ceo - PwC
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Juin 2012 Le magazine des décideurs La valeur des relations Intégrité et confiance sont le fondement de la réussite économique. Des relations stables sont essentielles à toute activité dans de nombreux secteurs. Des dirigeants suisses donnent leur avis. Markus R. Neuhaus, administrateur délégué, PwC Suisse La Suisse réussit toujours à valoriser ses atouts. Éditeur: PricewaterhouseCoopers SA, magazine ceo, Birchstrasse 160, 8050 Zurich Rédacteurs en chef: Alexander Fleischer, [email protected], Franziska Zydek, [email protected] Directeur de la création: Dario Benassa, [email protected] Concept, rédaction et conception: purpur ag, publishing and communication, Zurich, [email protected] © 2012 PricewaterhouseCoopers. All rights reserved. Les opinions exprimées par les différents auteurs ne correspondent pas forcément à celles de l’éditeur. Le magazine ceo paraît trois fois par an en français, en allemand et en anglais. Tirage: 24 000 exemplaires Commande d’abonnements gratuits et changements d’adresse: [email protected] Lithographie, impression: ud-print AG, Lucerne. Papier: Claro Bulk mat FSC, sans bois, couché, extra-blanc C’est la dernière fois que je m’adresse à vous ici, car l’éditorial du magazine ceo est un privilège réservé au CEO. Parvenu au nombre maximal de trois périodes de mandat de trois ans chacune en tant que CEO de PwC Suisse, je passe le relais à Urs Honegger, élu à cette fonction par les associés suisses en automne dernier. Le même processus démocratique, caractéristique de notre système de partenariat, m’a désigné en tant que président du conseil d’administration. Aujourd’hui, je suis encore CEO à temps complet et goûte au plaisir de rédiger ce dernier éditorial. À partir du 1er juillet, je me consacrerai entièrement à mes nouvelles tâches. Face au thème de notre forum «Tout ou rien», ma réaction personnelle ne peut qu’être un «exactement!» convaincu. Il y a cinq ans, alors que j’étais déjà CEO de PwC Suisse, j’ai en outre pris la direction de notre organisation européenne. À ce poste, j’ai pu initier une évolution internationale qui a renforcé aujourd’hui le poids de la voix de PwC Suisse dans l’organe de direction mondial. Je continuerai à exercer mon rôle de membre de la direction mondiale (Network Executive Team) qui sera même étendu après le 1er juillet. En effet, je serai chargé de développer des stratégies concernant la qualité, la réglementation et la signification de notre métier, c’està-dire visant à garantir la compétitivité des prestations de nos divisions Audit, Conseil juridique et fiscal et Conseil économique. Julie Fitzgerald, associée chez PwC, présente dans son article l’évolution réglementaire que connaît l’audit dans l’UE. Nous pourrions estimer ne pas être réellement concernés par ces règles de l’UE en Suisse. Pourtant, nous savons tous que ces règles auront très prochainement un impact en Suisse. À votre tour, vous pourriez estimer, en tant que chef d’entreprise, ne pas être réellement concerné par ces règles faites pour les auditeurs. Mais là aussi ce serait un leurre, car les entreprises suisses ressentiront directement les changements proposés qui se traduiront par davantage de travail administratif, de nouvelles tâches, sans parler de coûts supplémentaires si ces règles devaient être mises en place dans leur version actuelle. La réglementation proposée place notre secteur d’activité devant de grands défis. Nous comprenons que le mauvais fonctionnement du système financier pendant la crise crée le besoin de se doter de nouvelles règles. Nous cautionnons certaines propositions et en dénonçons d’autres. Nous exposons notre position en toute transparence dans ce numéro de ceo. Nous serions heureux de connaître la vôtre. Le Conseil fiscal doit lui aussi se poser la question de la pertinence. Avec la mondialisation et les déplacements politiques, la justice fiscale et le financement des dettes publiques colossales occupent plus que jamais le devant de la scène. Le débat lui aussi passe toujours plus du niveau individuel à celui des entre- prises et des États. Cette question ne nous touche pas uniquement, en tant que conseillers fiscaux, mais concerne également de nombreuses entreprises suisses et la Suisse elle-même en tant que lieu d’implantation. Notre système fiscal est un élément essentiel de l’attrait de la Suisse en tant que lieu d’implantation. C’est ce que démontre notre étude sur les sièges des entreprises, que Clive Bellingham, associé chez PwC, analyse pour nous dans son article. La Suisse réussit toujours à valoriser ses atouts. Le portrait du projet de centrale hydroélectrique à accumulation par pompage dans le val Poschiavo en est un exemple aussi impressionnant que celui d’Art Basel. Dans un cas, il s’agit d’un avantage géographique, dans l’autre, d’un avantage culturel. Mais ces deux cas ont en commun une gestion avisée des relations. La présente édition de notre magazine montre de manière explicite, à l’aide d’exemples variés, quelle peut être la valeur fondamentale des relations dans l’économie et à quel point le soin investi dans leur élaboration est important dans une société toujours plus connectée. Dans ce numéro, des clients, des partenaires commerciaux et des amis s’expriment. Je considère la confiance qu’ils nous accordent, lorsque nous leur demandons de répondre aux questions que nous posons dans notre magazine, comme une confirmation éclatante de nos relations solides. Ces relations servent de thème central à la présente édition de ceo magazine; au-delà, elles sont pour moi le fil rouge d’une collaboration que j’ai pu marquer de mon empreinte en tant que CEO de PwC ces neuf dernières années. Une nouvelle constellation de relations, propre à notre nouveau CEO Urs Honegger, va s’instaurer. Je m’en réjouis tout particulièrement, et je sais aussi qu’il se réjouit de collaborer avec vous. Je vous souhaite une agréable lecture. Markus R. Neuhaus ceo éditorial 3 ceo 1/12 sommaire Forum tout ou rien Anton Affentranger, CEO d’Implenia: «Je veux savoir où me mène ce que je fais. Sinon, cela ne m’intéresse pas.» 6 Room with a view Esther Süss, sportive de haut niveau: «Le VTT est un sport dangereux et qui demande une certaine dose de courage.» 8 Simon Reding, expert-comptable chez PwC, vit au quotidien la diversité culturelle de la dynamique métropole Singapour. 58 Christoph Sigrist, pasteur: «Je ne supporte pas l’indifférence, je n’aime pas que tout soit banalisé.» 10 Valeur ajoutée Toujours plus de multinationales privilégient des modèles d’affaires centralisés. Offrant de nombreux avantages concurrentiels, la Suisse est donc un site très prisé pour les sièges d’entreprises internationales. 33 Conjuguer audit et conseil est souvent judicieux pour les entreprises qui peuvent ainsi tirer pleinement parti des connaissances de la société d’audit. Un catalogue clair des services autorisés et des processus stricts garantissent l’indépendance de l’auditeur. 36 En Suisse, les jeunes entreprises bénéficient de chances exceptionnelles. Pour réussir, les start-up ont besoin de trois choses: une bonne équipe, l’intuition du bon moment et un réseau de relations. 39 Les relations sont le fondement de nombreuses réussites économiques. Dans de nombreuses professions et branches, rien ne se passe sans elles. Des dirigeants suisses s’expriment sur leur valeur. La plupart des enquêtes conduites sur les systèmes de rémunération insistent sur le profit pour les actionnaires et sur les coûts pour les entreprises. Mais comment les managers les perçoivent-ils? 42 L’ambassadeur Luzius Wasescha est l’un des acteurs les plus expérimentés et les plus talentueux de la diplomatie suisse. Son réseau de relations lui est aussi utile que son opiniâtreté de grisonnais. 12 4 ceo sommaire «Nous considérons nos collaborateurs comme notre bien le plus précieux», déclare Ruth Sandelowsky, CEO du négociant en matières premières Kolmar Group, à Zoug. 16 Harry Hohmeister, CEO de SWISS, parle de mauvaises nouvelles, de contexte politique et de gestion relationnelle. 20 Pour la centrale hydroélectrique à accumulation par pompage Lagobianco, Repower préfère la coopération à la confrontation. De bonnes relations avec les défenseurs de l’environn ement portent leurs fruits. 24 Zurich Insurance Group a abordé l’année 2012 sur des chiffres élevés. Son CEO Martin Senn y voit un signe que la stratégie est juste. 46 Art Basel est la plus grande foire mondiale d’art contemporain. Sa co-directrice Annette Schönholzer nous parle de son rôle d’intermédiaire, des échanges entre l’Ouest et l’Est et de la conquête de nouveaux marchés. 50 Marc P. Bernegger a étudié le droit. Au lieu de devenir avocat, il est chef d’entreprise dans le domaine des nouveaux médias. Sa spécialité: le réseautage. 54 Service: Publications et formation continue. Abonnements et adresses. 44 Photo de couverture: Ruben Wyttenbach ceo sommaire 5 forum tout ou rien Anton Affentranger: «Je n’aime pas faire les choses à moitié, qu’elles soient personnelles ou professionnelles. La vie est trop courte pour cela» Tout ou rien. J’ai été élevé dans l’idée que chacun naît avec des talents qu’il se doit de mettre en pratique. Que celui qui exploite ses points forts a toujours quelque chose à apporter. Mon père m’a toujours dit que cela lui était égal que je fasse des études ou que je devienne boulanger. Si je devenais boulanger, la seule chose qui comptait était que je fasse les meilleurs petits pains. Mes enfants ont aussi entendu ce genre de réflexion de ma part. Personnellement, je suis souvent catalogué comme un adepte du tout ou rien. Cela me dérange car je n’aime pas le catalogage en soi. Pourtant, dans bien des situations, je me décrirais sans doute moi-même ainsi si je ne disposais que de trois mots pour le faire. Je n’aime pas faire les choses à moitié, qu’elles soient personnelles ou professionnelles. La vie est trop courte pour cela. Ce que je fais, je le fais en m’investissant complètement ou je ne le fais pas du tout: j’estime que tout ce qui se situe entre les deux ne mérite pas qu’on s’y attarde. Noir ou blanc: la question se pose dès qu’il s’agit de quelque chose de fondamental qui ne supporte aucun compromis. Opter pour blanc et contre noir est une chose. S’y tenir en est une autre. Lorsqu’Implenia a été attaquée par le hedge fund Laxey, il y a quatre ans, nous nous sommes défendus. Dès le premier jour, nous savions que nous étions du bon côté, tant sur le fond que d’un point de vue purement juridique. Nous savions que nous avions raison. Mais avons-nous bien agi? J’ai beaucoup et souvent parlé de cette question avec mes collaborateurs les plus proches. Nous sommes toujours arrivés à la même conclusion et avons campé sur nos positions. À un moment donné, quand Laxey détenait 50% de notre capital, tout le monde me conseillait de lâcher. Aujourd’hui, je suis très heureux que nous n’ayons pas cédé à la pression. Si nous l’avions fait, Implenia n’existerait sans doute plus. Ce conflit nous a occasionné beaucoup de tracas pendant trois ans, à l’entreprise comme à moi-même, et il a fortement inquiété les 6000 collaborateurs. Mais il a aussi consolidé Implenia. S’il y a un aspect que nous avons négligé au cours de cette période, c’est la planification méticuleuse de la succession du CEO. Nous pensions avoir trouvé la meilleure solution pour notre entreprise, mais nous nous sommes 6 ceo forum trompés. Pour moi, il était donc évident d’accéder à la demande de notre conseil d’administration et de reprendre en charge la responsabilité opérationnelle. Je l’ai aussi fait car j’étais convaincu de porter personnellement une part de responsabilité. Dès que j’ai trouvé une solution pour ma propre entreprise et que j’ai su que ma famille était derrière moi, j’ai quitté Genève pour retourner dans mon ancien bureau, à Dietlikon. Pour moi, avoir des objectifs est très important car cela me motive. Lorsque j’ai décidé d’arrêter de fumer et de me mettre au jogging pour compenser, j’ai pu atteindre mon objectif car, dès le début, je visais le marathon de New York. Je voulais y participer. Depuis, j’ai couru ce marathon plusieurs fois. Sans la course, j’aurais du mal à supporter un rythme de travail comme celui qui est actuellement le mien. Malgré tout, je ne m’y adonnerais pas s’il n’y avait pas le marathon de New York: je veux savoir où me mène ce que je fais. Sinon, cela ne m’intéresse pas. Tous les entraînements et tout le sérieux du monde ne servent à rien sans la passion. Cela est valable pour la course de 42,195 kilomètres comme pour la tâche consistant à susciter l’enthousiasme de 6000 collaborateurs. Anton Affentranger, 56 ans, économiste et expert bancaire, a été nommé CEO d’Implenia en octobre 2011. Auparavant, il avait travaillé 13 ans déjà pour cette entreprise, ou plus précisément pour le groupe Zschokke dont elle est issue. De mars 2006 à septembre 2011, il a été président du conseil d’administration d’Implenia et d’avril 2009 à août 2010, il a exercé par intérim les fonctions de président du conseil d’administration et de CEO. Photo: Helmut Wachter ceo forum 7 forum tout ou rien Esther Süss: «Ma devise: foncer dans les montées, doser dans les descentes» Le 11 août prochain sera pour moi la journée la plus importante de l’année. C’est en effet à cette date qu’aura lieu à Londres l’épreuve olympique de cross-country VTT. Mon quotidien est entièrement rythmé par la préparation de cette course. Cela me poursuit même la nuit: je rêve d’un titre olympique. Les JO représentent pour chaque sportif le couronnement d’une carrière. À Londres, je participerai à mes premières olympiades, et probablement à mes dernières. Je suis devenue sportive professionnelle sur le tard. C’est mon ami Erich Birchler, rencontré en 1998, qui m’a fait découvrir le cyclisme. J’ai d’abord enfourché un vélo de course, avant de prendre goût au VTT. Pour suivre le rythme imprimé par Erich, je devais m’entraîner tant et plus. Tout ce travail m’a progressivement donné l’ambition de me mesurer à d’autres. Je me suis donc mise à la compétition. En 2003, j’ai été championne du monde de VTT marathon chez les amateurs (84 km) et, en 2010, je l’ai été chez les professionnels. À 38 ans, je fais partie des coureuses les plus âgées. D’une part, cela implique que je dois m’entraîner davantage, entre 15 et 22 heures par semaine mais, d’autre part, mon expérience de vie m’aide à mieux évaluer les risques. En vieillissant, on réfléchit davantage à ce qui pourrait se passer en cas de chute dans une pente; on apprend à connaître ses limites. Le vélo est la seule discipline sportive dans laquelle la topographie du parcours est caractérisée par des montées et des descentes. Le VTT se pratique de surcroît en pleine nature. C’est un sport potentiellement dangereux et qui demande une certaine dose de courage. Lorsqu’on est confronté pour la première fois à une «rocaille», il faut se surpasser. Une rocaille est une descente parsemée de pierres relativement grosses; ce n’est pas une partie de plaisir. Ceux qui n’osent pas l’emprunter peuvent prendre la «chicken line», un tronçon moins dangereux, mais qui implique un détour et donc une perte de temps. Les chutes sont assez fréquentes en VTT, mais on s’en tire la plupart du temps à bon compte, avec quelques égratignures et contusions. Les fractures ou déchirures peuvent en revanche mettre un terme à une saison. J’y pense de plus en plus dans l’optique des JO. Il n’est toutefois pas question de lever le pied, que ce soit à l’entraînement ou en 8 ceo forum compétition. Mes efforts ont été récompensés fin mai: c’est officiel, j’ai été sélectionnée par la commission de sélection de Swiss Olympic pour les Jeux Olympiques d’été 2012 à Londres, avec la vététiste Katrin Leumann! C’est peut-être en raison de mon respect pour les descentes «cassecou» que les montées sont mon point fort. Dans une montée, je peux faire valoir ma condition physique et ma combativité. Ma devise: foncer dans les montées, doser dans les descentes. La peur des descentes ne m’abandonne jamais, mais elle diminue lorsque je gagne en confiance en moi. Or, on peut s’entraîner à améliorer sa confiance en soi. Je travaille avec un préparateur mental, bien que je sois peut-être trop rationnelle dans ce domaine. Et avec mon entraîneur, Beat Stirnemann, j’affine également les aspects techniques. Même si je venais à remporter le titre olympique à Londres, mon avenir financier ne serait pas assuré et je devrais continuer à travailler une fois ma carrière terminée. Les cyclistes professionnels devraient être mieux rémunérés. Mais ce qui me dérange surtout, c’est le peu d’attention portée par le public à notre discipline. Dans les médias, nous n’occupons souvent qu’une place marginale. Le VTT est au cœur de ma vie actuelle. Mais je sais que mon bonheur n’en dépend pas. Je paie un lourd tribut à la pratique de mon sport: j’ai trop peu de temps pour ma vie sociale, pour mes amis – et pour moi-même. Esther Süss, 38 ans, a été championne du monde de VTT marathon en 2010. Aux Jeux Olympiques de Londres, elle veut terminer sa carrière sur une médaille. Elle vit à Küttigen, dans le canton d’Argovie, et travaille à mi-temps comme enseignante en travaux textiles. Photo: Anne Gabriel-Jürgens ceo forum 9 forum tout ou rien Christoph Sigrist: «La perte de la foi en Dieu me rend complètement dingue» Lorsque j’avais environ cinq ans, j’ai vu passer un chapeau noir devant la fenêtre de notre cuisine. J’ai demandé à ma mère: «Qu’est-ce?» Elle m’a répondu: «C’est le pasteur.» À compter de ce jour, j’ai su que je voulais devenir pasteur. À supposer que je doive porter un chapeau noir, symbole ambivalent, ce ne serait pas pour mettre de la distance en tant que «Monsieur le Pasteur», car je l’ôterais devant chaque personne. Le pasteur a une mission d’assistance spirituelle. Si je remplis correctement ma mission, j’apporte un soutien aux personnes qui viennent me voir. Mais ces personnes représentent pour moi un soutien tout aussi important. Le regard de l’autre m’amène à me reconnaître moimême. Je suis absolument convaincu que le regard de l’autre est la chose la plus importante. Corps et âme, je suis inconditionnellement dévoué à mon travail de pasteur. La diaconie, c’est-à-dire le service d’aide et de médiation aux personnes issues des couches et groupes sociaux les plus divers, me tient vraiment à cœur. Ma porte est toujours ouverte à ceux qui me cherchent. Je n’ai pas besoin d’une motivation particulière pour effectuer mon travail quotidien; je n’ai encore jamais connu de phase d’épuisement. Ce qui me fatigue, c’est la bureaucratie qui fait fi des aspirations des gens. La foi en Dieu m’aide à voir et à entendre ce qui préoccupe autrui. Elle nourrit l’attention que l’on porte aux gens et à leur dignité humaine. Dieu m’est apparu il y a onze ans, lorsque je suis tombé dans une crevasse et que je suis resté coincé à 15 mètres de profondeur. J’ai été secouru, et je n’ai compris qu’ultérieurement ce qui venait de se produire. Dieu peut faire en sorte que le sol s’effondre sous vos pieds, mais il vous offre sa protection pendant la chute. Je ne supporte pas l’indifférence, je n’aime pas que les choses soient tièdes, ni blanches ni noires, que tout soit banalisé, que les gens n’aient plus la curiosité d’oser la nouveauté afin de se redécouvrir, que l’envie de faire le premier pas sans savoir où mènera le second disparaisse. La perte de la foi en Dieu me rend complètement dingue. D’où mon engagement, en plus de mon travail quotidien de pasteur, en tant que président du Zürcher Spendenparlament. En 2006, 10 ceo forum Zurich a été la première ville suisse à créer une telle institution, la toute première ayant vu le jour à Hambourg en 1996. Le Zürcher Spendenparlament se réunit pour débattre des projets qui méritent un soutien financier. Il peut s’agir de projets sociaux, comme le projet «Marktlücke», qui permet à des femmes de tout âge, sans emploi, de rester actives, malgré des conditions de vie difficiles, et de ne pas perdre le lien avec le marché du travail. Il peut aussi s’agir de projets culturels, à l’image de la pièce de théâtre «Songe d’une nuit d’été», que 30 requérants d’asile mineurs et 20 jeunes d’une classe spéciale E ont répétée et jouée ensemble à Affoltern am Albis. Tous les projets ont un objectif commun: l’intégration. Les requérants présentent leurs idées personnellement, ce qui crée un contact direct entre les donateurs et les bénéficiaires des dons. Un membre individuel du parlement verse 500 CHF de cotisation annuelle et une personne morale 2500 CHF. Fin 2011, 820 000 CHF ont pu être répartis entre quelque 70 projets. On est étonné par le nombre de gens qui sont prêts à donner de l’argent sans faire de bruit pour une bonne cause. Je préside ce parlement avec enthousiasme et je me suis engagé à renforcer sa popularité. Sa devise me correspond par sa brièveté et sa pertinence: «On possède. On agit. Ça porte ses fruits.» Christoph Sigrist, 49 ans, est pasteur à mi-temps à la Grossmünster de Zurich depuis 2003. Il est aussi chargé de cours en sciences de la diaconie à l’Université de Berne et, depuis 1990, aumônier de l’armée. Christoph Sigrist préside l’association Zürcher Spendenparlament, qui finance des projets contribuant à l’intégration sociale dans le canton de Zurich. Il est marié et a deux fils. Photo: Markus Bertschi ceo forum 11 diplomatie «Le capital le plus important est la confiance» L’ambassadeur Luzius Wasescha est l’un des acteurs les plus expérimentés et les plus talentueux de la diplomatie commerciale suisse. Depuis 2008, il est président du groupe de négociation de l’OMC pour la libéralisation du commerce des biens industriels. Pour faire face aux cycles de négociation longs et délicats, son réseau de relations lui est aussi utile que son opiniâtreté de grisonnais. Monsieur Wasescha, vous vous appuyez, en tant que diplomate commercial, sur un réseau de relations. Qu’est-ce qui compte en la matière? Dans notre domaine, il existe trois matières premières: les connaissances techniques, le réseau de relations et l’expérience. Toutefois, la difficulté dans le suivi de relations entre États tient au fait qu’elles doivent être constamment retissées: tous les deux ou trois ans, nous avons affaire à de nouveaux interlocuteurs. Comment vous accommodez-vous de ces changements permanents? Il importe d’investir immédiatement dans de bonnes relations. Pour ce faire, il existe certaines formules, comme la visite de politesse. La première fois que j’étais en poste à Genève, je me suis rendu dans toutes les missions: à l’époque, il y en avait environ 70. L’effet s’en fait encore sentir aujourd’hui. Les cérémonies d’adieu et les dîners d’accueil comptent aussi. Ces rituels permettent d’entrer plus vite en contact avec un nouveau collègue. Naturellement, la chimie joue un rôle important en la matière. Mais même si l’on n’éprouve pas de sympathie particulière, il faut trouver le moyen de s’entendre. Ces relations personnelles peuvent être déterminantes lorsqu’une 12 ceo relations phase de négociation active vous amène à siéger ensemble des nuits durant dans une pièce mal aérée. Outre les affinités, l’élément culturel joue lui aussi un grand rôle. Vous ne pouvez pas vous comporter avec un interlocuteur asiatique comme avec un Américain. En quoi consiste ce suivi de relations dans le quotidien de l’OMC à Genève? Luzius Wasescha Depuis 2007, ce docteur en droit est directeur de la mission permanente auprès de l’OMC et de l’AELE, à Genève. En tant que délégué du Conseil fédéral aux accords commerciaux, il est l’un des chefs des négociateurs suisses à l’OMC et l’un des responsables des accords de libreéchange. Luzius Wasescha a travaillé pour la Confédération et occupé différents postes depuis 1980. Il donne en outre des cours de conduite des négociations à l’Université de Saint-Gall et au secrétariat d’État à l’économie (SECO). Il prendra sa retraite cet été. Les réunions se tiennent officiellement de 10 à 13 h et de 15 à 18 h. Ne restent alors Photo: Cédric Widmer Quelle est véritablement l’importance des relations personnelles au sein d’une grande organisation internationale comme l’OMC? Elle est essentielle! L’absence de relations personnelles est l’une des raisons pour lesquelles les conférences multilatérales fonctionnent moins bien que par le passé. Bien des négociateurs croient qu’il suffit de parler avec des représentants des États-Unis, de l’UE, du Japon, de la Chine, de l’Inde et du Brésil. Bien sûr, ce sont les principales nations et il faut entretenir les contacts avec elles mais il existe 130 autres pays avec lesquels il faut aussi compter. Il convient de parler avec leurs représentants également. ceo relations 13 pour entretenir les contacts que la pause de midi et la soirée: cela signifie donc qu’il faut aller manger ensemble. Souvent, ces repas sont l’occasion de discussions autour d’un thème donné. Et il y a aussi, bien sûr, les réceptions. Ce soir, je passerai en coup de vent dans deux d’entre elles. Les pays les plus défavorisés, en particulier, sont très reconnaissants quand on honore d’une visite leurs fêtes nationales. tant y était opposé. Je l’ai invité à dîner. À la fin de la soirée, je savais qu’il avait personnellement créé son formulaire et j’avais appris qu’il prenait sa retraite dans un an. J’ai donc proposé: attendons un an! C’était la solution. Le contact personnel est un bon moyen pour se procurer des informations. Un échange d’idées permet de mieux comprendre la personnalité de celui ou de celle qui vous fait face et donc aussi ses éventuels problèmes. de l’OSCE où il ne se passait rien, et Hillary Clinton s’ennuyait à ses côtés. Toutes deux ont donc commencé à se parler. Et un jour, Madame Calmy-Rey a eu le numéro du portable privé de Madame Clinton. Lorsque nous étions ensemble chez le président à Moscou, elle a parfaitement bien joué. Elle a dit à Medvedev: «Tu sais, Dimitri, j’ai le numéro de portable d’Hillary Clinton, mais je n’ai pas le tien.» Il le lui a immédiatement donné! Aucune autre ville suisse ne peut se prévaloir d’autant de restaurants étoilés Michelin que Genève. Est-ce dû aux nombreux repas entre diplomates? Vous avez déjà évoqué les aspects interculturels. Où se situent, par exemple, les différences entre le Japon et la Russie, pour vous qui avez négocié des accords de libre-échange avec ces deux pays? Un accord de libre-échange est actuellement en cours de négociation entre la Suisse et la Chine. La Chine est-elle vraiment intéressée par un tel accord? C’est possible, bien que, personnellement, je ne me rende pas toujours dans les restaurants les plus chers. J’essaie d’initier mes interlocuteurs aux coutumes locales. Par exemple, demain, j’ai une rencontre bilatérale avec une délégation géorgienne et nous irons dans un bistrot très simple. Cela plaît beaucoup, car souvent les gens ne connaissent que les hôtels cinq étoiles, qui sont les mêmes partout dans le monde. La note personnelle dans l’entretien des relations est-elle appréciée? Absolument! Pour les réceptions auxquelles j’invite dans ma résidence, j’organise le plus souvent une dégustation au cours de laquelle un viticulteur de Genève, du canton de Vaud ou du Valais nous fait déguster sa production. Mais lorsque vous en venez aux choses sérieuses, vous devez tous défendre les positions de vos gouvernements respectifs. Là, le fait d’avoir bu un verre de vin ensemble la veille ne compte pas… ... mais l’on comprend peut-être mieux l’autre partie. Un petit exemple: au tout début de ma carrière, nous avons harmonisé les formulaires de déclaration pour l’enregistrement des médicaments au sein de l’AELE. Nous étions en fait tous d’accord, seul un représen- Les Japonais pratiquent une communication nécessitant un degré élevé d’harmonie et doivent pratiquement tout faire approuver par Tokyo. Il ne faut donc attendre aucune spontanéité de la part d’un interlocuteur japonais. De plus, tous les ministères concernés souhaitant vérifier si leur représentant défend vraiment la position commune sur le front, les groupes de négociation comptent de nombreux participants. Cela peut parfois être désespérant, notamment au niveau ministériel, où les barrières linguistiques viennent s’ajouter aux différences culturelles. Un politicien japonais parle rarement anglais, il parle japonais! C’est alors que vous êtes confrontés au phénomène «Lost in Translation». Et comment vous entendez-vous avec les Russes? Ils ont un fantastique négociateur qui s’est occupé de leur adhésion à l’OMC du début à la fin. Nous nous connaissons depuis plus de dix ans, je sais même lire son langage corporel. La relation de confiance que j’entretiens avec lui est sensationnelle. Il y a plusieurs années déjà, quand je travaillais encore à Berne, il téléphonait parfois en disant qu’il souhaitait mon avis sur deux ou trois questions. C’est là que l’on voit à quel point les réseaux sont précieux. D’ailleurs, Madame Calmy-Rey le savait aussi. Elle s’ennuyait souvent pendant les conférences multilatérales Oui, bien sûr. C’était également le cas du Japon. Ces deux pays veulent devenir des puissances mondiales stratégiques et ont donc intérêt à avoir des relations contractuelles avec l’Europe. Si ces relations s’avèrent plus faciles avec la Suisse qu’avec l’UE, c’est avec nous qu’elles seront testées. Que fait exactement jour après jour un diplomate spécialisé dans les problèmes commerciaux pendant les années que durent les négociations pour un accord? (Luzius Wasescha se lève, va jusqu’à son bureau et revient avec deux épaisses liasses de papiers agrafés.) Ce sont les listes d’engagements pris par la Russie lors de son adhésion à l’OMC. Elles ont été établies lors de négociations bilatérales avec environ 50 pays qui y ont participé activement. Voici le résultat que tous ont approuvé: 3 kilos de papier! Et vous avez là le traité entre l’OMC et la Russie. Les négociations ont duré 18 ans. Durant le cycle de Doha, nous avions environ dix groupes de négociation qui se sont réunis régulièrement. J’en ai dirigé un. On y discute pendant deux heures pour savoir si l’on utilise «promptly» ou «immediately» dans un paragraphe. Si aucune volonté commune n’émerge, de tels détails futiles peuvent tout bloquer. Il faut alors voir ce qu’il est possible de faire. «Le Japon et l’Europe sont distancés, et la Suisse l’est elle aussi. Toutefois, cela ne veut pas nécessairement dire que c’est une catastrophe pour notre économie. La catastrophe se situe plutôt au niveau politique où nous ne pouvons plus – comme autrefois – compter sur la compréhension des pays de l’UE.» 14 ceo relations Le cycle de Doha de l’OMC a été considéré à plusieurs reprises comme un échec. Va t-il se poursuivre malgré tout? Théoriquement oui. Cependant, les antagonismes sont tout simplement trop forts. Cela tient à ce que, par le passé, un cycle de négociation avait toujours pour but de créer un équilibre. Pour le cycle en cours, il faudrait rectifier le déséquilibre apparu en raison de la montée en puissance de la Chine. Alors qu’elle n’était même pas encore membre de l’OMC il y a dix ans, la Chine est aujourd’hui la deuxième plus grande nation exportatrice du monde. Les autres États ne peuvent pas ouvrir leurs marchés, sinon ils seraient inondés de produits chinois et les entreprises locales seraient contraintes de fermer. J’ai compris ce que cela signifiait lors d’un entretien bilatéral avec un collègue indien. Il m’a dit: «Notre problème n’est pas celui de la puissance de la Chine, mais celui de savoir comment occuper les 10 millions de personnes qui arrivent chaque année chez nous sur le marché du travail.» Vous avez déclaré à plusieurs reprises que l’UE et, avec elle, la Suisse avaient été fortement marginalisées sur la scène internationale ces dernières années. Comment jugez-vous cette évolution? Le monde s’habitue lentement à la réalité que le Brésil, l’Inde et la Chine ont aussi du poids. Le Japon et l’Europe sont distancés, et la Suisse l’est elle aussi. Toutefois, cela ne veut pas nécessairement dire que c’est une catastrophe pour notre économie. La catastrophe se situe plutôt au niveau politique où nous ne pouvons plus – comme autrefois – compter sur la compréhension des pays de l’UE. La plupart d’entre eux ont encore la même vision que nous. Ce ne sont toutefois pas les membres qui négocient, mais la Commission européenne. En matière de politique commerciale, un politicien tel que le premier ministre britannique Cameron est comparable au président du Conseil d’État d’un canton suisse. La politique commerciale ne relève pas de ses compétences. Aucune branche de l’économie suisse n’est aussi durement touchée que l’agriculture par la suppression des barrières douanières, exigée notamment par l’OMC. Vos rapports avec les paysans se sont-ils envenimés? Les représentants des paysans savent que je m’efforce honnêtement de défendre leurs intérêts, dans la mesure naturellement où le Conseil fédéral fait siens ces intérêts. Je suis originaire des Grisons et je sais ce que signifie Traité OMC avec la Russie: 18 ans de négociations le travail de la terre. Dans le cycle de l’Uruguay, nous avions été les seuls à parler de la multifonctionnalité de l’agriculture. Nous avons ainsi réussi à ancrer juridiquement les paiements directs. Notre politique agricole a certes évolué, mais depuis que la menace sérieuse du cycle de Doha s’est estompée, on n’entend plus parler de ces réformes. Je le déplore, et je ne cesse de le rappeler: agriculteurs, prenez garde, un jour, il vous faudra pouvoir vivre sans protection douanière! Est-ce grâce à vos racines grisonnes que vous êtes le président du plus grand parc naturel suisse, le Parc Ela? Oui. Le Parc Ela est l’œuvre des 21 communes des vallées de l’Albula et de la Julia. Bien sûr, il existe des rivalités. Un habitant de Bergün n’aime pas qu’un citoyen de Savognin lui dise ce qu’il doit faire. Je suis arrivé là comme un grisonnais certes d’origine mais expatrié, qui n’était pas impliqué dans des conflits vieux de plusieurs générations. Je trouve passionnant de mettre ici en pratique un modèle de développement durable, même si cela signifie qu’il est parfois difficile de concilier tous les intérêts. Faut-il, pour négocier avec 21 communes de montagne rivales, cultiver un type de relations différent de celui régissant la diplomatie commerciale? World Trade Organization L’Organisation mondiale du commerce OMC s’occupe des règles mondiales du commerce entre les nations. Son objectif est de supprimer les obstacles au commerce, comme les droits de douane, les subventions ou les restrictions d’accès pour les entreprises de services. Elle s’engage en faveur de la libéralisation des échanges internationaux de marchandises, dont profitent notamment les pays exportateurs tels que la Suisse. L’OMC, dont font actuellement partie plus de 150 pays, a son siège à Genève. Les mesures et disciplines figurant dans les règles de l’OMC s’appliquent aux biens (depuis 1947, GATT), aux services (depuis 1994, GATS), à la propriété intellectuelle (depuis 1994, ADPIC) et aux procédures de marchés publics (depuis 1979, pour environ 40 membres aujourd’hui, AMP). www.wto.org Non, elles reposent sur les mêmes principes. Ce qui compte, ce sont les connaissances, la compétence linguistique et le réseau de relations. Et dans toutes les relations, le capital le plus important, c’est la confiance. ceo relations 15 matières premières «Les collaborateurs sont notre bien le plus précieux» Ruth Sandelowsky, CEO du négociant en matières premières Kolmar Group, à Zoug, parle de la Suisse en tant que place économique, du fait que les ressources naturelles ne sont pas inépuisables et de l’art de nouer des relations pérennes. Madame Sandelowsky, par son chiffre d’affaires, Kolmar se classe parmi les 50 plus grandes firmes suisses. Comment se fait-il que cette entreprise soit pratiquement inconnue au public? Nous sommes une entreprise privée qui n’a pas besoin de faire connaître ses activités en dehors de sa propre branche. Mais dans notre secteur économique, les protagonistes importants nous connaissent très bien. Nous sommes considérés comme une partie intégrante de la branche, et nous remplissons une fonction très demandée. Kolmar réalise des chiffres d’affaires énormes… … oui, nos chiffres sont effectivement assez impressionnants. En 2011, le chiffre d’affaires s’élevait à 6,7 milliards de USD, mais cette valeur dépend fortement des conditions du marché et au prix du pétrole brut. C’est pourquoi nous faisons davantage porter notre attention sur les quantités traitées. En 2011, Kolmar a vendu 6 millions de tonnes de produits. Pour nous, la croissance de ce chiffre-là est plus éloquente que le chiffre d’affaires. 16 ceo relations Pourquoi le groupe Kolmar a-t-il décidé d’établir son siège principal à Zoug lors de sa fondation en 1997? Il y avait et il y a encore de nombreuses raisons qui ont menées à cette décision… … parmi lesquelles les impôts bas? Oui, la législation fiscale est sans doute la raison la plus évidente et la plus connue, mais nous ne nous serions pas installés là uniquement pour des raisons fiscales. Les conditions économiques sont très bonnes en Suisse, et surtout dans le domaine des services. Le pays bénéficie d’une position géographique centrale et dispose d’une infrastructure bien développée. Les aéroports sont facilement accessibles et offrent des liaisons avec le monde entier. S’ajoute à cela une éthique professionnelle exceptionnellement forte: ici, on tient sa parole. Et pour terminer, la qualité du travail satisfait à des standards extrêmement exigeants. La main-d’œuvre est très bien formée. Il existe un réseau de banquiers, Ruth Sandelowsky a longtemps travaillé pour le géant des matières premières Phibro. En 1997, la néerlandaise a quitté Phibro pour fonder sa propre entreprise dont le siège est à Zoug. La société, Kolmar Group AG, occupait au total 170 personnes en 2011, le chiffre d’affaires réalisé dans le monde s’élevait à 6,7 milliards de USD. Outre le siège de Suisse, la société est représentée dans 26 sites à travers du monde entier, dont les plus importants sont Bridgeport, Connecticut, États-Unis, et Singapour. Kolmar s’occupe du négoce d’une large gamme de produits: du pétrole brut aux dérivés de pétrole, des produits pétrochimiques aux biocarburants et au charbon. L’entreprise offre également des services financiers et d’autres fonctions de support à ses clients dans le domaine des matières premières et s’occupe aussi du transport et du stockage de matières premières. Photo: Ruben Wyttenbach ceo relations 17 170 collaborateurs 6,7 milliards de USD de chiffre d’affaires d’avocats et d’autres professionnels, comme les médecins et les dentistes, qui sont tous très qualifiés. Tout cela constitue un environnement intéressant, aussi bien pour les entreprises que pour leurs collaborateurs. Ces dernières années, la place financière suisse a subi une forte pression internationale. Des observateurs voient se profiler une évolution analogue dans le secteur des matières premières, par exemple en ce qui concerne les avantages fiscaux. Partagez-vous cette opinion? Jusqu’à présent, nous étions très satisfaits de l’environnement économique suisse et nous espérons qu’il ne va pas changer. Votre firme compte seulement 170 collaborateurs. Dans le secteur des matières premières, d’autres entreprises de taille comparable emploient beaucoup plus de personnel. Nous avons effectivement une organisation très légère et efficace, à dessein. Kolmar est présente dans le monde entier et travaille depuis un grand nombre de sites différents, mais en tant qu’entreprise intégrée. Nous comptons sur la présence et la compétence locales. En même temps, nous tirons un maximum d’avantages de notre structure matricielle. Vous parlez du groupe Kolmar comme d’une entreprise intégrée «virtuelle». Qu’entendez-vous par là? Kolmar est une entreprise de services mondiale qui – loin d’être uniquement une entité traditionnelle – à ce jour ne possède aucune installation de production. La gamme de produits que nous proposons à nos clients englobe la totalité de la chaîne de création de valeur au sein de certains segments industriels. Prenons, par exemple, la chaîne du pétrole brut. Nous proposons des services dans le domaine du produit pétrole brut et dans la raffinerie. Nous fournissons aussi des prestations pour différents produits pétrochimiques, fabriqués à partir de produits de raffinerie qui représentent à leur tour de la matière première pour d’autres étapes de traitement. La gamme de produits de Kolmar couvre toutes ces étapes, ce qui est assez exceptionnel. Le tout est virtuel car nous ne fabriquons pas les produits nous-mêmes. Le groupe Kolmar participe-t-il également à l’extraction des matières premières? Nous proposons toute une série de prestations: de l’acquisition des produits aux informations relatives au marché, aux conseils sur les projets et à l’ensemble des autres offres qui aident nos clients à atteindre leurs objectifs commerciaux, en passant par le financement, la logistique et le stockage. Pour les opérations dites de transformation, ce sont par exemple des capacités inutilisées par les industriels de la transformation qui sont mises à profit. Nous concluons un accord dans ce sens, nous livrons la matière première, nous suivons toute l’exécution et nous payons à la fabrique une redevance pour la transformation. Cependant, pour l’avenir, nous envisageons également de prendre des participations dans des mines ou des raffineries. Dans le secteur des matières premières, les relations sont capitales. Comment les établissez-vous et de quelle façon les entretenez-vous? Nous pouvons effectivement faire état de relations de longue date avec nos partenaires commerciaux. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais résulte d’un processus d’expansion qui se développe au cours du temps. La plupart de nos cadres travaillent dans ce domaine depuis plus de 20 ans, voire davantage dans certains cas. Au cours de cette période, des relations ont été nouées, basées sur la confiance et sur un succès effectif, ainsi que sur un dialogue permanent pour savoir comment aider nos partenaires le mieux possible. Contrairement à d’autres entreprises de négoce, nous ne sommes pas intéressés par les activités de spéculation. Notre métier consiste à fournir des prestations avantageuses pour toutes les parties concernées. «Nous essayons de jouer un rôle responsable en respectant les prescriptions actuelles et en soutenant activement des mesures visant à respecter strictement les procédures de conformité.» 18 ceo relations Comme un nombre d’autres entreprises du secteur des matières premières, le groupe Kolmar a été fondé par une équipe de commerciaux transfuges. Comment évitez-vous que vos propres employés ne se mettent à leur compte? C’est exact, Kolmar a effectivement été fondée par une équipe qui avait quitté son ancien employeur. Les fondateurs avaient une vision précise de la manière dont ils souhaitaient créer une affaire qui ne soit pas seulement financièrement prospère, mais qui soit en même temps un endroit où les employés se sentent bien et jouissent de la confiance de leur employeur. Cette confiance s’entend dans l’avenir de l’entreprise comme dans les perspectives personnelles, ainsi que des aspects tels que la satisfaction dans le travail et des possibilités de carrière que nous tenons à cœur. Kolmar a une culture d’entreprise très forte, considérée comme unique dans le monde des entreprises de négoce. Nous avons une rotation du personnel très faible. Nous considérons nos collaborateurs comme notre bien le plus précieux et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur offrir des conditions de travail stimulantes et satisfaisantes. Des cours internes et des efforts permanents pour élargir leur horizon personnel et faire progresser leur carrière font partie de cette attitude. Les produits dont vous faites le négoce reposent sur des ressources limitées. Qu’est-ce que cela signifie pour l’évolution à long terme de l’entreprise? C’est effectivement le cas en ce qui concerne le pétrole brut. Cependant, des sources alternatives sont recherchées en permanence, et il existe des matières premières de remplacement, comme le gaz et le charbon. Décider de celles qui sont utilisées est autant une question de coûts que de durabilité. Mais en dernier lieu, nous devons être conscients du fait que notre niveau de vie actuel dépend dans une large mesure de la disponibilité de ces ressources. En tant qu’entreprise, nous sommes très flexibles et nous pouvons nous adapter très rapidement – dans le cadre de notre responsabilité sociale – à tous les changements des conditions du marché, tant que les besoins de prestations de service subsistent, voire augmentent. Quel est l’avenir des carburants bio? La production d’éthanol, par exemple, est fortement critiquée car elle fait concurrence à la culture de denrées alimentaires. Le développement durable intéressant l’environnement, l’énergie, l’approvisionnement alimentaire, voire même le niveau de vie actuel, concerne tout autant l’économie que la politique. Ces thèmes suscitent des inquiétudes, et Kolmar en est parfaitement consciente. Nous essayons de jouer un rôle responsable en respectant les prescriptions actuelles et en soutenant activement des mesures visant à respecter strictement les procédures de conformité. Par exemple, nous et d’autres fournisseurs de matières premières ne pouvons fournir le marché allemand des carburants bio que si nous sommes en mesure de produire des certificats de durabilité pour nos produits. Ces dernières années, beaucoup d’entreprises du secteur des matières premières ont disparu ou fusionné avec de grandes firmes. Pensez-vous qu’il n’existera plus à l’avenir qu’une poignée de méga-entreprises qui participeront à l’ensemble de la chaîne de création de valeur, de la production à la livraison des matières premières en passant par la vente? C’est difficile à dire. Le marché est vaste et il y aura toujours de la place pour des acteurs de niche qui n’ont pas besoin d’une grosse organisation pour être rentables. Mais nous croyons fermement qu’un modèle commercial doit prévoir une certaine taille et une certaine capacité lorsqu’on souhaite travailler au niveau mondial. Ces critères sont nécessaires car, en définitive, les marchés que nous fournissons en profitent aussi. ceo relations 19 secteur aérien «Les coteries créent des dépendances» Le marché des compagnies aériennes traverse des turbulences et subit d’énormes pressions. Nous nous sommes entretenus avec le CEO de SWISS, Harry Hohmeister, qui nous parle de mauvaises nouvelles, de contexte politique et de gestion relationnelle. Début 2012, la compagnie SWISS accusait des pertes et le groupe Lufthansa supprimait des emplois. Comment gérezvous ces mauvaises nouvelles? Elles font partie du quotidien du métier. Bien évidemment, on se fait parfois du souci et on passe des nuits agitées. Ce sont tout de même des collègues qui sont touchés. Aujourd’hui, nous devons rapidement retrouver une énergie positive en nous appuyant sur les projets de changement. 2009 a aussi été une année difficile, et nous l’avons bien surmontée. Nous y arriverons également cette fois-ci, même si aucune reprise rapide du marché n’est attendue pour 2012. Vous affichez un optimisme de circonstance. Harry Hohmeister est CEO de SWISS depuis 2009. Après une formation d’agent commercial dans le transport aérien, il a occupé des fonctions dirigeantes au sein de Lufthansa de 1988 à 2000. Il a ensuite passé cinq ans chez Thomas Cook AG, où il a occupé différents postes de cadre de gestion, avant de rejoindre SWISS en 2005 et, en tant que membre de la direction, il a été chargé de la planification du réseau, puis a assumé la responsabilité des activités de distribution et de vente. À 48 ans, il est marié, a un fils et vit avec sa famille non loin de l’aéroport. Photos: Cédric Widmer Dans notre secteur d’activité, l’optimisme doit toujours être de mise. Ceci dit, si vous vous contentez d’espérer que les choses tournent bien, vous n’arriverez à rien. Dans le secteur aérien, la recherche continue d’améliorations est primordiale. À cet égard, une certaine dose d’optimisme peut s’avérer utile pour tenir le coup. Mais cela reste une question d’attitude, pas la solution. SWISS vise un bénéfice d’exploitation annuel de 400 millions de CHF. N’avezvous pas placé la barre très haut? Nous avons besoin de ces revenus pour garantir notre capacité d’investissement et notre succès à long terme. Plusieurs projets concrets ont été mis sur pied pour améliorer nos résultats. Ainsi, nous optimisons le trafic de proximité en collaboration avec Lufthansa, essayons d’être plus efficaces au niveau des achats et réexaminons une fois encore nos processus. Je suis convaincu que nous reprendrons notre marche en avant d’ici 2014. Les mesures prévues pèseront-elles sur les relations avec les travailleurs? Nous avons réalisé des améliorations considérables dans les conventions salariales de nos employés depuis 2006. Aujourd’hui, les temps sont plus difficiles et il n’y a aucune marge pour une augmentation des salaires. La sécu20 ceo relations rité des emplois est pour l’heure la priorité numéro un. En dernier recours, il serait plus opportun de réduire le salaire d’un travailleur de 5% plutôt que de le licencier. Jusqu’à présent, SWISS a toujours entretenu le dialogue social. Des coupes salariales sont-elles prévues? Pas pour l’instant, car notre entreprise gagne de l’argent. Nous faisons le maximum pour que tous nos collaborateurs puissent travailler dans un climat aussi serein que possible. Mais si le prix du pétrole passe la barre des 200 USD ou que le franc s’apprécie encore, nous devrons envisager une baisse des salaires. Pour l’heure, ce ne sont pas les salaires qui sont au cœur du débat, mais les gains d’efficacité. Je vous entends me demander si les citrons ne sont pas déjà pressés… Est-ce le cas? Lorsque j’ai pris mes fonctions de CEO en 2009, nous avons chargé un consultant externe de réaliser une analyse réaliste de la situation de l’entreprise. Résultat: nous étions sensiblement meilleurs que les plus mauvais élèves, mais nous occupions seulement le milieu du classement dans notre secteur. Je n’en étais pas satisfait. Depuis lors, nous avons réduit de 22% les frais généraux, les fameux coûts unitaires administratifs, sans licencier ni alourdir exagérément la charge de travail du personnel. Grâce à l’automatisation et à la standardisation, nous pourrons encore abaisser nos frais généraux de 15% au cours des trois prochaines années. En période difficile, le patron doit-il aussi endosser le rôle de communicateur? Je dois m’imposer en maître de la situation. Celui qui a peur de devoir annoncer des nouvelles parfois désagréables à 500 personnes ne doit pas faire ce travail. Nous organisons régulièrement des actions de communication pour les collaborateurs. ceo relations 21 Nouvelle image, nouvelles offres pour les clients: le SWISS Arrival Lounge de l’aéroport de Zurich avec un nouveau design de nature à satisfaire les plus exigeants. Vous avez déclaré que vous n’arrêteriez jamais de jouer à l’agitateur au sein de la compagnie. L’agitateur, pour le moment, c’est plutôt le marché. «Sans transport aérien, une part considérable du produit national brut de la Suisse s’envolerait en fumée; ce secteur y contribue six fois plus que l’agriculture.» Effectivement, j’ai moins à jouer ce rôle désormais. Nous sommes très touchés par le prix élevé du pétrole, l’évolution monétaire caractérisée par un franc fort et la présence de compagnies concurrentes bénéficiant d’aides publiques. Mais le monde est fait de perpétuels changements. Une entreprise qui s’installe dans un certain confort ne sera pas une bonne entreprise sur le long terme. On a besoin de dirigeants qui remettent les choses en question et encouragent à rester compétitif, créatif et innovant. Seriez-vous là où vous êtes sans votre réseau professionnel? Ce sont avant tout les compétences qui priment. Les réseaux ont plusieurs dimensions. Mon réseau privé est très important pour moi. Un patron a vite tendance à prendre la grosse tête. Les réseaux aident alors à objectiver et à garder les pieds sur terre. J’ai aussi mon réseau dans le secteur aérien. Par principe, j’ai toujours veillé à rester indépendant et à ne m’affilier à aucune coterie, car cela crée toujours des dépendances. Avez-vous postulé à la fonction de CEO de SWISS? Non. Je n’ai posé qu’une seule candidature dans ma vie. Depuis, on est toujours venu me chercher. Je me suis toujours montré ouvert aux nouveaux défis et ne me suis jamais installé dans une fonction. C’est encore le cas aujourd’hui. Je suis CEO depuis trois ans chez SWISS et j’aimerais le rester quelques années 22 ceo relations encore. Mais l’employabilité est un important facteur de succès. Car à partir d’une certaine fonction, on n’est plus l’artisan de son bonheur – d’autres ont leur mot à dire. La compagnie SWISS fait partie du groupe Lufthansa. La survie de l’entreprise dépend-elle de cette coopération? SWISS n’existerait plus dans sa forme actuelle sans ce rattachement qui a ramené la confiance des clients. Nous profitons d’économies d’échelle dans le cadre de l’achat du carburant et des appareils ainsi que des ventes et des programmes de fidélisation de la clientèle. Cela représente quelque 150 millions de CHF par an pour chaque compagnie. Nous allons investir près de 4 milliards de CHF dans de nouveaux avions d’ici dix ans. Cet argent, nous ne l’aurions obtenu de personne à l’époque, sauf si l’État était intervenu. C’est la taille qui fait la différence? La taille du groupe permet des économies d’échelle. Notre stratégie consiste toutefois à couvrir le marché domestique suisse. Si nous étions beaucoup plus grands, nous devrions investir massivement dans le trafic de correspondance, ce qui comprimerait la structure des coûts. La taille seule n’est pas la panacée. Le transport aérien est aussi régi par la politique. Dans quelle mesure devez-vous être un homme politique? La politique crée les conditions-cadres dans lesquelles nous pouvons agir. Sachant cela, je soigne particulièrement mes relations avec les responsables à Berne, à Berlin et à Bruxelles. Le monde des affaires et celui de la politique doivent collaborer de manière plus étroite dans le cadre du transport aérien, indépendamment de la couleur politique, et ce, dans l’espoir d’élaborer les solutions optimales pour l’économie. En tant que patron d’une compagnie aérienne, vous n’êtes pourtant pas satisfait des restrictions politiques imposées au transport aérien… personnes – qui viendront par exemple d’Extrême-Orient – iront là où on leur proposera des liaisons aériennes directes. À l’automne dernier, les électeurs se sont prononcés clairement en faveur du développement de l’aéroport de Zurich. Une partie du monde politique considère que le transport aérien est une industrie du luxe. C’est totalement absurde. Nous ne volons pas par plaisir, nous créons de la valeur ajoutée par milliards et nous faisons autant partie des transports publics suisses que les CFF. Beaucoup considèrent le doublement du trafic aérien comme une menace. Il vous faudra encore beaucoup de travail de persuasion. Oui. Nous devons nous engager davantage en tant qu’entrepreneurs, comme c’est le cas dans d’autres secteurs. Ceux qui politisent à nos dépens, par exemple sur la question du bruit, nuisent au final à l’économie nationale. Sans transport aérien, une part considérable du produit national brut de la Suisse s’envolerait en fumée; ce secteur y contribue six fois plus que l’agriculture. L’aéroport de Zurich peut accueillir au maximum 66 décollages et atterrissages par heure, contre 120 à Francfort. Pourtant, la construction de nouvelles pistes à Kloten suscite des oppositions. La Suisse doit décider de sa stratégie future et de l’avenir des infrastructures de l’aéroport. Comment procéder pour maintenir l’attrait d’une économie? Le trafic aérien devrait encore doubler d’ici 2030. Or, toutes ces C’est pourtant une opportunité pour la plupart. Le besoin ne se crée pas artificiellement; nous répondons aux besoins des clients. Et nous nous développons en fonction du progrès technologique. Regardons 20 ans en arrière: à l’époque, Kloten accueillait un trafic aérien bien moins dense mais les nuisances sonores étaient 70% plus élevées qu’aujourd’hui. On devrait s’en tenir aux faits et ne pas diaboliser irrationnellement le secteur aérien. Vous êtes de nationalité allemande. Comprendre le «schwyzerdütsch» est-il une nécessité dans le cadre de vos relations professionnelles? Chiffre d’affaires 4,9 milliards de CHF SWISS Swiss International Air Lines Ltd. (SWISS) fait partie du groupe Lufthansa et de l’alliance internationale de compagnies aériennes Star Alliance. SWISS transporte chaque année quelque 15 millions de passagers à bord de ses 90 avions. En 2011, la compagnie, qui compte 7600 collaborateurs, a réalisé un chiffre d’affaires de 4,9 milliards de CHF et un bénéfice opérationnel de 306 millions de CHF. L’important, c’est surtout d’être en mesure d’adapter son comportement. Je n’attends pas de mes collègues suisses qu’ils parlent tous le «hochdeutsch» pendant les réunions. Si je ne comprends pas quelque chose, je peux toujours demander. Mais il y a apparemment un automatisme en Suisse: quand je me joins à un groupe, le dialecte local fait place à l’allemand après quelques secondes. Vous avez la réputation d’avoir l’esprit vif. Est-ce un atout ou un inconvénient? Si c’est le cas, c’est assurément utile pour prendre une décision lorsque quelqu’un passe en revue des problèmes complexes. Dans notre milieu, les résultats dépendent souvent de la vitesse de réaction. Mais cela peut être un inconvénient sur le plan émotionnel, lorsqu’on progresse trop vite et que les autres n’arrivent pas à suivre. ceo relations 23 marché de l’électricité Autrefois, il y avait au col de la Bernina deux petits lacs naturels: le Lago Bianco et, au sud de celui ci, le Lago della Scala. En 1910–1911 furent édifiés les deux barrages sur la Scala (côté sud) et l’Arlas (côté nord), qui amenèrent la formation d’un lac de retenue d’un volume de 18,6 millions de mètres cubes. «Une réflexion électrisante» Pour le projet de centrale hydroélectrique à accumulation par pompage Lagobianco, l’exploitant Repower préfère la coopération à la confrontation. Entretenir de bons rapports avec les défenseurs de l’environnement porte ses fruits mais constitue toujours un défi pour les deux parties. Photos: Ruben Wyttenbach 24 ceo relations ceo relations 25 Depuis 2009, on s’assied à une table et on cherche des «solutions, pas des problèmes». Dans la salle de réunion du producteur d’énergie Repower, à Poschiavo GR, Roberto Ferrari montre comment il est possible d’illustrer des procédures complexes. Le chef de projet pour la nouvelle centrale hydroélectrique à accumulation par pompage Lagobianco saisit son verre d’eau d’un geste démonstratif et le pousse un peu sur le côté avec précaution: «Lorsque nous rencontrions un problème au cours du processus de planification, nous ne brisions pas le verre, mais le considérions sous un autre angle.» Par «nous», R. Ferrari entend non seulement son équipe de projet, mais aussi et surtout le groupe d’accompagnement, composé de représentants d’organisations de protection de l’environnement, des pêcheurs, des communes locales et du canton. Depuis 2009, on s’assied à une table et on cherche «des solutions, pas des problèmes», déclare R. Ferrari. Il en a longtemps été autrement. Dans les années 1980 et 1990, le WWF, Pro Natura et la fondation Greina avaient fait opposition à un premier projet de grosse centrale à accumulation dans le val Poschiavo, et l’affaire avait été portée jusqu’au Tribunal fédéral. Repower avait auparavant gagné à tous les échelons judiciaires. Les adversaires étaient tout sauf d’accord entre eux: les producteurs d’électricité voulaient produire davantage d’énergie en hiver en élevant de 17 mètres le niveau du lac de retenue au col de la Bernina et en ne laissant s’écouler qu’une quantité réduite d’eau résiduelle, alors que les défenseurs de l’environnement réclamaient davantage de nature. Prêt à la négociation: Roberto Ferrari, chef de projet pour la centrale hydroélectrique à accumulation par pompage de Lagobianco. Galerie de reconnaissance: des stratifications dans la roche peuvent entraîner des modifications du projet. À surélever: le vieux mur sud du lac de retenue Lago Bianco. Galerie d’amenée env. 18 km Lago Bianco Le projet Lagobianco Conduite forcée env. 2,5 km Lago di Poschiavo 26 ceo relations Repower souhaite construire dans le haut du val Poschiavo une centrale hydroélectrique à accumulation par pompage d’une puissance de 1000 mégawatts, ce qui correspond à peu près à la puissance de la centrale nucléaire de Gösgen. La future centrale utilisera comme réservoirs le Lago Bianco, au col de la Bernina, à plus de 2200 mètres d’altitude, et le Lago di Poschiavo, à environ 1000 mètres: de l’électricité sera produite quand demande et prix concorderont. L’eau s’écoulera alors de haut en bas et sera turbinée dans la centrale. Inversement, pendant les périodes de faible demande, l’électricité s’achètera à prix avantageux. Cela permettra de pomper de l’eau pour la faire remonter jusque dans le Lago Bianco. Les deux lacs seront reliés par une galerie d’amenée souterraine de 18 kilomètres, courant le long du flanc de la vallée, et par une conduite forcée de 2,5 kilomètres. L’eau sera turbinée dans une caverne au Camp Martin, au bord du Lago di Poschiavo. Le raccordement au réseau électrique s’effectuera via une ligne internationale de 380 kilovolts déjà existante. La demande d’autorisation de la concession a été déposée auprès du canton des Grisons fin 2011 par Repower et les trois communes de Pontresina, Poschiavo et Brusio. Les coûts d’investissement s’élèvent à 1,5 milliard de CHF environ; Repower cherche des partenaires de production qui participeront au projet. La durée de construction de la centrale hydroélectrique à accumulation par pompage est de six ou sept ans. ceo relations 27 «Nous avons suspendu la procédure en cours devant le Tribunal fédéral pour six mois et avons simultanément considéré le dialogue avec les opposants comme une expérience à tenter et une chance.» Esprit d‘équipe: Felix Vontobel, CEO adjoint de Repower, à Poschiavo, dans le sud des Grisons. Nouveau départ autour d’une table Val Poschiavo: le percement des galeries d’amenée et la construction de la centrale-caverne généreront plus de 3 millions de tonnes de matériaux. Les travaux pollueront fortement la vallée, mais apporteront aussi du travail et des revenus. 28 ceo relations Les positions semblaient inconciliables jusqu’à ce que, en septembre 2008, la fondation Greina propose une table ronde. Felix Vontobel, CEO adjoint et responsable des installations chez Repower, se souvient: «Nous avons suspendu la procédure en cours devant le Tribunal fédéral pour six mois et avons simultanément considéré le dialogue avec les opposants comme une expérience à tenter et une chance.» Vontobel (54 ans), dans l’entreprise depuis 1987 après des études en technique énergétique et en courants forts, se dit convaincu des bienfaits de l’esprit d’équipe: «Nous risquons souvent d’accorder trop de poids aux aspects techniques et pas assez aux rapports humains. Des idées différentes peuvent ouvrir de nouvelles voies.» Exploitant luimême depuis 16 ans une installation solaire à titre privé, il ne s’est pas laissé déconcerter lorsque des personnes de son entourage lui ont déconseillé de dialoguer avec les défenseurs de l’environnement, prétendument imprévisibles. Ces derniers ont eux aussi dû laisser tomber les vieux clichés pleins d’animosité qu’ils avaient à propos des producteurs d’électricité. «Pendant des années, la confrontation a été totale», explique Gallus Cadonau, directeur de la fondation Greina. Ce pragmatique militant vert estimait que les chances devant le Tribunal fédéral étaient minces et craignait une décision préjudiciable à propos des débits résiduels. Il s’agissait en la matière du niveau d’eau dans les exutoires des lacs de retenue. Dans cette situation, négocier était la meilleure alternative. Le virage électrique nécessite des réservoirs D’après Vontobel, une «réflexion créative» a effectivement eu lieu. De son point de vue, le changement d’attitude des défenseurs de l’environnement a été déterminant: «Pour la première fois, il a été reconnu qu’un virage électrique vers les nouvelles énergies renouvelables ne fonctionnerait qu’avec des centrales hydroélectrique à accumulation par pompage.» Jusqu’à présent, celles-ci avaient la réputation de transformer de l’électricité bon marché provenant de centrales nucléaires et thermiques en coûteuse électricité hydraulique et de ne servir qu’à assécher rivières et ruisseaux: une hérésie écologique aux yeux des organisations de défense de l’environnement. Le boom des énergies renouvelables en Europe, notamment le solaire et l’éolien, entraîne aujourd’hui des changements sur le ceo relations 29 marché. Possible seulement quand le soleil brille et que le vent souffle, la production d’électricité à partir du soleil et du vent ne correspond pas toujours aux besoins. Il faut donc utiliser des batteries qui stockent le courant quand l’offre est excessive et le restituent quand la demande augmente. Hauts et bas de la production d’électr icité Lago di Poschiavo: quand il y a excédent de courant électrique, l’eau est pompée jusqu’au Lago Bianco, 1200 mètres plus haut, et elle est turbinée en sens inverse quand des besoins en électricité se manifestent. En 2011, Repower, qui emploie plus de 700 collaborateurs, a réalisé un chiffre d’affaires de 2,5 milliards de CHF. 30 ceo relations L’entreprise d’approvisionnement en énergie Repower En 2000, plusieurs sociétés d’exploitation de centrales énergétiques des Grisons se sont réunies pour former Rätia Energie, aujourd’hui Repower. 46% des actions appartiennent au canton des Grisons, 24,6% à l’entreprise d’approvisionnement en énergie Alpiq et 21,4% à la société d’électricité Laufenburg. En 2011, avec quelque 700 collaborateurs, Repower a réalisé un chiffre d’affaires de 2,5 milliards de CHF et un bénéfice de groupe de 54 millions de CHF. Avec 40,7% de fonds propres, Repower est solidement financée. Deux tiers environ du chiffre d’affaires correspondant aux 18 térawattheures d’électricité produite sont réalisés par la commercialisation, un tiers par l’approvisionnement et la distribution. Le groupe dispose de ses propres centrales en Suisse (énergie hydraulique), en Italie (centrales à cycle combiné au gaz, éoliennes) et en Allemagne (éoliennes). À certaines époques, la quantité d’électricité éolienne et solaire produite est si élevée que les prix dégringolent. Dans les cas extrêmes, on paie même pour «caser» le courant excédentaire. Les centrales hydroélectrique à accumulation par pompage profitent d’une telle configuration: dans le cas de Lagobianco, en présence d’un excédent de courant, de l’eau du Lago di Poschiavo serait pompée vers le Lago Bianco, au col de la Bernina, 1200 mètres plus haut, puis serait turbinée en sens inverse lorsque les besoins en électricité augmentent (cf. encadré page 27). «Si la Suisse veut jouer un rôle au niveau européen, cela ne peut être que celui de réservoir d’énergies renouvelables. Sinon, nous serons marginalisés et, dans le secteur de l’énergie aussi, nous ferons les frais de la politique européenne», déclare Vontobel. Ayant un effet d’équilibrage, les centrales hydroélectrique à accumulation par pompage contribuent en outre largement à la stabilité du réseau. En Suisse, trois nouvelles centrales de ce type sont planifiées ou déjà en construction. «Il existe suffisamment de besoins. Cependant, le réseau de transport doit être étendu pour offrir des capacités supplémentaires», explique Vontobel. Le tournant électrique n’est pas encore un tournant énergétique Pour ce qui est de l’avenir énergétique, le dirigeant de Repower est clair: «Faute de consensus pour de nouvelles centrales nucléaires au sein de la société, nous devons trouver une solution de substitution pour environ 40% des besoins actuels en électricité. Penser y arriver avant la sortie du nucléaire avec les seules énergies renouvelables n’est pas réaliste. C’est la raison pour laquelle une génération de nouvelles centrales à gaz et à charbon est encore nécessaire.» Cependant, cette perspective se heurte à une violente opposition dans toute l’Europe. Vontobel renvoie aux conséquences: «Puisque plus personne n’investit en raison des incertitudes actuelles, de vieilles centrales à faible rendement et forts rejets de CO2 continueront à être exploitées. L’âge moyen des centrales européennes atteint déjà un niveau critique.» F. Vontobel met les choses au point: «En Suisse, la proportion de l’électricité dans la consommation finale d’énergie est de 24%. Ce sont essentiellement les énergies fossiles qui se taillent la part du lion avec 76%. Mais cela, on préfère ne pas en parler.» Un tabouret à trois pieds Pendant la période de construction, le projet Lagobianco aura des conséquences importantes sur l’environnement. Le percement des galeries d’amenée et la construction de la centrale-caverne généreront plus de 3 millions de tonnes de matériaux et les travaux pollueront fortement la vallée. Ensuite, pendant l’exploitation, des fluctuations de niveau considérables se produiront sur les deux lacs réservoirs. Le groupe de projet s’est efforcé de trouver des solutions aussi compatibles que possible avec l’environnement. Environ 40% des matériaux d’excavation pourront être recyclés pour la fabrication de béton, la plus grande partie pour le projet lui-même. La hauteur des murs du barrage situé sur le Lago Bianco n’augmentera pas de 17 mètres mais de seulement 4,3 mètres; les variations de niveau seront définies et limitées. En aval, les changements de niveaux d’eau dus à la production d’électricité qui, jusqu’ici, étaient fréquents (problématique des éclusées) seront éliminés. En effet, le turbinage s’effectuera désormais via la galerie d’amenée et un débit réservé suffisant alimentera le Poschiavino. Les poissons pourront à nouveau migrer et frayer. Des mesures de revitalisation importantes sont prévues pour les deux lacs et le Poschiavino. Le processus participatif reste cependant un travail relationnel exigeant. Repower et les défenseurs de l’environnement ne sont pas d’accord sur tous les points. Ainsi, dans les Grisons, une initiative exige que les producteurs locaux renoncent à l’électricité produite à l’étranger grâce au charbon. Repower souhaite cependant surtout utiliser cette source d’énergie pour son important marché italien. Si la concession pour la centrale hydroélectrique à accumulation par pompage Lagobianco est accordée, il faudra élaborer avec le groupe d’accompagnement un scénario pour les imprévus pendant la phase de construction (p. ex. imprévus d’ordre géologique). «Nous n’avons pas encore toutes les réponses», explique R. Ferrari, le chef de projet. Qu’est-ce qui pourrait encore arrêter le projet si la concession devait être accordée? Ferrari répond par la métaphore du tabouret à trois pieds: «Les pieds représentent la technique, l’écologie et l’économie. Il convient de leur attribuer la même importance. Sinon, le siège bascule.» ceo relations 31 Clive Bellingham, Responsable Headquarters Initiative ceo 1/2012 Valeur ajoutée La Suisse en tant que lieu d’implantation Le meilleur choix pour l’Europe La Suisse en tant que lieu d’implantation Le meilleur choix pour l’Europe Page 33 Audit et conseil Augmentation de la qualité et de l’efficience Start-up Les jeunes entreprises dynamisent l’économie Systèmes de rémunération Équité et simplicité indispensables Page 42 Service Publications et formation continue Page 44 32 ceo valeur ajoutée Page 36 Page 39 Toujours plus de multinationales privilégient des modèles d’affaires centralisés. Offrant de nombreux avantages concurrentiels, la Suisse est donc un site très prisé pour les sièges d’entreprises internationales. La centralisation de secteurs d’entreprise et le choix du siège social sont étroitement liés. Les modèles d’affaires centralisés sont souvent le fruit d’une transformation. Lorsqu’elles prennent la décision de centraliser certains secteurs, les multinationales se posent la question du lieu d’implantation géographique de ces fonctions centrales. La centralisation a donc très souvent pour conséquence l’extension d’un siège existant ou la création d’un nouveau siège. La Suisse est un lieu d’implantation très attrayant pour de nombreuses entreprises exerçant des activités à l’international pour coordonner les affaires européennes ou même mondiales. En 2011, quelque 500 groupes avaient un siège régional ou principal en Suisse. Dans une étude empirique conduite auprès d’entreprises multinationales, PwC a analysé la raison de ce phénomène (cf. encadré page 34) en se concentrant sur deux questions principales: •Pourquoi les entreprises interrogées ont-elles opté pour une centralisation? •Quels sont les facteurs décisifs qui conduisent à choisir la Suisse comme site d’implantation pour les secteurs décentralisés? Les résultats sont instructifs. Gain d’efficacité grâce à la centralisation Un modèle d’affaires centralisé est attrayant pour les groupes multinationaux et cette situation devrait se maintenir à l’avenir. Cette forme de transformation d’entreprise conduit – à une efficacité accrue en raison de l’harmonisation de pratiques commerciales et – à des économies de coûts en raison d’effets d’échelle. Il est intéressant de constater que les groupes suisses et étrangers pondèrent différemment ces deux arguments. Les groupes suisses accordent aux gains d’efficacité une importance extrême (87%) ou en tout cas assez élevée, et une importance moindre aux réductions de coûts consécutives à des effets d’échelle. Quant aux groupes étrangers, ils apprécient les deux arguments presque à égalité. Argument fiscal décisif Les arguments ne manquent pas en faveur de la place économique suisse: sécurité juridique, possibilité d’entretenir des rapports de partenariat avec les autorités, infrastructure solide et qualité de vie élevée. Et, bien sûr, la fiscalité. Tous les groupes multinationaux étrangers et quasiment tous les groupes suisses citent l’environnement et les taux fiscaux comme facteurs importants dans le choix du lieu d’implantation. ceo valeur ajoutée 33 Importance des facteurs d’implantation Conditions-cadres et taux des impôts sur les sociétés 100% Utilisation de l’anglais comme langue des affaires 91% Qualité de vie 81% Situation géographique 80% Part des entreprises internationales 71% Proximité du lieu de résidence des employés 68% Connaissances spécifiques 62% Proximité des clients existants et futurs 56% Infrastructures routières et ferroviaires Proximité des fournisseurs 54% À l’origine, l’enquête devait se concentrer sur les groupes étrangers qui exercent des activités à l’international et ont un siège en Suisse. Mais au cours de l’enquête, il est devenu manifeste que tous les groupes multinationaux doivent maîtriser les mêmes défis, qu’ils soient d’origine suisse ou étrangère. En conséquence, l’enquête a été étendue aux groupes multinationaux d’origine suisse. L’étude analyse séparément les réponses des deux groupes. 93 personnes ont été interrogées dans 74 entreprises. 68 d’entre elles sont des sociétés holding dont 27 ont leur siège en Suisse, 27 aux États-Unis, 10 en Europe (hors Suisse) et 4 dans la zone Asie-Pacifique. Le nombre élevé d’entreprises basées aux États-Unis explique sans doute le fait que l’utilisation de la langue anglaise dans les affaires soit un critère si important pour le choix du site d’implantation. 21% des entreprises interrogées réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1 milliard de EUR et, pour 32%, il dépasse le seuil des 10 milliards de EUR. Les branches sont, par ordre de fréquence: l’industrie manufacturière, le commerce de détail et biens de consommation, les life sciences, la technologie, les télécommunications, l’information-communication et les médias, l’énergie et l’approvisionnement, et enfin le secteur public. La forte représentation du secteur industriel reflète une tendance observée par PwC depuis une vingtaine d’années: ce sont avant tout des installations de production qui centralisent leurs fonctions d’entreprise en Suisse. Cette situation est certainement liée au fait que la standardisation et la centralisation de processus et de fonctions dans le cadre de chaînes de création de valeur physiques permettent de plus fortes augmentations de l’efficience et de plus grandes économies de coûts par des effets d’échelle. Et au fait que, d’une façon générale, le secteur des services et le secteur financier sont encore peu développés en matière de standardisation et de centralisation. Vous pouvez commander l’étude «HQs in Switzerland – maximising benefits and handling challenges» (en anglais) gratuitement auprès de: [email protected]. La valeur élevée accordée par les entreprises interrogées à l’utilisation de la langue anglaise dans le monde des affaires est particulièrement révélatrice. Ce critère surpasse même celui de la qualité de vie et de la disponibilité de personnel qualifié (cf. graphique). La crise financière et de la dette a encore accru l’attrait de la Suisse. Elle est considérée comme un havre de paix surtout par les groupes étrangers. La chaîne de création de valeur en point de mire Les résultats de l’enquête soulignent à quel point certains groupes étrangers veulent renforcer leur présence en Suisse dans tous les secteurs. Ils y ont déjà centralisé de nombreux maillons de leur chaîne de création de valeur ou envisagent de le faire. C’est ainsi que plus de 90% des groupes multinationaux étrangers interrogés ont déjà centralisé leur service d’approvisionnement en Suisse ou prévoient de le faire. Pour les secteurs vente et marketing, le chiffre se monte à 81%. Les secteurs des finances et de la fiscalité sont également 84% Qualité de vie 92% Présence de collaborateurs bien formés 63% Situation géographique 76% Part des entreprises internationales Proximité du lieu de résidence des employés 69% 39% Proximité des clients existants et futurs 39% Infrastructures routières et ferroviaires candidats à la centralisation; ces prévisions valent aussi bien pour les groupes étrangers que suisses. Pour ces derniers, la centralisation en Suisse d’un autre secteur est très importante: la propriété intellectuelle ou – au sens plus large – la propriété d’actifs incorporels. Les entreprises suisses sont manifestement très attachées à un enregistrement des droits des marques, des copyrights et des brevets dans leur propre système juridique. Défis de la centralisation La centralisation ne fait pas non plus partie du quotidien des grands groupes; ils sont confrontés à des défis qu’ils ne connaissaient pas jusqu’ici, ou pas sous cette forme. Rares sont ceux qui ont déjà une expérience en la matière. Si la centralisation présente de nombreux avantages, elle requiert aussi de gros efforts: – Il faut créer et imposer de nouvelles structures et responsabilités. Comment les employés réagiront-ils? Groupes étrangers en Suisse En 2010, les groupes étrangers ont réalisé un chiffre d’affaires de 39 milliards de CHF en Suisse, contribuant ainsi au PIB à hauteur de 7,1%. Ces multinationales représentent quelque 423 000 emplois, soit plus de 10% de tous les emplois. 31% Connaissances spécifiques Proximité des fournisseurs 41% 92% Utilisation de l’anglais comme langue des affaires Qualité de la recherche et du développement 44% Données de l’étude 34 ceo valeur ajoutée Conditions-cadres et taux des impôts sur les sociétés 89% Présence de collaborateurs bien formés Qualité de la recherche et du développement Évaluation des facteurs d’implantation 71% 31% 29% – Des collaborateurs doivent physiquement déménager et s’adapter à un nouvel environnement de travail et de vie. Quid des systèmes de rémunération? Quelles seront les nouvelles tâches pour le secteur des ressources humaines? – Il faut changer les procédures et les systèmes, procéder à de nouveaux contrôles et réorienter la gestion des risques à l’échelle de l’entreprise. Comment y parvenir sans entraver l’activité commerciale? – Une nouvelle présentation des comptes a un effet sur la déclaration de TVA. Que se passerait-il si le flux de marchandises et la facturation divergeaient? – Qui dit centralisation en Suisse dit aussi imposition en Suisse. Les autorités fiscales étrangères sont vigilantes et surveillent si les structures fiscales sont correctement appliquées. Tels sont quelques-uns des nombreux aspects du processus à prendre en compte lors d’une transformation. Des erreurs lors de la centralisation peuvent avoir des conséquences fatales. Un exemple: si les nouvelles responsabilités ne peuvent être ancrées dans l’organisation, elles ne seront pas crédibles à l’extérieur, ce qui risque de prétériter toute la stratégie visant à conduire les affaires à partir de la Suisse. La mise en œuvre d’un modèle d’affaires décentralisé doit être préparée de manière professionnelle. De plus, elle ne se fait pas d’un jour à l’autre. Une fois le processus de transformation lancé, il faut réexaminer en permanence les différentes étapes et les adapter à la nouvelle donne. Enseignements pour le site d’implantation suisse Et la Suisse? Quelles conclusions peut-elle tirer de l’enquête sur les réflexions stratégiques des groupes multinationaux? Les milieux politiques et les autorités n’ont qu’à écouter les principaux arguments des entreprises et orienter leur politique en conséquence: fiscalité, langue des affaires (anglais), infrastructures et qualité de vie. Aujourd’hui, la Suisse remplit les critères que doit offrir un bon site d’implantation. Elle ne doit pas pour autant se reposer sur ses lauriers mais étendre en permanence ses avantages. La tendance à la centralisation de modèles d’affaires va se poursuivre. Étant donné que les poids de l’économie mondiale se déplacent de l’Ouest vers l’Est, les multinationales se tournent davantage vers l’Asie. Il ne faut donc pas prendre à la légère ceux qui déclarent que la place de Singapour pourrait devenir une «nouvelle Suisse». Mais il existe un autre scénario, plus réaliste: les multinationales disposeront de trois plaques tournantes, une en Europe, une en Amérique et une en Asie. Singapour ou la Suisse n’est donc pas une alternative. Il ne s’agit pas d’un soit – soit. La Suisse doit tout faire pour être le meilleur choix en Europe – et continuer à jouer un rôle mondial en Europe. [email protected] ceo valeur ajoutée 35 Julie Fitzgerald, Assurance Markets Leader Audit et conseil Augmentation de la qualité et de l’efficience Depuis la publication, en automne 2010, du Livre vert de la Commission européenne, les débats ont repris de plus belle sur la réglementation du marché de l’audit. La procédure de consultation du Livre vert désormais achevée, la Commission a présenté un projet de directive. Une chose est claire, les prescriptions seront plus sévères. Reste la question de leur portée. Concilier audit et conseil n’est qu’un aspect de la future réglementation, mais un aspect décisif pour la qualité de l’audit. L’expérience le montre: une stricte interdiction de conseil aux clients de l’audit conduirait à une perte de savoir et d’efficience. Au cours de son activité de contrôle, la société d’audit acquiert une vision approfondie de l’entre- prise auditée et peut toujours mieux s’identifier à l’activité de cette dernière. Participer à un projet permet à la société d’audit d’apporter l’expérience qu’elle a acquise au cours de l’audit. À son tour, le travail d’audit profite des connaissances acquises au cours d’un projet. Un exemple en est la due diligence lors de transactions. La société d’audit connaît l’entreprise, ses forces et ses faiblesses. Elle peut souligner les conséquences financières, fiscales, humaines et opérationnelles d’une transaction et les replacer dans le bon contexte. L’auditeur sait donc ensuite à quels risques spécifiques il devra particulièrement porter attention. En fournissant un conseil sur des thèmes proches de l’audit, Conjuguer audit et conseil est souvent judicieux pour les entreprises qui peuvent ainsi tirer pleinement parti des connaissances de la société d’audit. L’interdiction de procéder à une auto-révision et d’assumer une fonction de direction par les auditeurs est un principe fondamental. Il en résulte un catalogue clair de services autorisés et non autorisés. Des processus stricts garantissent l’indépendance de l’auditeur. 36 ceo valeur ajoutée l’auditeur apprend à connaître toutes les facettes de l’entreprise; il est ainsi en mesure d’observer les opérations non seulement d’un point de vue financier mais aussi dans une perspective opérationnelle. Il comprend mieux les risques et peut ainsi en déduire des éléments utiles pour la présentation des opérations dans les comptes annuels et les comptes consolidés. Cela signifie qu’il peut réagir immédiatement de façon critique et apporter rapidement son soutien en cas d’irrégularités. Une activité de conseil ne peut donc que renforcer le «professional scepticism» de l’auditeur. Il convient en outre de tenir compte de la complexité des audits d’aujourd’hui. Les contrôles des états financiers, notamment d’entreprises exerçant des activités à l’international, sont aujourd’hui si complexes que l’auditeur est tributaire d’autres spécialistes – notamment en matière de fiscalité, d’IT ou d’évaluation. Les grandes sociétés d’audit disposent de ce savoir en interne; auditeurs et conseillers sont bien rôdés et appliquent les mêmes règles. En revanche, le fait de trouver des experts à l’extérieur s’accompagne toujours de difficultés de compréhension et de risques de friction. Les conséquences sont des pertes de qualité et des coûts d’audit plus élevés. Conditions restrictives déjà en vigueur Le contre-argument avancé le plus fréquemment quant à la compatibilité de l’audit et du conseil consiste à dire que l’activité de conseil conduirait à des conflits d’intérêts et nuirait à l’indépendance de l’auditeur, et donc à la qualité de l’audit. Dans de nombreux domaines, c’est le contraire qui se produit: un conseil, notamment dans des domaines proches de l’audit, peut augmenter sensiblement la qualité des comptes annuels. Qui connaît en effet mieux les faiblesses des états financiers que l’auditeur? Les réglementations actuelles tiennent compte de cette situation; aujourd’hui déjà, elles autorisent les sociétés d’audit à fournir des services autres que d’audit à leurs clients, mais à des conditions très restrictives. Le Sarbanes-Oxley Act promulgué par les États-Unis en 2002 y veille. Il a déclenché dans tous les pays une vague de réglementations. Les restrictions imposées à l’activité de conseil de sociétés d’audit reposent sur trois principes: 1. la société d’audit ne doit assumer aucune fonction de direction, c’est-à-dire ne prendre aucune décision; 2. elle ne doit pas contrôler son propre travail (auto-révision interdite); 3. elle ne doit pas se charger de la tenue de la comptabilité. Ces principes sont judicieux. Un auditeur est tenu de se forger une opinion indépendante: il n’est pas censé décider et doit se limiter à soumettre des propositions. En effet, la responsabilité des comptes annuels incombe à l’entreprise ou à son conseil d’administration. En Suisse, l’indépendance de l’organe de révision est régie par le Code des obligations (CO) et la Loi sur la surveillance de la révision. Les articles 728 s. CO stipulent notamment l’interdiction d’une auto-révision. La loi interdit ainsi la fourniture de tout service entraînant pour l’organe de révision le risque de devoir contrôler son propre travail. Fourniture de services autorisés exclusivement Pour mettre en œuvre les trois principes susmentionnés, les sociétés d’audit ont trié les prestations compatibles avec les principes et celles susceptibles de déclencher un conflit avec le postulat d’indépendance. Le résultat est un catalogue de services autorisés (statement of permitted services). Chez PwC, ce catalogue est très restrictif, mais comprend néanmoins davantage de prestations que généralement supposé (cf. encadré). Pour autant, catalogues de services et réglementations internes strictes sont de peu d’utilité si leur respect n’est pas garanti. PwC dispose d’une procédure – uniforme à l’échelle mondiale – garantissant qu’aucun conseiller de ses entreprises membres n’exerce une activité non autorisée. Le fonctionnement de la procédure d’«Authorisation for Services» est sommairement décrit ci-après: La responsabilité de l’audit d’un groupe international incombe toujours à l’entreprise membre de PwC du pays de domicile du groupe à auditer. Le responsable de mandat est tenu d’enregistrer l’ensemble des filiales de ce groupe dans un système (Central Entity Services) et de tenir toutes les données à jour. Si un conseiller d’une entreprise membre de PwC veut fournir un service à l’une des filiales du groupe à auditer, il doit adresser une requête (request) au responsable de mandat. Dans cette requête, il doit justifier pourquoi la prestation lui semble autorisée et quelles sont les directives auxquelles elle est soumise. Le responsable de mandat examine la requête; il doit la rejeter si un indice laisse supposer que la prestation pourrait mettre en péril l’indépendance. Dans des cas particulièrement délicats ou douteux, le responsable de mandat consulte l’associé responsable de la gestion des risques. Une fois la décision prise, le conseiller et la société membre concernée doivent s’y conformer sans discussion. Propositions de la Commission européenne en vue de réglementer le marché de l’audit Pour que les marchés financiers fonctionnent correctement, une qualité élevée de l’audit est importante. Elle est en effet indissociable de la qualité du rapport financier. La Commission de l’UE a expressément formulé sa volonté de concevoir la réglementation du marché de l’audit dans le sens d’une qualité accrue de l’audit. Une série de propositions sert cet objectif et est donc saluée par PwC: •l’application des Normes internationales d’audit (ISA) dans toute l’Europe comme référentiel d’audit uniforme et comparable; •la remise d’un rapport détaillé de l’auditeur au conseil d’administration; •la création obligatoire ou le renforcement d’un comité d’audit et l’intensification du dialogue entre l’auditeur, le comité d’audit et l’ensemble du conseil d’administration; •le renforcement du dialogue entre les auditeurs et les normalisateurs; •la possibilité d’activités transfrontalières pour les auditeurs dans tout le marché UE. Autres prescriptions que PwC considère en revanche comme négatives: •la rotation obligatoire non seulement des personnesclés du mandat d’audit mais de l’organe de révision en tant que tel. Cela reviendrait à s’immiscer dans la gouvernance de l’entreprise à auditer car cette mesure restreindrait les possibilités de choix pour l’assemblée générale. De plus, des études empiriques attestent qu’une telle obligation de rotation n’entraînerait qu’une faible amélioration de la qualité, mais une réelle augmentation des coûts de l’audit. •l’interdiction de la fourniture de tout service autre que d’audit aux entités contrôlées. Cette mesure aurait pour conséquence que les entreprises ne pourraient plus puiser dans le réservoir d’expérience de la société d’audit. Une telle réglementation générerait des pertes d’efficience et – facteur encore plus important pour la gouvernance – restreindrait la liberté de choix lors de l’octroi du mandat. Aucune preuve empirique ne démontre que ces deux propositions renforceraient l’indépendance de l’auditeur et amélioreraient la qualité de l’audit. ceo valeur ajoutée 37 Mesures destinées à préserver l’indépendance La réglementation en vigueur distingue clairement les services autorisés de ceux qui ne le sont pas. Les sociétés d’audit ont institutionnalisé des mesures étendues destinées à préserver l’indépendance. La procédure susmentionnée n’est que l’une d’entre elles. Un système de gestion de la qualité à l’échelle de l’entreprise, un code de conduite interne, des attestations d’indépendance générales et liées aux mandats ainsi que l’enregistrement et la publication de tous les placements financiers personnels en constituent d’autres. En dépit de toutes ces mesures, une sorte de loi informelle de prudence s’est imposée en Suisse. Les conseils d’administration et les comités d’audit sont souvent très réticents lorsqu’il s’agit de charger l’organe de révision d’effectuer des services d’audit connexes. Beaucoup craignent des critiques de leurs parties prenantes et veulent être sûrs de leur bon droit. Il s’agit par conséquent ici d’une meilleure prise de conscience d’une bonne gouvernance. Parfois aussi, certaines entreprises anticipent les attentes du public et des médias. Il s’agit alors davantage d’une question de communication que de réglementation. Et renoncent pour cela à un important potentiel d’efficience et à un savoir précieux. Un regard sur la situation actuelle le montre: •les prescriptions en vigueur sur la compatibilité de l’audit et du conseil garantissent qu’il n’y a pas d’auto-révision et se sont avérées suffisantes dans la pratique; •ces dernières années, les entreprises ont nettement amélioré leur gouvernance – y compris en matière d’audit externe – et octroient leurs mandats avec discernement; •un audit, combiné à un conseil connexe, peut accroître l’effica38 ceo valeur ajoutée cité et l’efficience de l’audit. Il n’est pas démontré empiriquement qu’une restriction encore plus drastique des «permitted services» améliorerait la qualité de l’audit – le contraire devrait même être le cas. Pourtant, le dernier projet de la Commission européenne contient quatre options, dont deux remportent ses faveurs: l’interdiction de la fourniture de tout service autre que d’audit aux entités contrôlées et – option extrême – la création de cabinets d’audit pur. D’autres restrictions nuisent à la qualité de l’audit PwC apporte son soutien à de nombreuses propositions de la Commission de l’UE car elles améliorent la qualité de l’audit (cf. encadré page 37). Elle refuse en revanche, comme d’autres sociétés d’audit, une réglementation de la stricte séparation de l’audit et du conseil. En effet, c’est méconnaître la réalité des entreprises et du processus d’audit que de vouloir interdire tout conseil proche de l’audit. La qualité de l’audit n’en sera en rien renforcée. Ainsi qu’en témoignent plus de 700 prises de position sur le Livre vert, PwC et la branche de l’audit ne sont pas les seules à partager cette opinion. L’Université Goethe de Francfort, qui a analysé les prises de position, est parvenue au résultat que seuls 15% des entreprises et de leurs parties prenantes ainsi que les milieux scientifiques approuvent une interdiction de fournir des services autres que d’audit (les sociétés d’audit sont explicitement exclues de cette évaluation). Par ailleurs, l’étude PwC «European CFO & Audit Committee Chair survey» de juin 2011 a révélé que les mesures en vigueur destinées à garantir Stefan Gerber, Responsable du secteur d’activité PME l’indépendance de l’auditeur sont considérées comme suffisantes par 77% des sondés. des fonds et met en réseau les institutions publiques et privées. Renforcer les comités d’audit L’amélioration de la qualité de l’audit dépend d’autres facteurs, à savoir les compétences des différents organes dans le processus de rapport et la communication de ces organes. Il faut par conséquent accroître la compétence des comités d’audit – y compris envers le CFO – et intensifier le dialogue avec l’auditeur externe. La clé d’une meilleure qualité de l’audit réside dans la communication. L’expérience montre qu’il y a lieu avant tout d’intensifier les échanges entre l’auditeur et le comité d’audit. La communication ne fonctionne jamais à sens unique. L’organe de révision est tributaire de la volonté de l’entreprise de coopérer. Les parties prenantes au sein de l’entreprise devraient rechercher le dialogue et donner à l’auditeur des informations sur la stratégie, l’évolution des affaires, les risques et les opérations importantes. En la matière aussi, la Commission de l’UE a soumis des propositions qui ne peuvent qu’être saluées. La réflexion porte aussi sur un autre point, celui de la compréhension de l’indépendance de l’auditeur. Celle-ci est essentiellement une question de personnalité. L’indépendance ne signifie pas que l’auditeur prend ses distances par rapport aux responsables de l’entreprise. Pour pouvoir se forger une opinion objective, il doit mener des entretiens à divers échelons hiérarchiques de l’entreprise à auditer. C’est avant tout la capacité de jugement, combinée à l’intégrité personnelle, qui garantit l’indépendance. Les entreprises devraient considérer l’auditeur comme un partenaire au jugement critique et non comme une instance de contrôle. [email protected] Une bonne préparation Conclusion Aujourd’hui déjà, les sociétés d’audit ne peuvent fournir de services autres que d’audit que dans des conditions très restrictives. D’une manière générale, le conseil est interdit lorsque les prestations pourraient susciter un conflit avec le rôle de l’auditeur ou faire naître des doutes sur son impartialité et son objectivité. D’autres restrictions, voire la création de cabinets d’audit pur pourraient nuire à la qualité de l’audit sans pour autant renforcer l’indépendance de l’auditeur. C’est surtout dans des situations difficiles qu’un conseil peut – notamment en matière de fiscalité ou de due diligence – améliorer sensiblement la qualité des comptes annuels. Start-up Les jeunes entreprises dynamisent l’économie En Suisse, les jeunes entreprises bénéficient de chances exceptionnelles. La moitié des entreprises nouvellement créées passent le cap des cinq premières années. Pour réussir, les start-up ont besoin de trois choses: une bonne équipe, l’intuition du bon moment et un réseau de relations solide. Les start-up dynamisent l’économie. Les jeunes entrepreneurs ont des idées nouvelles, sont convaincus de leur affaire et croient en leur pouvoir de faire bouger les choses. Ils apportent un nouveau souffle à l’entrepreneuriat. Les start-up font progresser toute l’économie. Leur force d’innovation renforce aussi l’image du site d’implantation suisse pour le secteur recherche & développement: pour preuve, le grand nombre de spin-off des dernières années, ces entreprises issues des Écoles polytechniques de Zurich (ETH) et de Lausanne (EPFL). Leur savoir-faire et leur esprit pionnier contribuent aussi à faire de la Suisse un lieu d’innovation leader en Europe. Autre atout, les start-up créent des emplois. D’après l’Office fédéral de la statistique (OFS), les 11 471 entreprises créées en 2009 employaient 21 793 personnes. Conscient du potentiel économique des nouvelles créations, le Conseil fédéral exploite sa propre institution de promotion de startup: la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI), qui souligne le lien entre la recherche appliquée et le développement (Ra&D), l’entrepreneuriat et le développement de jeunes entreprises. Avec le «venturelab», la CTI offre des modules de formation, examine des projets, fournit La CTI joue un rôle incontestable dans la bonne préparation des jeunes entrepreneurs à leur future activité. Ils abordent généralement leurs projets avec prudence et réflexion, mais aussi avec ambition. Cela se reflète dans le taux de survie relativement élevé des entreprises nouvellement créées. La statistique officielle de l’OFS pour les années 2003 à 2007 montre que la moitié (49,2% précisément) des nouvelles entreprises passe le cap des cinq premières années. Dans le secteur industriel, cette part (57,4%) est supérieure à celle du secteur des services. Une belle preuve de réussite. Toutefois, décider de se lancer dans une start-up requiert indiscutablement plus que du courage et une bonne idée. Tout doit être pensé et réfléchi, préparé et structuré. Chaque phase de l’activité entrepreneuriale – création, démarrage, croissance et éventuellement ouverture vers l’extérieur – connaît son lot de difficultés. Exemple: le financement. Pour qui n’a pas la chance de gagner un concours d’idées, la chasse au financement commence généralement dans la famille et auprès des amis. Celui qui souhaite se développer, voire vise l’international, a besoin de davantage de bailleurs de fonds. Or, aujourd’hui, les investisseurs professionnels sont très circonspects. Ils n’analysent pas seulement les business plans, mais examinent chaque projet et chaque produit à la loupe. Ils calculent le rendement interne du capital et se penchent sur la création de valeur. Ils évaluent non seulement l’activité mais aussi ceux qui l’exercent: l’équipe. ceo valeur ajoutée 39 Création de nouvelles entreprises en 2011 L’importance de l’équipe Avoir une bonne équipe est la principale condition du succès. Non seulement en termes de financement, mais aussi et surtout de conduite de l’entreprise. La notion d’équipe doit être comprise au sens large. La jeune entreprise qui parvient à gagner des scientifiques ou des dirigeants expérimentés de sociétés cotées pour son conseil d’administration ou son organe consultatif démarre avec un atout énorme. En témoigne le succès affiché par les spin-off des écoles polytechniques. Elles ont souvent intégré, dans leur organe consultatif, des professeurs de leurs anciennes écoles qui, à leur tour, ont des contacts avec le monde de l’entreprise. Un conseil d’administration ou un organe consultatif où siègent d’éminentes personnalités donne à la start-up une visibilité et une garantie de savoir-faire essentielles. Manquant souvent de spécialistes dans le domaine opérationnel – finances, controlling ou ressources humaines – les jeunes entreprises en sont souvent tributaires. Et la pratique le Zurich Suisse du nord-ouest +5% 0% Région lémanique +10% Espace Mittelland +6% Suisse centrale Suisse orientale +2% +5% Tessin +8% En 2011, le nombre des créations d’entreprises a atteint un nouveau record. Pour cette période, 39 665 nouvelles entreprises ont été inscrites au registre du commerce, soit 5% de plus qu’un an auparavant. C’est la région lémanique qui, avec 10%, a affiché le plus fort taux d’accroissement. Source: Dun & Bradstreet (Schweiz) AG PwC s’engage aussi pour les jeunes entrepreneurs PwC est sponsor de «venture», un concours de business plans organisé tous les deux ans par l’EPF Zurich. Holger Greif, responsable du Consulting, fait partie du jury et Markus R. Neuhaus, CEO, est membre de l’Advisory Council. Partenaire Premium du Swiss Economic Forum (SEF) depuis de nombreuses années déjà, PwC s’engage également directement pour les jeunes entreprises. 40 ceo valeur ajoutée Warum eine externe De la pertinence d’un audit externe pour les jeunes entreprises Durant la phase de démarrage, les start-up ont surtout besoin de conseil. Mais dès qu’elles étendent leurs activités, voire visent l’international, un audit externe solide est indispensable. L’audit fournit aux jeunes entrepreneurs une sécurité en matière de situation financière. Il crée, en interne, une base de calcul solide pour des plans de croissance et, en externe, la confiance nécessaire dans les chiffres présentés. En outre, l’organe de révision décèle parfois des insuffisances qui n’ont pas de lien direct avec les comptes annuels mais qui peuvent être lourdes de conséquences pour les affaires. En ce sens, il crée une valeur supplémentaire. Un exemple pratique Le compte prévisionnel d’une start-up très prometteuse que PwC avait contrôlée la première fois affichait une perte. Rien d’inhabituel pour une entreprise en phase de démarrage. Mais la couverture de fonds propres pour la fin de l’année était calculée très juste. Les auditeurs sont parvenus à la conclusion qu’il y aurait surendettement l’exercice suivant. Or, le financement externe de la start-up étant assuré par les banques, toute postposition était exclue. Pour éviter le tribunal, il a fallu lever des capitaux en cours d’année. La question était: jusqu’à quand et pour quel montant? Les calculs ont indiqué qu’il serait nécessaire de disposer de moyens financiers à hauteur d’un demi-million au quatrième montre: les entreprises bien établies aident volontiers les jeunes entreprises. Cette équipe clé (direction et organe consultatif) devrait être complétée par une équipe externe qui conseille la start-up sur des thèmes précis. L’équipe externe peut se composer, par exemple, d’avocats pour les brevets et la propriété intellectuelle et de consultants pour les questions d’audit, de fiscalité ou de participation des collaborateurs. Elle aidera la start-up à évoluer dans la bonne direction. L’important est que les conseillers pensent aussi comme des entrepreneurs, qu’ils attirent l’attention des jeunes entrepreneurs sur des aspects de la gestion auxquels ces derniers n’avaient peut-être pas pensé: la comptabilité de projets ou le choix du siège de l’entreprise et sa forme juridique. Penser en entrepreneur, c’est aussi choisir et rétribuer les conseillers. Les jeunes entrepreneurs veulent des conseillers jeunes et pas compliqués, qui pensent et fonctionnent comme eux. Cela aussi fait une bonne équipe. Un produit mûr pour un marché mûr Le deuxième facteur de réussite, à côté de l’équipe, est le temps. Une bonne idée et un produit innovant ne servent pas à grandchose si le marché n’est pas encore mûr pour eux. À l’inverse, le besoin du marché peut avoir été identifié correctement, mais le développement du produit est à la traîne. L’élément déterminant du timing est la maturité du marché. Pour la CTI, elle est un critère d’octroi de son label. Un label start-up de la CTI confirme que le nouveau produit a de réelles chances sur le marché. La maturité du marché facilite l’accès au capital-risque et augmente l’attrait de l’entreprise pour des personnes issues des milieux scientifiques et économiques. Élément qui est, à son tour, fondamental pour former une équipe optimale. [email protected] trimestre. Mais au-delà de la levée imminente des capitaux, il est apparu que la jeune entreprise avait certes établi des plans de liquidité, des budgets approximatifs et des chiffres d’affaires prévisionnels, mais qu’elle ne disposait pas d’instrument pour évaluer la structure du capital. Il lui fallait une base solide pour l’analyse de bilan afin de pouvoir prendre des décisions de financement fondées. Avec les responsables financiers, PwC a mis en place un instrument de planification complet. Cet outil permettait à l’entreprise de faire des prévisions mensuelles en termes de bilan, de compte de résultat et de flux de trésorerie. La valeur ajoutée de l’audit Pour qu’un audit externe puisse créer de la sécurité et de la valeur ajoutée, l’auditeur doit bien connaître l’entreprise. C’est pourquoi un échange intense est si important. Il existe, pour l’audit à proprement parler, des check-lists et des modèles qui simplifient le travail de préparation. Mais un auditeur doit savoir ce à quoi l’entreprise tient vraiment. Dans l’exemple mentionné, il s’agissait du traitement de commandes à long terme et de l’activation des dépenses de recherche. Avec PwC, l’entreprise a pu discuter des avantages et des inconvénients des diverses possibilités et des conséquences sur les états financiers actuels et futurs. Cet exemple illustre la valeur ajoutée que les start-up peuvent tirer d’un audit: pour maîtriser leurs difficultés spécifiques, elles peuvent recourir à un vaste réseau international d’expérience. Conclusion Les jeunes entreprises dynamisent l’économie. Elles créent des emplois et renforcent l’image de la Suisse en tant que lieu d’innovation. Pour réussir, les jeunes entreprises ont besoin d’un bon timing et de la bonne équipe. Si les start-up prennent ces exigences à cœur, elles seront encore plus nombreuses à perdurer. Ce qui rendra la Suisse plus jeune, plus dynamique et plus prospère à long terme. ceo valeur ajoutée 41 Robert W. Kuipers, Leader Reward Switzerland qu’ils soient escomptés sur leur valeur actuelle. Il est intéressant de constater que les managers fixent des taux d’actualisation nettement supérieurs à ceux qui se basent sur l’hypothèse économique. Si économiquement parlant, le taux approprié était de 5% par an environ, l’actualisation subjective des managers se situe, selon l’étude et en moyenne mondiale, à environ 30%. Les managers d’Amérique latine sont les plus gourmands, avec 45%. Les plus modestes sont les managers néerlandais (11%) et suisses (12%). Ces écarts traduisent l’importance du contexte économique, culturel et social. En Suisse, une promesse de paiement semble plus digne de confiance qu’au Brésil. Systèmes de rémunération Équité et simplicité indispensables PwC et la London School of Economics se sont demandé comment les managers apprécient et évaluent les différentes formes de rémunération. Plus de 1100 personnes ont été interrogées dans 43 pays. Le résultat est clair: le bon fonctionnement d’un système d’indemnisation, c’est-à-dire fournir suffisamment d’incitations aux managers pour accroître leur performance, dépend largement de facteurs psychologiques. De plus, les valeurs accordées aux différentes incitations varient en fonction des pays. Il reste néanmoins possible de déduire quelques grandes lignes générales: 1. Les managers n’aiment pas les risques Une simulation permet d’identifier l’attitude face au risque. Où va la préférence de quelqu’un 42 ceo valeur ajoutée entre la garantie d’une certaine somme fixe et la promesse d’une somme sensiblement plus élevée, mais sur laquelle pèse une certaine probabilité, au risque de ne rien obtenir (p. ex. le choix peut se situer entre 40 000 CHF garantis et 90 000 CHF dans deux ans, avec une probabilité de 50%, et donc une probabilité de 50% de ne rien obtenir du tout). Plus de la moitié des personnes interrogées s’est prononcée pour la somme garantie. Il est intéressant de relever que, contrairement au sentiment général, les managers du secteur financier ont autant d’aversion du risque que d’autres. 2. La complexité et le flou sont contreproductifs Les managers veulent comprendre les règles du jeu. Lorsqu’ils ont le choix entre différents systèmes de bonus, la majorité se prononce pour la variante simple. Il est donc important de prendre cette situation en compte lors de l’élaboration de plans d’incentives. Assortis de clauses suspensives (deferrals), de possibilités de révocation (clawbacks) et d’ajustements de risques, ils sont extrêmement complexes. De nombreux critères de performance, qui s’additionnent ou se multiplient entre eux, déterminent le fait que le manager reçoit effectivement la participation promise. Un plan de LongTerm Incentive, LTI (plan d’intéressement à long terme), peut être directement associé à l’évolution absolue du cours de l’action ou reposer indirectement sur un groupe de référence. D’autres composantes comme des valeurs cibles internes viennent s’ajouter pour relativiser l’évolution générale des marchés. Des indicateurs qualitatifs tels que la satisfaction des clients ou des collaborateurs sont également souvent intégrés dans les plans. Lorsque les systèmes deviennent trop opaques, ils n’attirent plus les managers. Les plans destinés à honorer leur performance doivent être aussi simples que possible. 3. Plus l’attente est longue, plus la valeur diminue Les promesses contenues par les LTI concernent l’avenir. Ces promesses sont donc toujours liées à un facteur d’incertitude quant à leur respect et au montant du futur versement. Le truisme selon lequel des paiements futurs auront moins de valeur que ceux d’aujourd’hui explique 6. Les plans de LTI motivent par leur simple existence Les entreprises aspirent à des programmes de rémunération équitables. Mais qu’entend-on par équitable? S’agit-il du montant absolu de la rémunération pour la performance personnelle? Ou plutôt de proportionnalité au sein du groupe de référence? L’étude est claire: la comparaison par rapport à d’autres (cf. l’encadré «Jean et Jacques») prévaut sur un montant nominal élevé. Mais il y a des exceptions: les managers d’Europe de l’Est, du Brésil et de Chine doivent manifestement être davantage motivés par des chiffres absolus plus élevés. Les managers apprécient que leur entreprise offre des plans de LTI. Pour la plupart, ils se sentent motivés par le simple fait de l’existence de ces plans et par la possibilité de pouvoir y participer. Il s’agit ici du phénomène psychologique du «vouloir en faire partie». On est fier d’appartenir au cercle de ceux sur la performance desquels l’entreprise mise tout particulièrement. Il n’y a donc aucune contradiction dans le fait que les managers peuvent très bien se sentir motivés par des plans de participation sans pour autant les considérer comme efficaces. En Suisse par exemple, seuls 38% des managers interrogés le sont. 5. Il n’y a pas que l’argent Il faut un «best fit» Les gens travaillent pour recevoir la contre-valeur de leur effort. Ils recherchent également une satisfaction dans leur activité. Quelle est, en termes d’argent, la valeur de cette satisfaction interne? De combien un manager accepteraitil de réduire sa rémunération s’il avait le poste idéal? La réponse à ces questions est déconcertante: lorsque l’on parle d’une tierce personne, la part considérée comme «non indispensable» est nettement plus élevée que si la question concerne la personne Quelle leçon pour les entreprises? L’enquête parvient au résultat important suivant: un modèle de rémunération doit correspondre à l’entreprise et à ses dirigeants. Il faut un «best fit». Il n’est pas possible de développer un modèle standard applicable à toutes les entreprises, à tous les secteurs, à tous les managers et à toutes les régions. Les entreprises d’envergure internationale devraient avoir conscience que les différentes incitations n’ont pas les mêmes effets dans toutes les régions du globe. Si, au Brésil, en Inde ou 4. L’équité est fondamentale La plupart des enquêtes conduites sur les systèmes de rémunération insistent sur le profit pour les actionnaires et sur les coûts pour les entreprises. Mais comment les managers à qui s’adressent ces systèmes d’incitation les perçoivent-ils? Quelles sont leurs attentes? elle-même. Par exemple, on suppose qu’un manager expérimenté pourrait renoncer à 60% de sa rémunération en contrepartie d’une satisfaction personnelle suffisante. En revanche, l’intéressé lui-même n’accepterait qu’une baisse de 28%. Les résultats sont les mêmes quels que soient la position, le niveau de revenu, la région ou le secteur considérés. Lorsqu’une personne est habituée à une certaine situation de revenu, il lui est difficile de s’imaginer travailler en gagnant deux tiers de moins – même pour le «job idéal». Si la question s’applique à des tiers, le résultat est tout différent. en Chine, les marchés du travail fonctionnent différemment, les mentalités sont elles aussi différentes. Les systèmes d’incitation doivent s’adapter aux situations. Par ailleurs, il est important pour les groupes internationaux d’avoir une philosophie de rémunération uniforme qui apporte un véritable soutien à la stratégie. Mais il reste, au sein de ce cadre, suffisamment de liberté pour aborder les différents aspects en fonction de la situation. Un tel modèle devra tenir compte des facteurs suivants: •le salaire de base dépend largement de la fonction et des conditions du marché régional; •le bonus en espèces à court terme est lié aux objectifs et aux résultats des différents départements et fonctions de l’entreprise; Jean, Jacques et l’équité Jean et Jacques sont des amis, tous deux diplômés d’une grande école de commerce. Ils sont à la recherche d’un emploi attrayant. L’entreprise A propose à Jean d’entrer à la direction et lui offre une rémunération totale de 187 500 CHF. De son côté, Jacques obtient, pour une position comparable, une offre de l’entreprise B. La rémunération proposée est de 195 000 CHF. Par hasard, Jean découvre que les membres de la direction de l’entreprise A gagnent en moyenne 180 000 CHF. Du coup, Jacques veut lui aussi en savoir davantage. Il apprend que les membres de la direction de l’entreprise B reçoivent une rémunération moyenne de 202 500 CHF. Qui est le plus motivé des deux? Jean qui gagnerait plus que la moyenne, ou Jacques qui, certes, recevrait une rémunération plus élevée que Jean, mais serait moins bien placé que les autres membres de la direction? Les managers interrogés pour l’étude sont (presque) unanimes: Jean est plus motivé que Jacques. Gagner davantage que le groupe de référence est plus important que gagner davantage en chiffres absolus. L’équité relative joue donc un rôle essentiel. ceo valeur ajoutée 43 •les plans de participation permettent de participer à long terme au succès de l’entreprise; •les plans de prévoyance doivent respecter les situations régionales et veiller au cadre juridique qui s’applique à la prévoyance vieillesse; •les fringe benefits, ou compléments salariaux, dépendent fortement des préférences des managers qui en bénéficient. Dans certains pays, les symboles de statut social comme une voiture d’entreprise sont beaucoup plus prisés que dans d’autres. Publications et formation continue Un projet commun de PwC Suisse et Swiss Re récompensé Modèles simples de LTI La composante la plus délicate du modèle de rémunération est le plan de participation à long terme. Le simple fait de savoir qu’ils peuvent y prendre part rassure la plupart des managers. Mais l’absence de promesses tenues fera naître des frustrations. C’est pourquoi l’entreprise doit veiller à structurer et à équilibrer les modèles de manière équitable: le modèle doit ménager une participation juste au succès à long terme afin que les incitations soient efficaces. Ce n’est pas facile. Des facteurs externes tels que la volatilité des marchés, l’insécurité de l’environnement économique ou le changement de modèle d’affaires peuvent donner lieu à des adaptations permanentes. Sans oublier les facteurs psychologiques. C’est pourquoi les modèles devraient être aussi simples que possible et liés seulement à un petit nombre d’indicateurs stratégiques de performance. La responsabilité du modèle de rémunération incombe au conseil d’administration ou au Compensation Committee. Elle n’appartient pas aux actionnaires ni à l’assemblée générale. S’il est pertinent d’interroger les propriétaires à titre consultatif, il serait erroné de les laisser décider du bon système d’incitation. [email protected] 44 ceo valeur ajoutée Conclusion La plupart des managers préfèrent une indemnité immédiate et garantie. Ils ont peu de considération pour les promesses d’avenir, surtout si elles s’accompagnent de conditions. Les entreprises devraient donc développer un système de rémunération adéquat, attrayant, adapté à l’entreprise, aux managers et aux propriétaires. Tâche complexe s’il en est, surtout en ce qui concerne les modèles de participation à long terme qui devraient être aussi équitables et simples que possible. L’étude PwC «Psychology of incentives» peut être téléchargée en anglais sous: www.pwc.ch/reward. Dans le cadre d’un projet commun avec Swiss Re, PwC Suisse a montré comment mettre en œuvre des changements organisationnels dans le secteur financier. Les deux entreprises ont conçu et réalisé ensemble «F1», un programme lié au changement culturel et à l’évolution des comportements, couvrant plus de 33 succursales dans 21 pays. L’objectif était de renouveler et de clarifier la vision et la stratégie de Swiss Re dans le domaine financier. Il fallait en même temps définir et appliquer des valeurs et des comportements qui offrent un environnement de travail attrayant aux collaborateurs et augmentent ainsi les performances, notamment la collaboration entre les services. Le projet a obtenu deux récompenses: l’Association of Management Consulting Firms (AMCF) lui a décerné l’AMCF Award pour le projet de conseil le plus innovant et le plus efficace dans la catégorie «Human Capital». La Management Consulting Association (MCA) a quant à elle récompensé ce projet en lui accordant un MCA Award dans la catégorie «Finance and Risk Management». Pour en savoir davantage: www.amcf.org www.mca.org.uk www.pwc.com/utilities Disclose The shape of power to come Investment, affordability and security in an energy-hungry world Multi-channel – the changing Swiss retail landscape 12th PwC Annual Global Power & Utilities Survey How the multi-channel shopper is changing the Swiss retail landscape Juin 2011 L’actualité sur la présentation des comptes et l’audit Risque accru de pannes d’électricité Acheter à tout moment et partout En matière de production électrique, la branche et les gouvernements sont face à un trilemme qui consiste à trouver un juste équilibre entre coûts, sécurité et durabilité. Les 72 entreprises de production et d’approvisionnement en énergie interrogées par PwC dans 43 pays pensent que le risque de pannes d’électricité augmentera en Europe et en Amérique du Nord ces prochaines années. D’après l’étude, le gaz gagnera du terrain en raison des besoins croissants en énergie. L’étude «Annual Global Power & Utilities Survey» peut être téléchargée en anglais sous www.pwc.ch/energie. De plus en plus de clients font du «Multichannel Shopping». Avant d’acheter un produit, ils en discutent autour d’eux et effectuent ensuite leur achat par le canal de distribution de leur choix. Aujourd’hui déjà, 88% des clients utilisent au moins deux canaux pour effectuer leurs achats, et ils sont même 34% à en utiliser quatre ou cinq. Les entreprises de commerce de détail doivent donc s’adapter aux nouveaux comportements des consommateurs pour ancrer leur succès dans le temps. C’est ce que révèle l’étude «Customers take control» de PwC, qui peut être téléchargée en anglais sous www.pwc.ch/multi-channel. Événements L’Academy de PwC aide des dirigeants tels que vous à relever les défis professionnels de demain. Elle vous propose des outils de développement appropriés tout en vous offrant l’opportunité de renforcer votre réseau. L’Academy bénéfice de la longue expérience de PwC, de ses compétences techniques et de son engagement en faveur de l’excellence. Chaque élément des événements et formations – du choix des thèmes appropriés aux intervenants et formateurs spécialisés qui les présentent – est conçu de manière à maximiser la valeur de votre apprentissage et le développement de votre réseau. La Newsletter de l’Academy de PwC vous permet de recevoir régulièrement des informations sur les événements et formations. Abonnez-vous sous pwc.ch/academy_newsletter. Gros plan sur l’indépendance Customers take control Harald Port, Responsable du secteur Insurance Advisory PwC Suisse Tél. +41 58 792 13 53 [email protected] Academy www.pwc.ch/disclose www.pwc.ch/r&c Conférences HQ régionales et internationales Les conférences annuelles HQ de Genève et Zurich traitent de thèmes intéressant les dirigeants de sièges régionaux de multinationales domiciliées en Suisse et d’entreprises suisses. Le thème des conférences 2012: «Augmentation de la valeur apportée par votre société mère suisse». Au nombre des intervenants figurent non seulement des experts PwC et des clients, mais aussi des personnalités en vue de la politique suisse et des autorités fiscales. Les inscriptions seront prises en considération dans leur ordre d’arrivée (first come, first served). Coût de participation: 300 CHF. Dates 4 octobre 2012, Zurich, Renaissance Zurich Tower Hotel 20 novembre 2012, Genève, Starling Hotel Geneva Inscrivez-vous auprès de Sonja Riccoboni ([email protected]). L’actualité sur la présentation des comptes et l’audit «Disclose», publication régulière de PwC, présente dans un langage clair et compréhensible les principaux aspects de questions complexes relatives à la présentation des comptes et à l’audit. L’édition de juin met l’accent sur l’Integrated Reporting comme étant l’un des modèles d’avenir du reporting d’entreprise. L’Integrated Reporting couvre non seulement le rapport financier mais aussi un large éventail d’informations pertinentes, approfondit les éléments de rapport et les relie entre eux, et augmente donc la qualité du reporting pour les destinataires. Chaque édition comporte également une actualisation de certains thèmes. Les versions française et allemande de «Disclose» sont en ligne sous www.pwc.ch/ disclose. Vous pouvez aussi en commander un exemplaire imprimé auprès de [email protected]. Abonnements: ceo, le magazine des décideurs publié par PwC, paraît trois fois par an (français, allemand, anglais). Abonnement gratuit (indiquer la langue souhaitée) auprès de: [email protected]. com. Adresse: PwC, magazine ceo, Birchstrasse 160, 8050 Zurich. Service lecteurs: Pour plus d’informations, les auteurs des thèmes techniques sont à votre disposition pour un entretien (l’adresse e-mail est toujours indiquée). Vous trouverez une liste complète de nos publications sous www.pwc.ch. Commande de publications PwC et abonnements ou changements d’adresse: [email protected] ou fax 058 792 20 52. ceo valeur ajoutée 45 assurances Une évolution et non une révolution Le Zurich Insurance Group a démarré l’année 2012 avec des chiffres excellents. Son CEO, Martin Senn, y voit le signe que la stratégie est juste: «Nous nous concentrons exclusivement sur ce que nous faisons le mieux et tâchons de garder un modèle d’affaires aussi simple et souple que possible.» Monsieur Senn, de janvier à mars 2012, Zurich Insurance Group a enregistré 19,63 milliards de USD de chiffre d’affaires. Cela représente 10% de plus que l’année précédente. Êtes-vous satisfait? Nous nous réjouissons beaucoup de cet excellent résultat. Le fait d’avoir réussi à générer de tels chiffres dans un environnement difficile montre que notre stratégie est juste. C’est à vous que Zurich doit d’avoir traversé la crise de 2009 sans trop de dommages. Comment y êtes-vous parvenu? Tout d’abord, je dois dire que c’est le résultat d’un travail d’équipe. Une entreprise, ou même un département, n’est jamais gérée par une seule personne. Notre succès doit avant tout être considéré comme une performance remarquable de toute l’équipe. Ce que nous avons fait et ce que nous continuons d’ailleurs à faire, c’est de nous en tenir aux fondements de notre métier. Nous assortissons nos actifs à nos passifs en tenant compte des risques et nous ne nous concentrons que sur des affaires dont nous comprenons les tenants 46 ceo relations et les aboutissants. Par exemple, nous analysons l’impact que des instruments comme les CDO peuvent avoir sur notre bilan global. Nous nous concentrons exclusivement sur ce que nous faisons le mieux, à savoir gérer les risques d’assurance, et tâchons de garder un modèle d’affaires aussi simple et souple que possible. Nous choisissons pour cela les meilleurs Asset Managers du monde. Travailler avec les meilleurs et affiner en permanence notre compréhension du marché, c’est ce qui fait notre avantage par rapport à nos concurrents. Voilà plus de deux ans que vous êtes CEO de Zurich. Avez-vous apporté des changements dans la stratégie? L’entreprise était en bonne forme lorsque je suis devenu CEO; ce qu’il fallait alors, c’était guider l’évolution et non pas mener une révolution. Nous gardons le cap, avec un bilan sain, générons des flux de trésorerie abondants et tenons un portefeuille bien diversifié de risques d’assurance. Notre développement stratégique principal consiste à nous étendre dans les marchés émergents, à l’instar de notre acquisition des activités d’assurance de Banco Santander en Amérique latine, qui constitue un positionnement stratégique très Martin Senn, 55 ans, est CEO de Zurich Insurance Group depuis 2010. Il est entré dans l’entreprise en 2006 comme Group Chief Investment Officer et membre de la direction générale. Au cours de sa carrière, il a occupé diverses fonctions de management au sein de l’ancienne Société de Banque Suisse et du Credit Suisse Group, et a été Group Chief Investment Officer chez Swiss Life de 2003 à 2006. Photo: Cédric Widmer ceo relations 47 Suisse, ici en Suisse. Ce sont des accords d’exclusivité, mais nous avons aussi des accords non exclusifs avec d’autres banques de par le monde. Et, bien sûr, nous avons nos propres collaborateurs sur le terrain. Nous maintenons une présence en Amérique latine depuis des années et l’alliance avec Santander renforce notre position. si les autorités de réglementation y répondent par des mesures populistes, le rétablissement de l’économie pourrait être compromis. Le secteur public et le secteur privé sont entrés ensemble dans la crise, et il faut qu’ils en sortent ensemble. Pour nous, le dialogue constructif est donc crucial et nous l’encourageons. Avec un bilan solide, vous pouvez donc réaliser de bonnes affaires aussi en ces temps de crise? Nous sommes dans une période de taux d’intérêt particulièrement bas. Cela change-t-il votre manière d’exercer le métier d’assureur? Zurich Financial Services Group est devenu Zurich Insurance Group. Pourquoi ce changement de nom? Il est certain que, dans le contexte actuel, notre bonne capitalisation nous offre des opportunités, tout comme l’acquisition de 21st Century Insurance aux États-Unis, il y a environ trois ans. Pour ce qui est des acquisitions, nous nous en tenons à une certaine discipline. Il est important de résister aux tentations et de ne pas procéder à des acquisitions dans le seul but de croître. Nous nous en tenons strictement à nos principes ce qui est d’autant plus important en période de fortes incertitudes. Et qui dit incertitude dit risques. Et il faut les maîtriser. Les faibles taux d’intérêt représentent un défi pour le secteur: cela signifie que ses principales sources de revenus sont sous pression. Et les effets s’accentueront très probablement avec le temps, car les assureurs investissent en règle générale sur le long terme. Aussi, lorsque nous réinvestissons nos actifs, nous devons les placer dans des instruments à plus faible rendement. Cela dit, Zurich est en position de force: nous avons prouvé que nous sommes capables de générer des flux de trésorerie abondants, notre bilan est solide, et nous sommes bien diversifiés. important. Nous grandissons aussi en Asie, où l’an passé nous avons racheté Malaysian Assurance Alliance, qui est passé sous la marque Zurich. En avril dernier, nous avons signé un accord de distribution exclusif avec HSBC au Proche-Orient. Une de nos priorités est donc d’équilibrer notre solidité en Europe et aux États-Unis, avec une croissance robuste dans les marchés émergents. Pour ce qui est de l’expansion dans les marchés émergents, Zurich peut-elle s’y aventurer seule ou faut-il préférer des partenariats et acquisitions? Pour une multinationale comme Zurich, l’approche «partir de zéro» n’est pas la meilleure, car elle nécessite trop de temps pour porter ses fruits. Nous explorons donc d’autres options, comme les coopérations et les acquisitions. Notre alliance avec Santander en Amérique latine améliore nos capacités de distribution sur ce continent. Cela fait d’ailleurs quelque temps que nous établissons ce genre de coopérations. Nous avons par exemple conclu un accord similaire avec Deutsche Bank, en Allemagne, et avec Credit Pensez-vous que les taux d’intérêt resteront faibles à moyen terme? Oui, pour le moment, car les autres scénarios ne semblent pas réalistes. Comme vous le savez, le secteur financier est critiqué. Qu’en pensez-vous? Je comprends que les erreurs commises par le secteur financier aient irrité le public mais ces erreurs ont plusieurs origines et elles ne sont pas imputables au seul secteur financier. Le secteur de l’assurance a même été au contraire un facteur de stabilité durant la crise. Je comprends le mécontentement, mais Zurich Financial Services a été rebaptisée en Zurich Insurance Group pour refléter la concentration de notre portefeuille d’affaires sur l’assurance et faire passer en même temps un message de marque clair à nos clients, à nos actionnaires et aux autres partenaires. Josef Ackermann a été nommé nouveau président de Zurich. Vous attendez-vous à un changement de stratégie? Zurich a une stratégie clairement définie, fondée sur la continuité, et qui a fait ses preuves. Cette stratégie est supervisée à la fois par le conseil d’administration et la direction générale et adaptée à la nouvelle situation. Telle est la voie que nous continuerons de suivre à l’avenir aussi. Que choisiriez-vous: des innovations mûrement réfléchies ou des innovations plus rapides? Sans doute des innovations judicieuses qui contribuent significativement et durablement à nos activités. Dans tout ce que nous faisons, la qualité est prioritaire. Pensez-vous qu’actuellement c’est le monde émergent qui fait avancer l’innovation? Oui, et c’est pour Zurich une tendance pleine de promesses. Nous sommes une vaste entreprise et nous nous situons en plein cœur de «Je choisirais sans doute, des innovations judicieuses qui contribuent significativement et durablement à nos activités. Dans tout ce que nous faisons, la qualité est prioritaire.» 48 ceo relations nombreux marchés. Des opportunités en Amérique latine, par exemple, peuvent trouver des applications en Asie ou en Europe. C’est pourquoi nous encourageons nos collaborateurs à s’exprimer, à oser, et à penser de manière originale afin de créer des solutions pour nos clients partout dans le monde. Recruter de nouveaux talents est-il devenu plus difficile aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années? En tout cas, c’est un sujet de discussion plus fréquent qu’il y a dix ans. Mais chez Zurich, nous considérons cela plus comme un facteur positif que comme une difficulté. En tant que multinationale forte et prospère, nous sommes en mesure de procurer des carrières passionnantes à des gens partout dans le monde. C’est sûr que nous voulons faire encore plus pour donner des opportunités à nos collaborateurs et les motiver, car nos collaborateurs sont notre capital le plus important. Que recherchez-vous auprès des nouvelles recrues? Je recherche des gens qui ont une conscience globale, et la capacité d’anticiper les changements tout en ayant la souplesse nécessaire pour s’y adapter. Je mets aussi beaucoup l’accent sur la personnalité: un bon caractère, de l’intégrité et de la loyauté – voilà ce que nous recherchons. L’accord sur la libre circulation des personnes a eu un impact notoire sur vos activités en Suisse. Y a-t-il également des aspects négatifs? Pas du tout. Zurich est une véritable organisation mondiale. Au siège principal travaillent plus de 1000 personnes provenant de 45 pays. L’ouverture des frontières suisses a été féconde pour notre entreprise et pour l’économie du pays en général. C’est une des raisons pour lesquelles un si petit pays joue un rôle aussi important dans l’économie mondiale. laborateurs à explorer de nouvelles régions culturelles: c’est un élément important dans le développement des talents. La stabilité des relations et la confiance mutuelle semblent être au cœur du domaine des assurances. Comment établissez-vous et maintenez-vous de bonnes relations avec vos fournisseurs et vos clients? Soigner ses relations, qu’elles soient personnelles ou professionnelles, est fondamental. Les ingrédients essentiels sont la confiance mutuelle et la compréhension entre toutes les parties. Bien entendu, la confiance doit se mériter à la longue, mais l’expérience m’a appris que cela vaut la peine d’y consacrer du temps, car une bonne relation n’a pas de prix. La façon dont vous répartissez votre temps a-t-elle évolué ces dernières années? Je passe maintenant davantage de temps à discuter avec les autorités de surveillance sur la manière d’aborder la crise actuelle. Je constate avec plaisir que ces autorités sont à notre écoute. Notre entreprise a bien surmonté la crise et s’emploie à maintenir de bonnes relations avec les principales autorités de surveillance. 1er trimestre 2012 19,63 milliards de USD de chiffre d’affaires Envisagez-vous un jour de passer votre temps plus normalement, si tant est que cela signifie quelque chose? Quelle que soit la signification que l’on donne à «normal», chez Zurich, nous pensons positivement: quoi qu’il arrive, il y aura toujours un lendemain. Cela fait partie de notre culture, de notre façon de penser. Nous restons concentrés sur notre stratégie et disciplinés dans son exécution et je suis convaincu que l’économie retrouvera le sourire. Les migrations de la main-d’œuvre dans le monde vont-elles augmenter ou reculer? Elles resteront élevées. Au cours de ma propre carrière, j’ai eu la chance, en tant que jeune salarié, d’être muté à Hong Kong, où j’ai appris énormément de choses. Nous continuerons d’encourager nos jeunes col- ceo relations 49 marché de l’art «Le système repose sur la confiance» En 43 ans d’existence, Art Basel est devenue le principal lieu de rencontre des galeristes, collectionneurs, négociants et amateurs d’art du monde entier. Sa codirectrice Annette Schönholzer nous parle de son rôle d’intermédiaire, des échanges entre l’Ouest et l’Est et de la conquête de nouveaux marchés. Annette Schönholzer (48 ans) codirige Art Basel, la plus grande foire mondiale d’art contemporain, aux côtés de Marc Spiegler depuis 2008. En 2002, elle a rejoint Art Basel en tant que chef de projet dans le cadre d’Art Basel Miami Beach. Auparavant, elle avait notamment occupé les fonctions de chef de projet lors de l’exposition nationale suisse Expo 02 et de curatrice du festival du film VIPER. Elle a étudié les lettres anglaises et allemandes ainsi que les sciences du film à l’Université de Zurich et obtenu un master en gestion culturelle au Centre international pour la culture et le management de Salzbourg. Elle possède la double nationalité américaine et suisse, a grandi sur la côte Est des ÉtatsUnis et vit aujourd’hui avec son époux à Bâle. Photo: Andri Pol 50 ceo relations Madame Schönholzer, le marché de l’art est affaire de relations. Quelle est leur fonction précise? Où vous situez-vous, en tant que codirectrice d’Art Basel, dans cette toile relationnelle? Une fonction très importante. Elles opèrent à trois niveaux: celui des relations entre l’homme et l’œuvre d’art, qui a une valeur matérielle, mais aussi une grande valeur immatérielle et émotionnelle. Puis celui de la relation entre le galeriste et l’artiste, qui dure généralement toute une vie. Et enfin celui de la relation entre le galeriste et le collectionneur qui, souvent, devient une relation triangulaire avec l’artiste. Il est intéressant de constater que toutes les relations reposent sur la confiance et qu’un contrat écrit intervient rarement. Les choses se passent généralement de manière informelle, et une vente est souvent conclue par une poignée de main. Nous sommes une entreprise de services qui offre une plate-forme d’échanges et de transactions entre les galeristes et les collectionneurs. Je suis à la fois en plein cœur et en marge de l’action. Les contacts d’Art Basel dans le monde entier ne sont pas liés à ma personne, mais ils m’ouvrent évidemment de nombreuses portes. J’ai eu l’occasion de voir les collections privées les plus prestigieuses, mais je n’oublie jamais que je ne suis qu’une invitée. Quelqu’un qui ne pourrait pas faire la part des choses ne serait pas heureux à ce poste, car d’énormes sommes d’argent sont souvent en jeu. Pour quelle raison? Parce que la valeur d’une œuvre n’est pas fixe. Son prix fluctue certes en général dans une certaine fourchette, mais il est réévalué ou dévalué selon le degré de convoitise qu’elle suscite auprès de particuliers ou d’institutions. C’est un peu comme dans une relation humaine, qui repose également sur la confiance. À l’instar de l’être humain, chaque œuvre d’art est unique et possède donc une valeur immatérielle. Les quelque 300 stands d’Art Basel sont convoités et représentent une marque honorifique pour chaque galerie. Comment gérez-vous les risques de dépendance et de conflit d’intérêts? Marc Spiegler et moi sommes les deux codirecteurs et, à ce titre, sommes responsables du bon déroulement et de l’équité du processus de sélection. Le choix des exposants ceo relations 51 Photo: Christoph Kern Art Collectors Lounge, Art Basel Miami Beach. appartient exclusivement à un comité de sélection composé de six membres. Bien que Marc Spiegler et moi-même soyons de grands amateurs d’art, nous ne sommes pas autorisés à acheter une œuvre dans le contexte d’Art Basel. Nous nous sommes imposé cette interdiction pour ne pas être taxés de favoritisme. Nous gardons nos coups de cœur pour nous. Vous parlez d’Art Basel comme d’une plate-forme d’échanges. Pour quelle raison fonctionne-t-elle aussi bien? Le modèle de base est relativement simple. Un comité sélectionne les meilleures galeries dans le cadre d’une procédure de sélection rigoureuse. Celles-ci sont ensuite invitées à exposer leurs meilleures œuvres et leurs artistes les plus prometteurs. Si cette phase se déroule correctement, l’exposition attire les bonnes personnes. Nous ne pouvons rien faire d’autre que de favoriser et de stimuler les interactions et, pour être honnête, nous attendons chaque année les résultats avec une certaine tension. Nous pouvons néanmoins encourager les diverses rencontres en organisant des événements annexes à l’exposition proprement dite, où se réunissent des personnes ayant des intérêts spécifiques… 52 ceo relations … les fameux événements VIP. Que faitesvous pour satisfaire en permanence la clientèle exigeante des collectionneurs d’art les plus fortunés du monde? Je ne pense pas que nous devions absolument proposer plus de choses année après année, mais nous devons à tout prix maintenir la qualité de ce qui existe déjà. L’un des défis d’Art Basel est d’accroître le cercle des collectionneurs intéressés par une visite durant les premières heures. Cette croissance internationale a été énorme ces dernières années et elle nous a amenés à définir de nouveaux critères d’admission. Pour satisfaire le souhait des collectionneurs d’admirer les œuvres dans le détail et dans le calme, nous avons prolongé la «preview» d’une journée. Nous avons aussi mis sur pied un réseau de douze agents VIP qui font office d’ambassadeurs d’Art Basel sur les différents marchés et entretiennent les contacts avec les collectionneurs et les galeristes. Auparavant, le monde de l’art se limitait essentiellement à l’Europe occidentale et à l’Amérique du Nord mais, depuis dix ans, les marchés asiatique et latino-américain gagnent en importance. Quel est l’impact de cette internationalisation? Tous les acteurs du marché de l’art voyagent de plus en plus dans le monde entier. Le «Dans des pays comme le Mexique et le Brésil, le marché de l’art s’est considérablement développé ces dernières années. Nous tournons aussi notre regard vers l’Inde. Les collectionneurs indiens commencent à s’intéresser à l’art occidental, ce qui pourrait ouvrir les portes d’un marché immense.» succès remporté par Art Basel Miami Beach auprès des collectionneurs d’Amérique latine a également attiré davantage de collectionneurs de cette région à Art Basel. En général, les Européens et Nord-Américains viennent à l’exposition seuls, en couple ou au sein d’un groupe de musée. Les Sud-Américains arrivent en revanche aussi en groupes privés organisés. De plus, nous accueillons régulièrement des délégations complètes en provenance d’Asie, ce qui nous pose parfois problème, car nous ne pouvons pas laisser entrer tout le monde. Les pays asiatiques ont des exigences élevées en matière d’hospitalité et de disponibilité de l’hôte. Beaucoup attendent que la direction accompagne la délégation. Ils ne comprennent pas que ce ne soit pas toujours possible. C’est aussi un grand défi pour nous. Le marché asiatique est considéré comme le marché de l’art qui affiche la plus forte croissance au monde. Comment fonctionnent les échanges entre l’Ouest et l’Est? Les systèmes sont fondamentalement différents. En Europe et aux États-Unis, la plupart des foires d’art sont initiées par les galeries. En Asie, le commerce de l’art est essentiellement géré via des salles de vente. La confiance dans les galeries, sur lesquelles notre système fonde sa réussite, doit tout d’abord être bâtie en Asie. Où en est cette évolution? Nous n’en sommes qu’au début. Il y a déjà quelques galeries actives en Chine, dont certaines sont suisses. En 2013, nous organiserons pour la première fois une foire à Hong Kong sur une superficie nette de 15 000 mètres carrés. L’objectif est d’exposer 50% d’œuvres occidentales et 50% d’œuvres asiatiques. À Bâle, la part de l’art asiatique s’élève à l’heure actuelle à environ 5%. Cette proportion relativement faible s’explique par la difficulté de positionner l’art chinois dans un contexte axé sur la présentation de l’art occidental. La foire de Hong Kong est l’occasion idéale d’exposer une sélection équilibrée d’œuvres occidentales et asiatiques. Quels autres marchés suscitent pour vous un intérêt particulier? Dans des pays comme le Mexique et le Brésil, le marché de l’art s’est considérablement développé ces dernières années. Nous tournons aussi notre regard vers l’Inde qui, fait intéressant, dispose d’un solide marché intérieur: les Indiens achètent généralement de l’art indien. Mais cette habitude s’estompe peu à peu. Les collectionneurs indiens commencent à s’intéresser à l’art occidental, ce qui pourrait ouvrir les portes d’un marché immense. Vous vous rendez souvent dans des pays émergents pour mieux les comprendre et établir ou entretenir des contacts. Comment abordez-vous ces cultures étrangères? Je m’aperçois toujours davantage que, si nous disposons d’une langue commune avec l’anglais, les problèmes de compréhension sont fréquents sur le fond. J’ai appris à être plus prudente dans mes relations avec d’autres cultures et à ne pas juger les gens en fonction de leurs propos, mais sur leur comportement et leurs actions. pression du temps, le marché ne fonctionne pas. En outre, pour les œuvres d’artistes moins connus, il est plus difficile de prendre des décisions d’achat sur Internet. Les foires virtuelles sont donc des événements passionnants et importants, mais elles ne sont pas en concurrence directe avec le marché physique tel que nous le proposons. Je les considère plutôt comme une offre complémentaire. Dans quelle mesure la crise financière et la crise de la dette perturbent-t-elles le marché de l’art? Depuis quatre ans, nous n’avons cessé d’enregistrer des fluctuations dans le comportement d’achat et au niveau des prix, mais le marché est stable sur le long terme. Les œuvres d’artistes cotés se vendent toujours bien. Les galeries qui planifient à long terme et collaborent avec des collectionneurs et des institutions de qualité surmontent en général les périodes de crise. Globalement, le marché de l’art est plutôt anticyclique. C’est l’un des grands mystères de ce marché. Comment expliquez-vous cela? En raison du caractère unique des œuvres, le marché de l’art ne suit pas le cycle économique traditionnel de l’offre et de la demande. L’art est un placement refuge lorsque toutes les autres possibilités sont épuisées. Au-delà de l’investissement matériel, une œuvre d’art conserve toujours sa valeur immatérielle. Internet modifie aussi les règles du jeu sur le marché de l’art. Les foires virtuelles peuvent avoir un rayon d’action avec lequel les foires physiques comme Art Basel ne peuvent rivaliser. Les foires virtuelles sont elles aussi limitées dans le temps. Aucune galerie n’a intérêt à exposer des œuvres indéfiniment sur Internet. Chaque œuvre d’art a besoin d’une fenêtre limitée de disponibilité. Sans cette ceo relations 53 start-up «Je suis la nouvelle génération» Marc P. Bernegger (33 ans) a étudié le droit à l’Université de Zurich dans l’intention de devenir avocat. Pourtant, un PC acheté quand il avait 15 ans lui a fait suivre une autre voie. Loin de la profession d’avocat, il est aujourd’hui chef d’entreprise. Son domaine d’activité: les nouveaux médias. Sa spécialité: le réseautage. Monsieur Bernegger, si on tape votre nom dans Google, vous apparaissez partout – sur Twitter, Facebook, LinkedIn, Google+. Pas un réseau sur lequel vous n’êtes pas présent. Que vous apportent-ils tous? Ils décuplent mes activités. Mon carnet d’adresses contient plus de 1000 entrées. La possibilité de tisser des toiles virtuelles me permet de gérer ces contacts sans perdre trop de temps. Sur ces 1000 contacts, combien en connaissez-vous personnellement? Tous. Même si j’évolue dans le monde virtuel, je tiens à connaître personnellement toutes les personnes avec lesquelles je suis en relation en ligne. C’est pour moi une règle de base. Pourquoi? L’intérêt d’un réseau virtuel, c’est que quelqu’un peut me contacter pour savoir par exemple si telle ou telle personne de mon réseau est «sérieuse» en affaires. Ou que je peux m’adresser à quelqu’un en sachant à qui j’ai affaire. Si je ne connais pas la personne, je ne peux pas savoir ce qu’elle vaut et je ne l’accepte donc pas dans mon réseau. 54 ceo relations Cette manière de travailler relève-t-elle plutôt de la règle ou de l’exception? De plus en plus de gens ont un point de vue similaire au mien. Mais je reçois toujours de nombreuses demandes de contact sans commentaire de personnes que je ne connais pas. Je les ignore, car elles n’apportent rien. Et que vous apportent vos plus de 1000 contacts? Je peux me reposer sur une large base et activer à tout moment mon réseau, en fonction de mes besoins. Mais il est vrai que les contacts qui comptent pour moi sont à peine plus nombreux que si les réseaux sociaux n’existaient pas. Les nouveaux médias modifient-ils les relations? D’un côté, le fait que les réseaux sociaux permettent d’entretenir un nombre beaucoup plus élevé de relations que dans la vie réelle donne lieu à une certaine standardisation. Mais d’un autre côté, on passe aujourd’hui beaucoup plus de temps à entretenir ses relations qu’à l’époque où il n’y avait que le téléphone, les rencontres et le courrier postal. Next Generation Finance Invest En 2009, Thomas Winkler et Robert Lempka ont fondé la société de participations Next Generation Finance Invest (NGFI), dont le siège est à Zoug, dans le but d’investir dans des entreprises idéalement positionnées, grâce à des idées visionnaires et des technologies innovantes, pour profiter des nouvelles mégatendances dans le domaine de la finance. Auparavant, Winkler et Lempka étaient respectivement PDG d’ABN AMRO Suisse et d’ABN AMRO marketindex. Depuis 2011, le cyberentrepreneur Marc P. Bernegger est le troisième associé de l’entreprise NGFI. Next Generation Finance Invest est cotée sur le marché BX Berne eXchange. Photo: Marc Wetli ceo relations 55 nologiques. Les entreprises doivent aussi être des «game changers» potentiels, c’est-à-dire que nous cherchons des idées susceptibles d’engendrer dans le secteur financier des bouleversements radicaux basés sur le web. De plus, pour quelqu’un comme moi, dont l’activité consiste souvent à mettre des gens en relation, il peut être intéressant d’avoir un réseau s’étendant à tous les continents et à tous les secteurs. Marc P. Bernegger est un cyberentrepreneur. À 20 ans, alors qu’il était étudiant en droit, il a fondé avec son collègue Simon Virlis la plate-forme zurichoise de sorties et de loisirs usgang.ch, qu’ils ont revendue en 2008 à la maison d’édition Axel Springer. Il a ensuite lancé sur le réseau le site amiando, en collaboration avec des collègues de Munich. Ce système d’inscription à des événements s’est vu décerner le Global Technology Pioneer Award par le WEF en 2010, avant d’être racheté la même année par XING. Vous vendez vos entreprises dès qu’elles commencent à se faire un nom. Pourquoi? C’est passionnant de participer au lancement d’une nouvelle aventure. Lorsqu’une start-up se développe bien, vient le moment où même le fondateur de l’entreprise doit remplir son planning de vacances. C’est pour moi le signal qu’il est temps de partir. Avoir beaucoup d’employés, c’est bien, mais c’est aussi une lourde charge. En outre, chez amiando, des investisseurs connus s’étaient engagés dès le départ. Dans ces circonstances, lorsqu’une bonne opportunité se présente de vendre l’entreprise à un prix avantageux, c’est dans l’ordre naturel des choses. Vous avez ensuite participé en tant qu’associé à la société fondée en 2009 et cotée en bourse Next Generation Finance Invest, dont le siège est à Zoug. De quoi s’agit-il? L’industrie de la finance est le dernier bastion dans lequel tout fonctionne plus ou moins comme il y a 20 ans. Les technologies nouvelles et innovantes ne sont utilisées qu’avec parcimonie; l’activité a peu évolué, même après la révolution numérique. Nous investissons dans des modèles d’affaires qui visent à accroître l’efficience dans l’industrie financière par le biais des innovations tech- 56 ceo relations Un exemple? ayondo, l’un de nos investissements, est une plate-forme qui joue le rôle d’interface entre courtiers professionnels et investisseurs. Nous travaillons avec les moyens technologiques les plus modernes et une efficience telle que l’on peut réaliser des profits intéressants tout en permettant au client de gagner de l’argent. Un investisseur peut profiter des services d’un courtier professionnel de son choix à partir de 100 EUR. Imaginez les réactions lorsque le bruit court qu’il y a des alternatives au placement dans un fonds à des tarifs excessifs. Vous n’êtes pas issu du secteur financier. Quel est votre rôle chez Next Generation Finance Invest? Je suis la «next generation»! Mes associés, anciens banquiers de haut vol, ont quelques années de plus que moi. Dans l’entreprise, je suis quasiment le représentant de la génération future. Depuis mes premiers pas en informatique, je m’intéresse à la transposition dans le monde virtuel de modèles d’affaires établis, avec leurs processus et leurs chaînes de création de valeur. Les mécanismes sont toujours les mêmes. Vous avez été fondateur et chef d’entreprise à deux reprises, et vous êtes aujourd’hui investisseur en tant qu’associé de Next Generation Finance Invest. Comment vous sentez-vous dans ce nouveau rôle? Je ne me vois pas comme un investisseur, mais toujours comme un entrepreneur. Ce n’est pas l’argent qui m’intéresse en premier lieu, mais le projet de développer des innovations qui s’inscriront dans la durée. Notre implication entrepreneuriale dans ces start-up est forte dès le moment où nous investissons, ce qui nous distingue d’autres investisseurs. Quel est le secteur à l’avant-garde de ces mutations? C’est le monde des médias qui a essuyé jusqu’ici les plus grandes secousses. Pourtant, les dirigeants de ces entreprises sont encore peu nombreux à réaliser ce qui se passe réellement, sans quoi on assisterait à une agressivité plus marquée encore en matière de déplacement des activités sur l’Internet. Le commerce connaît lui aussi des changements profonds. On peut aujourd’hui acheter un produit au prix le plus avantageux partout dans le monde. Il est évident que le commerçant établi qui possède des magasins représentatifs bien situés sera tôt ou tard confronté à des difficultés. Ces processus de transformation sont en plein développement et ils sont inéluctables. Prenons par exemple les smartphones. Ils n’existent que depuis peu et, pourtant, beaucoup d’entre eux ont déjà subi des changements révolutionnaires. N’importe qui a accès à tout, peut faire des achats, réserver des vols, gérer ses réseaux – où et quand il le veut. J’ai l’impression qu’une grande partie des patrons actuels ne se rendent pas compte des bouleversements en cours au sein des générations qui leur succèdent. Comment comptent-ils s’y prendre pour attirer quelqu’un comme moi? C’est absolument impossible. «J’ai l’impression qu’une grande partie des patrons actuels ne se rendent pas compte des bouleversements en cours au sein des générations qui leur succèdent. Comment comptentils s’y prendre pour attirer quelqu’un comme moi?» Bernegger attrape son iPhone, le soupèse et lève les yeux au ciel: «Un bureau représentatif? Je n’en ai personnellement pas besoin, ni d’une secrétaire. La génération qui arrive est autonome, elle connaît les prix et elle attend de la transparence. Le statu quo actuel dans le secteur bancaire n’est pas du tout adapté à ce nouveau groupe cible.» À votre avis, de quoi le secteur a-t-il besoin? De changements qui mettent en place des modèles d’affaires moins complexes et plus efficients en matière de coûts. Les idées sont là, les technologies aussi – les start-up de ce secteur sont idéalement placées aujourd’hui pour grappiller des parts de marché aux prestataires historiques de services financiers. Si votre vision se concrétise, de nombreuses personnes perdront leur emploi. Est-ce une raison pour freiner l’innovation? Je ne me lance pas trop dans ce genre de considérations; nous regardons tout cela d’un œil nouveau, comme si nous repartions d’une page blanche. À cet égard, notre manque de connaissances du secteur bancaire et notre peu d’imbrication dans le système sont des atouts importants. Pourquoi ne se passet-il pas plus de choses au sein même des banques? Parce que les secteurs traditionnels regorgent de personnes qui ont beaucoup à perdre en cas de changement. Les innovations radicales doivent venir et viendront de l’extérieur. Quel est votre plus grand défi en la matière? La première fois qu’un client entend parler de nous, il est intrigué et admet qu’il ne connaissait pas l’existence de ce type de services. Seul, il n’aurait d’ailleurs peut-être pas trouvé ayondo par exemple, pas même via Google. Car pour chercher quelque chose sur Google, il faut savoir que cela existe. Il nous est donc indispensable d’avoir une démarche proactive en allant vers ceux dont nous pensons qu’ils pourraient être intéressés par l’existence de ces solutions innovantes. Et c’est là qu’intervient votre gigantesque réseau. C’est exact, tout comme ceux de mes associés. Grâce aux réseaux, nous pouvons très rapidement mettre quelque chose sur pied. ceo relations 57 room with a view Jeter des ponts Simon Reding travaille comme expert-comptable pour PwC dans le domaine des Financial Services à Singapour. Son lieu de travail – le building PwC – se situe en plein centre-ville. Il vit au quotidien la diversité culturelle de la dynamique métropole. Mon lieu de travail se situe au 16e étage, en plein quartier financier. Quand je regarde par la fenêtre, je vois les tours de verre des immeubles de bureaux environnants. 130 banques internationales sont représentées dans la ville et en font l’un des centres financiers les plus importants d’Asie. À Singapour, contrairement à ce qui s’est passé en Suisse, on n’a jusqu’à présent pas touché au secret bancaire. La Suisse est néanmoins considérée ici comme un modèle, y compris dans le domaine de la réglementation bancaire. Singapour est un site intéressant pour les entreprises qui veulent être présentes en Asie. Cette cité-État bénéficie d’une position stratégique très favorable, à quelques heures d’avion seulement de tous les marchés importants de Chine, d’Inde, d’Indonésie et de Malaisie. La stabilité politique et un système juridique bien développé offrent aussi un environnement attrayant pour les entreprises qui souhaitent s’installer ici. Des services officiels et des autorités favorables à l’économie J’essaie de comprendre comment surmonter les différences entre les mentalités, mais aussi et surtout entre les lois et les règlements. les aident à y parvenir en collaborant étroitement avec les secteurs économiques pour booster la croissance dans certaines branches industrielles. Une réglementation simple et des impôts peu élevés sont d’autres raisons importantes qui font de Singapour un site apprécié. Singapour est multiculturelle et attire des travailleurs du monde entier. La plupart de mes collègues sont des Singapouriens, des Japonais, des Chinois, des Indonésiens, des Malais et des Australiens: des gens d’origines 58 ceo relations les plus diverses, avec de grandes différences culturelles. Mes collègues asiatiques vivent souvent chez leurs parents jusqu’à leur mariage car, à Singapour, les logements sont très chers. La plupart des expatriés habitent dans ce que l’on appelle des condominiums, des unités résidentielles offrant de nombreuses facilités. Ainsi, les contacts privés entre autochtones et expatriés sont plutôt rares en dehors des heures de travail. S’ajoute à cela le fait que je suis venu à Singapour avec ma famille et que je préfère passer mon temps libre avec mon épouse et nos trois enfants. Alors qu’en Suisse, nous pouvons organiser très librement notre journée de travail, on est attaché ici à des horaires de bureau communs. La journée de travail commence tard et se termine en conséquence. Il est fréquent que l’on aille brièvement dîner ensemble avant de continuer à travailler. Pour mes collègues asiatiques, les relations personnelles sur le lieu de travail sont très importantes; l’entreprise a une valeur émotionnelle très forte. Je m’occupe de certains des nombreux clients suisses de PwC qui exercent également des activités à Singapour. À ce titre, je me considère comme un lien entre les cultures tant auprès des clients qu’en interne, et notamment avec PwC Suisse. J’essaie de comprendre comment surmonter les différences entre les mentalités, mais aussi et surtout entre les lois et règlements et ceux qui les édictent. Jeter des ponts n’est pas toujours facile. Mais cela me paraît être une tâche très importante, dont l’accomplissement permet de grandir tant sur un plan personnel que professionnel. Photos: Darren Soh/laif Financial District Singapour: lieu de travail multiculturel de Simon Reding, économiste chez PwC. ceo relations 59 ceo 1/2012 Valeur ajoutée La Suisse en tant que lieu d’implantation Le meilleur choix pour l’Europe Page 33 Start-up Les jeunes entreprises dynamisent l’économie Systèmes de rémunération Équité et simplicité indispensables Page 42 Service Publications et formation continue Page 44 Page 36 Page 39 CORP-1205-11071 Audit et conseil Augmentation de la qualité et de l’efficience