Synthèse de l`Atelier n°1 - 14ème Université d`été de la Défense
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Synthèse de l`Atelier n°1 - 14ème Université d`été de la Défense
8 Université d’été de la Défense PAU – Lundi 9 septembre 2013 Atelier n°1 L’opération Serval, révélateur des possibilités et des difficultés des interventions du futur co-présidé par Gérard LARCHER sénateur des Yvelines, ancien président du Sénat, ancien ministre Patricia ADAM députée du Finistère, présidente de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées et Christophe GUILLOTEAU député du Rhône, président du groupe d’études sur l’industrie de Défense Animé par Pierre BABEY Grand reporter à France 3 Les propos introductifs des trois co-présidents ont permis de replacer l’opération dans son contexte et de proposer un premier bilan synthétique. Lancée en janvier 2013, l’opération Serval est toujours en cours au Mali. Ainsi, à la demande du Président malien Dioncounda Traoré, ce sont plus de 3 000 militaires français qui sont aujourd’hui présents sur le sol de ce pays africain 1. Ils y mènent des missions de sécurisation visant à affaiblir les groupes islamistes armés tout en transférant progressivement ce rôle à la mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), composée de forces africaines. D’ici fin 2013, le retrait graduel de la France au Mali doit permettre de ramener le chiffre de nos militaires déployés dans ce pays à un millier. Ce désengagement été rendu possible par l’action efficace de la diplomatie française qui est parvenue à « multilatéraliser » la sortie de crise. Les échanges ont ensuite permis de mettre en lumière les points suivants : 1 A la date du présent atelier PAU 2013 9 Une première phase satisfaisante, mais une menace toujours prégnante Bien que Serval soit toujours en cours, avec des accrochages réguliers et parfois meurtriers, il est d’ores et déjà possible d'en dresser un premier bilan. Cette opération se caractérise d'abord par le fait que la France a été amenée à agir quasiment seule, devant l’incapacité des états européens à apporter une réponse collective à une menace assurément commune. Il faut rappeler en effet que le Sahel est identifié depuis 2011 comme une zone prioritaire pour l’Union européenne. Point à noter, bien que volontairement en retrait, les Etats-Unis ont néanmoins été le premier soutien de la France au Mali. L’enjeu de cette analyse, même à chaud et avec toutes les imperfections que ce travail suppose, est d’autant plus important que la région reste très instable, particulièrement en raison de la porosité du Sahel mais aussi de la proximité de la Libye dont la partie Sud du territoire pourrait se transformer en base arrière de groupes islamistes, radicalisés ou encore mafieux et hostiles aux intérêts de la France et de l’Europe. Certains s’inquiètent également pour le Niger dont le massif de l’Aïr pourrait « accueillir » des groupes radicaux. De fait, nul ne peut exclure raisonnablement l’éventualité d’un nouveau déploiement dans cette même zone dans un avenir prochain. L’importance de la planification et de la préparation opérationnelle Tout d’abord, dans l’ensemble, la préparation de l’armée de terre française s’est avérée excellente et le dispositif « Guépard » de forces en alerte sur le territoire national a bien fonctionné. Anticipant un éventuel déploiement en Afrique, les hommes, déjà aguerris par dix années d’Afghanistan, ont travaillé assez tôt sur les spécificités du milieu africain, plutôt bien connues par les armées françaises. Pour ne prendre qu’un exemple, a contrario de la Kapisa ou de la Surobi, le territoire malien est immense, grand comme trois fois la France, impliquant de fait de grandes élongations. Ici, pour « compenser » les distances et les reliefs, favorables à l’adversaire évoluant sur son terrain, la capacité de l’ensemble de nos forces à combattre ensemble et à frapper rapidement dans la profondeur a été déterminante. Un bon point donc pour l’interarmes et l’interarmées. Les appuis aériens et terrestres, ainsi que l’aéromobilité assurée par les hélicoptères et les avions de transport tactique, ont permis de manœuvrer vite, loin et d’être en capacité de surprendre l’ennemi. Il faut ajouter que la détermination de l’ensemble des militaires impliqués a été l’un des facteurs importants de la victoire, tout comme le rôle des forces spéciales qui ont facilité l’engagement initial puis l’action dans la profondeur. Un objectif politique clairement énoncé Sur ce dernier point, celui de la détermination des forces, il faut préciser ici que la clarté de la mission politique donnée par le Président de la République, François Hollande, a indéniablement favorisé le bon déroulement des opérations au Mali. Cet aspect d’un objectif politique clairement établi au préalable à l’action militaire sera indéniablement à retenir pour les prochains engagements de nos soldats. Pour les militaires, les choses étaient « simples » à appréhender : il fallait libérer le pays et détruire les terroristes avec acceptation de pertes. Restait à mettre en œuvre les ordres donnés et à atteindre l’état final recherché ! L’atout des forces prépositionnées et des nouveaux matériels Si le dispositif « Guépard » a donc grandement contribué à assurer la vitesse d’exécution de l’action, les forces prépositionnées ont également constitué un atout majeur. Pour ne citer que trois chiffres, il faut garder à l’esprit que 3 000 hommes et 12 000 tonnes de matériel ont été transportés en 1 mois. Concernant les équipements, bien que le Tigre ait été gêné par la poussière, provoquant un effort de maintenance très important, il a parfois fait basculer le rapport de forces en faveur des militaires français à lui tout seul. Le système d’artillerie mobile Caesar de 155mm a pour sa part démontré toutes ses qualités. Après des raids de plusieurs centaines de kilomètres, il a pu très rapidement, une fois arrivé à destination, délivrer des feux précis. Un autre véhicule a également fait ses preuves au Mali dans le combat débarqué, tout comme 10 Université d’été de la Défense sa climatisation a été un apport non négligeable pour les fantassins. Grâce à sa tourelle puissante, le VBCI a fait la différence. De même, sa climatisation intérieure a permis aux hommes d’économiser leurs forces. Des lacunes capacitaires confirmées, des points à améliorer Quelques lacunes capacitaires ont toutefois été observées ou confirmées. Certaines devraient être comblées avec les équipements attendus tels que les drones MALE, les A400M ou les MRTT. En revanche, le besoin en hélicoptères dont les appareils lourds reste prégnant alors que la question de la durée de vie des vénérables VAB et ERC-90 Sagaie demeure. L’une des autres clefs du succès de Serval a très certainement été la rapidité de la prise de décisions et de l’action militaire, permettant de maîtriser le tempo opérationnel et de bousculer l’ennemi. Certes, ajoutée aux grandes chaleurs, avec 50 degrés sous abri entre mai et juillet, par exemple, cette rapidité a mis les hommes et les équipements à rude épreuve. Cependant, la rusticité et l’endurance des soldats ont ici aussi fait la différence. Sur ce point, malgré le travail remarquable des hommes du train, c’est la logistique qui a parfois posé des difficultés et le « tir » devra être corrigé pour que les combattants soient toujours mieux approvisionnés, notamment en eau et en carburant. Cette nécessité d’une réflexion sur le dimensionnement de la logistique doit également faire partie des grandes leçons à retenir du Mali. Quoi qu’il en soit, le résultat est là : le pays a été repris, les islamistes repoussés puis vaincus. Le retour de la manœuvre au sol Dernier point important, et non des moindres, la clarté du message politique a aussi contribué au sentiment de la mission accomplie et de la victoire chez les soldats, ce qui n’apparaissait pas forcement en Afghanistan. Bien que comparaison ne soit pas raison, il faut ajouter que les forces françaises, en quittant le schéma du camp retranché (ou « FOB »), ont retrouvé au Mali le « combat à la française », alliant un savant mélange de culture expéditionnaire, de rusticité et d’initiative. Enfin, les forces au sol, les boots on the ground, capables de tenir le terrain ont également montré leur importance surtout en ayant en tête la situation actuelle en Afghanistan, en Libye mais aussi en Syrie. Pour conclure, il ne peut y avoir de réponse militaire à un problème politique. Il convient donc d’aider au développement économique du Mali et plus largement de l’Afrique pour empêcher le terrorisme d’y trouver un terreau fertile, tirant sa force de la pauvreté et des frustrations. Il faut également encourager la mise en place d’une architecture locale de sécurité solide notamment via l’Union africaine.