L`engagement quaker pour la paix
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L`engagement quaker pour la paix
Library of the Geneva Monthly Meeting of the Society of Friends (Quakers) Bibliothèque du groupe de Genève de la Société des Amis (quakers) L’engagement quaker pour la paix Dommen, Edouard L’engagement quaker pour la paix / Edouard Dommen. - 2013. - 3 p. - “Texte issu d’une journée de réflexion sur la foi et l'action, organisée par les paroisses catholique et protestante du Lignon à Genève” le 14 septembre 2013 ; version “destinée à la publication dans la revue genevoise Paroisses vivantes” Peace > Religious aspects > Society of Friends The original copy of this document belongs to the Geneva Quaker library. La version originale de ce document appartient à la bibliothèque du groupe quaker de Genève. Geneva Quaker Library / Bibliothèque du groupe quaker de Genève 13 avenue du Mervelet, CH-1209 Genève www.swiss-quakers.ch/ge/library/ The rights of the publishers and authors are reserved. Les droits des éditeurs et auteurs sont réservés. 8308 21.2.2014 Creative Commons Attribution-Noncommercial-Share Alike 3.0 License http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/ Paroisses du Lignon Centre John Knox, le 14 septembre 2013 L'engagement quaker pour la paix Edouard Dommen Membre du groupe quaker de Genève Origine des quakers La Société religieuse des Amis est un mouvement issu de la Réforme, notamment en Angleterre au milieu d'un 17e siècle déchiré par de sanglants conflits religieux. Les quakers tenaient à se démarquer des belligérants en prenant fermement position pour la paix, expression sine qua non de l'amour du prochain. La foi des quakers s'exprime dans l'action Que votre vie parle Soyez des modèles, des exemples, où que vous passiez, que votre comportement et votre vie prêchent parmi toutes sortes de gens, et à eux ; alors vous arriverez à marcher d'un pas joyeux de par le monde, répondant à l'étincelle divine en chaque personne - G. Fox, 1656. George Fox est l'un des fondateurs du mouvement quaker en Angleterre. Relevons dans cette citation • Ce sont le comportement et la vie qui prêchent, pas seulement des mots. • Notre vie parle non seulement parmi toutes sortes de gens, mais surtout à eux : nous n'agissons pas dans le vide, mais en dialogue avec les autres. • Marcher est au beau moyen de se déplacer. On est au même niveau que les autres, nous avons le temps d'observer ce qui se passe autour de nous et d'échanger avec celles et ceux que nous croisons. Des historiens disent que l'empire britannique en Inde a commencé à s'effondrer au moment ou les fonctionnaires coloniaux se sont mis à se déplacer en automobile, de sorte qu'ils traversaient le pays en coup de vent et que les administré-e-s n'avaient plus l'occasion de leur expliquer leurs griefs. • Nous ne détenons pas la seule vérité ou la seule bonne solution. Le mouvement quaker s'appelle officiellement la Société religieuse des Amis. À ses débuts il s'appelait 'la Société … des amis de la vérité', mais, se rendant vite compte qu'être amis de la vérité ne les distinguait guère de quiconque, ils renoncèrent au qualificatif. • Nous avons à répondre à l'étincelle divine telle qu'elle se manifeste chez l'autre, il faut donc d'abord écouter l'autre pour la découvrir. • Tout cela constitue une expérience joyeuse. • Vous arriverez à… : comme tant d'activités, qu'il s'agisse de sports ou de métiers, c'est grâce à la pratique que l'on garde la forme et que l'on s'améliore. Comment les quakers tentent-ils et elles de réconcilier le radicalisme de l'évangile avec la société d'aujourd'hui ? Selon la boutade, Dieu répond à toutes les prières - par une instruction précise. Si l'on n'est pas prêt à faire ce que Dieu nous demandera, quoi qu'il soit, mieux vaut ne rien lui demander. La charnière entre la foi et l'action chez les quakers : la réunion d'affaires Comme toute association, les quakers doivent gérer ses affaires. Cependant, la réunion d'affaires est un culte : on s'y réunit afin de tenter de discerner ensemble ce que Dieu aimerait que nous fassions. La réunion / culte d'affaires part de l'axiome que Dieu "ne varie pas, pour nous commander tantôt de fuir une chose comme mauvaise et tantôt nous pousser à la faire" (la phrase figure dans un des documents fondateurs du mouvement, une déclaration adressée par la Société au roi d'Angleterre Charles II en 1660 ; nous citerons la suite dans un instant). L'axiome peut certes étonner, puisqu'il met Dieu en boîte, excluant qu'il puisse changer d'avis. Il s'agit néanmoins d'une façon rassurante de comprendre la fidélité de Dieu. À la lumière de cet axiome, une seule solution est concevable. Tant que des avis divergents persistent au sein de la réunion d'affaires, quelqu'un-e n'a pas saisi la volonté de Dieu. C'est peut-être moi, c'est peut-être un autre participant ; peut-être que tous font fausse route. Il faut en tout cas toujours se rappeler que l'on peut se tromper. Il faut donc écouter attentivement l'avis des autres l'esprit ouvert. La discussion n'est pas une joute mais une recherche partagée de la bonne solution. Par conséquent, les quakers ne votent pas dans leurs réunions d'affaires. On s'écoute, on se répond. Soit tout le monde s'entend, soit la discussion se poursuit, au besoin lors d'une séance ultérieure. La méthode est coopérative et foncièrement pacifique. Les quakers y puisent pour affronter toutes les situations de la vie qui menacent de tourner au conflit. Elle peut très bien marcher en dehors des cercles quakers. La paix, un exemple de la foi en action Nous pouvons donc prendre la paix comme exemple de la foi en action chez les quakers. Nous avons cité tout à l'heure un extrait de la lettre que les quakers anglais adressèrent au roi Charles II en 1660 lorsqu'une reprise de la guerre civile menaçait : Nous refusons absolument toutes guerres et luttes extérieures, ainsi que tous combats armés, quels qu'en soient le but ou le prétexte ; tel est notre témoignage devant le monde entier. L'esprit du Christ qui nous guide ne varie pas, pour nous commander tantôt de fuir une chose comme mauvaise et tantôt nous pousser à la faire ; et nous savons avec certitude et proclamons devant le monde que I'esprit du Christ qui nous conduit à toute vérité ne nous poussera jamais à nous battre ni à faire la guerre contre aucun homme les armes à la main, ni pour le royaume du Christ, ni pour les royaumes de ce monde. L'engagement pour la paix peut prendre des formes plus ou moins individuelles ou collectives. Citons par exemple : • La démission : On peut dire "Je refuse de participer au conflit. Mes mains resteront propres ; que les autres fassent comme ils veulent", mais les quakers qui prennent ce genre de position sont peu nombreux, car les Amis tiennent également à cœur le dicton de William Penn (autre fondateur du mouvement) : La vraie piété ne détourne pas les gens du monde, mais leur permet de mieux y vivre et les excite à l'effort de le réparer. • L'action humanitaire : parmi de nombreuses exemples, prenons celui du Friends Ambulance Unit (FAU, ou Service ambulancier quaker), actif pendant les deux guerres mondiales et au-delà, en Europe et jusqu'en Chine. Composé d'objecteurs de conscience, ses activités débordèrent largement les seuls services ambulanciers. Au lieu de vous encombrer de détails - Google vous aidera à les découvrir - citons un document de 1939 où de nouveaux engagés au FAU expliquent l'intention de leur engagement : Nous nous proposons de nous former afin de constituer un instrument efficace pour entreprendre des services ambulanciers et de secours dans des régions sous contrôle soit civil soit militaire et ainsi, en travaillant comme institution pacifiste et civile là où le besoin est le plus grand, démontrer qu'il est efficace de coopérer pour construire un nouveau monde plutôt que de se battre pour détruire l'ancien… Au cœur des rancunes et des idéologies en conflit nous avons le souci de construire un patrimoine de bonne volonté et de service positif, espérant ainsi contribuer à maintenir au premier plan de l'esprit des gens les valeurs qui s'oublient si facilement pendant la guerre et tout de suite après. • La médiation, les bons offices : La médiation dans les conflits notamment sanglants n'est pas à la portée de tout le monde, elle exige du métier. Certains quakers s'y engagent. Ils tournent en atout leur manque total de pouvoir. Ils ne défendent aucun intérêt. Leurs techniques, issues des pratiques quakers, sont susceptibles de donner de bons résultats dans certains contextes culturaux, mais sont inefficaces dans d'autres. Parfois les quakers se cantonnent aux bons offices au sens propre du mot 'office' : offrir un lieu reposant et discret où les adversaires peuvent se rencontrer hors de tout protocole pour dégrossir leur différend librement et franchement. Le bureau quaker auprès des Nations Unies à Genève, qui occupe une villa dotée d'un salon douillet dans un cadre de verdure au Petit-Saconnex, a servi de la sorte. • La construction de la paix se fait en profondeur et dans la durée. Il s'étend entre petits gestes et vastes programmes. Le folklore quaker conserve ainsi l'histoire d'une femme quaker du Nord de la France qui planta des salades avant de fuir l'avancée des Allemands pour que les soldats trouvent à manger à leur arrivée. À une toute autre échelle, le Quäkerspeisung nourrit des centaines de milliers d'enfants allemands par jour après les deux guerres mondiales. Le programme, issu d'ailleurs des constatations sur place du Friends Ambulance Unit, dépassait de loin les moyens de la Société religieuse des Amis : le programme n'aurait pas été possible sans le soutien des gouvernements des États-Unis et de Grande Bretagne. Certains paquets du programme à la fin de la première guerre portaient sur l'étiquette la mention : Aux enfants d'Allemagne ! Un salut amical de la Société religieuse des Amis qui adhère depuis 250 ans, et même pendant la guerre mondiale qui vient de se terminer, au principe que seul l'amour et le désir d'aider, plutôt que la guerre et la violence, peuvent apporter la paix et le bonheur à l'humanité. Les quakers organisaient pendant les vacances d'été chaque année de 1952 à 1976 dans un pensionnat de Clarens une conférence résidentielle pour de jeunes diplomates de différents pays avec leur famille. On espérait qu'au cours de leur carrière ultérieure ils auraient l'occasion de se relancer de manière informelle s'ils se retrouvaient de part et d'autre d'un différend international. Le plus grand centre universitaire d'études pour la paix, à l'Université de Bradford en Angleterre, fut fondé en 1972 à l'initiative de quakers. L'institution a rapidement débordé les moyens des seuls quakers, mais une fondation quaker le soutient toujours aux côtés d'autres comme le Rotary. À Genève, le Bureau quaker auprès des Nations Unies fait partie du Geneva Peacebuilding Platform ("the knowledge hub for better peacebuilding" - son site web est uniquement en anglais), fondé en 2008 en partenariat avec le Centre on Conflict, Development & Peacebuilding (IHEID), d'Interpeace et du Geneva Centre for Security Policy. Laissons le mot de la fin à Gunnar Jahn, président du comité Nobel, dans son discours d'attribution du Prix Nobel de laPaix 1947 aux quakers : Les quakers nous ont montré que l'on peut traduire en actions ce qui est profondément enfoui dans le cœur de plusieurs : la compassion pour les autres et le désir de les aider - cette riche expression de la sympathie entre toutes et tous, quelle que soit leur nationalité ou leur race, qui, transformé en actes, forme inévitablement la base de la paix durable. Pour cette raison seule les quakers méritent de recevoir le prix Nobel de la paix aujourd'hui.