revue de presse - Théâtre du Pommier
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revue de presse - Théâtre du Pommier
REVUE DE PRESSE JE ME METS AU MILIEU MAIS LAISSEZ-MOI DORMIR mise en scène Dorian Rossel / Cie STT Le 23 juillet 2014 par Amélie Blaustein Niddam Caustique adaptation de La Maman et la Putain Il y a une malédiction à Avignon, les meilleurs spectacles se rencontrent toujours à la fin, et ils sont souvent suisses! Dans un genre très différent on se souvient d’André qui a eu depuis une belle carrière. Ici, Dorian Rossel adapte à la perfection les rôles du film La Maman et la Putain de Jean Eustache. « -Bonsoir, vous allez bien ? - Quelle drôle de question… bien sûr que non ! » La Maman et la Putain est un film culte de Jean Eustache, hyper ancré dans l’immédiat post-68 qui nous entraîne dans la vie du désabusé Alexandre, pris dans ses émois. Sur scène, nous sommes dans le symbolique des années 70 : un panier en osier, de grandes lunettes pour Gilberte, une tunique pour Veronika, un blouson court pour Alexandre (David Gobet), un haut à pois pour Marie. La maman, c’est l’officielle, celle avec qui il vit, Marie (Dominique Gubser). La putain c’est la surprise, Veronika, infirmière rencontrée au détour d’un regard aux Deux Magots (Anne Steffens). La posture est cinématographique, comme dans une lecture de script. Le jeu sera distant, fait de petites choses qui disent tout. Ici, pas d’esbroufe, pas de grandiloquence. Nous sommes dans le dur, dans le cynique, dans le caustique. Alexandre ne bosse pas, il lit les après-midis et pleure acidement sur son amour perdu : la bourgeoise Gilberte, en bonne voie pour épouser « un cadre ». La révolution est déjà loin et plusieurs mois de mai sont passés par là. Alexandre erre et rentre chez lui où vit Marie. Le couple cherche une liberté et en apparence l’assume. En apparence seulement car, malheur de l’âme humaine, la jalousie est là. Ils parlent, parlent, parlent sans cesse, disent « baiser » à tout va, en le disant plus qu’en le faisant, sans trop en dire, ils iront jusqu’au trop plein, au débordement. Tour de force, on se souvient du film grâce à l’excellent trio de comédiens mais à aucun moment on ne cherche à retrouver Jean-Pierre Léaud dans David Gobet. Il est passionnant de revoir ce prix du Jury du festival de Cannes 1973 dans une version raccourcie et théâtrale, et ce en 2014. Tout nous semble désuet, à commencer par le tournedisque qui crache ses vinyles. Eux aussi sont dans la nostalgie du temps d’avant, et écoutent des vieux disques de Marlène Dietrich. L’errance de leur monde est la nôtre, les époques dialoguent, crise contre crise, lutte des classes contre lutte des classes. Pendant l’entrée public, on entend Maurice Chevalier chanter : « Dans la vie faut pas s’en faire Moi je ne m’en fais pas Toutes ces petites misères Seront passagères Tout ça s’arrangera » On glisse avec eux dans leur écume des jours, où ils découvrent l’impossibilité de ne pas être bourgeois, à deux, classiquement. Le coût de leur liberté leur donne la nausée. Le spectacle est parfait, faut-il ajouter autre chose ? Allez-y peut-être Revue-spectacles.com Le 14 juillet 2014 par Claude Kraif Le cinéma fait son théâtre et il le fait bien. Le décor est presqu’inexistant. Un tourne-disque posé par terre, quelques trente-trois tours et 4 chaises. Les comédiens de face ou de profil vont interpréter leurs personnages et le film de Jean Eustache va se dérouler sous nos yeux. Les acteurs se racontent autant qu’ils jouent, ce qui donne aux personnages une présence particulière comme s’ils prenaient les spectateurs à témoin de leur solitude. Une sorte de chœur où chacun joue sa partition. C’est à nous qu’ils s’adressent et nous répondons souvent par le rire dans cette connivence offerte sur un plateau. Les dialogues de Jean Eustache sont à la fois drôles et profonds. Emouvants pour ceux qui ont connu la période des années 60-70. Mais l’époque est encore suffisamment proche pour que rien ne soit changé des préoccupations et des errances amoureuses d’aujourd’hui. Le dialogue est brillant, élégant, souvent cruel. Pour paraître désinvolte il n’en cache pas moins une certaine désespérance. Dès lors le spectacle fonctionne à merveille. Nous sommes le jeune homme, la maman, la putain, nous nous identifions sans problème, un peu inquiets de la crudité du langage et de l’audace des personnages. Toujours est-il que le public est enthousiaste, entraîné dans la sarabande des mots et des émotions. Bref un exploit, littéraire, cinématographique et maintenant théâtral ! Le 23 juin 2014 par Manuel Piolat Soleymat Dorian Rossel présente deux spectacles dans le Off. Une double occasion, pour le fondateur de la compagnie suisse STT, de porter « un regard polysémique, ludique, poétique » sur le monde. Quels liens peut-on établir entre les créations que vous présentez à La Caserne des pompiers et à La Manufacture ? Dorian Rossel : Ces deux spectacles répondent à la question : pourquoi se battre ? Alexandre – le anti-héros de Je me mets au milieu mais laissez-moi dormir (texte librement adapté de La maman et la putain de Jean Eustache) – et Oblomov refusent la société productiviste, que ce soit celle du XIXème siècle ou celle des années 1970. Ce sont deux hommes qui ne veulent pas s’inscrire dans le monde qui leur est proposé. Pouvez-vous, en quelques mots, présenter ces deux projets ? Oblomov est une satire de l’aristocratie du XIXe siècle. En préférant son divan à toute vie et activités sociales, le personnage d’Ivan Gontcharov est devenu un mythe en Russie. Mais derrière le sommeil, il incarne aussi la peur de s’engager dans le monde. Oblomov est double : lâche dans son inactivité, courageux dans ses choix de refus. Il questionne le sens de notre action et la course au productivisme caractéristique de notre époque. Quant à Alexandre, il épuise les ressources de la parole pour masquer une réalité sociale dans laquelle il ne veut pas s’inscrire. A travers lui et le couple à trois qu’il forme avec Marie et Véronica, Jean Eustache dresse le portrait d’une jeunesse en marge des modèles traditionnels. Il pose la question universelle de l’injustice fondamentale qui préside aux jeux de l’amour et des souffrances qui en découlent. « J’aime suggérer des envies, éveiller les spectateurs à des questionnements existentiels… » La compagnie STT a pour ambition de « développer un théâtre accessible, direct mais exigeant, singulier et contemporain ». En quoi ces deux spectacles s’inscrivent-ils dans cette démarche artistique ? Avant tout, ce sont deux textes majeurs et il me semble important de les dire aujourd’hui. Ils éclairent notre époque. J’aime suggérer des envies, éveiller les spectateurs à des questionnements existentiels, essayer de leur transmettre la curiosité et les interrogations que des textes ont fait naître chez moi. Quel regard cette curiosité et ces interrogations vous amènent-elles à porter sur le monde ? Un regard polysémique, ludique, poétique. Le propos et la forme doivent résonner avec l’ici et le maintenant, en générant une écoute sensible liée à l’intelligence du spectateur. Je suis à la recherche d’un théâtre qui rassemble et donne l’envie de se questionner, de s’ouvrir aux autres, de se dépasser, d’apprendre, d’aimer, de sortir de ses préjugés… Un théâtre conçu comme une invitation à entrer dans un univers délicat, exigeant et complexe, miroir de notre monde. Quelles sont vos sources d’inspiration ? La particularité des mises en scène de la compagnie STT réside dans le fait qu’elles ne se construisent généralement pas autour d’un texte du répertoire théâtral, mais à partir d’une problématique contemporaine. Nous pouvons partir de romans, de récits, de films, de documentaires ou de bandes dessinées. Nos spectacles se construisent à travers un va-et-vient entre élaboration dramaturgique et travail du plateau. La dimension empirique de cette démarche est fondamentale. Elle implique une réévaluation permanente de ce qui se construit au fil des sessions de recherche et des répétitions. Le 25 mai 2007 par Emmanuel Pinget Dorian Rossel revisite Eustache et fait mouche Tout le monde n’a pas forcément une femme, une maîtresse et une amoureuse. Mais Alexandre, oui, qui voit Marie, Gilberte et Véronika. Prenez un habile comédien (David Gobet), deux comédiennes pour trois rôles (Anne Steffens et Dominique Gubser), confiez-leur le texte du film La Maman et la putain, et la situation prend corps. Dorian Rossel met en scène Je me mets au milieu mais laissez-moi dormir, au Théâtre de l’Usine jusqu’à dimanche. Pour sa dernière carte blanche, il s’attache à mettre en valeur le propos et les procédés de narration, réservant un traitement minimaliste à la spatialité comme décor. Alexandre navigue ainsi parmi ses trois conquêtes, dont aucune ne lui est vraiment acquise. Epris de sens plus qu’esclave des sens, il parvient à garder une sorte de cap avec sa femme et à faire succomber une jeune nymphomane. Mais trouve moins de réussite auprès de sa maîtresse. Les épisodes, conçus avec simplicité autour d’un discours riche d’idées, d’humour et de logique, le montrent en un stable déséquilibre. Heureux malgré lui, ou à son insu, il traverse avec le plus grand naturel l’incongruité des saynètes relativement complexes. Léger ou profond, le propos tend à suggérer plutôt qu’à asséner, ne se laisse pas circonscrire. Toutes les directions sont potentiellement prises. La forme se développe quant à elle tout en délicatesse. À la fois narrateurs, protagonistes et assistants, les trois comédiens élaborent, avec le metteur en scène et la collaboration de Sandrine Tindilière, un moment fluide en dépit de ses pics sémantiques et dramaturgiques. Notamment par la désinvolture automatisée de leurs déplacements, synchrones et millimétrés. Le 24 mai 2007 par Marie-Pierre Genecand Le couple à trois, trente ans après Lorsqu’il sort, en 1973, La maman et la putain choque l’opinion publique. Par les propos, déjà, qui appellent un chat un chat, et la situation, un couple à trois où Alexandre (le bienheureux ?) partage son lit avec la rassurante Marie et la légère Véronika. Quant au cœur de ce French lover, il est encore pris ailleurs… Devant la caméra de Jean Eustache, c’est Jean-Pierre Léaud, acteur fétiche de François Truffaut, qui a immortalisé le rôle de cet amant errant. Sous la couette, il donnait la réplique à Bernadette Laffont (la maman) et Françoise Lebrun (la putain). Et si ce film a plu a Jury du Festival de Cannes, qui lui a décerné son Grand Prix spécial, il a froissé certains intellectuels de gauche qui y ont vu la condamnation de l’amour libre. C’est que, entre jalousie et tourment, le ton de cette chronique olé olé n’est en effet pas très gai. Intéressant, dès lors, de voir quelle sera la couleur de la version théâtrale proposée sur la scène de l’Usine, à Genève, plus de trente ans après. Dorian Rossel s’est penché sur ce classique cinématographique parce qu’il constitue, dit-il, « une magnifique partition lyrique où la force des mots nous entraîne dans un réel désir de l’autre ». Le souci de faire entendre les dissonances et les résonances de ce texte guidera David Gobet, Dominique Gubser et Anne Steffens, protagonistes de Je me mets au milieu, mais laissez-moi dormir. Cœurs tranquilles s’abstenir. Festi-TV : la TV du Festival Off d’Avignon http://www.festi.tv/Festival-Avignon-Off-2014-Chronique-Oblomov-Cie-STT_v989.html