Comment expliquer les retards d`éruption

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Comment expliquer les retards d`éruption
Comment expliquer
les retards d’éruption
J. GATIMEL, F. VAYSSE, M. ROTENBERG,
E. NOIRRIT-ESCLASSAN
L’éruption dentaire est un phénomène programmé génétiquement. Les progrès scientifiques
ont permis d’identifier des acteurs moléculaires, cellulaires et génétiques qui orchestrent ce
mécanisme complexe. Le follicule dentaire joue un rôle clé dans la phase intra-osseuse de
l’éruption en régulant le remodelage osseux qui se produit au voisinage du germe dentaire.
Une résorption osseuse, dans la partie coronaire du follicule, crée un chemin d’éruption, et
une apposition osseuse se produit au niveau de sa partie basale. Le follicule est donc une
structure polarisée, qui contrôle les mécanismes moléculaires et cellulaires à l’origine du
déplacement de la dent vers sa position occlusale.
L’éruption dentaire peut présenter des anomalies et en particulier être retardée. Pour
diagnostiquer les retards d’éruption et les traiter au plus tôt, l’interrogatoire est essentiel
lors de l’examen clinique. En effet, dans de nombreux cas, un terrain familial et génétique
est présent. Les récentes avancées scientifiques en matière de biologie moléculaire ont
permis de découvrir certains gènes responsables d’anomalies de l’éruption et de développer
de nouveaux tests diagnostiques mais aussi de nouvelles thérapeutiques.
La meilleure compréhension des mécanismes de l’éruption a ouvert les portes sur de
nouvelles perspectives dans la prise en charge des anomalies de l’éruption.
Introduction
L’éruption dentaire est le mécanisme qui amène la
dent d’une position intra-osseuse jusqu’à une position d’occlusion fonctionnelle au sein des arcades
dentaires1,2,3. C’est un phénomène complexe qui a
fait l’objet de nombreuses théories. Aujourd’hui, les
principaux acteurs de l’éruption sont mieux connus
grâce aux progrès réalisés en biologie moléculaire. De nombreux facteurs de croissance, facteurs
de transcription, cellules et molécules jouent un
rôle dans les différentes phases de l’éruption. Une
communication entre ces acteurs s’organise pour
que le germe se déplace dans l’os alvéolaire et réalise
l’effraction gingivale. Le follicule dentaire joue un
rôle primordial dans cette cascade d’événements.
L’éruption dentaire peut être retardée. Les retards
d’éruption sont soit secondaires à une obstruction
mécanique, une ankylose ou une maladie génétique, soit causés par un défaut du mécanisme de
l’éruption lui-même comme dans le défaut primaire
d’éruption (DPE). Les conséquences fonctionnelles et
esthétiques de ces retards peuvent être majeures. Un
diagnostic précoce permettra une meilleure prise en
charge thérapeutique et un suivi au long cours.
Mécanismes de l’éruption
Trois phases se succèdent lors de l’éruption dentaire :
la phase prééruptive, la phase éruptive préfonctionnelle et la phase postéruptive.
La phase prééruptive débute lors du développement
embryonnaire. Il s’agit d’une légère dérive mésiale
des couronnes dentaires.
Puis la phase éruptive préfonctionnelle débute
lorsque la dent a atteint le tiers de son développement radiculaire. Lors de cette phase, la dent
chemine à travers l’os alvéolaire en direction verticale. Elle suit un chemin d’éruption formé par un
Adresse de correspondance : Julie Gatimel, Faculté de chirurgie dentaire, 3 chemin des maraîchers, 31062 Toulouse Cedex 9.
E mail : [email protected]
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double phénomène : une résorption osseuse au
niveau coronaire du follicule dentaire et une apposition osseuse au niveau de sa partie basale4,5. Ensuite,
la dent réalise l’effraction gingivale, puis continue
son ascension jusqu’au contact occlusal des autres
dents : elle est alors fonctionnelle.
ou le rat. Des amalgames sont souvent faits avec
l’éruption continue des incisives des rongeurs où la
réorganisation des fibres desmodontales joue un
rôle dans le déplacement de la dent1,4.
L’éruption est un phénomène qui se poursuit tout
au long de la vie, c’est la phase postéruptive. Cette
éruption continue vise à compenser l’usure des dents
dans les sens proximal et vertical.
Des expérimentations ont confirmé cette théorie.
En 1980, Cahill et Marks ont réséqué le follicule d’une
prémolaire de chien, ce qui a entraîné l’absence
d’éruption de la dent. En 1984, ils ont remplacé la
dent par un objet artificiel sans toucher au follicule
et l’objet a fait son éruption8.
Rôle du follicule dentaire
Le follicule dentaire est un sac de tissu conjonctif
lâche entourant l’organe de l’émail de chaque dent.
C’est une structure polarisée, constituée de deux
parties, l’une en contact avec le germe et l’autre
en contact avec l’os alvéolaire. Il est à l’origine de
la formation des cellules du parodonte comme les
précurseurs des ostéoblastes, les cémentoblastes et
les cellules desmodontales6.
Il joue un rôle primordial dans la phase intra-osseuse
de l’éruption. En effet, il coordonne et régule localement les événements cellulaires et moléculaires qui
permettent la création du chemin d’éruption et le
déplacement du germe le long de ce chemin. C’est
le chemin d’éruption qui contrôle la vitesse et la
direction de l’éruption et non pas la vitesse de croissance des racines7. La position du follicule est idéale
entre l’organe de l’émail et l’os alvéolaire pour jouer
son rôle dans la régulation de l’ostéogenèse et de
l’ostéoclasie4.
Des études ont montré que la racine et le ligament
parodontal ne jouaient aucun rôle dans l’éruption.
En effet, une dent sans racine peut faire son éruption
(fig. 1)1.
De plus, le ligament parodontal ne se met en place
qu’à la fin de la phase intra-osseuse chez l’humain
Figure 1 : Éruption d’une 44 sans édification
radiculaire (service d’odontologie
pédiatrique, Toulouse).
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On sait aujourd’hui que seul le follicule est nécessaire lors de la phase intra-osseuse.
Certaines pathologies confirment également l’importance du follicule. La MCHDF (Multiple Calcifying
Hyperplastic Dental Follicles) se caractérise par la
présence de follicules anormaux. Ils sont hypertrophiés et contiennent des dépôts de tissus calcifiés,
des restes d’épithélium odontogène et des fibres
denses hyperplasiques. La conséquence est une
absence d’éruption de plusieurs dents9,10.
De même, des tumeurs bénignes (fig. 2) peuvent
se développer aux dépens du follicule dentaire et
entraîner des anomalies de l’éruption.
Rappels sur les mécanismes cellulaires
et moléculaires de l’éruption
Plusieurs cellules et molécules interviennent dans le
remodelage osseux, indispensable à l’éruption. Des
études sur des chiens et des rats ont montré qu’au
niveau coronaire, des cellules mononucléées étaient
recrutées par le follicule, par le biais de signaux
moléculaires à fort chimiotactisme (CSF-1 Colony
Stimulating Factor et MCP-1 Monocyte Chemotactic
Protein). Toujours sous l’induction du follicule, ces
cellules précurseurs des ostéoclastes prolifèrent puis
fusionnent entre elles pour former les ostéoclastes
multinucléés, assurant alors la résorption osseuse9.
Figure 2 : Canine maxillaire droite incluse avec tumeur odontogène
adénomatoïde (service d’odontologie pédiatrique, Toulouse).
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L’induction par le follicule (fig. 3) passe par la
production de cytokines, facteurs de croissance et de
facteurs de transcription tels que PTHrP, C-fos, CSF-1,
MCP-1, EGF, TGF-α, TGF-•1 ou encore IL-1. Toutes ces
molécules agissent avec une localisation et une chronologie particulière. Leur action peut être redondante, assurant l’éruption même en l’absence de
certains facteurs9.
Retards d’éruption
L’éruption dentaire peut présenter des anomalies, tant chronologiques que topographiques.
Elles sont localisées ou généralisées, concernent
les dents temporaires et/ou les dents permanentes
et peuvent être associées à des maladies systémiques ou génétiques. Nous nous intéressons ici plus
particulièrement aux retards d’éruption.
Un retard d’éruption se définit comme une éruption
se produisant à une date postérieure par rapport aux
normes établies, six mois après les dates normales
d’éruption pour les dents temporaires et un an après
pour les dents permanentes11. Cette anomalie peut
aller d’un simple retard jusqu’à une non-éruption
complète de la dent (inclusion).
Pour diagnostiquer un retard d’éruption, deux
facteurs sont à identifier : le degré d’édification
radiculaire et l’importance de la déviation chronologique par rapport aux normes définies sur la population générale2. Gron, en 1962, établit que l’éruption
dentaire normale (plus précisément la phase supraosseuse de l’éruption) débute lorsque la dent possède
les trois quarts de la longueur finale de sa racine. Si la
dent, au moment de son émergence, possède moins
des trois quarts de sa longueur finale de racine, on
peut considérer que l’éruption est précoce. Si au
contraire sa longueur de racine dépasse les trois
quarts de la longueur finale, l’éruption est retardée3.
Étiologies
Il faut distinguer les défauts primaires d’éruption
(DPE), dus à un trouble dans le mécanisme de l’éruption lui-même, et les retards d’éruption secondaires,
causés par un obstacle mécanique, une ankylose ou
un désordre systémique.
Défauts primaires d’éruption
L’origine de cette anomalie n’a pas été totalement
identifiée, mais relèverait d’une cause génétique avec
un terrain familial16. C’est pourquoi l’interrogatoire
est essentiel dans le diagnostic.
Une anomalie du gène codant pour le récepteur 1 de
l’hormone parathyroïdienne (PTH1R) pourrait expliquer certaines formes familiales de DPE3. Des études
ont montré un lien significatif entre PTH1R et les
molécules responsables du phénomène d’apposition/
résorption dans l’éruption dentaire. L’identification
d’une mutation du gène de PTH1R permet de
diagnostiquer ces formes de DPE et de faciliter le
diagnostic différentiel avec l’ankylose3.
Figure 3 : Rôle du follicule dans la production de facteurs de croissance et de facteurs de transcription
qui induisent le recrutement de cellules mononucléées, leur prolifération et leur différentiation
en ostéoclastes responsables du chemin d’éruption.
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Retards d’éruption secondaires
Différentes causes locales peuvent empêcher l’éruption dentaire.
• Des obstacles tumoraux : le kyste radiculodentaire
d’une dent temporaire, le kyste folliculaire d’une
dent permanente, le kyste péricoronaire d’éruption,
les tumeurs non odontogènes ou les tumeurs
odontogènes bénignes comme les améloblastomes
ou les odontomes.
• Des obstacles dentaires : les dysmorphoses dentomaxillaires par macrodontie relative, les dents surnuméraires comme les mésiodens (fig. 4), l’anomalie
du germe d’une dent permanente (fig. 5), l’avulsion
précoce de la dent temporaire avec perte d’espace
et enfin la persistance de la dent temporaire sur
l’arcade (fig. 6 et 7).
• Des obstacles gingivaux : hyperplasies d’origine
médicamenteuse (hydantoïne, cyclosporine) ou
endocrinienne13.
Figure 4 : Dents surnuméraires 11 bis et 21 bis (service d’odontologie pédiatrique, Toulouse).
Figure 5 : Éruption retardée d’une incisive centrale maxillaire droite atteinte d’odontodysplasie
(service d’odontologie pédiatrique, Toulouse).
Figure 6 : Ankylose des 2es molaires temporaires avec retard d’éruption des prémolaires.
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Figure 7 : Odontodysplasie régionale de 65 empêchant l’éruption de 25.
• Des obstacles osseux : le chérubisme (fig. 8),
l’hémiatrophie faciale13.
D’autres causes peuvent être évoquées comme les
parafonctions (succion digitale), les odontodysplasies régionales, les radiations ionisantes (fig. 9) ou
encore les fentes palatines.
Le retard d’éruption peut également relever de causes
générales telles que des carences en vitamines A, D,
une maladie cœliaque, des causes médicamenteuses
(chimiothérapie au long cours, phénytoïnes, biphosphonates), une infection HIV, des causes endocriniennes
(hypopituitarisme,
hypoparathyroïdie,
hypothyroïdie, enfant prématuré, hypogonadisme),
une infirmité motrice cérébrale ou une anémie.
Enfin l’étiologie peut être génétique dans le
syndrome d’Apert, le syndrome de Papillon-Léage et
Psaume, l’achondroplasie, la maladie de Lobstein, le
Figure 8 : Anomalies de l’éruption chez un enfant atteint de chérubisme (service d’odontologie pédiatrique, Toulouse).
Figure 9 : Inclusion d’une 16 après traitement d’un rétinoblastome par radiothérapie avant l’âge de 18 mois.
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syndrome de Gardner, la dysostose cléidocrânienne,
la dysplasie ectodermique anhidrotique, la maladie
d’Albers-Schönberg, le syndrome de Turner (caryotype XO), l’amélogenèse imparfaite, la trisomie 21
(fig. 10) ou le syndrome d’Axenfeld-Rieger.
Diagnostic
Le diagnostic de ces retards d’éruption s’établit par
un interrogatoire complété par un examen clinique
et radiologique.
L’interrogatoire et la consultation du carnet de
santé ou du dossier médical doivent apporter des
informations sur les antécédents médicaux et familiaux du patient. Ils permettent de rechercher les
causes génétiques, syndromiques, systémiques ou
parafonctionnelles.
L’examen clinique exobuccal puis endobuccal avec
une inspection et une palpation doit être réalisé, à
la recherche de causes locales telles que les tumeurs,
obstacles dentaires ou gingivaux ou le manque
d’espace.
Enfin l’examen radiographique permet de détecter
des anomalies non visibles cliniquement (agénésies,
odontodysplasie, tumeurs…). L’examen panoramique combiné à une radiographie occlusale est une
méthode recommandée pour dépister les anomalies
de l’éruption12. L’examen tomodensitométrique, en
particulier à faisceau conique, apporte aujourd’hui
de nombreuses précisions tridimensionnelles, sans
être trop irradiant.
Cas particulier du défaut primaire d’éruption
Le défaut primaire d’éruption (DPE) possède des
caractéristiques cliniques précises.
Il concerne plutôt les secteurs postérieurs, ce qui se
traduit par des béances ou des malocclusions postérieures. Les dents atteintes peuvent rester totalement
incluses ou faire partiellement leur éruption et apparaître en sous-occlusion (fig. 11). L’une des caractéristiques marquantes est que toutes les dents distales
à la dent concernée la plus mésiale sont affectées.
Les dents atteintes possèdent un ligament anormal
et ne répondent pas au traitement orthodontique :
Figure 10 : Retard d’éruption généralisé chez une patiente atteinte de trisomie 21 et d’insuffisance rénale sévère.
Figure 11 : Défaut primaire d’éruption dans les quatre secteurs maxillaires et mandibulaires.
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elles s’ankylosent lorsqu’on leur applique une force.
Le diagnostic précoce de DPE permet d’éviter des
efforts inutiles au praticien et au patient15.
L’anomalie peut toucher un ou plusieurs quadrants,
être bilatérale ou unilatérale, concerner les dents
temporaires ou permanentes.
Face au retard d’éruption d’une première molaire
permanente, il est important de faire le diagnostic
différentiel entre une ankylose et un DPE. En effet,
dans le cas d’une ankylose, seule la dent affectée ne
répondra pas au traitement orthodontique ; dans le
cas d’un DPE, toutes les dents distales à celle-ci seront
concernées. C’est l’éruption de la deuxième molaire
qui orientera le diagnostic.
Options thérapeutiques
Les retards d’éruption peuvent entraîner des préjudices esthétiques et fonctionnels majeurs. Le praticien doit tout mettre en œuvre pour traiter au plus
tôt ces anomalies de l’éruption.
Un premier facteur à évaluer est le caractère généralisé ou localisé du retard.
Dans le cas d’un retard généralisé, on recherchera
une cause systémique grâce à l’interrogatoire.
Dans le cas d’un retard localisé, trois paramètres sont
à évaluer : le stade de développement de la racine,
la présence d’une anomalie de position de la dent et
la présence d’une obstruction mécanique. Si ces trois
paramètres sont normaux, une surveillance clinique
et radiologique est établie.
Dans le cas d’un retard de développement radiculaire d’une dent permanente, une surveillance radiologique est préconisée. Un traitement actif n’est
recommandé que lorsque la racine a atteint les deux
tiers de sa longueur définitive.
Dans le cas d’une anomalie de position de la dent,
le caractère plus ou moins éloigné de la position
physiologique orientera vers l’avulsion si la position
est trop éloignée, la surveillance si la position est
proche de l’axe d’éruption ou une exposition chirurgicale associée à une désinclusion chirurgico-orthodontique si elle se situe entre les deux.
Dans le cas d’une obstruction mécanique, la thérapeutique sera fonction du type d’obstacle (dent
surnuméraire, arcade courte, ankylose…). Les
dents surnuméraires, les tumeurs, les kystes ou les
séquestres osseux pourront être traités par exérèse
chirurgicale. La dent fera alors son éruption spontanément ou par traction orthodontique. Quand
l’obstacle à l’éruption spontanée est une arcade trop
courte, le traitement s’appuiera sur une expansion
de l’arcade et/ou des extractions (soit de la dent
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affectée, soit des dents adjacentes). Si la dent est
ankylosée, le traitement orthodontique est voué à
l’échec. Le diagnostic d’ankylose se fait radiologiquement en visualisant l’absence de l’ensemble ou d’une
partie du desmodonte et cliniquement par un son
métallique à la percussion. Mais ce diagnostic a des
limites14 : lorsque l’anomalie ligamentaire se trouve
dans le plan vestibulaire ou palatin, le diagnostic
peut se faire par examen tomographique volumétrique numérisé à faisceau conique (cone beam) ou
en observant les effets du traitement orthodontique.
Un autre facteur à évaluer est le nombre de dents
affectées. Lorsque le retard d’éruption concerne
plusieurs dents, le manque d’ancrage est un problème
pour réaliser le traitement orthodontique. Dans ces
cas, les mini-vis peuvent apporter une solution.
Enfin, il est important de diagnostiquer toute
agénésie qui orientera, en fonction du nombre, vers
une thérapeutique prothétique, éventuellement
implanto-portée, ou substitutive.
Cas particulier du défaut primaire d’éruption
Le traitement de ces DPE est difficile. En effet, les traitements orthodontiques conduisent à un échec, et le
fait qu’un grand nombre de dents soient atteintes
entraîne des préjudices esthétiques et fonctionnels
majeurs. Le plus souvent, nous aurons recours à des
thérapeutiques prothétiques telles que des prothèses
amovibles de recouvrement comme solutions d’attente chez les jeunes patients, en vue de traitements
implantaires17, ou encore des reconstitutions prothétiques lorsque la dent est en infraclusion de moins
de 5 mm et présente sur l’arcade. L’exérèse chirurgicale peut être envisagée si la dent est située en
sous-gingival avec mouvement de bascule des dents
adjacentes. Les techniques de distraction osseuse
après ostéotomie segmentaire ont également été
décrites16.
Conclusion
La compréhension des étiologies des anomalies
d’éruption permet de mieux cibler les traitements,
d’où l’intérêt pour le praticien de réaliser un
diagnostic précis. L’interrogatoire nous renseigne sur
les antécédents médicaux et familiaux du patient, la
présence de maladie génétique, les soins dentaires
antérieurs. La radiographie tridimensionnelle est
souvent nécessaire, mais le panoramique reste le
cliché à privilégier en première intention.
L’étude des mécanismes de l’éruption a ouvert la voie
à de nouvelles techniques diagnostiques, comme
l’identification d’une mutation du gène de PTH1R.
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Gatimel J., Vaysse F., Rotenberg M., Noirrit-Esclassan E.
Ce test génétique nous aide dans nos décisions
thérapeutiques.
Le dépistage et le traitement des anomalies de
l’éruption doivent donc être précoces pour être optimaux ; ils reposent sur une coordination entre omnipraticien, orthodontiste, généticien et chirurgien.
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