FORMATION SUR LE FILM D`ANIMATION L`ÎLE DE BLACK MOR de

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FORMATION SUR LE FILM D`ANIMATION L`ÎLE DE BLACK MOR de
FORMATION SUR LE FILM D'ANIMATION
L'ÎLE DE BLACK MOR
de Jean-François Laguionie
Le mercredi 5 octobre 2016, l’association Collège au Cinéma 37 a eu le plaisir de recevoir Christophe Héral,
compositeur du film L'Île de Black Mor programmé pour les collégiens au premier trimestre 2016/2017 dans
le département de l'Indre-et-Loire.
Christophe Héral a composé la musique de Kérity, la maison des contes. Il a fait la musique de plusieurs
courts métrages dont Périphéria qui a reçu le prix du public au dernier festival d'Annecy mais aussi un prix à
Hiroshima et il est également en lice pour les César. Il travaille également comme compositeur pour les jeux
vidéo. https://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_Heral
http://www.heral.net/
Ceux qui travaillent le son dans le milieu du court métrage d'animation réalisent le son, les ambiances, le
bruitage, les effets spéciaux. Christophe Héral revendique la totalité de la bande son mais quelquefois, il est
contacté seulement pour faire du "sound design" c'est-à-dire, le mixage, les ambiances et les bruitages
comme pour le film Chienne d'Histoire qui a reçu la Palme d'Or du court métrage au festival de Cannes en
2010 (https://www.youtube.com/watch?v=YMzp8v1AVzU).
Christophe Héral a fait des études pour faire de la musique tout en s'intéressant parallèlement au son en
général et il a ainsi appris deux métiers différents.
Au cinéma, il trouve plus intéressant de composer de la musique pour les films d'animation. Le fait de faire
du bruitage, de jouer plusieurs instruments, de fabriquer du son lui a ainsi permis d'être directeur artistique
audio.
Enfant, sa première expérience avec le son fut quand il a écouté à travers la porte la série télévisée
Belphégor chez ses grands parents.
I - Musique au cinéma
Jean-Luc Godard dit de l'audiovisuel "Audio est tellement important qu'il se trouve au début du mot
audiovisuel". Le cadre et le montage font également partie du cinéma. Le cinéma est finalement une image
montée.
Le film Je vous salue, Sarajevo de Jean-Luc Godard ne comprend qu'une musique, qu'une voix et qu'une
image.
Il y a deux techniques pour monter la musique sur le film : diégétique et extra-diégétique.
- La musique diégétique :
> la source de la musique est identifiée dans l'espace.
> la musique est entendue par les acteurs (exemple : La Belle et le Clochard).
- La musique extra-diégétique :
> les personnages ne sont pas sensés entendre la musique diffusée.
- La musique "diégétiquement extra-diégétique" (concept inventé par Christophe Héral !):
> il a travaillé sur le documentaire Bosnie, à l'école des nationalismes de Benoît Califano (2005) où
le thème était "montre-moi ton école, je te dirai dans quel pays tu es". Le réalisateur était allé dans plusieurs
pays (Bosnie, Afghanistan, Maroc). La même idée avait été développée dans le film Sur le chemin de l'école
de Pascal Plisson (France - 2013 - 1 h 17). L'enseignant se trouve dans un bâtiment où un piano joue d'une
manière lointaine au début puis de plus en plus près jusqu'à ce que le spectateur prenne conscience que la
musique remplace le piano absent dans la salle de classe où l'enseignant donnait des cours de musique
avant la guerre.
La notion de "sound design" est apparue au cinéma avec Walter Murch, monteur, scénariste et réalisateur
américain. Il a fait tout un travail sur Apocalypse Now en malaxant des sons de différentes origines : Par
exemple dans la 1ère scène, où un son de ventilateur devient le bruit de la pale d'un hélicoptère, en même
temps mixé avec une musique extra diégétique (The Doors). Trop souvent au cinéma les départements du
son et de la musique ne communiquent pas entre eux. Le sound design permet au contraire de combiner les
deux approches.
La musique peut parfois aussi jouer le rôle de sound design comme Jacques Ibert avec Macbeth d'Orson
Welles (1948). Pour la première fois, il a illustré musicalement des mouvements d'appareil comme par
exemple, le flou ou le zoom. Le travail du compositeur a été fait en fonction de l'image. D'autres s'en sont
ensuite inspirés, comme dans Le Pacte des Loups.
Dans ce cas, le sound design et la musique s'accordent pour ne faire qu'un. Par exemple, dans Chienne
d'histoire de Serge Avédikian, Christophe Héral a accordé les aboiements des chiens avec la musique
composée par Michel Karsky (les chiens sont synchronisés avec les clarinettes).
L'écoute amoureuse : dans cette scène d' Hiroshima mon amour d'Alain Resnais le personnage entend des
conversations en attendant son rendez-vous et quand son rendez-vous arrive et qu' il commence à lui parler,
les spectateurs n'entendent plus les autres conversations (exemple : https://www.youtube.com/watch?v=UhSXiVTR7Y - les conversations reprennent après les deux claques).
Séquence de Raging Bull (https://www.youtube.com/watch?v=ERQvzkooGTo&feature=youtu.be) : dans cette
scène où De Niro vient se battre avec Joe Pesci, le compositeur s'est amusé à manipuler la musique
(diégétique, diffusée par la radio), à la mixer avec virtuosité aux sons d'ambiance. Il faut préciser qu' à
l'époque Scorsese disposait de 14 semaines pour mixer le film, ce qui lui procurait un vrai confort de travail.
Dans Les vacances de M. Hulot de Jacques Tati, le son acquière une signification quasi politique (ou du
moins crée le gag), car le spectateur n'entend pas la voiture du riche, seulement celle du pauvre
(https://www.youtube.com/watch?v=jp-Fiqw6THI, à 45").
Dans cette séquence de Star Wars, le silence avant l'explosion crée un effet qui permet de mettre en valeur
le son suivant (https://www.youtube.com/watch?v=erFcYsC6JaY).
On peut remarquer ici que le mot "Inouï" peut aussi être utilisé au cinéma. Cette recherche sonore existe
aussi ailleurs qu'au cinéma, dans la musique expérimentale du XXe siècle Ainsi en France le compositeur
Jean-Claude Risset a inventé un son dit "paradoxal" (son qui donne l'impression de monter sans fin) en
suivant un algorithme mathématique (https://en.wikipedia.org/wiki/File:DescenteInfinie.ogg).
II - L'Île de Black Mor
Le travail musical a demandé cinq semaines et le même temps pour l'enregistrement des sons. Pour le
mixage, Christophe Héral a eu besoin de 6 jours. Les sons ont été enregistrés en multicanal à Quiberon. Les
sons de La Lande sont enregistrés avec un dispositif de micros spatialisés, proche du son multicanal d'une
salle de cinéma (sons que le spectateur entend de l'arrière ou sur les côtés) ce qui crée un véritable espace.
L'équipe de a loué un bateau pour faire du son en installant par exemple un micro sur le mât Ils ont
enregistré des heures de son sans qu'ils puissent se parler entre eux. Le bateau est ainsi devenu un
"personnage sonore" à part entière dans le film.
Pour préparer son travail de composition, Jean-François Laguionie a donné à Christophe Héral son roman
L'Île de Black Mor (Éditions Albin Michel) et le livre La Bretagne de Henri Rivière (Éditions Langlaude).
Pour le film d'animation, chaque animateur a la charte graphique des personnages. Le réalisateur fait le
storyboard qu'il envoie à l'animation. Le storyboard est ensuite filmé, ce qui est appelé l'animatique
(définition : L’animatique est un enregistrement du storyboard synchronisé sur la bande-dialogues. Le
principe est l’élaboration d’une maquette visuelle permettant de vérifier notamment la correction du minutage
et la pertinence des raccords.).
Sur l'animatique, il n'y avait pas de bruitages mais la musique de Debussy et les voix. Christophe Héral s'est
servi de l'animatique pour composer. Le Kid a son thème, la piraterie également avec le cor.
Christophe Héral a choisi le violoncelle car cet instrument a une tessiture étendue (il peut jouer très grave et
très aigu), et peut ainsi évoquer les incertitudes et les transformations de l'adolescence.
Scène de l'évasion : il y a une progression, il trouvait intéressant de partir dans le registre très grave du
violoncelle alors que le Kid vient de s'évader ce qui devrait nous rendre heureux mais cela ne suffit pas. Plus
le Kid ira vers une mer qui est grande, plus l'orchestration montera au fur et à mesure dans sa tonalité. Il n'y
a pas de situation tragique, le Kid ne meurt pas puisque le film vient de débuter...
Scène du monastère : les nuages sont comme des taches blanches. Christophe Héral a demandé au
violoniste de jouer sans vibrer pour avoir un son pur. Ensuite il y a un retour du quatuor à cordes dans une
écriture plus animée, pour la découverte de Petit Moine.
Séquence de la cascade (40 minutes 57 secondes) :
Il y a un parti pris de la part de Christophe Héral : en faisant intervenir la harpe alors que Kid et Ficelle jouent
avec l'eau, le compositeur prend le spectateur par la main pour lui montrer ce qui est le plus important mais
qu'il ne voit pas encore, Petit moine sous la cascade. La harpe nous attire vers la cascade. Quand le Kid
donne la main à Petit moine, on entend le violoncelle et le thème du Kid. Quand ils s'embrassent, Christophe
Héral a tenu délibérément à ne pas mettre de musique, pour préserver la fraîcheur de la scène, et ne pas
l'alourdir par une musique souvent trop conventionnelle dans les scènes d'amour au cinéma.
Il a présenté à Jean-François Laguionie les thèmes au piano puis après son accord, il les a enregistrés. Au
début du film, une fausse chanson traditionnelle est jouée avec la musique de Christophe Héral et les
paroles de Jean-François Laguionie.
La scène du chant des flibustiers est interprété par une chorale amateurs : https://www.youtube.com/watch?
v=hposzGPFlK8.
III - Courts métrages d'animation
Dans La Queue de la souris de Benjamin Renner (Ernest et Célestine, ndlr), l'instrument devient l'objet du
bruitage. En effet, Christophe Héral passait les doigts dans les cordes du violon pour faire le bruitage des fils
qui entourent le lion (lien pour voir le court métrage : https://www.youtube.com/watch?v=9EdykvCXubI).
Dans La Douce d'Anne Larricq, il a utilisé les cordes du piano pour faire le bruit de la pluie et a joué du piano
pour l'ouverture du parapluie.
Il a travaillé avec une vingtaine d'étudiants dans sept écoles d'animation française où dans un premier
temps, il a composé la musique et dans un second temps, les étudiants ont réalisé un court métrage
d'animation à partir de la musique proposée.
L’association Collège au Cinéma 37 remercie Christophe Héral de sa venue pour son intervention à Tours
sur ce film devant les professeurs investis dans le dispositif Collège au cinéma.
Bibliographie disponible au bureau de l'association :
- L'Île de Black Mor de Jean-François Laguionie (Éditions Albin Michel)
- La Bretagne de Henri Rivière (Éditions Langlaude).

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