Ambition du vol 2 : présenter un modèle intellectuel pour étudier la génétique des savoirs. A partir des brouillons, des calculs préparatoires, expériences ou répétitions et apprentissages. Aucun ancrage théorique de départ dans une philosophie particulière : les articles partent de situations concrètes, la théorie « essaie de suivre ». Au départ il y a seulement des choix méthodologiques. Ce volume est une base de travail et des lecteurs ont fait part aux auteurs d’applications imprévues à toutes sortes de disciplines. D’où un site de dialogue.http://lieuxdesavoir.hypotheses.org Quelques pistes de réflexion pour les Humanités ? Une fois encore nous rencontrons une communauté de chercheurs qui font sauter le découpage disciplinaire, comme cadre intellectuel, tout en s’appuyant sur la compétence pointue de chaque chercheur dans sa spécialité. Allons-­‐nous étendre les Humanités à tous les Savoirs ? Paradoxalement C. Jacob fait un usage traditionnel et restreint du mot. Cependant il affirme que le savoir est, en gros, le propre de l’homme…
Ce que les Lieux de savoir appellent les processus de sémantisation, socialisation et appropriation pourraient être une voie pour libérer les Humanités de leur carcan qui les réduit à la littérature et aux idées, et les penser aussi comme des pratiques sociales et matérielles.