L`Immunologie pour mieux comprendre la Dermatologie

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L`Immunologie pour mieux comprendre la Dermatologie
L’Immunologie pour mieux comprendre la Dermatologie
Frédéric Sauvé DMV, MSc, DES, Dipl ACVD
Centre Hospitalier Universitaire Vétérinaire
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Montréal
L’immunologie 101 (!)
Le système immunitaire est le système qui prend en charge la défense du corps contre toutes les
agressions possibles : c’est le Ministère de la Défense! Ces agressions peuvent être externe à
l’organisme comme, par exemple, les infections (bactéries, virus, parasites, etc.) ou les rayons
UV du soleil, mais aussi interne à l’organisme telles que les cellules tumorales, les cellules du soi
défectueuses, etc. De nombreux mécanismes sont déployés afin de détruire ou restreindre
l’activité des ces agresseurs.
Le premier concept de base en immunologie est la distinction entre l’immunité innée et celle
acquise. L’immunité innée est un regroupement de mécanismes de défense cellulaires et
chimiques qui se déclenche suite à l’exposition à un nouvel élément étranger. Cette réponse est
stéréotypée, similaire pour toutes les cellules, et ne tient pas compte de l’agent agresseur. Il est à
noter que cette réaction est rapide et sans mémoire. Quant à l’immunité acquise, elle fait suite à
un processus d’apprentissage par l’organisme. En fait, les mécanismes innés permettent de
repousser l’ennemi mais ne sont pas suffisants pour le vaincre : l’organisme a donc besoin d’une
équipe plus stratégique qui attaquera l’ennemi par ces points faibles. Cette équipe a besoin
d’étudier l’ennemi avant d’intervenir : c’est l’immunité acquise. La réponse acquise est plus lente
et dépendante des antigènes (Ag) (toute substance (généralement des protéines) capable de faire
réagir le système immunitaire) mais possède une mémoire. Chaque situation stimulera des
lymphocytes qui prendront en charge efficacement l’ennemi et le gardera par la suite en mémoire.
Ainsi, à la seconde confrontation, le lymphocyte sur la ligne de front sera prêt à réagir plus
rapidement et efficacement détruisant l’ennemi aux premiers assauts.
Afin de mieux répondre aux différents types d’attaque, l’immunité acquise à développer des
spécialités au sein de son équipe : il y a l’équipe tactique de l’«immunité humorale» et celle de
l’«immunité cellulaire». L’immunité humorale est la sentinelle des invasions externes ou
exogènes (par exemple, la majorité des bactéries, les parasites et plusieurs protozoaires). L’arme
utilisée ici est la production d’anticorps (Ac) visant les antigènes des ennemis. L’anticorps est en
fait une protéine (immunoglobuline ou Ig) complexe sécrétée par les lymphocytes B (plasmocytes)
suite à une stimulation antigénique. L’Ac est spécifique à l’Ag et permet de le neutraliser. C’est
grâce à ce phénomène de production d’Ac que le système immunitaire peut garder en mémoire
les différents agresseurs rencontrés (c’est la base de la vaccination). L’immunité cellulaire, quant
à elle, est la sentinelle des anomalies cellulaires ou des invasions intracellulaires (par exemple, les
cellules tumorales, les virus et les bactéries intracellulaires). Dans ce cas-ci, des cellules
spécialisées (lymphocyte T cytotoxique, cellule NK, macrophage, etc.) reconnaîtront ces
anomalies ou invasions intracellulaires et détruiront simplement la cellule en question : c’est
l’autodestruction pour mieux contrer l’ennemi ou éviter une «épidémie».
Un autre concept important en immunologie est le soi et le non-soi. Le système immunitaire a su
mettre en place tout un système de reconnaissance du soi (cellules appartenant à l’individu)
évitant ainsi l’auto-agression : chaque cellule possède un passeport. De plus, certaines cellules
ayant parfois oublié leur passeport à la maison (!), le système immunitaire a su développer une
série de contrôles cellulaires afin de ne pas réagir vis-à-vis des cellules du soi ayant commis que
de petites infractions. Il est donc clair que toute cellule ne présentant pas leur passeport ou ayant
commis des infractions majeures sont considérées comme étrangère (non-soi) et par le fait même
détruite. L’adaptation du système immunitaire va encore plus loin. Certaines cellules ou protéines
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sont essentielles à la survie (notons par exemple toutes les substances nutritives ingérées durant
un repas). Ce système a su s’adapter et tolérer ces substances requises à la survie ou simplement
inoffensives pour l’organisme : c’est le phénomène de tolérance. Ces substances sont parfois
appelées «tolérogènes» en opposition à un Ag.
Finalement, afin d’orchestrer l’ensemble de la réponse immunitaire, le système immunitaire
possède un système de communication. Ce système de communication universel permet à
certaines cellules de donner des ordres ou d’interagir avec d’autres cellules; de recruter des
cellules ciblés en renfort ou nécessaire au ménage et à la restauration «post-bataille»; d’aviser de
la fin d’une bataille et alors inhiber les cellules prêtes au combat; d’orchestrer la guérison de
tissus endommagés; etc. Ces communications se font via des missives transmis d’une cellule à
une autre : c’est missives sont des cytokines (glycoprotéines régulatrices et solubles). Parmi les
cytokines, notons les interleukines, les interférons, les chémokines, le «tumor necrosis factor» (ou
TNF), les «transforming growth factors» (ou TGF), etc.
Résumé simplifié du processus de présentation d’Ag et de stimulation de l’immunité humorale
L’ennemi est ingéré par une cellule présentatrice d’Ag (CPA) dite professionnelle (par exemple
un macrophage ou un lymphocyte B). Une fois l’ennemi ingéré et transformé, la CPA mettra en
évidence un Ag de cet ennemi (généralement une protéine) et l’exposera à sa surface (en fait,
c’est plus précisément un épitope qui sera exposé à la surface de la CPA, l’Ag étant défini par
plusieurs épitopes, ses multiples personnalités !). L’Ag ainsi exposé est par la suite reconnu par
les Ac ou les récepteurs membranaires de la cellule à qui l’Ag est présenté. Toutefois, afin d’être
bien présenté et reconnu, l’Ag (ou plus précisément l’épitope) devra être exposé à la surface de la
CPA monté sur un complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). C’est seulement après qu’une
cellule possédant les récepteurs membranaires requis, tel que le lymphocyte T, pourra interagir
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avec la CPA. C’est souvent le lymphocyte T qui interagira avec les CPA. Au niveau du
lymphocyte T, c’est le «T cell Ag receptor» (TCR) qui reconnaîtra l’Ag monté sur un CMH. Par
la suite, d’autres facteurs de reconnaissances connecteront (tel que le CD4 au niveau
des lymphocytes T helper, sous-groupe des lymphocytes T, qui connecte avec le CMH II de la
CPA (requis pour initié une réponse à médiation immunitaire) et le CD8 au niveau des
lymphocytes T cytotoxiques, autre sous-groupe des lymphocytes T, qui connecte avec le CMH I
de la CPA (requis pour initié une réponse à médiation cellulaire) ). Ces différents mécanismes de
reconnaissances sont requis afin de stimuler la réaction appropriée au contrôle de l’ennemi mais
aussi pour éviter une réponse trop rapide et ainsi une réaction contre le soi. Une fois stimulé, le
lymphocyte sera en mesure d’attaquer directement l’ennemi ou de sécréter plusieurs cytokines
permettant ainsi l’orchestration de la réponse immunitaire et finalement le contrôle de l’ennemi.
Ce concept général peut être appliqué à toutes les situations où le système immunitaire intervient,
peu importe le système de l’organisme impliqué.
La peau en tant qu’organe immunologique
La peau est le plus grand organe du corps et sans contredit le plus esthétique! Au-delà de
l’apparence, il représente également une importante barrière de protection vis-à-vis le monde
extérieur. Afin d’accomplir adéquatement son rôle protecteur, la peau a mis en place plusieurs
mécanismes. Certains de ces mécanismes protecteurs sont simplement d’ordre physique (par
exemple, le pelage empêchant un agent pathogène d’entrer en contact direct avec la peau),
d’autres d’ordre chimique (par exemple, l’émulsion de surface composée de sels inorganiques, de
protéines et de lipides) ou microbiologique. Toujours dans le but de protéger le corps dans son
ensemble, la peau a su développer un système immunologique complexe et complet lui
permettant d’induire une réponse immunitaire innée et acquise de façon autonome mais aussi en
relation avec le système immunitaire général (via la voie des nœuds lymphatiques) au besoin. Elle
est aussi capable de limiter la croissance de cellules tumorales. Finalement, la peau sait être
tolérante lorsque nécessaire afin d’éviter d’être constamment en réaction vis-à-vis des substances
du non-soi.
Les cellules principalement impliquées dans la réponse immunitaire cutanée sont : les
kératinocytes, les cellules dendritiques épidermiques (cellules de Langerhans) et dermiques, les
mastocytes, les lymphocytes, les cellules endothéliales, et, à un moindre degré, les granulocytes.
Chacune de ces cellules sont présentes en plus ou moins grand nombre au niveau de la peau et
accomplissent leurs fonctions respectives. Certaines de ces cellules, par exemple les granulocytes,
sont présentes en faible nombre en situation normale mais au besoin seront recrutées et
envahiront alors la peau en grand nombre. Parmi les cellules cutanées participant très activement
à la vigile immunologique notons le kératinocyte et la cellule dendritique (épidermique et
dermique). En effet, le kératinocyte n’est pas seulement responsable de la kératinisation, de la
guérison de plaie ou de la sécrétion de neuropeptides et d’eicosanoïdes, mais il est aussi apte à
phagocyter, présenter des antigènes, exprimer des intégrines, et, le plus important, de libérer de
nombreuses cytokines. Certaines de ces cytokines peuvent être libérées de façon spontanée alors
que d’autres nécessiterons la stimulation du kératinocyte par des cytokines environnantes ou
d’autres cellules avec lesquelles le kératinocyte interagira. Bref, à l’occasion et au besoin, le
kératinocyte peut prendre le rôle du grand chef d’orchestre des réactions présentes au niveau de la
peau. Les cellules dendritiques, quant à elles, ont pour principale fonction de présenter des
antigènes. Elles peuvent migrer vers le nœud lymphatique régional et, au besoin, activer des
lymphocytes naïfs. Les cellules dendritiques épidermiques (cellules de Langerhans) sont les
sentinelles superficielles alors que les cellules dendritiques dermiques, répondant beaucoup plus
rapidement, sont les sentinelles profondes.
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Les dermatoses à médiation immunitaire et allergiques
Les réactions à médiation immunitaire se divisent essentiellement en deux grandes catégories,
soit les réactions auto-immunes (désordre primaire) et les réactions à médiation immunitaire à
proprement dit (désordre secondaire). En fait, la dermatose auto-immune implique la formation
d’anticorps ou l’activation de lymphocytes contre des constituants du soi. La dermatose autoimmune résulte d’un manque de contrôle des mécanismes immunologiques mis en place afin
d’éviter l’auto-réactivité (rupture des mécanismes de la tolérance du soi). Évidemment, le bagage
génétique joue un certain rôle dans l’induction de ce type de dermatose. Quant aux dermatoses à
médiation immunitaire, elles font plutôt suite à une maladie primaire impliquant le système
immunitaire mais ne résultant pas de la production d’auto-anticorps. Dans ces cas, la réaction
immunologique causant les dommages cutanés peut faire suite à l’exposition à un médicament, un
virus ou une bactérie.
Quant aux réactions allergiques, elles pourraient se définir simplement par une réaction exagérée
du système immunitaire vis-à-vis une substance externe, dite «allergène» (par exemple, un pollen
ou une protéine de poulet). Cette réaction inappropriée cause non seulement une inflammation
mais également à l’occasion des dommages tissulaires. Les réactions d’hypersensibilité sont
généralement divisées en 4 types selon la réaction cellulaire impliquée (hypersensibilité de type 1
à 4). C’est principalement la réaction de type 1 qui cause les désordres dermatologiques. Cette
réaction implique la formation d’Ac de type IgE auxquels les Ag (pollens et autres) se fixent. Une
fois l’Ag fixé à l’IgE, il y a relâche d’histamine au niveau de la peau ce qui engendre les signes
cliniques classiques de l’allergie (rougeur et démangeaisons).
Les désordres d’hypersensibilité (allergies)
1. Dermite atopique (allergie aux substances de l’environnement)
Synonymes : atopie, dermatite allergique causée par des substances aéroallergènes.
La dermite atopique est une des causes les plus fréquentes de prurit (démangeaisons) chez
le chien. Il s’agit, en fait, d’une tendance héréditaire à développer des allergies à plusieurs
substances de l’environnement telles que les pollens, les poussières, les moisissures, les
squames d’animaux, etc. Ces allergènes causent des signes cliniques d’allergie suivant
leur inhalation ou leur passage transcutané (à travers la peau).
a. Incidence : La dermite atopique atteint près de 10% de la population canine.
Dans la majorité des cas, les signes cliniques apparaissent entre l’âge de 1 et 3
ans. Les signes cliniques peuvent être saisonnier (e.g. allergie aux pollens) ou
non (e.g. allergie à la poussière). Étant héréditaire, certaines races de chien sont
prédisposées à cette dermatose : les terriers en général (West Highland white
terrier, terrier écossais, Boston terrier, fox-terrier, Cairn), le Boxer, le Golden
retriever, le Lhasa apso, le Dalmatien, le Shar pei, le Pug, etc. Les chiens de race
croisée peuvent également être atteints.
b. Signes cliniques : Le signe clinique cardinal est le prurit. Dans certains cas, le
premier signe observé est de l’érythème (rougeur). Les signes cliniques sont
surtout localisés au niveau du visage, des pattes, de l’abdomen, des aines et des
aisselles. Le prurit peut se manifester par du léchage, du grattage, du frottage ou
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des mordillements. Suite à ces signes cliniques, les lésions secondaires suivront :
perte de poils, érythème, séborrhée (pellicules), hyperpigmentation
(noircissement de la peau) et infection de la peau. Des otites peuvent également
être présentes ainsi que des signes cliniques oculaires (yeux) et respiratoires.
Chez l’humain, cette maladie se manifeste principalement sous forme de rhume
des foins ou d’asthme.
c. Diagnostic : Dans certains cas, l’anamnèse est suffisante pour suggérer la dermite
atopique comme la cause la plus plausible du prurit présent chez l’animal.
Toutefois, il faut éviter les conclusions hâtives car plusieurs autres maladies de la
peau peuvent se manifester par une symptomatologie similaire (gale sarcoptique,
cheyletiellose, otacariose, allergie aux piqûres de puces, hypersensibilité
alimentaire, dermite de contact, folliculite bactérienne, dermatite à levures, etc.).
Il peut donc être difficile de différencier une dermite atopique d’une de ces
dermatoses. L’âge d’apparition des signes cliniques, la race, la présence de signes
cliniques similaires chez d’autres chiens de la même lignée et même la saison où
se manifeste le prurit, sont autant d’indices qui nous permettre de soupçonner une
dermite atopique. Le vétérinaire doit, dans un premier temps, procéder à un
examen physique complet de l’animal et porter une attention particulière à la
peau. Il est primordial d’exclure les causes de prurit autre que la dermite atopique
avant de procéder à un test d’allergie intradermique (test ultime pour le
diagnostic de la dermite atopique). Il est souvent nécessaire d’exclure les causes
bactériennes, fongiques et parasitaires (même si aucun parasite n’a pu être mis en
évidence au cours de l’examen) avant d’investiguer pour une cause allergique. En
cas de prurit non saisonnier, il peut être recommandé de faire un essai avec une
diète hypoallergénique (commerciale ou cuisinée maison) pendant plusieurs
semaines pour confirmer ou infirmer une hypersensibilité alimentaire. Si le prurit
persiste malgré les traitements contre les agents infectieux et la diète
hypoallergénique, il est alors recommandé de procéder au test d’allergie
intradermique pour confirmer la dermite atopique et identifier les allergènes en
cause.
d. Test d’allergie intradermique (test d’allergie cutané) : Le test d’allergie
intradermique est un outil diagnostique permettant de confirmer la dermite
atopique et d’identifier la ou les substances auxquelles le chien est allergique. De
très petites quantités de différents allergènes sont injectées dans la peau sur
l’aspect latéral du thorax du chien. Dans la demi-heure qui suit, on évalue les
réactions positives. Ce test demande généralement l’expertise d’un vétérinaire
spécialisée en dermatologie. D’autres méthodes sont présentement disponibles
pour le diagnostic de la dermite atopique (analyse du sang par différentes
méthodes de laboratoire) mais malheureusement aucune de ces méthodes n’est
aussi fiable que le test d’allergie intradermique.
e. Traitement : Le traitement de la dermite atopique vise de multiples facettes de la
maladie. Il est important de restaurer l’intégrité de la barrière cutanée
(hydratation de la peau) et d’utiliser des agents antimicrobiens au besoin. Éviter
les allergènes, lorsque possible, permettra de contrôler l’allergie. Quant aux
traitements symptomatiques, il se divise entre les médicaments antiprurigineux
(ceux qui contrôlent le prurit) et l’immunothérapie spécifique d’allergènes
(ITSA) (vaccin de désensibilisation ou d’hyposensibilisation). Éviter les
allergènes est sans aucun doute l’approche idéale mais rarement réalisable. En
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effet, les animaux sont généralement allergiques à plusieurs substances dans
l’environnement et la plupart d’entre eux sont impossible à éviter.
L’administration de médicaments antiprurigineux a pour but d’empêcher la
réaction allergique de se produire. Ces traitements ne guérissent pas l’animal
mais permettent de le rendre confortable, aussi longtemps que le médicament est
administré. Parmi ce type de médicament, notons la cortisone, les
antihistaminiques, les acides gras essentiels (oméga 3 et oméga 6) et la
cyclosporine. Les inconvénients des médicaments antiprurigineux sont les effets
secondaires reliés à l’administration de certains d’entre eux (surtout la cortisone),
le coût, la fréquence d’administration, et l’efficacité imprévisible des
antihistaminiques et des acides gras essentiels. Finalement, l’ITSA représente le
traitement de choix pour la majorité des chiens souffrant de dermite atopique. Il
consiste en l’administration d’une quantité croissante d’extraits d’allergènes à un
sujet allergique, dans le but d’améliorer les signes cliniques associés à l’allergie
lors d’une exposition subséquente à ces allergènes. Ce « vaccin » est donc
fabriqué à partir des substances ayant causées une réaction positive lors du test
d’allergie intradermique. Les injections devront être administrées tout au long de
la vie de l’animal. Cette alternative est efficace dans environ 70 à 75 % des cas.
f. Prévention : Le chien souffrant de dermite atopique ne doit pas être utilisé pour la
reproduction en raison de la nature héréditaire de la maladie. En évitant de faire
reproduire les sujets atopiques, on contribue à diminuer l’incidence de la maladie.
2. Hypersensibilité alimentaire
Synonyme : allergie alimentaire
L’hypersensibilité alimentaire résulte en une réaction anormale à l’ingestion d’un aliment
ou d’un additif retrouvé dans la diète du chien. Cette réaction implique une réaction
aberrante du système immunitaire. À l’heure actuelle, cette dermatose n’est pas
considérée comme héréditaire et son étiologie est mal comprise. Plusieurs facteurs
semblent influencer le développement de l’hypersensibilité alimentaire. Les ingrédients
les plus souvent incriminés dans ce type de désordre sont : le boeuf, le poulet, les produits
laitiers, le blé, le maïs, le soya et les oeufs.
De fausses croyances ou mythes sont encore véhiculés concernant cette dermatose. Il est
faux de croire que l’animal sera à l’abri de l’hypersensibilité alimentaire s’il mange
toujours la même chose ou au contraire s’il a une alimentation très variée. Il en est de
même si le chien a toujours mangé une diète haute gamme. Finalement, l’agneau ou le
cheval n’ont pas de vertus thérapeutiques ou de propriétés anti-allergéniques, et ne
préviennent pas les problèmes ou les maladies de la peau.
a. Incidence : On considère qu’environ 10% des désordres allergiques chez le chien
sont reliés à une hypersensibilité alimentaire. Il n’existe pas de prédisposition de
sexe ou de race bien que certaines études ont démontrées une plus grande
incidence d’hypersensibilité alimentaire chez certaines races (Épagneul (Cocker)
américains, Labrador retriever, Colley, Schnauzer miniature, Boxer, Shar pei,
Caniche, West Highland White terrier, Wheaten terrier, Teckel, Dalmatien, Lhasa
apso, berger allemand et Golden retriever).
b. Signes cliniques : Les signes cliniques sont presque identiques à ceux de la
dermite atopique. Le signe cardinal de cette dermatose est le prurit. Des lésions
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primaires telles que de la rougeur ou des papules, et des lésions secondaires telles
que des croûtes ou des zones sans poils, sont parfois observées (elles sont
généralement le reflet de l’auto-traumatisme généré par les démangeaisons ou
d’une infection bactérienne de la peau). Il n’existe pas de localisation précise des
signes cliniques. Il est également possible d’observer chez certains de ces chiens
des otites à répétition.
c. Diagnostic : La seule méthode fiable afin de poser un diagnostic
d’hypersensibilité alimentaire est de procéder à une diète d’éviction commerciale
ou cuisinée maison. Il faudra donc offrir à l’animal une diète contenant une
source de protéines et de glucides que l’animal n’a jamais mangé au cours de sa
vie et ce, pour 10 à 12 semaines. La source de protéines peut provenir du cheval,
du lapin, du chevreuil, du canard, de l’agneau, etc., dans la mesure où l’animal
n’a jamais mangé cette source de protéines. L’agneau était jadis la source de
protéines par excellence puisque les chiens nord-américains en avaient rarement
mangé. Toutefois, cette viande étant devenu très populaire dans les nourritures
commerciales, d’autres sources de protéines seront privilégiées pour la phase
diagnostique, sauf si le chien n’a jamais consommé d’agneau auparavant. La
source de glucides varie, selon l’alimentation habituelle du chien, entre le riz, les
pommes de terre et les lentilles. Il est important de noter que la diète d’éviction
maison n’est pas une diète équilibrée. C’est pourquoi cette diète ne doit être
offerte qu’aux chiens adultes et en santé, et pour une période de temps ne
dépassant pas 12 semaines. Quant aux diètes hypoallergéniques commerciales,
quoique plus pratiques, elles ne sont pas aussi efficaces que le régime maison
pour établir un diagnostic d’hypersensibilité alimentaire. Deux catégories de
diètes commerciales existent soient, les diètes commerciales contenant des
protéines nouvelles (Eukanuba K/O ou F/P; Médical (Royal Canin)
hypoallergénique; Prescription diet Hill’s D/D; IVD; etc.) et celles contenant des
protéines hydrolysées (Purina hypoallergénique; Royal Canin HP; Prescription
diet Hill’s Z/D; etc.). À l’heure actuelle, ces diètes sont considérées comme
équivalente les unes aux autres. Lors de la phase de diagnostic, la diète choisie
doit être donnée de façon stricte (sans aucune autre source d’aliment telle que les
biscuits, les os, les jouets à saveur ajoutée, certains médicaments contre le vers du
coeur, etc.). Le propriétaire du chien devra suivre, au cours de ces semaines,
l’évolution de la dermatose. Si le prurit persiste avec la même intensité jusqu’à la
fin de l’essai, il sera alors possible d’éliminer l’hypersensibilité alimentaire dans
la liste des diagnostics possibles. Si, au contraire, le prurit cesse,
l’hypersensibilité sera alors fortement considérée comme cause des
démangeaisons. Afin de confirmer hors de tout doute le rôle de la diète dans le
contrôle du prurit, il faudra procéder à un challenge alimentaire. Le challenge
alimentaire consiste à réintroduire les aliments que le chien mangeait avant la
diète d’éviction. Ainsi, il est possible de confirmer l’hypersensibilité alimentaire
si le prurit récidive avec le retour de l’ancienne diète.
d. Traitement : Il est faux de penser que le simple fait de changer la diète pour une
autre permettra le contrôle de la condition. En effet, la majorité des diètes
commerciales non hypoallergéniques contiennent une grande variété
d’ingrédients et des ingrédients similaires les unes aux autres. Il faut donc offrir à
l’animal une diète contenant des ingrédients différents à sa diète habituelle. Il
sera généralement recommandé d’essayer une diète hypoallergénique
commerciale. Il est également possible d’essayer de trouver le ou les ingrédient(s)
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causant problème à l’animal. Cette dernière avenue est toutefois souvent longue
et ardue. Un petit nombre de chiens ne tolèrera pas les diètes commerciales même
celles dites hypoallergéniques. Pour ces chiens, il sera essentiel de poursuivre la
diète maison qui devra alors être équilibrée avec des suppléments de vitamines et
minéraux, du calcium et des huiles végétales.
e. Prévention : Aucune prévention possible. Si plusieurs animaux au sein d’un
même élevage souffrent d’hypersensibilité alimentaire, il pourrait être conseillé
de réviser le programme de reproduction de cet élevage.
Dermatoses auto-immunes
1. Pemphigus :
Le terme pemphigus provient du grec pemphix ce qui signifie ampoule ou bulle. Le
pemphigus est en fait un groupe de maladies auto-immunes vésiculo-bulleuses chez
l’humain, mais pustulo-croûteuses plus souvent que vésiculo-bulleuses chez le chien et le
chat, ciblant la peau et les muqueuses. Des anticorps (IgG) sont formés et dirigés contre
certaines protéines présentes au sein des desmosomes (structures permettant l’adhésion
des kératinocytes entre eux, c’est le ciment intercellulaire). Une fois l’auto-anticorps lié à
l’antigène, il s’ensuit une réaction qui mène à la perte de cohésion intercellulaire : c’est
l’acantholyse (le mur de briques s’effondrant dû à la désintégration du ciment entre
chaque brique, chaque brique représentant un kératinocyte). Certaines de ces réactions se
produisent dans les couches superficielles de l’épiderme alors que d’autres se trouvent
dans les couches plus profondes, engendrant par le fait même une maladie plus grave. Les
pemphigus sont divisés en sous-groupes, en fonction de la (ou des) protéine(s) ciblée(s)
par les auto-anticorps. Nous retrouvons au sein du pemphigus superficiel le pemphigus
foliacé, le pemphigus érythémateux et le pemphigus pustuleux panépidermique. Alors
que le pemphigus profond regroupe le pemphigus vulgaire, le pemphigus vegetans et le
pemphigus paranéoplasique.
a. Pemphigus foliacé (PF): Cette forme de pemphigus est la plus commune chez les
espèces animales domestiques. Certaines races, dont le chow chow et l’Akita,
sont prédisposées à cette dermatose. Il n’y a de prédisposition pas d’âge ou de
sexe quoiqu’il soit généralement rencontré chez des animaux d’âge moyen (entre
5 et 6 ans). Les signes cliniques sont généralement multifocaux ou généralisées,
impliquant principalement le visage et les coussinets plantaires. Les lésions
débutent par des macules érythémateuses et évoluent vers des papules, puis de
larges pustules coalescentes, et finalement, des collerettes épidermiques, des
croûtes et des érosions. Les muqueuses sont épargnées. Du prurit est présent dans
30 à 50% des cas. Bien que la cytologie (kératinocytes acantholysés présents
dans les pustules) puisse être utile dans l’évaluation du patient, c’est la biopsie
(lésions primaires idéalement telles que les pustules, ou sinon les lésions croûtées)
qui permettra, dans la majorité des cas, d’établir un diagnostic de certitude. Le
pronostic est bon. Par contre, les effets secondaires associés aux traitements
peuvent être graves. Le traitement consiste à une corticothérapie seule ou en
combinaison avec des médicaments cytotoxiques ou immuno-modulateurs (par
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exemple, l’azathioprine (Immuran™) ). Des traitements topiques peuvent à
l’occasion être également utiles (par exemple, du Panolog™ ou du Synotic™).
b. Pemphigus érythémateux et Pemphigus pustuleux panépidermique : Ces sousgroupes seraient probablement des formes de PF localisée et plus ou moins bien
définies. Les lésions sont similaires au PF mais affectent presqu’exclusivement le
visage (particulièrement le chanfrein et la truffe). Une phase croûteuse et
verruqueuse suit la rupture des pustules dans le pemphigus pustuleux
panépidermique. Les bergers Allemands et les Colleys semblent plus à risque
dans ce groupe. Le pronostic est bon. Souvent, le traitement local est suffisant à
lui seul pour contrôler la dermatose.
c. Pemphigus vulgaire (PV) : Dermatose vésiculo-bulleuse extrêmement rare et
débilitante caractérisée par la présence de lésions aux jonctions cutanéomuqueuses et dans la cavité orale. Des lésions peuvent être aussi présentes sur le
reste du corps, principalement les lits unguéaux (base des griffes). Les lésions
primaires (vésicules) sont rapidement remplacées par les lésions secondaires
(érosions, ulcères et croûtes). Le pronostic de cette forme de pemphigus est
réservé. Le traitement immunosuppresseur doit être agressif. Souvent des
traitements de support sont également requis.
d. Pemphigus vegetans : L’existence réelle de ce sous-groupe est remise en cause.
Les lésions seraient similaires à celles du PV mais les lésions évolueraient vers
des végétations verruqueuses (c’est-à-dire en forme de chou-fleur).
e. Pemphigus paranéoplasique : De rares cas souffrant de ce type de pemphigus ont
été rapportées dans la littérature. Le cas le mieux décrit avait un lymphosarcome
thymique concomitant.
2. Lupus érythémateux :
Le lupus érythémateux (LE) est une maladie multi-systémique caractérisée par la
production d’auto-anticorps, ciblant parfois le système tégumentaire uniquement.
Lorsque plusieurs systèmes sont atteints, ce sont les articulations, les reins, la peau et le
réseau lymphatique qui sont le plus souvent affectés. La fièvre est également présente
dans la plupart de ces cas. La pathogénie de ce désordre auto-immun est multifactorielle.
Le bagage génétique de l’animal ainsi que son environnement auraient un rôle à jouer
non seulement dans l’initiation de la maladie mais également dans sa perpétuation. La
prise de certains médicaments ou même certains agents infectieux pourraient également
être des facteurs favorisant ou initiateur de la maladie. Les lésions sont la conséquence
de la formation d’anticorps dirigés contre des composantes nucléaires, cytoplasmiques ou
membranaires des cellules des différents systèmes. La formation de complexes immuns
(Ac et un Ag accolés voyageant ensemble dans l’organisme et pouvant se déposer, en
couple, à divers endroits comme la paroi des vaisseaux sanguins) contribue également
aux signes cliniques. En effet, la dynamique du flux sanguin peut contribuer à leur
piégeage à différents sites (synovie, glomérules rénaux, etc.). Finalement, certains
dommages peuvent être causés directement par l’action de lymphocytes T cytotoxiques
(dermatite, polymyosite, vasculite). En résumé, plusieurs systèmes de l’organisme
peuvent être atteints, incluant le réseau vasculaire, et ainsi causer une maladie généralisée
et grave. En médecine vétérinaire, le LE est divisé en sous-groupes, soit le lupus
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érythémateux systémique et le lupus érythémateux cutané. Le lupus érythémateux cutané
est, quant à lui, divisé en lupus érythémateux discoïde (ou simplement cutané (!) ), lupus
érythémateux cutané exfoliatif et lupus érythémateux cutané vésiculeux.
a. Lupus érythémateux systémique (LES): Le diagnostic et l’approche thérapeutique
de cette maladie sont des défis étant donné la diversité des signes cliniques et la
variabilité dans les trouvailles des tests diagnostiques. La rigueur est de mise
avant de poser un diagnostic définitif. Certains critères ont été établis en
médecine humaine par l’American Rheumatism Association afin d’aider au
diagnostic de cette forme de lupus. Ces critères ont par la suite été adaptés pour la
médecine vétérinaire (voir tableau ici-bas, à titre informatif).
Tableau 1b. Critères suggérés pour le diagnostic du lupus érythémateux chez le chien et le
chat
Critères
Anticorps antinucléaires (ANA)
Lésions cutanées
Ulcères oraux
Polyarthrite
Désordres rénaux
Anémie et/ou thrombocytopénie
Leucopénie
Polymyosite ou myocardite
Sérosite
Anticorps antiphospholipides
Définition
Présence d’ANA en absence de prise de médicament et de
maladie infectieuse ou néoplasique connue pour engendrer des
titres d’ANA anormaux.
Dépigmentation, érythème, érosions, ulcères, croûtes et
squamosis localisés principalement au niveau des muqueuses,
jonctions cutanéo-muqueuses et aux endroits exposés aux
rayons du soleil (régions cutanées glabres ou pelage clairsemé).
De plus, les trouvailles histopathologiques doivent être
compatibles avec un lupus érythémateux.
Ulcères oraux et/ou naso-pharyngés. Souvent peu douloureux.
Arthrite stérile et non érosive atteignant 2 articulations ou plus.
Glomérulonéphrite ou protéinurie persistante en absence
d’infection du système urinaire.
Anémie et/ou thrombocytopénie en absence de prise de
médicament connu pour engendrer un tel désordre.
Compte de leucocytes bas.
Inflammation des muscles squelettiques ou cardiaque.
Inflammation et épanchement stérile d’une cavité (abdominale,
pleurale ou péricardique).
Présence d’anticorps interférant avec la fonction des
phospholipides procoagulants dans les tests in vitro. En
clinique, cela se traduit par un temps de thromboplastine
partielle activée prolongée et ce, malgré un mélange du plasma
du patient avec du plasma normal (1 :1).
Bien qu’il n’y ait pas de consensus en médecine vétérinaire, il est accepté d’une
façon générale que les chiens et chats présentant 2 de ces critères en plus de la
présence d’ANA ou simplement 3 de ces critères souffrent de LES. Lorsqu’un
LES est suspecté, il est donc primordial d’évaluer le patient dans son ensemble
afin d’exclure les autres maladies pouvant engendrer des signes cliniques ou des
changements au sein des trouvailles des différents tests diagnostiques similaires à
cette maladie. Le pronostic est variable d’un animal à l’autre. Certains seront bien
contrôlés et nécessiteront peu ou pas de traitements en maintien. Chez ces
patients une récidive doit toutefois être anticipée éventuellement. Le traitement
varie grandement en fonction des systèmes impliqués, de la gravité des signes
cliniques et de la réponse individuelle de l’animal face à l’approche thérapeutique
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choisie. De plus, selon la modalité thérapeutique choisie, un suivi de certains
paramètres tels que l’hématologie ou la fonction hépatique, doit être fait
régulièrement.
b. Lupus érythémateux discoïde (LED) : Cette forme de lupus est controversée en
médecine vétérinaire. Le caractère lupique de cette dermatose chez le chien a
d’abord été associé aux similitudes entre la forme canine et la forme humaine.
Toutefois, depuis, certains auteurs ont soulevés des différences importantes entre
ces 2 formes, allant jusqu’à remettre en doute l’existence d’une telle dermatose
en médecine vétérinaire. Certains auteurs ont donc suggéré de modifier son
appellation pour «dermatite faciale lichénoïde iodiopathique photoaggravée».
Cette dernière appellation tiendrait compte non seulement de l’aspect clinique de
la dermatose mais également des trouvailles histopathologiques (à la biopsie). De
façon classique, les lésions associées au LED sont de l’érythème, de la
dépigmentation et une desquamation au niveau de la truffe. Éventuellement, des
lésions érosives ou ulcératives ainsi que des croûtes peuvent apparaître. D’autres
sites peuvent également être affectés mais plus rarement (replis labiaux, cavité
orale, région péri-oculaire, pavillons auriculaires, région génitale et extrémité des
membres). Il est à noter que les régions le plus souvent atteintes sont celles
exposées aux rayons UV du soleil, élément important dans la pathogénie de cette
forme de lupus. Certaines races telles que le Colley, le berger Allemand et le
Shetland sont prédisposées à cette dermatose. Le diagnostic est généralement
posé à l’examen histopathologique de spécimens de peau (biopsies). Le pronostic
est bon, cette dermatose étant généralement facile à traiter. La thérapie locale est
souvent suffisante pour le contrôle de la dermatose mais le traitement doit être
ajusté en fonction de la gravité des signes cliniques présentés par l’animal.
c. Lupus érythémateux cutané exfoliatif : Dermatose rare rapporté chez le Braque
allemand. Le portrait clinique est caractérisé par une desquamation localisée
principalement au niveau du visage, des pavillons auriculaires et du dos. Les
nœuds lymphatiques peuvent être augmentés de volume et de la fièvre peut être
présente. Les signes cliniques apparaissent vers l’âge de 6 mois dans la majorité
des cas. Le traitement vise à rétablir un équilibre au niveau du processus de
kératinisation plutôt que l’immunosuppression.
d. Lupus érythémateux cutané vésiculeux : Dermatose rare rapportée chez le
Shetland et le Colley. D’âge moyen ou avancé, ces chiens sont présenté pour une
histoire cyclique (souvent aggravée l’été) de lésions cutanées caractérisées par de
l’érythème, des vésicules et des bulles flaccides qui, une fois lacérées, laissent
place à des ulcères plus ou moins grands. Les lésions sont localisées au niveau de
régions sans poil, soit principalement l’abdomen, les aines et les aisselles. Les
lésions sont douloureuses. L’approche thérapeutique est similaire à celle du LES.
3. Dermatoses bulleuses auto-immunes :
Ces dermatoses auto-immunes très rares sont classifiées selon l’antigène visé par les
auto-anticorps. En fait, cette classification, parfois confuse, repose sur des
comparaisons avec les dermatoses humaines et sur les trouvailles propres au chien.
Les auto-anticorps formés ciblent différentes composantes de la membrane basale,
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couche très mince assurant le lien et les échanges entre le derme et l’épiderme. Ce
type de dermatose a été associé, du moins en médecine humaine, à l’administration
de certains médicaments, d’autres dermatoses, des cancers, des maladies
inflammatoires ou auto-immunes et des désordres neurologiques. Les signes
cliniques et les antigènes ciblés des dermatoses bulleuses sont résumés dans le
tableau suivant.
Tableau 1c. Classification classique des dermatoses auto-immunes bulleuses chez le chien et le
chat
Dermatose
Ag ciblé
Pemphigoïde bulleuse
BPGA 1 – 2 (coll. XVII) : CHIEN
BPAG 2 : CHAT
Épidermolyse bulleuse
acquise (EBA)
Coll. VII : CHIEN
? : CHAT
LES bulleux
Coll. VII : CHIEN
? : CHAT
BPAG 2 (LAD-1) : CHIEN
? : CHAT
Dermatose à IgA linéaire
Pemphigoïde des
muqueuses
(pemphigoïde cicatricielle)
BPAG 1-2, Lam 5 : CHIEN
BPAG-2, Lam 5 : CHAT
Lésions cutanées
Vésicules et bulles tendues
évoluant en ulcères et croûtes.
Muqueuses rarement
impliquées. Régions
inguinale, axillaire et de
frictions telle que les plis.
Éruption maculaire évoluant
en vésicules et ulcères au
niveau du visage, aisselles,
aines, abdomen et jonctions
cutano-muqueuses. Atteinte
des muqueuses et des
coussinets plantaires.
Lésions similaires à l’EBA
dans le contexte d’un LES.
Vésicules évoluant en
érosions, ulcères et croûtes au
niveau des lèvres, de la cavité
orale, des pavillons
auriculaires, régions
inguinales/axillaires et thorax
ventral, des extrémités et des
coussinets plantaires.
Pustules et vésicules évoluant
vers des érosions, ulcères et
croûtes. Régions péri-oculaire,
péri-nasale et pavillons
auriculaires. Atteinte
constante des muqueuses.
Le diagnostic de ce groupe de dermatoses repose essentiellement sur la prise de
biopsies de peau. Parfois, il est nécessaire d’utiliser les méthodes
d’immunofluorescence directe ou d’immunohistochimie. Quant aux traitements,
trop peu de cas ont été décrits en médecine vétérinaire afin d’adopter une ligne de
conduite claire et précise. Le but visé dans les thérapies décrites est, essentiellement,
de contrôler ou de moduler la réponse immunitaire.
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4. Pelade (alopecia areata) et Pseudopelade (pseudopelade de Brocq) :
La pelade est une dermatose relativement fréquente chez les humains mais rare chez
les animaux. Plusieurs hypothèses ont été émises afin de définir la cause de cette
maladie mais aujourd’hui l’hypothèse auto-immune est celle acceptée. Des autoanticorps contre la trichohyaline, la gaine interne et la matrice folliculaire sont
formés : c’est l’attaque du bulbe des follicules pileux. Cliniquement, cela se traduit
par une ou plusieurs zones alopéciques plus ou moins étendues. L’alopécie est
inflammatoire (l’inflammation est cliniquement négligeable) mais non cicatricielle.
Des poils blancs (surtout lors de la repousse des poils) et de l’hyperpigmentation
sont parfois observés. Les régions affectées sont variables mais la tête, le cou et le
tronc sont les régions les plus souvent atteints. Chez l’humain plusieurs présentations
cliniques sont décrites : une forme localisée à certaines zones du cuir chevelu
(alopecia areata), une forme impliquant l’ensemble du scalp (alopecia totalis), et
une dernière forme généralisée à l’ensemble du corps (alopecia universalis). Chez
les animaux, le pronostic est bon puisque dans la majorité des cas la repousse des
poils se fera de façon spontanée entre 6 mois et 2 ans suivant l’apparition des lésions.
La pseudopelade, quant à elle, ressemble cliniquement beaucoup à la pelade sauf
qu’elle se traduit par une alopécie inflammatoire (aussi cliniquement négligeable)
cicatricielle et souvent permanente. La pseudopelade résulte d’auto-anticorps visant
des kératines du poil et la trichohyaline au niveau de l’isthme des follicules pileux
(section du follicule pileux comprise entre le bulbe et la sortie du poil à la surface la
peau). La taille des lésions alopéciques varie de 2 cm à 8 cm et épargne la tête et le
cou chez le chien alors que les lésions peuvent débuter par la tête chez le chat.
Ces désordres auto-immuns ne sont pas graves en soi et représentent surtout un
désagrément d’ordre esthétique.
5. Chondrite auriculaire :
Cette dermatose auto-immune est rare et atteint essentiellement que l’espèce féline.
Le portrait clinique se caractérise par une déformation des pavillons auriculaires
(ondulés, déformés et œdèmatiés), un érythème (prenant parfois une teinte violacée)
et de la douleur. Chez l’humain et le rat des anticorps ciblant le collagène de type II
des cartilages ont été mis en évidence. La prise de biopsies permet de confirmer le
diagnostic. Les glucocorticoïdes semblent inefficaces pour contrôler cette dermatose.
Le dapsone et l’excision chirurgicale des pavillons auriculaires sont à l’heure
actuelle les thérapies de choix.
6. Désordres de pigmentation :
Certains désordres pigmentaires résultent de la production d’anticorps ciblant
différentes composantes impliquées dans le processus de pigmentation. Parmi ces
désordres, notons le vitiligo et le syndrome uvéo-cutané canin.
a. Vitiligo : Le vitiligo est une dermatose acquise d’origine inconnue résultant
d’une destruction des mélanocytes (cellules responsables de la pigmentation de la
peau). Plusieurs hypothèses ont été émises afin d’expliquer cette destruction mais
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c’est l’hypothèse de la production d’anticorps ciblant différents éléments des
mélanocytes qui demeure privilégiée. D’ailleurs des anticorps dirigés contre les
mélanocytes ont été mis en évidence dans le sérum de chiens et de chats souffrant
de vitiligo. Le portrait clinique est plutôt simple, caractérisé par une
dépigmentation des poils (leucotrichie) et/ou de la peau (leucodermie) et des
muqueuses chez de jeunes adultes. Certaines régions du corps sont plus souvent
atteints telles que museau, truffe, les lèvres, la muqueuse orale, le visage, les
coussinets plantaires et les griffes. Certaines races présentent cette dermatose
plus fréquemment que d’autres suggérant, par le fait même, une composante
génétique (berger belge Gronendael, berger Allemand, Colley, rottweiler, chat
siamois, teckel, etc.). Aucun traitement efficace n’est rapporté. Ceci dit, cette
dermatose n’a généralement pas d’implication autre qu’esthétique.
b. Syndrome uvéo-cutané canin : Ce syndrome est rare et défini comme une
maladie idiopathique caractérisée par une uvéite granulomateuse (atteinte des
yeux) associée à une dépigmentation cutanée et/ou une dermatite ulcérocroûteuse. Chez l’humain, des anticorps dirigés contre la mélanine, les
gangliosides et les photorécepteurs ont été mis en évidence dans le syndrome de
Vogt-Koyanagi-Harada, un syndrome similaire à celui du chien. De plus, des
anticorps dirigés contre la rétine ont été mis en évidence chez le chien. Ces faits
suggèrent donc que la composante auto-immune aurait un rôle majeur dans
l’initiation et le cours de la maladie. Certaines races sont prédisposées à
développer ce syndrome : l’Akita, le chow chow, le samoyède et le husky
sibérien. La présentation clinique est caractérisée par une uvéite aigüe
accompagnée de dépigmentation cutanée. La dépigmentation touche
principalement le museau, les lèvres, les paupières et parfois les coussinets
plantaires, le scrotum, le prépuce, la région anale et le palais dur. Le diagnostic
repose sur l’histoire, l’examen physique et la prise de biopsies cutanées. Le
traitement de ce syndrome doit être rapide et agressif afin de minimiser les
risques de cécité. Il est important de ne pas se fier à la réponse cutanée pour juger
de l’évolution de la pathologie oculaire. En effet, il peut y avoir amélioration des
signes cutanés alors que la pathologie oculaire continue à se détériorer.
Conclusion
Seulement une parcelle de l’immunologie (et de la dermatologie!!) vous a été ici présentée. Bien
que cette discipline puisse paraître aride, elle est essentielle à la vie et permet de comprendre une
multitude de phénomènes biologiques. Le système immunitaire représente l’«armée» la plus
puissante, la plus complexe et la plus disciplinée. La compréhension de la dynamique entre les
«soldats» permet de mieux comprendre les maladies mais aussi de mieux cibler les thérapies
préventives (par exemple, les vaccins) et interventionnistes.
Malheureusement, ce système peut parfois faillir et donner lieu à des maladies dites autoimmunes ou à médiation immunitaires. Le système tégumentaire fait parti des systèmes pouvant
être touchés par les bévues du système immunitaire.
D’une façon générale, les dermatoses auto-immunes sont très rares, à l’exception du pemphigus
foliacé et du lupus érythémateux discoïde (ou cutané ou DFLIP). Ainsi, même si elles sont
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souvent énumérées dans la liste de diagnostics différentiels, elles récoltent rarement la palme!
L’approche diagnostic, dans la majorité des cas, implique non seulement l’évaluation du patient
dans son ensemble (anamnèse, examens physique et dermatologique, bilan sanguin et urologie)
mais également la prise de biopsies cutanées. Le site de biopsie privilégié sera toujours la lésion
primaire (pustule, vésicule, bulle, érythème). Cependant, si seulement des lésions secondaires
sont présentes, alors elles devront être choisies. Dans ces cas il sera d’autant plus important de
prendre plusieurs échantillons afin de maximiser les chances de trouver à l’examen
histopathologique des changements nous renseignant sur la dermatose présente. De plus, il est
rarement utile de prendre une biopsie au centre d’un ulcère : la périphérie sera plus évocatrice du
processus en cours. Finalement, l’approche thérapeutique peut varier grandement en fonction de
l’état général de l’animal et de la gravité des lésions. Parfois seulement un traitement topique sera
suffisant alors que certains patients requerront non seulement un traitement systémique mais
également des traitements de support.
En bref, l’immunologie est science en plein essor, éveillant des hypothèses des plus futuristes et
sans qui la médecine actuelle n’aurait pas encore attient le 21ième siècle !
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