Alimentation et troubles de la croissance du chiot

Transcription

Alimentation et troubles de la croissance du chiot
C o m m u n i c a t i o n
Alimentation et troubles
de la croissance du chiot :
combattons les idées reçues !
par Maxime Coquet
Docteur vétérinaire,
CES de diététique canine et féline, CES d’ophtalmologie vétérinaire,
Clinique vétérinaire Jules Verne, 80210 Feuquières en Vimeu
RÉSUMÉ
Pendant la croissance du chiot, les risques nutritionnels/pathologiques sont dominés par les
risques d’excès : surnutrition et vitesse de croissance excessive, complémentation minérale ou
vitaminique inadéquate ou anarchique… Les déséquilibres, notamment protéines/énergie,
énergie/minéraux ou entre minéraux devront être prévenus et une attention particulière sera
également apportée notamment à l’apport d’acides gras essentiels, à l’hygiène et au mode de
distribution de l’aliment.
En pratique, le suivi, la pesée régulière du chiot, l’appréciation de son indice de condition
corporelle (ICC), l’individualisation de son rationnement quantitativement et qualitativement
tout au long de sa croissance contribueront à une meilleure prévention de ces différents risques.
Mots-clés
chiot, alimentation, croissance, idée reçue, puppy, growth, nutrition, preconceived idea
12
B u l l . S o c . V é t . P r a t . d e F r a n c e , o c t o b r e / n o v e m b r e t / d é c e m b r e 2 0 0 9 , T. 9 3 , n o 4
lus, est-ce mieux ? (« il ne faut pas qu’il
manque… »). Une croissance rapide estelle idéale ? (« il est beau pour son âge… »).
Un chiot doit-il être « bien en chair » ? (« il
vaut mieux faire envie que pitié… »). Faut-il
complémenter la ration d’un chiot, notamment en
minéraux ? (« c’est bon pour son squelette… »).
Faut-il lui distribuer sa ration à volonté (« s’il
mange, c’est parce qu’il a faim… ») ou en repas
pesés et minutés ?
Voici par exemple quelques-unes des interrogations ou idées reçues qui reviennent régulièrement
dans l’exercice au quotidien.
Si, historiquement, les maladies nutritionnelles du
chiot en croissance (seule la croissance postsevrage sera évoquée ici) étaient caractérisées par
la(les) carence(s), il en est généralement tout
autrement aujourd’hui… Partant donc d’une
simple prévention des carences vers la
performance zootechnique puis la santé et le bienêtre, la perception du besoin et donc la nutrition
du chiot ont, elles aussi, évolué…
P
ils appartiennent et dont on peut définir plusieurs
groupes : petits, moyens, grands et géants
notamment par la variabilité du pic de croissance ;
ce dernier étant défini comme le point d’inflexion
de la courbe de croissance, c’est-à-dire le point
de gain moyen quotidien (GMQ) maximum
(cf. figures 2 et 3). La précocité à la naissance d’un
chiot est fonction du format adulte de sa race : un
chiot de petite race naît plus « avancé » dans sa
croissance qu’un chiot de grande race.
Figure 1 – Relation dose-effet en nutrition
1. « Plus, c’est mieux ? »
Quelques rappels nutritionnels
Il existe en nutrition une relation de type doseeffet (cf. figure 1). Dans cette zone « optimum »
d’apport, l’objectif peut refléter différentes réalités
(alimenter pour la survie, pour la santé minimale
ou optimale ou pour la performance etc.) et module
donc la largeur de cette zone de tolérance…
Il convient également de bien différencier le
besoin qui est une donnée individuelle et la
recommandation qui est une approche collective :
si le besoin brut correspond à l’apport nécessaire
permettant de couvrir le besoin net (en tenant
compte du coefficient d’assimilation réel), la
recommandation, quant à elle, représente la valeur
indicative de la quantité de nutriment nécessaire à
satisfaire les besoins de l’ensemble des animaux
d’une population, alors exprimée en général en
valeur relative (% de matière sèche (MS) ou
g/mégacalorie d’énergie métabolisable (g/Mcal EM).
Figure 2 – Courbe de croissance, GMQ et point d’inflexion
2. « Vite fait, bien fait ? »
La croissance du chiot :
quelques données zootechniques
Les courbes de croissance des chiots sont différentes en fonction du format de la race à laquelle
Figure 3 – Courbes de croissance selon la race
13
Figure 5 – Besoin énergétique « de base » chez le chien
en fonction de son poids
que proportionnel
(cf. figure 5).
Figure 4 – Croissance différentielle du chiot et risque
pathologique (d’après Paragon et Grandjean, 1993)
De plus, les différents tissus (os, muscle, tissu
adipeux) du chiot présentent également une
croissance différentielle, expliquant par la même
que le risque pathologique/nutritionnel diffère lui
aussi selon le format (cf. figure 4).
3. Niveau et équilibre alimentaire
3.1. Niveau alimentaire
L’énergie est le cœur du rationnement. Dans le
« bol » énergétique doivent se retrouver tous les
nutriments essentiels.
Quel niveau énergétique choisir ?
La diversité des races et des besoins impose une
prise en compte du statut individuel bref une
personnalisation de l’approche nutritionnelle.
On peut définir le besoin énergétique en croissance
(BEC) comme le produit du besoin énergétique (BE)
« de base » et de différents facteurs correctifs (k1, k2,
k3, etc.) : racial, comportemental, physiologique…
voire le mode de vie, l’environnement climatique
ou l’activité physique [13].
Diverses formules de calculs du BE « de base » ont
été proposées parmi lesquelles on peut citer :
– la formule du NRC 2006(3) : BE (en kcal EM) =
130.P0,75 (P : poids du chien en kg) ;
– Kronfeld, en 1991, qui avait proposé la formule
BE = 156.P0,67 considérée par certains comme
« plus » adaptée aux chiens de grand format [13].
Il faut donc retenir que le besoin énergétique,
fonction du poids métabolique, est donc moins
14
au
poids
de
l’animal
En pratique, le besoin énergétique en croissance
peut donc être calculé/approché pour l’individu
par la formule BEC = k1.k2.k3.130.P0,75. Les
facteurs correctifs et notamment le facteur
physiologique de croissance k3 ont fait l’objet de
différentes études : il en existe (cf. tableau I)
différentes méthodes d’estimation [NRC 1985 et
2006, Blanchard et al. 1998, Grandjean et Paragon
(6), etc.].
Prenons un exemple. Soit un chiot femelle de type
Labrador de 3 mois pesant 10 kg, en état corporel
normal (ni grosse ni maigre : se référer aux
silhouettes bien connues d’indice de condition
corporelle ; ou en première approche : les côtes
sont palpées facilement sous la peau sans les voir).
Son format de race permet d’estimer son poids
adulte entre 25 et 40 kg. Ce chiot pèse
actuellement moins de 40 % de son poids adulte.
On peut proposer d’estimer son BEC à
1184 kcal EM = 0,9 (race prédisposée à l’obésité) x
0,9 (chiot calme) x 2 (< 40 % du poids adulte) x
130 x 100,75.
Il est alors très facile de calculer la dose d’aliment
à lui distribuer : si j’ai choisi un aliment croissance
pour ce chiot à 3700 kcal EM/kg par exemple, il
faudra donc lui en apporter quotidiennement
Q = 1184/3700 = 320 g.
Les risques associés aux excès d’ingéré énergétique ou à une vitesse de croissance excessive
ont été mis en évidence par différentes études
parmi lesquelles Dämmrich K. et al. 1991 [5],
Meyer et al. 199 [11], Nap, Hazewinckel et al. 1991
[12], Slater et al. [16] etc. Ainsi a été notamment
mise en évidence une moindre résistance
intrinsèque en croissance du tissu osseux
épiphysaire chez les chiots de grandes races par
rapport à ceux de petites races. Chez ces chiots de
grande race, la surnutrition entraîne notamment un
rythme de croissance élevé, une augmentation de
la masse musculaire et du poids (voire une
Tableau I
Exemple de propositions de coefficients [d’après Grandjean et Paragon 1987] pour la prise en compte du statut individuel du chiot.
Type racial
Coefficient
d’ajustement
racial k1
Comportement
Coefficient
d’ajustement
comportemental k2
Physiologie
Coefficient d’adaptation
physiologique
chez le chiot k3
Chiens nordiques
0,8
Très calme
0,8
Pré-sevrage
3
Races prédisposées à
l’obésité (Beagle, Retriever,
Cocker…)
0,9
Calme
0,9
Post-sevrage
2
Races prédisposées à
la maigreur
1,1
Normal
1
< 40 % poids adulte
Autres
1
Actif
1,1
40-49 %
Hyperactif
1,2
obésité), ainsi que des contraintes mécaniques
excessives, altérant la croissance ainsi que le
remodelage squelettique et accroissant notamment
la fréquence des lésions ostéo-articulaires. A
contrario, une vitesse de croissance modérée (il
est souvent proposé de tendre vers 75 % de la
vitesse de croissance maximale qui serait obtenue
par une consommation ad libitum) diminuerait la
fréquence et la gravité des troubles ostéoarticulaires en croissance. Les exercices répétés ou
jeux « appuyés » entre chiots augmenteraient
également les risques de troubles de la croissance
et notamment « d’ostéochondroses » [16].
En pratique, un suivi clinique régulier incluant la
pesée
(hebdomadaire
ou
bimensuelle),
l’appréciation de l’indice de condition corporelle
(ICC), l’établissement et le suivi d’une courbe de
croissance permettront d’adapter la ration à
l’évolution du poids du chiot et d’éviter
notamment tout surpoids.
En ce qui concerne donc le niveau alimentaire chez
le chiot en croissance, le risque majeur est bien
l’excès (obésité chez les petites races et troubles
osseux chez les grandes races) : « PLUS » n’est
certainement pas synonyme de mieux…
1,75
50-69 %
1,5
70-79 %
1,35
80-89 %
1,2
Adulte
1
3.2. Équilibre alimentaire
proportionnel au poids de l’animal (besoin en
protéines (en g) = 4,8.P.k3 [NRC 1974]) et non à
son poids métabolique comme pour l’énergie.
Compte tenu de la variabilité de la concentration
énergétique de la ration ou DER (densité
énergétique de la ration en kcal EM/kg d’aliment
tel quel ou de MS), il convient de raisonner non
par rapport au pourcentage absolu de protéines
dans l’aliment mais préférentiellement en terme de
rapport protido-calorique (RPC) qui se définit
comme le nombre de grammes de protéines par
mégacalorie (1000 kcal) d’EM d’aliment.
Prenons un exemple. Soit deux aliments
croquettes chiot : un aliment A à 30 % de protéines,
et une DER = 4000 kcal EM/kg brut et un aliment B
à 28 % de protéines et une DER = 3500 kcal EM/kg
brut.
Si le BEC du chiot est, dans cet exemple, de
2000 kcal, sa ration quotidienne (de 2000 kcal EM)
apporte à ce chiot : avec l’aliment A : 150 g de
protéines (2000/4 x 0,3). Le RPC de A est de
300/4 = 75. Avec l’aliment B, le chiot reçoit 160 g
de protéines (2000/3,5 x 0,28). Le RPC de B est de
280/3,5 = 80. A quantité d’énergie ingérée égale,
l’aliment B, dont le taux en valeur absolue en % de
protéines dans l’aliment est cependant inférieur à
celui de A, apporte néanmoins plus de protéines
au chiot.
3.2.1. La croissance et les protéines
Quel niveau protéique choisir ?
• sur le plan quantitatif
Parmi différentes études, celle de Kronfeld, en
1989 (citée par Blanchard G. et al. [1]) sur des
chiots Beagle, a « défini » pour cette race une zone
optimale d’apport située entre 75 et 125 g de
protéines par Mcal EM, soit donc un RPC de 75 à
125 ; à noter cependant, dans ces essais, que la
Les protéines sont indispensables à une bonne
expression du potentiel de croissance et
notamment aux exigences du tissu maigre du chiot
à savoir le muscle et l’os. Leur besoin est
15
Tableau II
Proposition de recommandation pratique indicative de RPC
en croissance (d’après Paragon 2003 (13))
Format
du chiot
Avant 2/3
de la croissance
Après 2/3
de la croissance
Petite race
70
65
Race moyenne
75
70
Grande race
80
75
croissance certes plus faible existait néanmoins
pour des valeurs inférieures.
Nap et al. [15 ], quant à eux, ont étudié sur des
chiots danois de 7 semaines (et ce, pendant une
période de 18 semaines) l’influence sur la croissance de l’apport de différents taux de protéines,
toutes choses égales par ailleurs, sans néanmoins
démontrer de conséquences discriminantes sur le
développement squelettique ou l’apparition de
troubles de la croissance.
En pratique, le RPC en croissance sera toujours
préférentiellement choisi supérieur à 70 [13].
Le format du chiot influera sur son besoin : le RPC
sera renforcé chez les chiots de grand format. De
même pourra-t-on proposer également une
différenciation selon le stade de la croissance
(cf. tableau II).
• sur le plan qualitatif
Tous les acides aminés indispensables (AAI)
doivent être présents en quantité suffisante (notion
de facteur limitant), en équilibre entre eux. Il
conviendra d’apporter majoritairement des
protéines d’origine animale. Valeur biologique,
digestibilité, supplémentation azotée, qualité des
matières premières et traitements technologiques
des aliments seront également considérés car
influant notamment sur l’efficacité protéique.
En ce qui concerne les protéines, en croissance, le
risque majeur semble bien celui de la carence.
3.2.2. La croissance et les minéraux
Les minéraux comprennent des éléments majeurs
comme le calcium, le phosphore, le potassium, le
sodium mais également tous les oligo-éléments.
Le principal sujet de controverses ou d’idées
préconçues concerne certainement le calcium
(Ca). Élément essentiel de l’os, son apport en
valeur absolue (%) prime sur le rapport Ca/P
(d’après Hazewinckel et al., J. Am. An. Hosp.
Assoc., 1985, cité par PARAGON, 2003 [13]) dont
l’impact semble plus accessoire : le rapport Ca/P
semble en effet peu discriminant s’il est supérieur
16
à 1 alors qu’il semble indicatif d’un risque dans le
cas contraire. (NB : recommandation FEDIAF 2008
[4] : Ca/P de 1 à 1,8 selon le stade de croissance).
Il faut également retenir que chez le très jeune
chiot (avant 4 à 5 mois pour les races géantes),
l’absorption du calcium est mal régulée : plus la
ration est riche en calcium, plus son absorption est
importante expliquant la sensibilité des races
géantes aux excès d’apport en début de croissance
(2). Lauten et al. (10), en 2002, ont d’ailleurs également montré que l’influence de l’apport minéral
sur la croissance était beaucoup plus important
avant l’âge de 6 mois chez le chiot qu’ensuite…
Les conséquences d’un excès chronique de Ca
(rencontré principalement de nos jours lors
d’ajouts non contrôlés) sont établis [7, 8, 9, 12, 14,
16] : hypercalcémie, hypophosphatémie, retard de
la maturation osseuse, du remodelage osseux et de
la maturation du cartilage, altération de l’ossification enchondrale, conduisant à un arrêt de la
croissance, de l’ostéochondrose, etc.
Quel niveau calcique retenir ?
Ces études et d’autres ont permis en leur temps de
définir des « limites » : pour un aliment à 3950 kcal
EM/kg, la carence était estimée en-deçà de 0,61 %
de Ca, l’excès au-dessus de 2,70 %.
Actuellement, un apport de 2 à 3,75 g de calcium/
1000 kcal EM (soit pour un aliment à 4000 kcal
EM/kg, un taux de Ca de 0,8 à 1,5 %) est
maintenant considéré comme permettant d’assurer
une croissance osseuse optimale du chiot (Weber
et al., 2000 cité par Blanchard et al. [1]). La FEDIAF
(4) propose quant à elle depuis 2008 des
recommandations calciques allant de 1 % MS de
l’aliment (NB : aliment de référence FEDIAF à
4000 kcal EM/kg MS) en début de croissance à
0,8 % MS en fin de croissance (avec des maxima
respectivement de 1,6 et 1,8 %).
En pratique, selon le format du chiot et le stade de
sa croissance, on peut proposer une recommandation pratique différenciée (cf. tableau III).
Par ailleurs, apporter un complément ou correcteur
calcique sans justification ou sur un aliment complet
pour chiot en contenant déjà en quantité suffisante
Tableau III
Recommandation Ca, P et Ca/P au pic de croissance
selon le format de race chez le chiot (PARAGON, 2003 (13))
Format
Calcium (Ca)
Phosphore (P)
Ca/P (environ)
Races petites
et moyennes
(adulte < 25 kg)
0,9 % MS
soit
2,5 g/Mcal EM
0,7 % MS
soit
1,9 g/Mcal EM
1,3
Grandes races
(adulte > 25 kg)
1,2 % MS soit
3 g/Mcal EM
0,9 % MS soit
2,5 g/Mcal EM
1,35
Races géantes
(adulte > 50 kg)
1,4 % MS soit
3,4 g/Mcal EM
1,0 % MS soit
2,6 g/Mcal EM
1,4
est contre-indiqué. Il convient uniquement de
vérifier, si nécessaire, que les exigences des chiens
de grand format soient bien respectées.
A l’inverse, la complémentation minérale calculée
de la ration ménagère s’impose afin d’éviter toute
carence (en particulier par rapport au phosphore,
le Ca/P étant habituellement inférieur à 1 dans ce
type de ration). Il en serait de même lors de la
distribution d’un aliment composé inadapté mais
ce dernier cas de figure demeure peu fréquent et
dans ce cas, pourquoi ne pas changer d’aliment
complet plutôt de le complémenter ?
En croissance, le risque majeur concernant le
calcium est donc bien celui de l’excès.
• Oligo-éléments (OE)
Le zinc, le cuivre, le fer, l’iode, le manganèse ou le
sélénium (Zn, Cu, Fe, I, Mn, Se) ou d’autres encore
sont bien entendu impliqués dans la croissance
mais sans relation claire avec les troubles osseux.
Certains ratios doivent être respectés [13], par
exemple le ratio Ca/Zn (environ 100 avec un
maximum de 200), le ration Zn/Cu (environ 5).
3.2.3. Croissance et autres éléments
• Lipides et acides gras essentiels (AGE)
interviennent notamment dans l’appétence de la
ration, le maintien du statut corporel (masse
grasse), les fonctions inflammatoires et immunitaires (AGE).
D’un point de vue quantitatif, on peut recommander un apport de matières grasses (MG) de
l’ordre de 10 à 20 % de la MS en croissance [13].
D’un point de vue qualitatif, des apports en AGE
sont nécessaires. Les recommandations sont pour
la série oméga 6 (ω6, acide linoléique) de
1,3 g /100 g MS (max 6,5) et pour la série oméga 3
(ω3 : acide alpha-linolénique) de 0,08 g/100 g MS [4].
Des recommandations supplémentaires [3,4]
concernent l’apport d’autres acides gras polyinsaturés (AGPI) : acide arachidonique (ω6 présent
notamment dans la viande) et acides éicosapentaénoïque (EPA) et docosahéxaénoïque (DHA) de
la série ω3 (recommandation EPA + DHA :
0,05 g/100 g MS [4]) que l’on trouve notamment
dans certaines huiles de poissons de mers froides :
cet apport favoriserait « l’apprentissage » des chiots
notamment mais différentes études semblent
nécessaires pour affiner la recommandation [1].
• Glucides
Le besoin en fibres demeure minimal (pour assurer
le transit) chez le chiot dont le tube digestif
supporte mal leur excès.
Les amidons quant à eux ne sont pas non plus
toujours bien tolérés chez le chiot, alors même
qu’ils sont souvent très (parfois trop ?) présents
dans les aliments secs pour chiots. On pourrait
proposer qu’ils ne représentent pas plus de
30-40 % de la MS de l’aliment au sevrage ou en
post-sevrage immédiat [13].
Leur substitution excessive par les lipides peut
néanmoins conduire à une élévation rapide de la
DER et par-là même à la nécessité d’un
rationnement précis pour éviter tout surpoids [1].
• Vitamine D
Fondamentale au métabolisme calcique et à la
croissance osseuse, sa carence est rare : peu
probable avec les aliments industriels, elle
demeure possible [13] notamment avec certaines
rations ménagères maigres complémentées en
minéraux mais non en vitamine D.
Sa supplémentation est indispensable : diverses
recommandations [4, 13] proposent un apport
d’environ 500 UI/kg de MS dans l’aliment (maximum
3200) ou selon un ratio de 50 UI/g de Ca.
Il est également nécessaire de prévenir tout excès,
dont les effets néfastes souvent irréversibles
notamment sur la croissance ont été montrés
(ostéopathie hypertrophique, etc.).
• Autres vitamines
La vitamine A, essentielle également à la
croissance, doit être présente selon un ratio Vit A/
Vit D d’environ 10, ce qui approcherait la
recommandation vers 5000 UI/kg de MS de
l’aliment (maximum 400 000 UI/kg de MS [4]) ou
selon un ratio de 500 UI/g de Ca. Les excès
(notamment lors de distribution excessive de foie
ou très régulière d’huile de foie de morue par
exemple) conduisent notamment à de graves
désordres osseux, souvent irréversibles.
La vitamine C conditionne la qualité du collagène
mais aucun lien n’aurait été démontré avec la
pathologie osseuse, notamment de par sa synthèse
endogène [13].
4. Hygiène et rythme alimentaire
L’hygiène alimentaire doit être renforcée chez le
chiot : une attention particulière sera portée à la
salubrité et à la qualité de l’aliment. Salubrité, en
raison notamment de l’immaturité digestive du
chiot, la maîtrise du risque notamment bactérien
prenant alors toute son importance et qualité par
le choix de matières premières à haute digestibilité
(supérieure à 86 %), ceci permettant de limiter
17
l’encombrement digestif et participant à prévenir la
diarrhée et la sous-nutrition [13].
Le rythme alimentaire fait encore l’objet de
certaines controverses.
Rationnement à volonté (libre-service) et rationnement à temps et quantité limités présentent
chacun différentes particularités.
– Le rationnement à volonté ou libre-service
présente différents avantages : moindre effort pour
le détenteur ; limitation de la compétition entre
chiots, des nuisances sonores avant l’heure des
repas ainsi que du risque de sous-alimentation des
chiots dominés. Il optimise également le transit
digestif et la digestibilité par la multiplication des
repas mais présente néanmoins des limites :
réservé aux aliments secs avec un réel risque de
gaspillage et un risque hygiénique supérieur [13].
Le principal risque est cependant bien celui de la
surconsommation énergétique notamment si
l’aliment est très appétent (notamment par sa
richesse en lipides) ou en cas de compétition
alimentaire (chiots dominants) conduisant alors au
surpoids, à l’obésité et notamment aux risques
associés de la surconsommation énergétique en
croissance déjà évoqués précédemment. En
pratique, ceci conduit à déconseiller ou contreindiquer le rationnement à volonté, notamment
chez le chiot de grande race, tant que ce dernier
n’a pas dépassé 80 % de son poids adulte (13).
– Le rationnement en temps (repas de 5, 10 à
20 minutes) et quantité limités se révèle quant à lui
particulièrement indiqué notamment chez les
chiots de grandes races. De 4 à 3 repas (en postsevrage immédiat) puis 3 puis 2 repas au fur et à
mesure de la croissance, ce mode de distribution
permet un contrôle précis des quantités ingérées,
un meilleur suivi et contribue également à l’éducation du/des chiots. Ce mode de rationnement
peut néanmoins diminuer la consommation et la
vitesse de croissance mais sans affecter le format
final de l’animal (13).
Conclusion
Pendant la croissance du chiot, les risques
nutritionnels/pathologiques sont dominés par les
risques d’excès : surnutrition et vitesse de
croissance excessive, complémentation minérale
ou vitaminique inadéquate ou anarchique. Les
déséquilibres, notamment protéines/énergie,
énergie/minéraux ou entre minéraux devront être
prévenus et une attention particulière sera
également apportée notamment à l’apport d’AGE,
à l’hygiène et au mode de distribution de l’aliment.
En pratique, le suivi, la pesée régulière du chiot,
l’appréciation de son indice de condition
corporelle, l’individualisation de son rationnement
quantitativement et qualitativement tout au long de
sa croissance contribueront à une meilleure
prévention de ces différents risques.
쮿
Références bibliographiques
1. Blanchard G., Paragon B.M. - L’alimentation des chiens,
conseils pratiques - rations adaptées. 206 pages, Éditions
France Agricole, 2008.
2. Blanchard G., Martin L. - Besoin calcique du chiot : mise
au point. Supplément technique n° 82 à La Dépêche
Vétérinaire, 2002, 9-11.
3. Collectif. - Subcomittee on dog and cat nutrition,
Committee on animal nutrition, National Research
Council. Nutrient requirements of dogs and cats, 2006,
424 pages, the national Academies Press.
4. Collectif. - Nutritional guidelines for complete and
complementary pet food for cats and dogs. FEDIAFEuropean Pet Food Industry Federation, av. Louise 89,
B-1050 Bruxelles, www.fediaf.org
5. Dämmrich K. - Relationship between nutrition and bone
growth in large and giant dogs. J. Nutr., 1991, 121
(11 suppl.), S114-21.
6. Grandjean D. et Paragon B.M. - Rec. Méd. Vét., 1987, 163
(1), 7-14.
7. Hazewinkel H.A. - Calcium metabolism in dogs. Tij. Die.,
1986, 111 (23), 1197-204.
8. Hazewinkel H.A. et al. - Calcium metabolism in great
dane dogs fed diets with various calcium and
phosphorus levels. J. Nutr., 1991, 121 (11 suppl.), S99106.
18
9. Goedegebuure S.A., Hazewinkel H.A. - Morphological
findings in young dogs chronically fed a diet containing
excess calcium. Vet. Pathol., 1986, 23 (5), 594-605.
10. Lauten S.D. et al. - Influence of dietary calcium and
phosphorus content in a fixed ratio on growth and
development in great danes. Am. J. Vet. Res., 2002, 63
(7), 1036-47.
11. Meyer H. , Zentek J. - Energy requirements of growing
great danes. J. Nut., 1991, 121, S35-36.
12. Nap R.C., Hazewinkel H.A. et al. - Skeletal development
in the dog in relation to nutrition. Tij. Die., 1991, 116
(12), 609-27.
13. Paragon B.M. - L’alimentation du chien dans tous ses
états. Collectif, Formation de base GED/AFVAC, Paris
2003.
14. Schoenmakers I. et al. - Effects of diets with different
calcium and phosphorus contents on the skeletal
development and blood chemistry of growing great
danes. Vet. Rec., 2000, 147 (23), 652-60.
15. NAP R.C. et al. - Growth and skeletal development in
great dane pups fed different levels of protein intake.
J. Nut., 1991, 121 (11), S107-13.
16. Slater M.R. et al. - Diet and exercise as potential risk
factors for osteochondritis dissecans in dogs. Am. J. Vet.
Res., 1992, 53 (11), 2119-24.