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Extraction d’huile microalgale par CO2 supercritique. Influence des paramètres opératoires sur les rendements d’extraction. Nikitine Clémence, Crampon Christelle, Boutin Olivier, Badens Elisabeth Université Paul Cézanne Aix-Marseille III, UMR CNRS 6181, Mécanique, Modélisation et Procédés Propres Europôle de l’Arbois, BP 80, 13345 Aix-en-Provence Cedex 04, France Résumé Des expériences d’extraction par CO2 supercritique ont été menées pour extraire l’huile de microalgues pour produire du biodiesel. L’influence des paramètres opératoires sur les rendements d’extraction a été étudiée. Les conditions testées sont les suivantes : la pression de 28 à 46 MPa, la température de 318 à 338 K et le débit de CO2 de 0,32 à 0,81 kg/h. Une comparaison des différents procédés permettant de produire du biocarburant à partir de microalgues est également proposée. Mots clés : CO2 supercritique, microalgue, extraction, huile, biodiesel 1. Introduction Les microalgues sont des microorganismes capables de s’adapter à une multitude d’environnements. Cette capacité d’adaptation et leur diversité biologique laisse présager la présence de molécules d’intérêt pour les domaines de la santé ou la production d’énergie, par exemple. Les microalgues sont, en effet, capables d’accumuler des lipides jusqu’à 50 % de leur poids sec lorsqu’elles sont soumises à des carences en azote. Elles pourraient donc constituer une nouvelle source d’énergie renouvelable en tant que biodiesel. L’huile microalgale est traditionnellement obtenue par liquéfaction thermique ou pyrolyse. Elle peut également être obtenue après une extraction à l’hexane. Les produits obtenus doivent ensuite être traités pour éliminer les phospholipides et trans-estérifiés avec du méthanol pour être transformés en esters méthyliques d’huile végétale ou biodiesel. Ces trois méthodes sont malheureusement consommatrices d’énergie et/ou polluantes. L’extraction par CO2 supercritique pourrait être une alternative intéressante à ces procédés. Cette technologie est aujourd’hui bien connue et considérée comme un procédé propre. Il y a de nombreux avantages à utiliser le CO2 supercritique : ce solvant n’est pas nocif pour la santé, il est non inflammable, sélectif, gazeux à pression et température ambiante et en conséquence l’étape de séparation pour récupérer le produit cible est évitée. Les rendements d’extraction qui dépendent de la température et de la pression d’extraction, peuvent être élevés pour des durées d’extraction relativement courtes. Le CO2 supercritique est un très bon solvant pour les molécules apolaires. Lorsque la molécule cible est polaire, le pouvoir solvant peut être accru en utilisant un cosolvant polaire tel que l’éthanol. Ce travail présente la mise en œuvre d’expériences d’extraction par CO2 supercritique sur des microalgues sèches et l’étude de l’influence des paramètres opératoires sur les rendements. 2. Matériels et méthodes Un pilote d’extraction classique (Séparex, France) a été utilisé pour mener la campagne d’expériences d’extraction de lipides microalgaux. Les microalgues sèches dont la teneur en lipides est d’environ 16 % ont été fournies par la société Alphabiotech (France). Le pilote d’extraction est représenté sur la figure 1. Les expériences ont été menées dans un autoclave de 10 cm3 correspondant à environ 7 g de microalgues sèches et broyées. 1 9 5 2 3 4 F 6 7 P 8 10 1 Figure 1: Pilote d’extraction. 1 – Bouteille de CO2 ; 2 – Bain cryogénique ; 3 – pompe volumétrique haute pression ; 4 – Echangeur ; 5 – Manomètre ; 6 – Autoclave d’extraction ; 7 – Vanne de détente ; 8 – Récipients collecteurs ; 9 – Débitmètre ; 10 – Bain thermostaté 3. Résultats 3.1 Expériences préliminaires La reproductibilité a tout d’abord été testée sur trois conditions d’extraction. Chaque expérience a été reproduite 2 à 3 fois, durant une durée d’extraction de 180 minutes. La masse d’huile récupérée étant faible, les rendements d’extraction ont été calculés à partir de la perte en masse dans l’autoclave. Le tableau 1 donne les résultats de reproductibilité : quelles que soient les conditions opératoires, les expériences sont reproductibles. La reproductibilité sur la perte en masse dans l’autoclave est inférieure à 0,3 %. La durée optimale d’extraction a également été déterminée. Ce paramètre a été obtenu à partir d’expériences dont les durées d’extraction ont varié de 15 à 180 min. La figure 2 montre l’évolution du rendement d’extraction en fonction de la durée à T=318 K, et sous trois pressions P=15, 28 and 46 MPa, avec un débit de CO2 QCO2=15 cm3/min, c’est-à-dire 0,67, 0,79 et 0,87 kg/h, respectivement. Il apparaît clairement qu’une durée de 90 min permet d’obtenir des rendements aux alentours de 82, 97 et 94 % des rendements maximum. Cette durée de 90 min a finalement été choisie comme durée optimale pour la suite de l’étude. Tableau 1. Reproductibilité des expériences d’extraction Expérience Masse extraite (g) T = 328 K - P = 37 MPa - QCO2 = 0,56 kg/h 1 0,61 2 0,63 3 0,63 T = 318 K - P = 46 MPa - QCO2 = 0,87 kg/h 1 0,81 2 0,80 3 0,84 T = 318 K - P = 28 MPa - QCO2 = 0,79 kg/h 1 0,44 2 0,43 Perte en masse (%) Moyenne (%) 8,8 8,8 9,0 8,9 ± 0,1 11,7 11,3 11,9 11,6 ± 0,3 6,1 6,3 6,2 ± 0,1 2 Figure 2. Rendements d’extraction en fonction de la durée à T = 318 K, à trois pressions P = 15, 28 and ▲ 46 MPa et respectivement QCO2 = 0,67, 0,79, 0,87 kg/h 3.2 Influence des paramètres opératoires sur les rendements d’extraction Les expériences d’extraction ont été menées à différentes températures variant de 318 à 338 K, sous des pressions variant de 28 à 46 MPa et à des débits de CO2 variant de 0,32 à 0,81 kg/h. La durée de chaque expérience était de 90 min. Les rendements d’extraction obtenus couvrent une large gamme de valeurs. Les rendements les plus élevés ont été atteints sous 46 MPa et à 338 K. Le paramètre qui a le plus d’influence sur les rendements d’extraction est la pression alors que celui qui en a le moins est le débit de CO2. L’évolution des rendements d’extraction avec chaque paramètre est en accord avec ce qui est décrit dans la littérature : la solubilité des lipides dans le CO2 supercritique augmente avec la pression, augmente avec la température sous pression élevée, mais diminue avec la température sous pression faible. C’est ce que l’on appelle communément le phénomène de rétrosolubilité. La pression de transition est voisine de 20 MPa. La photographie de la figure 3 montre que le CO2 supercritique solubilise également les pigments rouges (carotènes) et verts (chlorophylles). La présence de carotènes est attendue car ces pigments sont solubles dans le CO2 supercritique dont le pouvoir solvant est de plus accru par l’huile extraite qui joue le rôle de cosolvant. Quelle que soit la pression, même faible, les pigments sont présents et leur solubilité augmente avec la pression, comme pour les lipides. L’obtention d’une huile exempte de pigments directement par extraction au CO2 supercritique semble difficile. Les procédés classiques qui permettraient de produire du biodiesel à partir de microalgues présentent ce même inconvénient. 3 Table 2. Pertes en masse en fonction des conditions d’extraction Expérience T (K) P (MPa) Q (kg/h) Perte en masse (%) 1 318 28 0,32 4,3 2 338 28 0,29 5,5 3 318 28 0,79 6,1 4 318 28 0,79 6,3 5 338 28 0,71 8,2 6 328 37 0,56 8,8 7 328 37 0,56 8,9 8 328 37 0,56 9,0 9 318 46 0,34 9,9 10 318 46 0,84 11,3 11 318 46 0,84 11,7 12 318 46 0,71 11,9 13 338 46 0,32 12,6 14 338 46 0,81 16,3 Figure 3. Récupération des pigments en fonction de la pression. Les rendements d’extraction obtenus à l’échelle laboratoire associés à des considérations économiques permettent de conclure sur les conditions optimales d’extraction : une pression comprise entre 30 et 40 MPa, une température de 323 K, et un débit de CO2 compris entre 0,4 and 0,6 kg/h. 3.3 Comparaison avec les procédés classiques d’obtention de biodiesel à partir de microalgues La figure 4 compare l’extraction à l’hexane, la liquéfaction thermique, la pyrolyse avec l’extraction au CO2 supercritique pour la production de biodiesel en termes de nombre d’opérations unitaires et de consommation d’énergie. Les étapes consommatrices d’énergie apparaissent soulignées. L’extraction à l’hexane nécessite 6 opérations unitaires depuis le prétraitement jusqu’à la trans-estérification. Parmi ces étapes, 3 sont particulièrement consommatrices d’énergie : le prétraitement (les microalgues doivent être séchées jusqu’à 1 % d’humidité), le chauffage (l’extraction se fait à 323 K) et la séparation huile extraite/hexane qui se fait par distillation. L’un des inconvénients est l’utilisation d’un solvant polluant et inflammable. La liquéfaction thermique nécessite seulement cinq opérations unitaires ; l’étape de séchage est inutile, la suspension de microalgues peut être utilisée telle que récoltée. Cette technique utilise toutefois du dichlorométhane. L’étape de chauffe est, de plus, particulièrement consommatrice d’énergie puisqu’il faut chauffer jusqu’à 623 K, sous une pression de 3 MPa. 4 Enfin, la pyrolyse fait intervenir 6 opérations unitaires. Aucun solvant polluant n’est utilisé mais les étapes de séchage et surtout de chauffe jusqu’à 873 K constituent des opérations consommatrices d’énergie. Figure 4. Comparaison entre l’extraction à l’hexane, la liquéfaction thermique, la pyrolyse et l’extraction au CO2 supercritique pour la production de biodiesel en termes d’opérations unitaires et de consommation d’énergie. Lorsque l’on compare les trois procédés classiques à l’extraction au CO2 supercritique, il apparaît que cette dernière est compétitive : c’est un procédé vert et compact avec seulement trois opérations unitaires. Le CO2 est gazeux à température et pression ambiante, ce qui permet une séparation instantanée et complète du solvant avec les extraits lors de la détente. Les extraits propres peuvent donc être valorisés pour d’autres applications. L’opération de dégommage est également évitée car les phospholipides ne sont pas solubles dans le CO2 supercritique. Parmi les trois opérations unitaires citées pour l’extraction au CO2 supercritique, deux sont particulièrement consommatrices d’énergie : le séchage, le degré d’humidité ne devant pas excéder 12 %, et la compression jusqu’à 30 voire 40 MPa. Néanmoins, les trois dernières décennies ont vu se construire un grand nombre d’unités industrielles d’extraction supercritique, attestant que cette technologie est économiquement viable pour un grand nombre d’applications. Aujourd’hui il existe plus de 200 unités d’extraction supercritique dans le monde avec des autoclaves pouvant atteindre 10 m3 et des productions pouvant aller jusqu’à 10 000 tonnes par an. Toutefois, la viabilité économique d’une unité industrielle d’extraction au CO2 supercritique dédiée à la production de biodiesel, qui nécessiterait une production de 100 000 tonnes par an, reste encore à démontrer. 4. Conclusion A partir des expériences menées à l’échelle laboratoire, il apparaît que la pression est le paramètre le plus influent sur les rendements d’extraction des lipides. Les conditions optimales d’extraction ont été déterminées : une pression comprise entre 30 et 40 MPa, une température de 323 K et un débit compris entre 0,4 and 0,6 kg/h. Enfin, les résultats obtenus montrent que les conditions d’extraction doivent encore être optimisées pour limiter l’extraction des pigments. Ce dernier point, associé à des considérations technico économiques permettra d’optimiser les paramètres d’extraction. 5 Références Andrich, G., U. Nesti, F. Venturi, A. Zinnai, R. Fiorentini, Eur. J. Lipid Sci. Technol., 2005, 107, 381. Andrich, G., A. Zinnai, U. Nesti, F. Venturi, R. Fiorentini, Acta Alim., 2006, 35, 195. Aresta, M., A. Dibenedetto, M. Carone, T. Colonna, C. Fragale, Environ. Chem. Lett., 2005, 3, 136. Balaban, M., S. O’Keefe, J. 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