LA FORMATION PéDAGOGIqUE DES PROFESSEURS D`UNIvERSITé

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LA FORMATION PéDAGOGIqUE DES PROFESSEURS D`UNIvERSITé
Programme Actions concertées
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La persévérance et la réussite scolaires
résultats de recherche
la formation pédagogique des professeurs d’université :
des besoins réels à satisfaire
chercheure principale
Louise Langevin
Université du Québec à Montréal (UQAM)
le renouvellement du corps professoral amorcé depuis 2001 dans les
universités québécoises remet à l’avant-scène la question de la formation
pédagogique et professionnelle des professeurs d’université. Formés d’abord
pour devenir des chercheurs spécialistes dans un domaine en particulier,
les professeurs d’université n’ont, pour la plupart, jamais reçu de formation
pédagogique avant d’enseigner. Pourtant, la pédagogie appliquée par les
professeurs est reconnue comme l’un des facteurs qui contribuent à la
réussite scolaire des étudiants. Depuis quelques années, le milieu universitaire au Québec, à l’instar des pays anglo-saxons, se penche sur la
question et plusieurs universités offrent des services de formation et de
perfectionnement pédagogiques. Dans ce contexte, Louise Langevin,
professeure au Département d’éducation et de pédagogie de l’UQAM, et
son équipe de recherche ont réalisé une étude sur les pratiques pédagogiques, les conceptions, les besoins et les demandes de formation pédagogique de professeurs issus de disciplines et d’universités différentes.
Cette recherche a identifié plusieurs pistes de formation qui pourraient
profiter autant aux professeurs nouvellement embauchés qu’à ceux dont
la carrière est déjà entamée.
Valorisation de l’enseignement
« Notre démarche vise ultimement la valorisation de l’enseignement
considéré comme le rôle le plus stable dans la carrière des professeurs »,
affirme Louise Langevin. Pour les chercheurs, dont l’étude a été réalisée
entre 2005 et 2007 dans le cadre d’une action concertée sur la persévérance et la réussite scolaires du Fonds québécois de recherche sur la
société et la culture en collaboration avec le ministère de l’Éducation, du
Loisir et du Sport, il est temps de se pencher sérieusement sur la qualité
de l’enseignement universitaire et de prendre les moyens nécessaires pour
la promouvoir et la bonifier, si nécessaire.
Afin de mieux connaître le point de vue des professeurs, un questionnaire en ligne a été envoyé à un large échantillon auquel 180 professeurs
de l’Université du Québec à Chicoutimi, l’École de technologie supérieure
et de l’UQAM ont accepté de répondre. Les questions touchaient principalement les différentes approches
de l’enseignement des répondants.
Bien des professeurs se
Des entrevues semi-dirigées auprès
de 38 professeurs d’orientations
questionnent sur leur rôle partagé
diverses ont aussi été réalisées,
entre ceux de transmetteur
ainsi que des séances d’observation
de connaissances, d’éveilleur
des professeurs pendant leurs cours.
de conscience et de passion,
Les répondants étaient réparde guide dans l’apprentissage
tis dans l’ensemble des disciplines.
de personne en relation.
Les femmes représentaient 34 % de
l’échantillon et les hommes 66 %.
Les nouveaux professeurs ayant moins de cinq ans d’expérience représentaient
le tiers des répondants, tandis que ceux ayant six ans et plus d’expérience
constituaient les deux tiers des répondants.
Parmi les principaux résultats, l’équipe de Louise Langevin a relevé
deux approches principales à l’enseignement au premier cycle universitaire :
soit l’approche centrée sur le professeur et la matière à transmettre, soit
l’approche centrée sur l’étudiant et la relation pédagogique. Ces approches
ont des répercussions importantes sur la dynamique au sein des classes.
Par exemple, dans le premier cas, un professeur peut considérer
important de fournir beaucoup d’informations relatives à la matière du
cours pour que les étudiants sachent ce qu’ils doivent apprendre sur ce
contenu. La stratégie d’enseignement choisie peut alors consister à couvrir
toute l’information qui se trouve dans un manuel de référence.
Dans le deuxième cas, plus centré sur l’étudiant, un professeur peut
avoir l’intention, par exemple, de consacrer beaucoup de temps d’enseignement
dans son cours à questionner les étudiants sur leurs idées. La stratégie
utilisée peut consister alors à tenter de susciter des échanges avec les étudiants sur le contenu étudié soit dans le cours, soit dans les travaux dirigés.
À ce sujet, bien des professeurs se questionnent sur leur rôle partagé
entre ceux de transmetteur de connaissances, d’éveilleur de conscience et
de passion, de guide dans l’apprentissage et de personne en relation. « Notre
recherche a permis de dégager néanmoins des approches distinctes en
fonction des universités et des disciplines », explique Louise Langevin.
et
Comparaisons entre novices et expérimentés
Entre les professeurs novices et les plus expérimentés, peu de différences significatives ont été relevées quant à l’approche d’enseignement.
« Les novices utilisent moins les technologies d’information et de communication et font moins de mise en contexte de la matière que les plus
expérimentés, mais ils déclarent néanmoins sensiblement les mêmes difficultés », reconnaît l’équipe.
Même si les nouveaux professeurs ont autant besoin de mise à jour
dans leur domaine que les plus expérimentés, ils semblent avoir davantage
besoin de matériel d’appoint qui leur permettrait de mettre en contexte leur
enseignement. La recherche a permis de relever qu’ils réclament surtout
d’être initiés à des méthodes variées pour l’enseignement, alors que les
professeurs plus expérimentés demandent surtout un plus grand soutien
technologique et financier.
À propos des étudiants, la principale difficulté rencontrée par les
professeurs est, sans conteste, la question de l’hétérogénéité des groupes.
« Cette hétérogénéité semble être la cause directe ou indirecte de bien d’autres
difficultés qu’éprouvent les professeurs en classe, comme la préparation
jugée insuffisante de beaucoup d’étudiants, les niveaux de connaissances
disparates, le manque de motivation et le
contrôle des absences », affirme Louise
Afin que la pédagogie
Langevin.
universitaire ne soit plus
considérée comme un « angle
mort », les innovations
pédagogiques devraient aussi
être davantage diffusées et
valorisées.
Mesures d’aide suggérées
L’équipe a réussi à identifier des
actions à prioriser en vue de raffiner le
soutien à l’enseignement universitaire.
Selon les chercheurs, toutes les disciplines
auraient intérêt à consacrer davantage de
temps et d’aide à l’enseignement. Des conseillers pédagogiques, du soutien
technique et l’engagement d’un plus grand nombre d’auxiliaires d’enseignement pour les grands groupes sont les principales ressources humaines
demandées par plusieurs répondants de l’étude.
Une mise à jour des connaissances des professeurs serait également
à envisager, ainsi qu’une formation à l’utilisation des technologies d’information et de communication, mais aussi aux stratégies pour motiver les
étudiants, les évaluer et gérer les groupes. Les chercheurs estiment que du
matériel spécialisé (manuel, données récentes, banque de cas, etc.) pourrait
être mis à la disposition des professeurs et que les universités gagneraient
à réfléchir à des moyens pour la mise à niveau des étudiants.
Afin que la pédagogie universitaire ne soit plus considérée comme
un « angle mort », tel que le rapportait un directeur de département interviewé dans le cadre de cette étude, les innovations pédagogiques devraient
aussi être davantage diffusées et valorisées. « Cette piste axée sur les
innovations pédagogiques peut s’avérer féconde, car elle met de l’avant
des réussites plutôt que d’exposer des problèmes », estime Louise Langevin.
Selon l’équipe de recherche, plus l’enseignement sera valorisé dans les
universités, plus des mesures administratives et promotionnelles seront
promues à la grandeur de l’institution.
Les chercheurs considèrent que des suivis sur l’interaction en classe,
sur la participation des étudiants, sur des moyens pour qu’ils fassent les
lectures demandées seraient fort utiles. Chaque département en concertation avec un service de soutien à l’enseignement devrait lancer des
initiatives de soutien, mais surtout que ces dernières soient stimulées et
soutenues par l’administration de l’établissement.
Pour attirer les professeurs aux formations, les chercheurs proposent,
par exemple, de coupler des mises à jour sur les connaissances avec des
stratégies pédagogiques. Les formules pour les formations sont multiples :
ateliers avec suivi, séminaires, midis pédagogiques ou formations dirigées
sont considérés comme des pistes efficaces.
Par ailleurs, la mise en place d’une formule de mentorat répondrait
à plusieurs besoins énoncés par les professeurs. « Les embauches nombreuses,
doublées des départs à la retraite, offrent une occasion exceptionnelle de
développer ce type de soutien qui s’est révélé fort profitable dans plusieurs
universités du monde », conclut l’équipe.
partenaires
Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
référence
Conceptions, besoins et pratiques pédagogiques de professeurs
d’université : perspectives pour la formation, Louise Langevin,
Université du Québec à Montréal, 2007, 89 pages.
Une réalisation de :
• Fonds de recherche sur la société et la culture
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• Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport
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