Bégaiement. MC Fred rappe sans bugger

Transcription

Bégaiement. MC Fred rappe sans bugger
Bégaiement.
MC Fred rappe sans bugger
Quand le rap
revient à sa
véritable
nature :
exprimer, par
une rafale de
mots frappés,
les tourments
de ceux qu’on
n’écoute pas. Le
Lorientais Fred
était bègue. Il
en a souffert,
puis a surmonté
son handicap.
Son « mal à
diction » vaincu,
MC Fred peut
aujourd’hui le
rapper.
« Le rap ne m’a sans doute pas aidé à vaincre mon bégaiement, mais peut-être que le bégaiement m’a aidé dans le rap », témoigne Fred. Le jeune Lorientais de 23 ans a trouvé là une voie pour
libérer ses mots. L’un de ses titres a même séduit l’association Parole Bégaiement. (Photo G.R.)
de soucis de bégaiement.
MORBIHAN
Lorient
Vannes
« Imagine : quand tu veux parler,
ta gorge se noue et ce n’est pas
une angine. Imagine : sans cesse
tu fais un bras de fer avec ton éloquence, mais celle-ci est plus
maligne ». Sans se faire de bile,
tranquille, MC Fred impose son
style. À l’écouter déverser un flot
ininterrompu de paroles qui colle
à son flood (1), on se dit que non,
il doit y avoir erreur : Fred n’a pas
Les paroles s’envolent…
« Je n’en souffre plus, c’est
vrai », confirme le jeune homme.
« Mais j’ai mis du temps à en guérir. Ça a commencé quand j’avais
six ans. Le bégaiement arrivait
quand j’étais passionné ou quand
j’étais pris d’une émotion ». La
parole s’emballait, le débit de
mitrailleuse devenait difficile à
contrôler, puis les mots accrochaient. « Ça change tout. En
cours, tu évites de donner la
réponse à la question du prof
quand tu la connais. Entre amis,
tu te mêles rarement à la conversation. Tu hésites à aller aborder
les filles… ».
Des paroles mortes dans l’œuf
ont engendré un bouillonnement
créatif chez le jeune Lorientais.
« À l’intérieur, tout ce que je ne
pouvais pas exprimer, il fallait
que ça sorte d’une façon ou
d’une autre. J’ai beaucoup dessiné, puis j’ai lancé ma ligne de
street-wear, et aujourd’hui, je
viens de terminer ma première
remix-tape (2) de rap ».
Le choix d’un genre musical aussi
bavard n’a évidemment rien
d’anodin. « Le rap ne m’a sans
doute pas aidé à vaincre mon
bégaiement, mais peut-être que
le bégaiement m’a aidé dans le
rap. Avec les orthophonistes, j’ai
appris à maîtriser le débit, à
poser mes mots… c’était un plus
pour construire mon propre
flood ».
Fred le prouve : le rap, ce n’est
pas que des grosses bagnoles et
des rouleurs de mécanique qui se
la (sur) joue « gangsta ». « Le rap
peut faire passer énormément de
choses dans une chanson. Il m’a
permis de canaliser la colère que
j’éprouvais pour mon handicap.
J’avais envie de me battre pour
prouver que je pouvais faire des
choses, malgré mon bégaiement ».
Télévendeur et bègue
Plutôt que de se renfermer dans
une bulle de silence, Fred Le
Néna a donc décidé de soulever
la première pierre de la monta-
gne, en l’abordant par la face
nord. « J’ai voulu travailler dans
le commercial, et j’ai réussi à
décrocher un job de "télévente"par téléphone. Je n’avais pas
mentionné que j’étais bègue. Lors
de l’entretien, il y avait un peu de
stress, mais personne n’a rien
remarqué. Récemment, j’ai avoué
à ma patronne que j’avais des
problèmes de diction, étant jeune. Elle était surprise ».
Aujourd’hui, les mots qui
buguent, les a… qui accrochent
sont derrière lui. MC Fred en a
fait un morceau : « Paroles brisées ». Un titre qui a séduit l’Association Parole Bégaiement (3).
« Mon orthophoniste a flashé.
Elle est membre de l’asso. Elle en
a parlé autour d’elle et ils ont
repris le titre ». Le rap a touché.
« J’ai eu des retours. Il y avait
une jeune fille qui voulait se servir du titre « Paroles brisées »
pour expliquer autour d’elle ce
qu’elle ressentait. Il y avait aussi
une femme qui me disait qu’elle
ne pouvait pas l’écouter sans
pleurer ». MC Fred, porte-parole
de ceux pour qui parler est un
combat ? Voilà qui laisse sans
voix.
Gwen Rastoll
1. Le flood : le style que chaque
rappeur développe.
2. Un album de rue autoproduit
qui sert à se faire connaître.
3. Site : www.parolbeg.info
DU GRAND ART
BLOG. TAPIS ROUGE POUR LA CAISSIÈRE
Elle devait dévoiler son identité en janvier après sa démission, mais face
au succès grandissant de son blog (caissierenofutur.over-blog.com), Anna
a finalement franchi le pas avant l’heure. Voici donc celle qui, depuis
huit mois, décrit son quotidien de caissière dans un hyper de la banlieue
rennaise. Une jeune femme de 28 ans demeurant à L’Hermitage (35) et
titulaire d’un DEA de littérature, qui se dit « dépassée » par toutes les
attentions dont elle fait l’objet depuis l’article paru dans Le Télégramme.
En une semaine, cette Bretonne a ainsi reçu plus d’une centaine de courriers de félicitations, radios et télés l’ont sollicitée et, hier, elle a même été
contactée par un éditeur. Enfin, celui qui ne sera plus son patron dans 21
jours l’a convoquée, la semaine dernière… pour la féliciter. (Photo DR)
D’ici quelques semaines,
les piétons et cyclistes fréquentant LannSévelin à Lanester (56) et
Kergoussel à Caudan pourront rejoindre ces deux
zones d’activités en toute
sécurité. Dans la nuit de
mercredi à jeudi, une passerelle de 46,70 m de
long, qui leur est désormais destinée, a été installée au-dessus de la voie
express. Cet ouvrage d’art
de 48 tonnes, réalisé par
une entreprise du Cantal,
a dû être monté sur place.
(Photo François Destoc)