Interview intervenants Forum Recherche Clinique
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Interview intervenants Forum Recherche Clinique
Quelques réactions en direct du Forum Recherche Clinique Jacques Bernard Président de Maladies Rares Info Services, cofondateur de l’alliance maladies rares, représentant des malades au conseil d’administration de l’ANSM. Que faut-il faire évoluer en priorité pour faciliter les essais cliniques ? JB - Il s’agit de consulter très en amont les associations de malades quand elles sont concernées par le développement d’un médicament. Elles peuvent aussi contribuer au bon déroulement de l’essai clinique en « labellisant » le protocole. Les associations ont leur place dans ces études, car elles peuvent le faire savoir rapidement aux malades concernés. Que suggérez-vous pour accélérer le lancement des essais ? JB - En France, nous disposons de cliniciens extraordinaires, mais la baisse de l’activité en recherche clinique s’explique notamment par la difficulté de trouver des malades pour participer aux essais, pas seulement dans le domaine des maladies rares et des médicaments orphelins. À partir du moment où un projet d’expérimentation est « labellisé » par une association qui n’est pas là pour le rédiger, mais l’étudier dans le détail, avant qu’il soit présenté au comité de protection des personnes, l’essai à beaucoup plus de chance de démarrer. Sur quelles bases démarre votre représentation des malades au conseil d’administration de l’ANSM ? JB - Cette représentation des malades au niveau national est très récente. Depuis octobre 2012, nous avons siégé à trois reprises. Je suis impressionné et libre à la fois. J’apprécie et comprends le souci permanent de sécurité, mais prenons garde à ce que cela ne devienne pas une obsession. Aujourd’hui, les malades sont prêts à prendre des risques en fonction du plus ou moins grand désert thérapeutique qui entoure leur pathologie. Nous avons désormais la possibilité de le faire valoir à l’ANSM où nous sommes écoutés. Isabelle Siney Référente essais cliniques à l’ANSM Que pensez-vous de ce Forum dont les industriels ont pris l’initiative ? IS - C’est une très bonne chose et nous devons saisir toutes les opportunités d’établir un dialogue plus étroit avec les malades et les associations qui les représentent. L’ANSM est régulièrement sollicité directement par des patients à titre individuel y compris sur les essais cliniques et nous y répondons systématiquement. Que retenez vous des attentes formulées par les associations de malades a l’occasion des débats ? IS - Mon passé de clinicien me permet de comprendre parfaitement les problèmes soulevés comme leurs motivations. Les patients prêts à prendre des risques souhaitent aussi devenir acteurs en demandant à participer très en amont aux protocoles. Cela ne me choque pas du tout et les échanges avec eux peuvent le faciliter. L’ANSM a déjà engagé des réflexions pour développer des actions en ce sens et ma participation à ce forum témoigne de notre volonté de travailler plus étroitement ensemble dans certains domaines, comme cela a déjà été réalisé depuis 15 ans dans le VIH. Comment l’ANSM peut-elle faciliter les choses au niveau opérationnel ? IS - Il faut apprendre à travailler ensemble et de ce point de vue les idées échangées pour identifier plus facilement des interlocuteurs me semblent aller dans le bon sens. Toutefois, je comprends parfaitement que toute la connaissance ne puisse être concentrée dans un seul et même secteur d’une entreprise et nous devons nous adapter à de multiples interlocuteurs souvent très spécialisés. Daniel Boy Directeur de recherche centre de recherches politiques de Sciences-po La crise de confiance que traverse le secteur de la santé ressemble-t-elle à d’autres phénomènes que vous observez dans la société ? DB - Dans tous les secteurs qui intègrent les rapports entre la science et la société, on observe des crises. Les OGM, les nanotechnologies, le nucléaire connaissent eux aussi ces conflits qui reposent sur ces problèmes de confiance entre le public et la science, aujourd’hui multisecteurs. Ces difficultés particulièrement aiguës dans le monde de la santé, me paraissent encore plus importantes dans le secteur alimentaire. À ce niveau, ce n’est pas uniquement les patients, mais l’ensemble de la population qui est concerné. Le problème de la vache folle a été le premier scandale gigantesque au regard de la science et de la technique car il a pointé du doigt les déséquilibres. Que préconisez-vous, pour inverser la tendance et regagner la confiance du public ? DB - Il a beaucoup été question de choc médiatique au sein de nos débats à l’occasion de ce forum, mais je doute que l’on parvienne à inverser la tendance en n’en provoquant de nouveaux. Regagner la confiance implique d’abord un travail de clarification des processus qui la déterminent. Le travail entre experts au sein de comités doit être mieux partagé pour convaincre le public que les règles de fonctionnement sont à l’abri des intérêts privés, mais à la fois il me paraît indispensable qu’ils soient représentés. On ne peut pas imaginer un monde qui ne soit réglé que par le secteur public ou les associations. Il s’agit de trouver des règles de fonctionnement équitable en régulant les intérêts des entreprises par rapport aux acteurs publics. Inventons des procédures suffisamment claires pour qu’elles redonnent confiance. C’est un travail de longue haleine à entreprendre sans attendre. Cyrille Hulin Hématologue au CHU de Nancy Que faut-il faire évoluer pour faciliter le travail des investigateurs ? CH - Il faut parvenir aujourd’hui à simplifier les essais cliniques et bien différencier les niveaux de complexité et d’exigences. On comprend parfaitement les besoins de sécurité maximale dans un essai dédié à l’enregistrement d’un nouveau médicament. Par contre, certains essais de phase II ou III dont les principaux résultats sont principalement destinés à faire l’objet de publications scientifiques sont soumis au même niveau d’exigence et je ne pense pas que cette contrainte soit indispensable. Il faut adapter ces modèles devenus beaucoup trop complexes et s'éloignent de la réalité quotidienne. Comment mieux cibler les exigences sur les objectifs ? CH - Toutes les demandes qui figurent dans le draft initial d'un essai sont exigibles et doivent être potentiellement monitorées. Il faut réfléchir là-dessus en amont, car le niveau d’exigence doit mieux correspondre aux objectifs réels des études. Les investigateurs se doivent de faire les efforts pour une définition optimale des données essentielles à recueillir selon les objectifs des essais. Quelle place accordez-vous à la relation avec le malade ? CH - La confiance établie avec le malade dès le premier entretien est fondamentale. L’investigateur est en première ligne. En discutant avec les patients, on s’aperçoit que le malade parle toujours du premier médecin rencontré qui lui a annoncé et expliqué sa maladie puis potentiellement proposé de l’inclure dans un essai clinique. Plusieurs années après, les malades parlent encore des internes qui ont pris le temps d'être à leur écoute et leur expliquer la démarche, ils cherchent à savoir ce qu’ils sont devenus. Ce premier contact est essentiel pour les malades et si cette relation démarre bien, ils s’impliquent et acceptent en confiance ce que les médecins leur proposent. La participation aux essais dépend intimement de la qualité de cette relation, facile à mettre en place lorsque le médecin s'implique et est convaincu de l'utilité de la recherche et du bénéfice escompté.