RESUME La responsabilité des dirigeants de sociétés anonymes en
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RESUME La responsabilité des dirigeants de sociétés anonymes en
RESUME La responsabilité des dirigeants de sociétés anonymes en droit allemand et droit français Julia REDENIUS-HOEVERMANN La responsabilité civile des dirigeants de sociétés anonymes, tant en droit allemand qu’en droit français, ne connaît pas de signification pratique importante, certains auteurs allant même jusqu’à parler d’une immunité de fait des dirigeants ou d’un droit « mort ». Une étude de droit comparé peut s’avérer intéressante à ce sujet car comme va le montrer l’étude, le droit allemand et le droit français convergent sur beaucoup de sujets mais offrent, sur des questions différentes, des solutions où l’autre ordre juridique se heurte encore à des obstacles. Une étude sur la responsabilité des dirigeants de société anonyme ne peut toutefois se faire sans la référence au droit américain et au droit communautaire. Une idée primordiale est de renforcer le régime de droit privé, ce qui implique une dépénalisation du droit des sociétés à cet égard. En effet, les fonctions du droit pénal ne peuvent converger ni se substituer aux fonctions de la responsabilité civile. L’objectif de cette thèse est donc de construire, sur le fondement du droit positif en proposant certains correctifs, un système équilibré et effectif de responsabilité civile dans lequel les différents intérêts à protéger guident la réflexion. L’étude suit un plan classique en deux parties, en décrivant tout d’abord les conditions de la responsabilité civile des dirigeants, puis l’exercice de l’action en responsabilité et les moyens de limiter la responsabilité. Seules les propositions faites sont résumées ici. 1 Partie 1 Les conditions de la responsabilité civile des dirigeants Les conditions de la responsabilité civile sont décrites selon que la société est in bonis ou se trouve en redressement judiciaire. Titre 1 Les conditions de la responsabilité dans la société in bonis Au sein de la responsabilité civile dans la société in bonis, il convient de distinguer la responsabilité envers la société de celle des tiers et les actionnaires. La responsabilité est, dans ces cas, fondée sur la qualification d’un manquement fautif, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Chapitre 1 Les conditions de la responsabilité des dirigeants dans l’action sociale Dans le cas de la responsabilité envers la société, l’intérêt de la discussion doit notamment porter sur l’application de la « business judgement rule » en droit allemand et en droit français. Le droit allemand a inscrit une « business judgement rule » à l’art. 93 al. 2 AktG (p. 63 et suivantes). A l’égard de son application, il peut être conclu que le droit allemand doit aller plus loin, comme le fait le droit américain. Ainsi, en matière de décision entrepreneuriale, le droit américain présume que la « business judgement rule » trouve application et donc la charge de la preuve incombe entièrement au demandeur. Il n’en est pas de même en droit allemand. Selon l’art. 93 al. 2, 2ème phrase AktG, la charge de la preuve de la faute incombe au dirigeant de la société. L’UMAG a clairement voulu suivre l’exemple américain. Or partant de l’idée que la présomption d’irresponsabilité en matière de décisions entrepreneuriales est le fondement de la « business judgement rule », l’UMAG aurait abandonnée l’idée du partage de la charge de la preuve, telle que cela est fait en droit américain et dans le droit classique de la procédure civile allemande. En droit français, la question de l’application d’une « business judgement rule » pose notamment la question de la définition de la faute de gestion (p. 73 et suivantes). La faute de gestion est désormais définie par rapport à la prise de décision concernant les affaires de la société : les décisions entrepreneuriales (p. 76). La nouvelle 2 subjectivité admise en jurisprudence française ouvre la voie à une possible application de la « business judgement rule ». Pour une pleine application de cette règle, il semble toutefois nécessaire d’admettre, pour les décisions concernant la conduite des affaires, une présomption de régularité. Une responsabilité pour faute simple est admise pour la responsabilité envers la société (p. 78 et suivantes) afin de protéger de manière raisonnable les intérêts en question. En effet, les dirigeants ont une relation particulière avec la société, car ils dirigent et contrôlent cette personne juridique qui a été rendue vivante de par leur action. Ce degré de gravité de la faute semble notamment adéquat si l’on admet l’application de la « business judgement rule ». Chapitre 2 Les conditions de la responsabilité dans l’action individuelle On retrouve les conditions classiques pour la responsabilité des dirigeants envers les tiers et les actionnaires. La responsabilité envers les tiers pose un problème majeur en droit français avec la notion de « faute séparable des fonctions » (p. 106 et suivantes). Contrairement à la doctrine française majoritaire, nous défendons que la chambre commerciale continue à se fonder sur le principe selon lequel la responsabilité du dirigeant envers les tiers est seulement une responsabilité exceptionnelle qualifiée en cas de comportement intentionnelle d’une particulière gravité. Certes, cette jurisprudence n’est pas une application littérale de la loi, mais elle s’explique, d’une part par le désir de libérer le dirigeant dans la mesure où la société peut indemniser le préjudice subi par le tiers et, d’autre part par l’application de la théorie de l’écran social reconnaissant la personne morale. La responsabilité des dirigeants est en premier lieu une responsabilité envers la société. La notion de tiers au sens strict n’englobe pas les actionnaires. La responsabilité des dirigeants envers les actionnaires doit connaître une interprétation différenciée. Le préjudice dit du « réflexe social » ne peut se voir réparer en suivant la jurisprudence et la doctrine unanime à ce sujet. Toutefois, un système fondé sur le projet de loi KapInHaG est proposé tant pour le droit allemand que le droit français. Ainsi les 3 dirigeants sont responsables pour un préjudice causé aux actionnaires du fait d’un défaut d’informations financières. En droit français, une telle responsabilité est fondée sur le devoir de loyauté du dirigeant envers les actionnaires (p. 176 et suivantes). Le dirigeant engage sa responsabilité tant pour les informations obligatoires que pour les données volontaires. Il s’agit ici d’une responsabilité pour faute grave. La question relative au lien de causalité entre l’information et le dommage subi constitue sûrement une des questions les plus compliquées. Il convient d’appliquer à cet égard la théorie dite de la « fraud-on-the-market » (p. 181 et suivantes). Un assouplissement, mais non un renversement de la charge de la preuve, a lieu à travers cette théorie. En effet, l’actionnaire continue à être tenu de démontrer sur quelle « ambiance d’investissement » il a fondé sa décision d’investir. Toutefois, la causalité « concrète » entre la faute et le préjudice subi ne doit plus être qualifiée pour pouvoir mettre en cause la responsabilité civile du dirigeant. Au regard du calcul du préjudice, il semble que l’hypothèse dite de « l’efficacité du marché » correspond le mieux aux exigences du marché des capitaux. Titre 2 Les conditions de la responsabilité dans la société en difficultés Au cours de l’étude des conditions de la responsabilité des dirigeants dans la société en redressement judiciaire, il convient à nouveau de différencier la responsabilité du dirigeant en cause envers la société de celle envers les créanciers. La responsabilité des dirigeants a dans la pratique française une importance particulière. Chapitre 1 Les conditions de la responsabilité civile des dirigeants envers la société en difficulté Alors même qu’en matière de responsabilité en cas de société en redressement judiciaire, la protection des créanciers passe au premier plan, le droit français admet une responsabilité du dirigeant envers la société de manière stricte. Le droit français 4 connaît notamment deux régimes de responsabilité des dirigeants en cas de société en difficultés. D’une part, la responsabilité personnelle du dirigeant selon l’art. L. 651-2 C. com., et d’autre part une extension du redressement judiciaire de la société au dirigeant (p. 196 et suivantes). Le droit allemand connaît certes une responsabilité du dirigeant envers la société mais celle-ci est très limitée. Chapitre 2 Les conditions de la responsabilité civile des dirigeants envers les créanciers Alors même que le droit allemand reconnaît une responsabilité des dirigeants envers les créanciers, celle-ci reste également très limitée de par son champ d’application très restreint (p. 238 et suivantes). La mise en cause de la responsabilité échoue principalement, comme il sera démontré, à la qualification de la cessation de paiements ou du surendettement. Le législateur allemand doit s’inspirer du droit français afin de réformer son droit. La responsabilité devrait non seulement être mise en cause en cas de retardement de saisine du tribunal aux fins d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire alors que la société est insolvable, mais devrait également admettre que la responsabilité puisse être qualifiée à partir du moment où la faute a conduit à l’insolvabilité. L’élément intéressant qui pourrait être repris en droit français afin de renforcer la responsabilité est la différenciation faite par la jurisprudence allemande entre les créanciers « anciens » et « nouveaux ». En effet, les créanciers « nouveaux » sont dédommagés de l’ensemble de leur préjudice et pas seulement de la quote-part issue de la liquidation (p. 244 et suivantes). La question se pose alors de savoir pourquoi en pratique les dirigeants voient leur responsabilité mise en cause seulement lorsque la société est en cessation de paiements ou surendettée. La fonction de la responsabilité ne doit pas prendre en compte la situation économique de la société, mais les intérêts à protéger. Le regard doit donc se porter sur le revers de la médaille, c’est-à-dire sur l’exercice de l’action en responsabilité. 5 Partie 2 L’exercice de l’action en responsabilité civile et la limitation de la responsabilité des dirigeants Les conditions strictes ne seront qu’aussi efficaces que les ayants droits peuvent réellement exercer leur droit. Toutefois, le risque de responsabilité doit rester évaluable pour le dirigeant. C’est pourquoi une limitation de la responsabilité est proposée. Titre 1 L’exercice de l’action en responsabilité civile – mise en œuvre et obstacles L’exercice en responsabilité civile des dirigeants reste très limité dans la pratique. Il faut donc proposer des réformes quant à l’exercice de l’action sociale et l’action individuelle. L’action en responsabilité peut se heurter à des obstacles procéduraux. Chapitre 1 La mise en œuvre de l’exercice de l’action en responsabilité civile L’action sociale doit être admise dès lors qu’un seul actionnaire veut faire valoir les droits de la société car celle-ci n’exerce pas d’action en responsabilité contre son dirigeant. L’action sociale se heurte au problème de la répartition des coûts. Le législateur a introduit une procédure à deux temps dans laquelle les coûts de la procédure sont pris en charge par la société, ayant droit, si la procédure est agréée à être introduite (« procédure d’agrément »). Les actions abusives sont ainsi limitées (p. 300 et suivantes). Une telle procédure est également proposée pour le droit français (p. 304 et suivantes). S’agissant des recours des actionnaires contre les dirigeants sur le fondement de la responsabilité pour défaut d’informations financières, le problème se situe au regard du grand nombre d’ayants droits. Le législateur allemand a proposé une « procéduremodèle ». Le législateur français a également réfléchi à une action de groupe. La question primordiale à cet égard reste la limitation des actions abusives (p. 315 et suivantes). 6 Chapitre 2 Les obstacles à l’exercice de l’action en responsabilité Les obstacles juridiques auxquels peuvent se heurter les actions en responsabilité sont la prescription, la renonciation à l’action mais aussi la transaction. Au regard de la prescription, il faut notamment réfléchir à uniformiser les délais de prescription, mais aussi à les rendre effectifs. Ainsi, en matière de défaut d’informations financières, le délai de prescription doit être très court (p. 345 et suivantes). Il faut se demander si un dirigeant ayant pris une mesure avec accord de l’assemblée générale peut voir sa responsabilité engagée (p. 352 et suivantes). Les aspects intéressants à cet égard sont notamment la question de la transaction dans la « procédure-modèle » et l’action de groupe (p. 374 et suivantes). Titre 2 La limitation de la responsabilité des dirigeants Un système équilibré de responsabilité civile implique aussi pour le dirigeant de pouvoir limiter celle-ci. Chapitre 1 La limitation de la responsabilité des dirigeants – en aval La limitation de la responsabilité en « aval » peut avoir lieu à travers une assurance « D&O ». Certes, par l’assurance dite « D&O » l’effet de sanction est réduit, mais il semble qu’avec une franchise fonctionnelle, il ne soit pas exclu. La définition d’une franchise fonctionnelle est difficile à donner, mais des études ont montré qu’une franchise correspondant à au moins 50% de la somme assurée permettrait de garantir la fonction de sanction de la responsabilité civile (p. 399 et suivantes). De plus, le plafonnement de la responsabilité est défendu. Il faut donc se défaire de l’idée que la responsabilité civile répare le préjudice. Il s’agit désormais d’admettre qu’elle sanctionne le dirigeant. Le plafonnement équitable de la responsabilité civile des dirigeants permet l’introduction d’un réalisme économique et pratique accru. 7 Le plafond de la responsabilité est fixé ici à la moitié des revenus annuels perçus avec une valeur maximale fixée à 3,8 revenus annuels (p. 416 et suivantes). Dans l’optique de plafonner la responsabilité des dirigeants, il convient également de s’intéresser à la publication des rémunérations des dirigeants afin de pouvoir évaluer le plafond de la responsabilité civile des dirigeants (p. 427 et suivantes). Chapitre 2 La limitation de la responsabilité des dirigeants – en amont La limitation ne doit pas avoir lieu qu’en « aval ». A notre sens, la fonction préventive de la responsabilité implique une limitation en « amont ». Celle-ci est réalisée à travers différents critères. D’une part, il est démontré que la qualification des dirigeants peut jouer un rôle en la matière (p. 444 et suivantes). La condition principale est qu’une personne ne soit pas membre dans un grand nombre de conseil d’administration ou de surveillance de sociétés anonymes. La question des administrateurs indépendants et des membres « professionnels » dans les organes de contrôle se pose. Enfin, il semble que la fréquence des réunions peut également jouer un rôle important en la matière. Toutefois, ce contrôle préventif ne doit pas avoir lieu seulement au sein des organes de gestion et de contrôle, mais aussi au sein de l’actionnariat par exemple par la participation aux assemblées générales ou le contrôle indirect à travers les commissaires aux comptes. A cet effet, l’introduction d’une prime de présence (p. 483 et suivantes) ainsi que l’indépendance des commissaires aux comptes (p. 485 et suivantes) sont discutées. Un dernier regard est porté sur le contrôle fait par les employés sur leur dirigeant, qui pourrait notamment avoir lieu à travers le dispositif de « Whistleblowing » (p. 491 et suivantes). Le problème à cet égard reste la protection des données personnelles. 8