Ils refont le marché
Transcription
Ils refont le marché
N° 1176 I SEMAINE DU 15 DÉCEMBRE 2014 SPÉCIAL 25Ilsans refont le marché Finance et accompagne les PME M & A, PRIVATE EQUITY : INTERVIEWS // PORTRAITS // FAITS MARQUANTS OFFRE EXCLUSIVE RÉSERVÉE AUX ABONNÉS Profitez d'accès supplémentaires à l'offre digitale pour seulement 250 € HT/ an (par accès) LE FIL ACTU • Les infos exclusives • Les deals en temps réel • Une sélection d’articles des Echos.fr • Les dernières nominations, etc. LA NEWSLETTER “LE 18H ACTU” L’HEBDO NUMÉRIQUE LA BASE DES DEALS Tous les jours, l’essentiel de l’actualité pour un tour d’horizon rapide et efficace du marché Dès le vendredi, une vision détaillée et analysée de l’ensemble du marché du corporate Finance Une base de données riche et complète : 20 000 opérations référencées depuis 2003 capitalfinance.lesechos.fr SERVICE ABONNEMENTS : @ // [email protected] T. // +33 (0)1 70 37 61 35 EDITO SOMMAIRE Le rétroviseur et le pare-brise 1 9 989 est une date charnière dans l’Histoire. Elle clôt le chapitre de la 4 EN VUE Exclusif : l’industrie du LBO adoubée par le gouvernement 5 DEALS CI 9 LE COIN DES LPS 11 DEALS FA N° 1176 I SEMAINE DU 15 DÉCEMBRE 2014 guerre froide : le 9 novembre, le Mur de Berlin s’écroule. Alors que les régimes SPÉCIAL communistes tombent comme des dominos, l’opinion publique assiste à l’avènement de la 25Ilsans refont le marché forme la plus aboutie du capitalisme : le private equity. Car 1989, c’est aussi l’année où Bryan Burrough et John Helyar publient Barbarians at the gate : The Fall of RJR Nabisco. La bible de DOSSIER 14 Finance et accompagne les PME M & A, PRIVATE EQUITY : INTERVIEWS // PORTRAITS // FAITS MARQUANTS toute une génération de yuppies qui découvrent (Rothschild & Cie) le dessous des cartes du LBO, à la faveur d’un deal de 25 Md$ piloté par KKR. Toutes les firmes de Wall Street sont déjà sur le pont. Un quart de siècle plus tard, elles ont bien changé (Merrill Lynch, Wasserstein Parella, Salomon Brothers, etc.) – à l’exception de Goldman Sachs et de Morgan Stanley. Quand le Congrès américain autorise le Trésor à mobiliser 700 Md$ pour perfuser le système financier, après la faillite 16 M & A et LBO : les faits marquants 20 Portrait : Zaoui & Co 21 Interview : François Henrot 34 22 Perspectives : Nicolas Dufourcq, René Ricol 23 Focus : Lazard, forteresse du M & A 24 Entrepreneur-Investisseur 26 Portrait : Jonathan Blake (KWM) 27 Stratégie : Darrois Villey, Bredin Prat 28 Interview : Dominique Senequier (Ardian) 29 Venture philanthropes, ces mécènes du XXIe siècle 30 Crible : LBO : ses vertus, ses limites 32 Tribune : Nicolas Véron (Bruegel) 33 Le mot du fondateur, Olivier Millet de Lehman Brothers, en septembre 2008, on a l’impression que les choses ne seront jamais plus comme avant. Pourtant, le M & A et le private equity continuent de façonner 34 À LA LOUPE l’économie partout dans le monde. Jamais, Le private equity, moteur de la création d’emplois depuis un quart de siècle, leur diffusion n’a été aussi large, des marchés les plus développés à ceux qui émergent. A l’occasion de ses vingt-cinq ans, Capital Finance (groupe Les Echos) a demandé aux 35 35 CARNET & NOMINATIONS vingt personnalités les plus emblématiques de ces industries de regarder dans le rétroviseur. Mais aussi et surtout à travers le pare-brise. Pour tracer la route et établir la future trajectoire du corporate finance. EMMANUELLE DUTEN SUIVEZ-NOUS SUR TWITTER ET LINKEDIN ! @capitalfinance Les Echos Capital Finance 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 3 EN VUE Exclusif : l’industrie du buy-out adoubée par le gouvernement PAR EMMANUELLE DUTEN Le décret portant réforme des fonds de prêts à l’économie devrait être publié avant Noël. Il rend éligibles les holdings de reprise de LBO à ce mode de financement. L e gouvernement a décidé d’aller plus loin pour accompagner le mouvement de désintermédiation. Le décret portant réforme des fonds de prêts à l’économie (FPE) – en l’occurrence certains fonds communs de titrisation et certains fonds d’investissement professionnels spécialisés – devrait être publié « avant Noël », d’après une source contactée à Bercy. Il est passé entre les fourches caudines du Conseil d’Etat, le 17 novembre. Loin de s’apparenter à un simple toilettage, ce texte apporte des innovations importantes, notamment pour l’univers du private equity. SPV d’infrastructures capturées « Jusqu’à présent, seules étaient éligibles aux FPE les sociétés opérationnelles, explique Florence Moulin, avocate associée du cabinet Jones Day. Le décret vise à rendre également éligibles les holdings dont l’objet exclusif est de financer, d’acquérir ou d’exploiter de l’infrastructure ou des équipements (NDLR, les SPV d’infrastructures) ainsi que les holdings financiers purs, soit typiquement les véhicules de reprise structurés lors des opérations de LBO. » Pour ainsi dire, le gouvernement s’apprête à adouber l’industrie française du capital-transmission… On est loin des déclarations tonitruantes du candidat François Hollande, en 2012, qui s’était Fonds de prêts à l’économie : 6 Md€ de levées au compteur D ’après l’Observatoire du financement des entreprises, créé en 2010 sous l’égide de Bercy, les fonds de prêts à l’économie (FPE) pèsent quelque 6 Md€. Sur cette enveloppe, pas moins de 1 Md€ est à mettre au crédit des fonds Novo 1 et Novo 2, créés autour de la CDC et de 18 compagnies d’assurances françaises. Lors des Assises du Financement et de l’Investissement, qui se sont tenues en septembre 2014, le dispositif Novi a aussi été mis sur pied : il vise à faciliter le financement des PME et des ETI innovantes et technologiques. Si les financements unitaires moyens apportés par Novo évoluent dans la zone des 30 M€, ceux qui ont été abondés par Novi se situent plutôt autour de la dizaine de millions d’euros. Dans la grande famille des FPE se côtoient donc les fonds Novo, mais aussi certains fonds communs de titrisation (FCT) et certains fonds d’investissement professionnels spécialisés (dont l’ancêtre n’est autre que le FCPR contractuel). Tous types de structures confondues, la taille moyenne des véhicules coiffés par le vocable FPE s’établit autour de 300 M€. // E.D. 4 // // 15 décembre 2014 // N° 1176 érigé contre les opérations à effet de levier. Il l’avait dit aux salariés de Still-Saxby : « Le législateur aura à revenir sur le LBO, de façon à le réserver exclusivement aux salariés et aux cadres d’une entreprise, et pas à des financiers qui viennent prendre la substance d’une entreprise et la vendre après. » Transversalité avec le non-coté Avec le décret, des ponts sont jetés entre le private equity dans son ensemble et les fonds de prêts à l’économie. Auparavant étanches, ces deux univers affichent plusieurs similitudes : investissement dans des PME non cotées, nature du deal, durée de vie des fonds, etc. A en croire certains observateurs, la réforme amènera des changements dans les sociétés de gestion. Certains parlent de rapprochement et de consolidation. En attendant, des partenariats se nouent déjà, à l’instance de celui qui a été scellé par Capzanine et Amiral Gestion, pour lancer Artemid. En octobre, ce FCT a signé un premier closing à 100 M€, grâce à l’apport de sept institutionnels, sur un objectif fi nal compris entre 200 et 300 M€. « L’idée est d’apporter aux ETI cotées et non cotées, dont le chiffre d’affaires est compris entre 100 et 500 M€, des financements pour des acquisitions ou des projets tels que des constructions d’usines ou la mise en place de réseaux de distribution, précisait alors Laurent Bénard, associé de Capzanine, à Capital Finance. Investir dans des LBO ne figure pas dans la stratégie du fonds. » Agissant sur un terrain de jeu désormais plus ouvert, les FPE devraient convaincre d’autres gérants de private equity. Elargissement aux mutuelles Par ailleurs, le texte entend étendre aux mutuelles et aux institutions de prévoyance la possibilité d’investir dans les fonds de prêts à l’économie dans des conditions attractives. Jusqu’à présent seules les compagnies d’assurances pouvaient le faire (elles étaient d’ailleurs 18 à s’être mises d’emblée le pied à l’étrier lors du lancement des fonds Novo, en juillet 2013). « Il ouvre aussi le dispositif aux actions reçues par conversion, échange ou remboursement d’obligations. Avant cela, le rachat de dette bancaire (NDLR, l’octroi de crédit bancaire étant soumis au monopole bancaire en vigueur en France) et l’émission d’obligations dites sèches étaient les seules opérations autorisées », ajoute Florence Moulin. DEALS CI BUILD-UP // Webhelp se renforce aux Pays-Bas S outenu par Charterhouse depuis son LBO ter, en 2011, l’opérateur de centres d’appels Webhelp poursuit sa politique de croissance externe ambitieuse. Après avoir récemment racheté FDI à Parquest Capital (cf. n° 1163), il met cette fois-ci la main sur R Systems Europe, un expert néerlandais de l’assistance technique qui officie dans les processus logistiques et la relation client. Via sa filiale locale, le français reprend l’intégralité du capital à l’indien R Systems International, un groupe d’une centaine de millions d’euros de revenus annuels, coté à Bombay. Le périmètre concerné regroupe près de 150 collaborateurs et dégage près de 7 M€ de chiffre d’affaires. Il viendra renforcer Webhelp Nederland – créé à la suite du rachat du concurrent SNT, en début d’année – qui enregistre déjà près de 100 M€ de facturations. A la troisième place du podium sur son marché européen, Webhelp a multiplié son chiffre d’affaires par trois en cinq ans, pour atteindre 490 M€ l’an passé. Il souhaite poursuivre ses acquisitions, notamment à l’étranger, sur la gestion de la relation client. Il envisage aussi de se diversifier vers des métiers connexes. // W.S. Services aux entreprises R Systems Europe CA : 7 M€ Localisation : Pays-Bas BUILD-UP // Groupe Pratique boucle sa sixième acquisition depuis 2009 L e Groupe Pratique vient de boucler sa sixième acquisition depuis 2009, date à laquelle il s’est émancipé de Telegate pour rejoindre le portefeuille de Newfund. Après avoir jeté son dévolu sur id2sorties.com, il y a deux mois (cf. n° 1169), il vient de mettre la main sur le site de bricolage BricoleurDuDimanche.com. En mobilisant ses fonds propres, il mène la reprise du fonds de commerce auprès de Logaweb, un éditeur de contenus Web souhaitant se recentrer sur le commerce électronique. Si son emplette génère un chiffre d’affaires embryonnaire (0,1 M€), elle n’en reste pas moins « une pépite », selon JeanLuc Pétorin, dg du Groupe Pratique. « Nous allons “réveiller” le site en utilisant notre savoirfaire de monétisation et en l’intégrant dans notre thématique Maison/travaux », explique-t-il. Groupe Pratique entend accélérer sa mutation digitale, à l’heure où son chiffre d’affaires de 6,5 M€ est encore en majorité dégagé par les activités « voix » (118 000). Mais celles-ci tendent à décroître naturellement pour laisser la place aux services Web (+ 30 % par an). C’est maintenant vers le segment de la santé que Groupe Pratique regarde des dossiers de croissance externe. Internet Actifs de Logaweb CA : 0,1 M€ Localisation : Ile-de-France // W.S. Conseils acquéreur : financier : Linkers (Nicolas du Rivau) ; juridique : MF2A (Romain Franzetti) NEW ! Les deals étrangers des fonds français LBO // Wendel s’apprête à racheter l’américain CSP Technologies Emballage CSP Technologies CA : > 100 M$ Localisation : Etats-Unis U n an après l’ouverture de son bureau à New York, Wendel est entré en négociations exclusives en vue d’acquérir CSP Technologies, un des leaders mondiaux du conditionnement plastique. Sur la base d’une offre ferme qui valorise sa cible 360 M$ (environ 290 M€), il prévoit d’investir près de 190 M$ en fonds propres pour s’emparer de 97 % du capital, aux côtés du management. En cas d’accord des autorités de la concurrence, Wendel mettrait la main sur une entité sise dans l’Alabama qui, avec ses 400 salariés (dont une centaine basés en France), prévoit de boucler l’année sur un chiffre d’affaires supérieur à 100 M$ et un free cash-flow d’environ 26 M$. Fondé en 1928, CSP Technologies est spécialisé dans les flacons en plastique dessicatifs de haute performance, utilisés notamment pour la conservation des bandelettes de test destinées aux diabétiques, mais aussi dans la fourniture de conditionnements à destination des industries pharmaceutique, alimentaire, laitière et de la vente au détail. Avec cette acquisition, Wendel signe son grand retour sur le marché américain, où il s’était emparé de Deutsch en 2006, avant de le revendre six ans plus tard. Après avoir misé près de 700 M€ en Afrique, il prévoit d’investir quelque 2 Md€ en Amérique du Nord et en Europe, entre 2013-2017. // A.B. 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 5 DEALS CI BUILD-UP // Européenne des Desserts avale son concurrent britannique The Handmade Cake Company S Agroalimentaire The Handmade Cake Company CA : 12 M£ (15 M€) Localisation : Royaume-Uni ous LBO secondaire avec Equistone Partners Europe depuis la fin de l’année dernière, Européenne des Desserts revient sur le front des build-up. Le fabricant de desserts surgelés vient de jeter son dévolu sur The Handmade Cake Company, un confrère britannique spécialisé dans la production de gâteaux confectionnés à la main, comme son nom l’indique. Pour financer cette croissance externe, l’acquéreur tire notamment sur une ligne de crédit accordée par le fonds qui était à l’origine de l’unitranche de son buy-out, en l’oc- currence Ardian. Européenne des Desserts profite de ce deal pour enrichir son offre, avec notamment des caramel shortcakes et des carrot cakes – des produits que son confrère distribue auprès de coffee shops, de grossistes britanniques et à l’export. Le pâtissier industriel tricolore absorbe ainsi un périmètre basé près de Londres et dont les ventes s’élèvent à 12 M£ (15 M€), générés par 143 collaborateurs. Européenne des Desserts s’était déjà doté d’un site outre-Manche avec l’acquisition de Speciality Desserts, en 2012. Il dispose également de quatre sites dans l’Hexagone. Pour 2015, il vise un chiffre d’affaires de plus de 150 M€, dont 25 M€ au Royaume-Uni. Au titre de son exercice 2014, le pâtissier industriel devrait totaliser environ 135 M€ de recettes consolidées. Travaillant tant pour la grande distribution que pour la restauration, il est actuellement à la tête d’un effectif composé de plus de 800 personnes. Il dispose aujourd’hui de plus de 1 500 références de produits (fonds de tarte, feuilles de génoise, tartelettes, etc.), essentiellement sous forme de MDD. // X.D. Conseils acquéreur : financier : McQueen (Garyth Stone, Jean-Christophe Kawaishi) ; due diligences : financière : PwC TS (Christophe Aronson, Martin Naquet-Radiguet, Aurélie Heckel), environnement : ERM, fiscale : Bishop Fleming ; juridiques : Roxburgh Milkins (Richard Hopkins), King & Wood Mallesons (Thomas Maitrejean, Benjamin Garçon) • Conseil juridique cédants : Raworths Solicitors (Simon Morris) DÉVELOPPEMENT // Recaero assure sa transmission générationnelle avec Pechel Industries, qui injecte 8,5 M€ R Défense Recaero CA : 40 M€ (2014 est.) Localisation : Midi-Pyrénées ecaero reconfigure son tour de table, sur fond de passage de témoin générationnel au sein de la famille fondatrice. Le fournisseur de pièces de rechange pour l’aéronautique voit ainsi Airbus, Multicroissance, Ixo Private Equity, ACE Management et l’Irdi céder leurs parts à Pechel Industries, pour un prix de 8,5 M€. Son fondateur, Thierr y Pobeau, transmet quant à lui ses parts et sa responsabilité de président à son fils Nicolas, désormais majoritaire. Recaero va ainsi accélérer son développement commercial à l’international, tant en accompagnant les besoins de ses clients existants (Airbus, Dassault, etc.) qu’en travaillant pour de nouveaux donneurs d’ordre. Fondé en 1992 pour répondre aux besoins d’Airbus dans le domaine de la fabrication rapide de pièces de rechange pour des programmes obsolètes, il devrait enregistrer près de 40 M€ de revenus cette année. // W.S. Pechel Industries : Philippe Renié, Marion de Bonneville, Pauline Eloy • Conseils investisseur : due diligences : financière : Grant Thornton (Marc Claverie, Alexis Lombry), fiscale : GT Société d’Avocats (Alexis Martin), opérationnelle : AlixPartners (Nicolas Beaugrand) ; juridique : King & Wood Mallesons (Christophe Digoy, David Diamant) • Conseils société : financier : DDA & Company (Didier Choix, Lionel Blache) ; juridique : Paul Hastings (Etienne Mathey, Guillaume Kellner, Charlotte Pennec) • Conseils juridiques cédants : Willkie Farr & Gallagher (Alexandra Bigot, Annette Péron, Brice Pommiès), Bruno & Associés (Stéphanie Cramaregeas) EN BREF //////// LFPI cède le fonds de commerce du Timhotel Gare du Nord. En plein arbitrage de son portefeuille immobilier, le gestionnaire d’actifs européen LFPI Gestion a trouvé un acheteur pour le fonds de commerce du Timhotel de Gare du Nord. C’est le groupe marseillais Maranatha-Finotel qui va s’adjuger ce périmètre de 76 chambres classé trois étoiles. Le cédant dit signer « une sortie permettant d’extérioriser une performance supérieure aux projections initiales ». Il se refuse cependant à toute précision supplémentaire sur l’opération. Son portefeuille d’hôtels est encore composé d’une soixantaine de biens, dont la grande majorité est située en France. L’acquéreur, pour sa part, s’offre ainsi un 45e hôtel pour son réseau. Selon nos informations, ce dernier totaliserait une soixantaine de millions d’euros de chiffre d’affaires. 6 // // 15 décembre 2014 // N° 1176 DEALS CI DÉVELOPPEMENT // Amundi PEF s’abreuve chez FrogPubs L es lignes bougent au capital de FrogPubs. Née en 1993, la chaîne tricolore de pubs à l’anglaise accueille en minoritaire Amundi Private Equity Funds, en lieu et place d’un autre fonds, Ciclad. L’enseigne entend ainsi donner un coup d’accélérateur à sa stratégie d’inauguration de nouvelles implantations, à raison de quatre ouvertures par an, à Paris et en province. Elle exploite actuellement dix bars et restaurants – ces derniers officient sous l’enseigne FrogBurger. FrogPubs a également comme particularité d’exploiter des microbrasseries dans chacune de ses implantations – ce qui lui permet de servir 1,5 million de pintes de bière chaque année. Elle a également mis en service une nouvelle unité de production située à Saint-Denis. Dès 2015, elle compte approvisionner avec ses « craft beers » des magasins spécialisés du type cavistes ou épiceries fines, tout en fournissant d’autres restaurants et des festivals. A la tête de 300 salariés, l’enseigne totalise 16 M€ de chiffre d’affaires. Hôtellerie-restauration FrogPubs CA : 16 M€ Localisation : Ile-de-France // X.D. Amundi Private Equity Funds : Claire Chabrier • Conseils investisseur : due diligences : financière : Oderis Consulting (Jean-Christian Raymond, Michel Banh), IP : Atem (Isabelle Camus) ; juridique : Lamartine Conseil (Fabien Mauvais, Gary Levy, Camille le Foyer de Costil) • Conseils société : financier : KPMG Corporate Finance (Julian Parsons, Nicolas Manceau, Clémence Aubert) ; juridique : Fairways (Pierre-Emmanuel de Fonteilles, Emmanuel Galifer) DÉVELOPPEMENT // Isatis revient dans Graitec en lui livrant 2,5 M€ G raitec relance sa croissance à l’international avec une enveloppe de 2,5 M€ fournie par Isatis Capital. L’éditeur de logiciels BIM (modélisation des données des bâtiments) accueille ainsi une nouvelle fois l’investisseur à son capital, après avoir enregistré sa sortie, il y a un an, à l’occasion d’un carve-out de l’une de ses activités au profit d’Autodesk. Depuis cette opération, il était principalement détenu par son président-fondateur, Francis Guillemard, accompagné de quelques managers, largement minoritaires. Ayant bouclé quatre opérations de croissance externe en douze mois, il anticipe un chiffre d’affaires de plus de 45 M€ pour cette année (en hausse de 36 %). Il vise 60 M€ de ventes pour 2015 – un objectif qu’il compte atteindre en menant des acquisitions ciblées à l’étranger pour renforcer son maillage géographique. Fondé en 1986, Graitec dispose déjà d’une dizaine de fi liales et de 25 agences à l’international, en Europe, en Amérique du Nord et en Asie-Pacifique. // W.S. Logiciels Graitec CA : 45 M€ (2014e) Localisation : Ile-de-France Isatis Capital : Bertrand Limoges, François-Xavier Lehman • Conseil juridique investisseur : Gide (David-James Sebag, Paul Jourdan-Nayrac) • Conseils société : VDD financière : EY TS (Emmanuel Picard, Renaud Regner) ; juridique : Fayout & Associés (Frédéric Fayout) P.I.P.E. // Novacyt prépare son expansion commerciale avec 3,09 M€ C oté sur Alternext, l’expert des diagnostics du cancer et des maladies infectieuses Novacyt rempile pour un nouveau tour. A la faveur d’un placement privé, il mène une augmentation de capital de 3,09 M€ auprès de nouveaux entrants, comme Alto Invest, mais aussi de quelques actionnaires historiques – qui comptent dans leurs rangs Arkeon Gestion ou bien encore Aurinvest. Avec cette dotation, Novacyt entend financer le lancement, prévu en 2015, de sa plateforme propriétaire en cytologie de nouvelle génération sur de nouveaux marchés. Sont notamment visés la Chine et l’Extrême-Orient. L’enveloppe lui permettra aussi d’accélérer le développement et la commercialisation de tests de diagnostic moléculaire pour les maladies infectieuses. Sur ce segment, Novacyt lance actuellement de nouveaux produits de diagnostic fongique. En 2013, il a accusé une perte nette de près de 1 M€, pour un chiffre d’affaires de 1,15 M€. Des fondamentaux amenés à gonfler très prochainement puisque, en plus de sa croissance interne, l’expert tricolore a procédé au rachat, il y a cinq mois, du spécialiste anglais du diagnostic Lab21. // A.B. Santé Novacyt CA : 1,15 M€ Localisation : Ile-de-France Alto Invest : Antoine Valdes • Conseils société : financiers : Allegra Finance, Oriel Securities ; juridique : Linklaters (Bertrand Sénéchal, Marc Petitier, Marie Gautier, Christophe Carrière) RETROUVEZ TOUS LES DEALS RÉCENTS SUR capitalfinance.lesechos.fr 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 7 DEALS CI BUILD-UP // Marietton prépare de nouveaux build-up S Tourisme Actifs d’Auchan CA : 30 M€ Localisation : Nord-Pas-de-Calais outenu par Edmond de Rot hschild Invest ment Par t ners depuis 2013, le voyagiste Marietton Investissements renoue avec la croissance externe, près d’un an après avoir racheté son confrère Ailleurs. Selon des informations parues dans la presse spécialisée, le voyagiste s’apprêterait à mettre la main sur l’activité de voyages d’Auchan – le closing serait prévu en janvier. Il reprendrait un périmètre doté de 30 M€ de revenus et d’une cinquantaine de salariés. En parallèle, Marietton Investissement va racheter le réseau Selectour Préférence – un ensemble composé d’une quinzaine d’agences basées dans l’ouest de la France et dégageant un peu moins de 10 M€ de chiffre d’affaires. Contactés par Capital Finance, le voyagiste et son actionnaire financier n’ont pas souhaité apporter de précisions à ce stade. Marietton Investissements aurait enregistré près de 250 M€ de revenus l’an passé, pour un résultat net légèrement supérieur à 4 M€, selon Le Dauphiné Libéré. Il vise 300 M€ de recettes 2014. // W.S. RISQUE // Happn séduit les fonds et récolte 8 M$ C Internet Happn CA : nc Localisation : Ile-de-France réé par Fabien Cohen, Didier Rappaport et Antony Cohen, Happn s’apprête à souffler sa première bougie. Un cap que cet éditeur d’applications de rencontres vient de franchir en empochant près de 8 M$ (6 M€) auprès des fonds Alven Capital et DN Capital, et de quelques business angels comme Fabrice Grinda (Zingy). D’un montant peu commun pour un premier tour, Happn a visible- ment séduit par le succès soudain de son application éponyme. Lancée en janvier sur Iphone et Android, cette dernière réunit d’ores et déjà plus d’un million d’utilisateurs. Son concept ? Celui de pouvoir entrer en contact avec une personne croisée dans la rue, comme le fait son concurrent américain Tinder. Happn se base sur les réseaux sociaux et la géolocalisation en temps réel pour connecter les individus en quête de rencontres. Avec cette augmentation de capital, l’éditeur prévoit de poursuivre son développement à l’international en renforçant significativement ses effectifs – de plus de 25, à l’heure actuelle. Déjà présent au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et aux Etats-Unis, il cherche actuellement à s’implanter en Australie. // A.B. Alven Capital : Jeremy Uzan • DN Capital : Nenad Marovac, Lawrence Barclay • Conseils juridiques : investisseurs : Jones Day (Charles Gavoty), Gide (Olivier Edwards) ; société : Brocard Avocats (François Brocard) DEALS CAPITAL-INVESTISSEMENT Opérations Montant total* (M€) Cible (pays) Sortie nc Actifs de Timhotel Build-up nc Build-up nc Actifs de Logaweb Build-up nc Build-up nc Actifs d’Auchan Développement Développement Développement P.i.p.e. Risque - 1er tour Secteur Hôtellerie restauration Services aux entreprises CA 2013 (M€) RN Equity 2013 Investisseurs (M€) (M€) Repris par Maranatha-Finotel. Sortie de LFPI Gestion Repris par Webhelp (soutenu par Charterhouse) Repris par Groupe Pratique (soutenu par Newfund) Repris par Européenne des Desserts (soutenu par Equistone Partners Europe) Repris par Marietton Investissements (soutenu par EdRIP) nc nc nc 7 nc nc 0,1 nc nc 12 M£ (15 M€) nc nc Tourisme 30 nc nc 8,5 Recaero Défense 40 nc 8,5 Pechel Industries 2,5 Graitec Logiciels 45 (2014e) nc 2,5 Isatis Capital 16 nc nc Santé 1,15 –1 Internet nc nc R Systems Europe (Pays-Bas) Internet The Handmade Cake Agroalimentaire Company (Royaume-Uni) nc FrogPubs (reclassement) 3,09 Novacyt 8 M$ Happn (6 M€) Hôtellerie restauration Amundi Private Equity Funds. Sortie de Ciclad 3,09 Alto Invest 8 M$ Alven Capital, DN Capital, (6 M€) personnes physiques Source : Capital Finance * Les montants indiqués pour les LBO/MBO/OBO correspondent à des valeurs d’entreprise 8 // // 15 décembre 2014 // N° 1176 Dette Banques senior LE COIN DES LPs Les LPs plébiscitent le non-coté malgré leur pessimisme sur la conjoncture FRANÇOIS AGUERRE COLLER CAPITAL Selon le baromètre Coller Capital, 39 % des pourvoyeurs de capitaux désirent accroître leur exposition au private equity dans l’année à venir. L e moins que l’on puisse dire, c’est que les LPs ne forment pas une population très optimiste sur les perspectives de croissance économique dans le monde. La dernière édition du baromètre Coller Capital vient le démontrer. Au total, 38 % d’entre eux jugent que la planète va connaître un nouveau retournement conjoncturel, dans les trois prochaines années. Beaucoup d’entre eux sont persuadés que l’Europe va être confrontée à la spirale de la déflation prochainement : c’est le cas de 48 % des investisseurs américains et de 43 % de leurs confrères d’AsiePacifique. « Ce pessimisme des LPs envers l’économie mondiale est plutôt contre-intuitif par rapport à un autre enseignement de notre étude : le private equity continue à susciter l’engouement des investisseurs », observe François Aguerre, partner chez Coller Capital. Effectivement, lors des douze mois à venir, 39 % des répondants annoncent leur intention d’accroître leur allocation au non-coté, qui tient donc très bien la comparaison par rapport aux hedge funds. Les pourvoyeurs de capitaux ne sont que 14 % à vouloir augmenter leur exposition à cette dernière classe d’actifs. PROPORTION DES LPS SOUHAITANT AUGMENTER OU DIMINUER LEUR ALLOCATION AUX PRINCIPALES CLASSES D’ACTIFS DANS LES DOUZE PROCHAINS MOIS Source : Coller Capital 45 % Augmentation Diminution 39 % 36 % 34 % 33 % 30 % 25 % 20 % 15 % 12 % 14 % 10 % 7% 7% 5% 0% Anticipations de rendements solides Les LPs sont 93 % à s’attendre à des TRI nets de plus de 11 % pour leur portefeuille de private equity, lors des trois à cinq prochaines années. Ils n’étaient que 81 % à anticiper de telles performances il y a deux ans. « L’amélioration des attentes de rentabilité de l’asset class est tirée essentiellement par les perspectives qu’offre le LBO nord-américain et européen », ajoute Coller Capital. Les commitments vont-ils, pour autant, affluer automatiquement dans les véhicules des GPs ? Non, évidemment. Car les investisseurs sont exigeants. Quatre LPs sur cinq pensent que l’amélioration des compétences opérationnelles des gérants aura un impact sur leurs retours, tandis que la moitié milite pour une plus forte spécialisation des sociétés de gestion. En parallèle, les bailleurs de fonds sont désireux d’accroître la part qu’ils consacrent aux investissements directs et/ou aux co-investissements, dans leur portefeuille de non-coté. Aujourd’hui, 32 % d’entre eux y consacrent entre 10 et 24 % de leur allocation à la classe d’actifs. Ils sont 41 % à vouloir la porter ou la maintenir dans cette proportion dans les cinq prochaines années. L’appétit croissant pour la dette 40 % 35 % Si le capital-investissement est bien placé pour drainer les capitaux des investisseurs, c’est largement parce qu’il offre des perspectives de rendements assez solides, dans son ensemble. Immobilier Hedge funds Private Equity Ensemble gestion alternative Autre enseignement de l’étude : les LPs sont 34 % à désirer « booster » leur exposition dans les instruments de dette, en 2015. Seuls 10 % penchent pour un mouvement inverse. Faut-il voir la montée en puissance d’une classe d’actifs directement concurrente au capital-investissement ? « L’engagement des LPs dans les produits de dette ne saurait se substituer à leurs apports dans le private equity, juge François Aguerre. Ces deux types d’investissements répondent à des logiques différentes. Les instruments de crédit permettent aux LPs – notamment les compagnies d’assurance-vie en France – de faire face à leurs objectifs minimum de versement de rendements cash. » // XAVIER DEMARLE 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 9 LE COIN DES LPs Né sous l’impulsion de WiSeed, ce FPCI à procédure allégée entend lever 30 M€. e conseiller en investissement s pa r t icipat i fs WiSeed et un gérant de fonds dont l’identité n’est pas dévoilée à ce stade lancent un fonds de co-investissement pour participer, aux côtés de personnes physiques, à des financements en equity crowdfunding. Baptisé WiFund, ce FPCI à procédure allégée vise Investissement Principes juridiques et fiscaux Préface de Gérard Rameix Président de l’AMF CITY&YORK ORK K Haute Finance 10 // L WiFund s’impose comme le premier fonds de « co-crowdfunding » une collecte de 30 M€ – « un objectif qui devrait être atteint avant l’été 2015 », selon la présidente de WiSeed, Stéphanie Savel. Pour ce faire, il se tournera vers des institutionnels aussi divers que des banques, des compagnies d’assurances, des mutuelles, mais aussi des grands corporates, moyennant une mise de 0,5 M€ au minimum. WiFund est appelé à placer des tickets unitaires supérieurs à un demi-million d’euros, via la plate-forme WiSeed. Il cible en particulier des entreprises européennes, majoritairement françaises, contribuant à la transition écologique et sociétale de l’économie, ou de la santé. Il devrait conclure son premier investissement une fois atteinte la barre de 10 M€ de levée. Il y a quelques jours, WiSeed aurait, en parallèle, fait l’objet d’une offre de rachat émanant de FinanceUtile et Happy Capital. Une information émanant d’un communiqué de presse publié par ce duo que Stéphanie Savel (actionnaire majoritaire) dément. « Aucune offre n’a été remise à ce jour. Et WiSeed n’est pas à vendre. » On ne saurait être plus clair. // WILLIAM SADRIN Par Florence Moulin et Daniel Schmidt, Avocats, Jones Day • Préface de Gérard Rameix, Président de l’AMF 3e édition Capital E ’année qui est en passe de se terminer aura été riche pour Tikehau IM. Dans le domaine de la private debt, le gérant a investi 220 M€ dans douze opérations. Parmi celles-ci, figurent les unitranches fournies pour les LBO d’Asmodée, de Maesa, ou pour la reprise de Salins du Midi par son management. Mais aussi les mezzanines engagées dans La Foir’Fouille, Alkan et CEME. A ce total s’ajoutent les 200 M€ investis dans dix entreprises pour le compte du fonds Novo 2 – ce qui représente 56 % de l’enveloppe confiée à Tikehau IM au titre de ce véhicule. Le gérant s’est aussi doté d’un nouveau FCT, baptisé Tikehau Corporate Leveraged Loan Fund, qui a la particularité d’être labellisé « fonds de prêt à l’économie ». Ce véhicule, qui a bouclé sa période de souscription le 30 septembre, à 230 M€, a déjà investi la moitié de ses engagements dans une vingtaine de transactions. A ce jour, Tikehau IM gère 1,9 Md€ dans la private debt. Une activité dans laquelle il est présent depuis 2007. // X.D. Les Fonds de Capital Investissement • Principes juridiques et fiscaux Florence Moulin Daniel Schmidt Les Fonds de Private debt : Tikehau IM gère près de 2 Md€ n 2010, Idinvest Partners quittait le giron de l’assureur Allianz pour s’adosser à Idi. De 2,5 Md€, ses fonds sous gestion ont bondi à 5 Md€, dont 1,5 Md€ dédié au growth capital. Un doublement qui s’est accompagné d’un renforcement de l’équipe, passée de 25 à 48 collaborateurs. 2014 été une année « fast » en matière de fund raisings : closing de Idinvest Secondary Fund II à 214 M€ et clôture d’Idinvest Dette Senior II à 400 M€. La récolte 2015 s’annonce bonne puisque le gérant prévoit d’achever les levées d’Idinvest Private Debt III, d’Idinvest Digital Fund II et d’Idinvest Private Value Europe II. Et de lancer la troisième génération de son fonds de dette senior, tout en maintenant ses collectes de FCPI. // A.B. CHRISTOPHE BAVIÈRE IDINVEST PARTNERS L Non-coté : Idinvest gère 5 Md€ 800 pages pour tout savoir sur les Fonds de Capital Investissement et répondre aux questions, des plus pratiques aux plus techniques, sur les aspects juridiques, regulatory et fiscaux des fonds. Seul ouvrage à jour de la Directive AIFM, il constitue un outil indispensable pour les acteurs qui s’intéressent au private equity et aux fonds alternatifs (immobilier, dettes, fonds de prêts à l’économie). En vente dans toutes les librairies à compter du 9 décembre 2014. Gualino/Lextenso éditions, décembre 2014 - 14,5 x 22 cm 800 pages - ISBN : 978-2-297-00582-1- 68 € // 15 décembre 2014 // N° 1176 DEALS FA LARGE CAP // Saint-Gobain débourse 2,3 Md€ pour s’emparer du holding de contrôle du suisse Sika L e leader mondial des matériaux de construction pour l’habitat Saint-Gobain vient d’officialiser son projet de rapprochement avec Sika, un confrère suisse fort de 4,3 Md€ de chiffre d’affaires. Dans cette optique, le français prévoit de débourser pas moins de 2,3 Md€ dans l’acquisition de Schenker Winkler, un holding détenant 16,1 % du capital et 52,4 % des droits de vote de son concurrent. Une transaction qu’il signerait auprès de la famille Burkard, qui descend elle-même du fondateur de l’industriel helvétique. Mais cette opération semble cepen- dant provoquer des remous au sein de Sika. En effet, le conseil de surveillance et la direction de ce dernier affirment ne pas avoir été mis au courant de ce projet et considèrent ce changement d’actionnaire comme hostile. Certains de leurs membres auraient même l’intention de démissionner, une fois la transaction effectuée. De son côté, le P-dg de Saint-Gobain, PierreAndré de Chalendar, s’est dit surpris de cette réaction, puisqu’il affi rme avoir discuté du projet industriel avec le CEO de Sika. Le français coté sur Eurolist A attend, pour sa part, 100 M€ de synergies dès la deuxième année, et 180 M€ à partir de 2019. Saint-Gobain a profité de cette annonce pour communiquer un autre mouvement stratégique de premier ordre : la mise en vente de sa filiale d’emballages en verre Verallia. Cette entité aux plus de 2,43 Md€ de revenus a déjà été délestée de ses activités nord-américaines, qui avaient été cédées à l’irlandais Ardagh, en avril 2014. Le français espère trouver un repreneur avant l’été 2015, soit près de quatre ans après l’échec de l’introduction en Bourse de Verallia. // W.S. Matériaux de construction Schenker Winkler Holding AG CA : nc Localisation : Suisse MID-CAP // Eurofins Scientific renforce son pôle de tests cliniques et ADN en signant un rachat aux Etats-Unis L ’appétit du leader mondial des tests de bioanalyses Eurofins Scientific pour la croissance externe ne semble visiblement pas prêt de s’épuiser. Après déjà plus de dix acquisitions pour l’année en cours, le groupe français inscrit sur Eurolist A met les bouchées doubles en cette fin d’année et annonce avoir signé un accord en vue de finaliser le rachat de son confrère Boston Heart Diagnostics Corporation, qui, comme son nom le suggère, est implanté outre-Atlantique. Il s’apprête ainsi à reprendre l’intégralité du capital de celui-ci au fonds de private equity Bain Capital, pour une valorisation totale supérieure à 140 M$ (115 M€). Il a d’ores et déjà prévu la possibilité de débourser un complément de prix d’au moins 60 M$ (50 M€). Ce faisant, Eurofins Scientific intégrera dans les mois qui viennent un périmètre représentant près de 95 M$ (78 M€) de chiffre d’affaires, pour l’exercice en cours. Spécialiste des diagnostics servant à identifier et à réduire le risque de maladies cardiovasculaires, Boston Heart Diagnostics est ainsi appelé à renforcer le pôle clinique/génomique du français, jusqu’ici principalement composé de Vira-Cor-IBT (racheté lors du dernier printemps). Pour rappel, Eurofins Scientific a enregistré l’an passé une progression de 17 % de ses recettes, qui se sont ainsi établies à 1,23 Md€. L’expert vise pour 2014 un chiffre d’affaires de l’ordre de 1,4 Md€ assorti d’un Ebitda de quelque 250 M€. L’an prochain, il a également pour objectif de dépasser la barre de 2 Md€ de recettes, ainsi qu’une marge brute d’exploitation supérieure à 20 %. // W.S. Services aux entreprises Boston Heart Diagnostics CA : 78 M€ Localisation : Etats-Unis Consultez capitalfinance au quotidien… • Les deals en continu • L’intégralité des nominations • Les faits marquants du marché • L’actualité du M & A vue par • Nouveau : la web TV de capitalfinance.lesechos.fr 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 11 DEALS FA SMALL CAP // Suez Environnement lance une joint-venture en Chine L Environnement Sichuan Sino French Water Environmental Services Company CA : nc Localisation : Chine a Chine continue à être un terrain de jeu privilégié par Suez Environnement. Le spécialiste de la gestion de l’eau et des déchets vient encore de le prouver, en s’engageant dans une joint-venture avec un acteur local du secteur, Sichuan Water Supply & Drainage. Baptisée Sichuan Sino French Water Environmental Services Company, cette nouvelle structure a hérité pour mission d’exploiter et de gérer des projets dans le domaine de l’eau dans les- quels son coactionnaire chinois a investi. Il s’agira notamment de projets en zone urbaine d’alimentation en eau, ainsi que de traitement d’eaux usées municipales et industrielles. Mais la collaboration entre Suez Environnement et Sichuan Water Supply & Drainage ne s’arrête pas là. En effet, le français a d’ores et déjà prévu d’apporter 13 M€ à une entité d’investissement évoluant dans le giron de son confrère et qui se prénomme Jinghuao Fund. Suez Environnement est présent au Sichuan depuis 2012, via une autre joint-venture, qu’il a fondée avec Sichuan Dayi Water Company Limited, pour la gestion de huit stations d’épuration en milieu rural. En 2013, il avait également pris une participation de 65 % au capital de Chongzhou Dayi Water Purification Company, qui traite les eaux usées municipales d’usagers résidentiels et industriels de la ville de Chongzhou. // X.D. SMALL CAP // Scor s’offre un deuxième éditeur indépendant A Edition Editions Belin CA : 28 M€ Localisation : Ile-de-France près avoir pris une participation majoritaire dans les Presses Universitaires de France (PUF), en début d’année (cf. n° 1135), Scor poursuit sa stratégie d’investissement dans le secteur en s’offrant Editions Belin. Le réassureur organise ainsi la sortie d’une quarantaine d’actionnaires, tous descendants de la famille Belin, au capital de ce spécialiste des livres scolaires fondé en 1777. C’est précisément via sa filiale de gestion d’actifs, Scor Global Investors, qu’il a procédé à cette acquisition, laissant présager que sa cible intégrera la division « capital-risque », où les PUF ont également été logées. A l’occasion de l’acquisition de cette dernière maison d’édition, le P-dg du réassureur, Denis Kessler, avait confié à LCI son souhait de sauvegarder ce patrimoine et de revitaliser les maisons d’édition indépendantes pour constituer un nouveau pôle au sein du groupe. Se plaçant à la quatrième place de son métier derrière Hachette, Editis et Albin Michel, avec une part de marché de 12 %, Editions Belin totalise quelque 28 M€ de revenus annuels. // W.S. Conseils acquéreur : financier : Gimar & Cie (François Lepetit, Jérôme Tardy) ; juridique : De Pardieu Brocas Maffei (Guillaume Touttée, Benoît Gomel) • Conseils cédants : financier : Arjil & Associés (Jean-François Court, Jean-Michel Paulhac, Pierre Moullade, Florent Obry) ; juridiques : BCTG & Associés (Nuno De Agala Boaventura, Gabriel d’Amécourt), Gatienne Brault & Associés (François Giné) SMALL CAP // Paris Turf reprend son concurrent Geny Infos au PMU L Médias Geny Infos CA : 10 M€ Localisation : Ile-de-France action justifie le bien-fondé de son Financement Bpifrance en fonds propres // P. 32 résout par un LBO le conflit Cas d’école DomusVi // P. 33 entre ses actionnaires son IPO sous le signe Stratégie Elior a placé du désendettement // P. 33 JEUDI 11 DÉCEMBRE LESECHOS.FR // TENDANCE // A l’heure e Pari Mutuel Urbain (PMU) est en passe de céder l’intégralité du capital de l’éditeur de presse hippique Geny Infos à son concurrent Paris Turf. Il permettra ainsi à ce dernier de renforcer encore un peu plus sa position de quasi-monopole, dans le secteur. Le PMU avait signé l’acquisition de Geny Infos en 2011. Il en aura porté l’effectif à 50 collaborateurs et son chiffre d’affaires à 10 M€, pour l’an passé. De son côté, Paris Turf est actuellement à la tête de quelque 200 salariés et de huit titres de presse quotidiens. Toujours en phase de transition numérique, ce dernier génère sur Internet « 150 millions de pages vues et près de 2,5 millions de visiteurs uniques par mois, selon son P-dg, Jacques-Henri Eyraud. Notre chiffre d’affaires hors presse écrite représentera alors 27 % de notre activité totale, après cette acquisition ». Le groupe table sur un chiffre d’affaires de 70 M€ cette année. // W.S. Conseils juridiques : acquéreur : Coblence & Associés (Ludovic Dorès, Marion Fabre) ; cédant : Scemla Loizon Veverka & 2014 « l’union des marchés européenne œuvre à de prêts à l’économie. où le président de la Commissionon bancaire en réformant les fonds accompagne la désintermédiati de Fontmichel (David Scemla, Louis Chenard) de capitaux », la France Legouvernementcontinue PME-ETI d’orienterl’épargneversles la posplusieurs nouveautés. Primo, dispositifs et les instiqui coiffent à la fois les dernier, un sibilité pour les mutuelles andans médiaire (ETI). En mars Novo1etNovo2,Novi(pourlefin tutions de prévoyance d’investir Fédération es), « L’Union rapport préparé par la attracticementdesPMEetETIinnovant que ment plus diversifiée. les FPE dans des conditions de titrisa« Parvenir à un la diversité bancaire française établissait compagnies certains fonds communs européenne doit accroître ves, alors que seules les des entreprient en dévelop36 % de l’endettement le faire jusmeilleur équilibre tion(FCT)etfondsd’investissem de son secteur financier, d’assurances pouvaient de l’appel au ,les des ses tricolores provient professionnels spécialisés. pantlesfinancementsparactions entre banques 2009. Face qu’à présent. Secundo, l’éligibilité portant marché, contre 30 % en subordonné, e 15 juillet 2014, Jean-Claude « Le 17 novembre, le décret de instruments de crédit actions reçues par conversion, de la à l’éconoet “non-banques”. » la titrisaigaà ce mouvement inéluctable Juncker, président réforme des fonds de prêts les marchés obligataires, a échangeouremboursementd’obl gouverned’Etat. financiers désintermédiation, le Commission européenne, la possibilité mie est passé devant le Conseil le 15 décemtion et les intermédiaires le fléchage tions, aux FPE. Tertio, d’une une tribune à paraître dans les Il ne s’agit ment s’est mobilisé pour dans des holannoncé le lancement Le texte devrait être publié Finance » spécialisés non bancaires. le financepour les FPE d’investir capitaux » bre dans « Capital Florence américain, de l’épargne longue vers type LBO. » « union des marchés de prochains jours », estime pas de copier le système dings financiers purs, de de Il a posé une (Groupe Les Echos). du cabiplutôt de ment des entreprises. de cette afin d’améliorer le financement de finanMoulin, avocate associée qui a bien des défauts, mais fin 2013, Avec le troisième pan notamde D’ici à 2018, les besoins équilibre première pierre à l’édifice l’industrie l’économie sur le continent, net Jones Day et coauteur implantées parvenir à un meilleur réforme, c’est donc toute des assurancette initiacement des entreprises capital-inen en réformant le Code (lire page ment des PME. Derrière Royaumel’ouvrage « Les Fonds de entre banques et “non-banques” fonds du capital-transmission de stabilidans la zone euro et au juridiques en mettant sur pied les et financiè»par ces principes réalités les miladoubée tive se dessine la volonté avec 3.500 vestissement, adéquation suivante)quisevoit« il travaille e édition est et de Uni devraient tutoyer les du Novo 2. Aujourd’hui, ser les marchés financiers et fiscaux », dont la 3 un chiffrage des res, économiques et politiques les pouvoirs publics. n ans liards d’euros, d’après « Il contient Nicolas d’arrache-pied à la réforme définirunéquilibremonétaired parue le 9 décembre. de notation Vieux Continent », estime (FPE), les secouseffectué par l’agence centre de fonds de prêts à l’économie la zone euro, pour éviter elle seule, la Véron, économiste au Standard & Poor’s. A connues à la Bruegel à ses que le continent a 1.500 milliards de réflexion européen capture France 2007-2008. au de invité suite de la crise milliards Bruxelles et chercheur devrait cette enveloppe, dont 800 Pour les entreprises, cela taille interPeterson Institute for International à une pour les entreprises de dans se traduire par un accès Economics à Washington, de financepalette d’instruments Emmanuelle Duten [email protected] L », de crédit nommé « Schuldschein proches aux caractéristiques assez del’« EuroPP ».Etlemodèlesemble puisque correctement s’exporter en près d’un tiers des émissions de « Schuldschein » proviennent voire sociétés non allemandes… dont 2012, il a permis à des sociétés tre françaises. Par souhait ou par miser sur lechiffred’affairesestcomprisen Pourquoi ne pas alors et ETI sde contrainte, les PME les pays 100millionset1,5milliardd’euro un outil similaire à tous d’euros à françaises se détournent lever près de 7 milliards européens ? L’idée commence Bercy. de plus en plus du système un récent d’encours fin 2013, d’après faire son chemin. Dans bancaire pour se financer. nt plus de œuvre sondage réunissa Un groupe de travail d’ETI Un marché grandissant rait 200 directeurs financiers pour l’harmonisation d’avocats Cetteannée,levolumetotalpour européennes, le cabinet et suivre une des pratiques et des a constaté au minimum doubler Europe. d’affaires Allen & Overy de près de documentations en préféannuelle croissance que 56 % d’entre eux estiment Un marché d’un mar15 milliards d’euros. rable le développement trouver sa Aroun Benhaddou placement grandissant qui pourrait ché paneuropéen du de [email protected] la problémaplace en dehors des frontières privé. Prise au sérieux, la société l’objet de tral’Hexagone. En août, déjà, protique fait actuellement Group Depuis la crise et l’application l’Internatiode droit espagnol Newrest vaux coordonnés par réglementapéLa gressive de la nouvelle HoldingSA,structuredetêtedus ent nal Capital Market Association. la restaurationbancaireBâleIII,lemouvem à puisqu’elle cialiste toulousain de France n’est pas en reste s’effectue à une de désintermédiation à avoir tion hors foyer, avait procédé cefigure comme la première de 40 millions marcheforcée.Laplacedesfinan de de l’harobligataire l’édifice à émission pierre sa apporté » ne cesse Euro PP » – En ments dits « alternatifs d’euros sous format « et des ETI monisation des pratiques. entité espacroître au sein des PME relative aux une première pour une le succès avril 2014, une charte de cet françaises. En témoigne lancée par gnole. Le développement « Euro PP » avait été PP » (« Euro made in enregistré par l’« Euro et Michel outil de financement Arnaud Montebourg un instrusoutenir Private Placement »), fournir un France doit néanmoins Sapin, dans le but de se déclinant au sein ment de financement une certaine concurrence, obligation, cadre standard au développement « Mittelsaussi bien en prêt qu’en même de l’Europe. Le de la pratique. n d’au moins pour des maturités tand »allemandaadoptéuncontrat printemps 5 ans. Créé en France au Lesplacementsprivés n poursuivent leurascensio 12 // NE MANQUEZ PAS le dossier spécial Financement PME – ETI préparé par la rédaction de capitalfinance et paru dans le quotidien Les Echos, en date du 11 décembre 2014. Pour le consulter : capitalfinance.lesechos.fr // 15 décembre 2014 // N° 1176 DEALS FA MID-CAP // L’aéroport Toulouse-Blagnac s’ouvre aux chinois L e cinquième aéroport de France n’est plus 100 % français. Du moins pour les 32 prochaines années. Pour 308 M€, l’Etat s’est séparé de 49,99 % (sur les 60 % qu’il détient) du capital de la société concessionnaire de l’aéroport Toulouse-Blagnac au profit du consortium Symbiose – qui réunit deux chinois, Shandong Hi-Speed Group et Friedmann Pacific Asset Management, ainsi que le groupe aéroportuaire canadien SNC-Lavalin. Grand vainqueur de cette concession courant jusqu’en 2046, le pool d’investis- seurs étrangers a éliminé les trois offres tricolores encore en lice : celui d’Aéroport de Paris, associé à Predica-Crédit Agricole, celui de Vinci, allié à EDF Invest et CDC Infrastructures, et celui du fonds Cube Infrastructure de Natixis. Qui plus est, Symbiose pourra potentiellement reprendre le contrôle de la société concessionnaire de l’aéroport puisqu’il bénéficie d’une option sur la participation de 10,01 % encore détenue par l’Etat français, à exercer dans les trois prochaines années. Le solde du capital reste en revanche entre les mains des collectivités locales et de la CCI de Toulouse. Le consortium gagnant a prévu de créer un « hub » à Toulouse pour dynamiser les liaisons avec la Chine. De nouvelles lignes aériennes vers Toulouse à partir de Pékin et Shanghai devraient voir le jour, avec l’objectif de porter le trafic de 7,5 millions de passagers par an à près de 18 millions, d’ici à 2030. L’an dernier, l’aéroport Toulouse-Blagnac avait enregistré un chiffre d’affaires de 113 M€, pour un résultat d’exploitation de 10,6 M€. // A.B. Transport Aéroport Toulouse-Blagnac CA : 113 M€ Localisation : Midi-Pyrénées Conseils cédant : financier : SG CIB ; VDD financière : Mazars (Laurent Inard, Pierre Tchertoff, Robin Lesage, Théophile Redaud) SMALL CAP // Centradis s’empare de son confrère Groupe Sterenn C entradis, la filiale de centrale d’achat du réseau européen de concessionnaires agricoles Promodis, s’offre Groupe Sterenn. En reprenant ce distributeur breton de matériels et de pièces agricoles auprès de ses actionnaires familiaux, il poursuit l’élargissement de son périmètre en vue de deve- nir le premier acteur indépendant du secteur. Les quelque 56 M€ de chiffre d’affaires complémentaire apportés par Groupe Sterenn lui permettent de totaliser plus de 163 M€ de revenus pro forma 2013. Centradis réalise actuellement 9 % de son chiffre d’affaires à l’étranger – contre un peu plus de 5 % pour sa cible. Il cherche à devenir un acteur plus européen, en capitalisant sur ses activités commerciales en Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie et en Suisse. Mais il refuse de préciser à quel rythme il compte se développer sur le Vieux Continent. // W.S. Machines-outils Groupe Sterenn CA : 56 M€ Localisation : Bretagne Conseil juridique acquéreur : Aramis (Raphael Mellerio) • Conseils cédants : financier : Transaction R (Benoit O’Mahony, Julien Lestrade, Vincent Mezière) ; juridique : Archers (Marc Baffreau, Delphine D’Aspe) DEALS FUSIONS-ACQUISITIONS Opération VE Cible (M€) (pays) Acquisition Schenker Winkler Holding 2 300 (100 %) (Suisse) Acquisition Boston Heart Diagnostics nc (100 %) (Etats-Unis ) Sichuan Sino French Water Acquisition nc Environmental Services (nc) Company (Chine) Secteur Matériaux de construction Services aux entreprises CA RN Acquéreur 2013 2013 (pays) (M€) (M€) Conseil acquéreur Cédant financier (pays) (audit/juridique) nc nc Saint-Gobain nc 78 nc Eurofins Scientific nc Environnement nc nc Suez Environnement nc Gimar & Cie (/De Pardieu Broccas Maffei) (/Coblence & Associés) Conseil cédant financier (audit/juridique) Personnes nc physiques Bain Capital nc (Etats-Unis) Sichuan Water Supply & nc Drainage (Chine) Arjil & Associés (/BCTG Personnes & Associés, Gatienne physiques Brault & Associés ) (/Scemla Loizon Veverka PMU & de Fontmichel) Acquisition (100 %) nc Editions Belin Edition 28 nc Scor Acquisition (100 %) nc Geny Infos Médias 10 nc Paris Turf Agence des Participations de l’Etat SG CIB (Mazars) Personnes physiques Transaction R (/Archers) 380 Acquisition Aéroport Toulouse(equity (49,9 %) Blagnac 49,9 %) Transports 113 Shandong Hi-Speed Group (Chine), Friedmann nc Pacific Asset Management nc (Chine), SNC-Lavalin (Canada) Acquisition (100 %) Machines-outils 56 nc Centradis nc Groupe Sterenn (/Aramis) Source : Capital Finance 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 13 SPÉCIAL // 25 ans 14 // // 15 décembre 2014 // N° 1176 Ils refont le marché 15 décembre 2014 // N° 1176 // 25 ans SPÉCIAL Chacun à leur manière, ils ont façonné le M & A et le private equity français. Deux industries qu’ils continuent d’incarner et qu’ils regardent aujourd’hui pour Capital Finance avec distance et esprit critique. // 15 25 ans Le chiffre CHRONO M&A 55 LE M & A TRICOLORE RESTE EMBRYONNAIRE. Les décideurs pansent les plaies du krach boursier de 1987 (« Black Monday ») et de la récession de 1993 MILLIARDS D'EUROS Début des « grandes manœuvres » DR C’est le montant de la fusion entre les « big pharma » Sanofi et Aventis 53 RAID D’ALCAN SUR PÉCHINEY. L’ensemble sera absorbé quatre ans plus tard par Rio Tinto NAISSANCE DE VIVENDI UNIVERSAL : L'Empire présidé par Jean-Marie Messier devient un groupe de médias, à la suite du contrôle de Pathé (1999) et de la fusion avec Seagram (maison-mère de Universal Music Group et des studios Universal). MILLIARDS D'EUROS Fusions Elf - Aquitaine 15 MILLIARDS D'EUROS Carrefour-Promodes 26 MITTAL Le cours de Bourse de Pechiney 80 En euros, à Paris 54,65 70 lance une OPE de 18 Md€ sur Arcelor. L’héritier de Creusot Loire passe sous contrôle néerlandais 60 50 40 MILLIARDS D'EUROS Hoechst - Rhône Poulenc 1989 SHUTTERSTOCK SPÉCIAL DOSSIER juil. 99 2000 mars « LES ÉCHOS » / SOURCE : BLOOMBERG 1999 2000 2003 2004 M & A : les faits marquants Des premières privatisations à la fusion GDF-Suez (le plus gros deal de ce quart de siècle), les « grandes manœuvres » se sont souvent conduites en France sous le haut patronage du politique. 16 // E n France, l’histoire du M & A s’est largement écrite avec l’histoire politique. Sans doute plus que dans n’importe quelle autre économie développée. Il y a vingt-cinq ans, la France sort exsangue d’une politique économique articulée autour de l’axiome du « stop and go ». L’accession au pouvoir du parti socialiste, en 1981, se traduit par une vague de nationalisations sans précédent : près de 45 groupes industriels et financiers passent sous contrôle étatique. Cinq banques sont purement et simplement nationalisées, dont Suez et le Crédit Lyonnais. En 1986, le pays // 15 décembre 2014 // N° 1176 expérimente sa première cohabitation : il fait marche arrière et privatise à tout-va. En 1988, François Mitterrand est réélu président de la République : c’est l’ère du « ni-ni » (ni nationalisation, ni privatisation). « Black Monday » Le vrai marché des opérations sur le capital – le marché purement privé, celui du M & A, pas celui impulsé par l’Etat – n’en est qu’à ses balbutiements. Les décideurs économiques sont pétrifiés. Moins d’ailleurs par la girouette de la politique industrielle française que par ce qui se passe aux Etats-Unis. Sous la pression de la remontée des taux d’intérêt à long terme, l’indice Dow Jones de la Bourse de New York dévisse de 23 % (la deuxième baisse la plus importante jamais enregistrée après celle de la Bourse islandaise, en 2008) : le 19 octobre 1987 deviendra « Black Monday » dans l’imaginaire collectif. Il faut attendre plusieurs années pour que s’effacent les stigmates de ce « krach ». Aux Etats-Unis, on dénombre moins de 7 000 opérations de M & A en 1989 (et encore, les statistiques ne sont ni faciles à trouver ni très fiables, semblet-il). C’est une décennie plus tard FUSION UNIBAIL RODAMCO (14 Md€) LA BIBLE : « TOO BIG TO FAIL ». pour créer le leader européen de l'immobilier commercial FAILLITE DE LEHMAN BROTHERS Depuis plusieurs FUSION GDF SUEZ : La capitalisation de l’entité combinée s’élève alors à 92 Md€ semaines, Lehman Brothers recherche des partenaires : Bank of America, Korea Development Bank et Barclays jettent finalement l’éponge. Le 15 septembre, l’une des banques les plus prestigieuses de Wall Street dépose le bilan, sous le poids de 613 Md$ de dettes. Sans l’aide du Trésor Américain, qui ne veut soi-disant pas répéter l’exercice de la main tendue à Bear Stearns. Et pourtant, c’est aussi le 15 septembre qu’il organise le bail-out d’AIG. Andrew Ross Sorkin (New-York Times) publie le dessous des cartes de la faillite du système bancaire américain. Et les ressorts des plans de sauvetage organisés par le Trésor américain JEAN-CLAUDE TRICHET La date 23 quitte la présidence de la Banque Centrale Européenne SHUTTERSTOCK DOSSIER JANVIER Maurice Lévy et John Wren posent à Davos les bases de l’union entre Publicis et Omnicom, finalement avortée en 2014 FUSION LAFARGE HOLCIM (29 Md€). Le siège social de Lafarge est transféré en Suisse 15 sept. : journée noire à la Bourse Footsie SE Dow Jones – 3,92 % CAC 40 – 4,42 % – 3,78 % 2006 2008 que les verrous sautent. En 1998, National Bank acquiert Bank of America (laquelle sauvera Merrill Lynch dix ans plus tard, dans le sillage de la faillite de Lehman Brothers) pour 62 Md$, et Exxon Corporation s’arroge Mobil Oil (80 Md$). La machine ne s’arrêtera plus jamais vraiment aux Etats-Unis, malgré les secousses créées par l’éclatement de la bulle Internet et la crise financière de 2007-2008 accélérée par la faillite de Lehman Brothers. 1999, le tournant En France, c’est 1999 qui met le feu aux poudres du M & A. C’est le millésime le plus ancien qui entre au panthéon des vingt plus grosses opérations de ce quart de siècle. C’est cette année-là que se noue la fusion Elf Aquitaine-Total (53 Md€), dans laquelle les AFP « LES ÉCHOS » / SOURCE : BLOOMBERG 2009 frères Zaoui sont d’ailleurs à la manœuvre dans leur maison respective (lire, portrait, p. 20), le mariage entre Carrefour et Promodes (15 Md€), et l’acquisition de l’allemand Hoechst par Rhône-Poulenc (26 Md€) – au même moment d’ailleurs l’américain Pfizer s’adjuge Warner-Lambert (80 Md$). La France continuera de prendre part à la consolidation des « big pharma », avec la fusion entre Sanofi et Aventis (55 Md€), en 2004, qui reste, selon Thomson Reuters, la deuxième plus grosse opération de M & A corporate impliquant une contrepartie française au cours du siècle écoulé. Celle qui trône sur la première marche du podium ? La fusion entre Suez et GDF (capitalisation de l’entité combinée à 92 Md€). « Heureux, enfin, après deux ans et demi 2011 d’efforts ! » C’est ainsi que la naissance de GDF Suez avait été acclamée par Gérard Mestrallet, P-dg du nouvel ensemble, à la cérémonie de cotation de Suez Environnement Company, à l’été 2008. L’origine du projet remontait au 25 février 2006, date à laquelle Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli – à la tête de Gaz de France (GDF) – annonçaient leur intention de convoler en justes noces. Un mariage de circonstance qui a permis à la utility company tricolore d’échapper aux griffes de son rival italien Enel. En septembre 2007, les modalités du rapprochement avaient été ajustées, à la suite d’un écartement de la parité initiale et de la volonté gouvernementale de créer un leader de l’énergie – ce qui avait entraîné la décision de 2014 détourer le pôle environnement en procédant par voie de scission. Bon nombre de « grandes manœuvres » intervenues depuis une dizaine d’années continuent de résonner sur la physionomie d’un certain nombre de secteurs. C’est le cas des télécoms, au sens large (on a du mal à croire que la fusion Orange – France Télécom ne remonte qu’à 2000 et que le mariage entre Alcatel et Lucent n’a été consommé qu’en 2006 pour 12 Md€). C’est aussi le cas des médias et de l’entertainment, qui se construisent encore sur les ruines de « l’empire Vivendi ». Un empire construit à marche forcée comme la plus grande « deal machine » de France. // EMMANUELLE DUTEN N.B. Les données chiffrées ont été fournies par Thomson Reuters 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 17 25 ans DOSSIER LBO RECORD CHRONO LBO KKR et Wendel orchestrent un LBO de 4,9 Md€ sur Legrand LE LBO FRANÇAIS SPÉCIAL en est encore à ses premiers pas, avec quelques deals emblématiques: Panzani, Elis, Générale de Santé, Ipsen, etc. P-TO-P Eurazeo, Clayton Dubilier & Rice et Merrill Lynch CP signent le P-to-P de Rexel. BARCLAYS PRIVATE EQUITY conduit le spin-out d’Alstom Power Conversion pour une valeur comprise entre 110 et 130 M€. Il cédera cet actif, rebaptisé entre temps Converteam, à GE, pour 3,7 Md$ en 2011. 1E VAGUE DE SPIN-OFF : Cegelec, Antargaz, Materis, TDF CVC CAPITAL PARTNERS PERMIRA signe le 1er LBO majoritaire de plus de 1 Md€, sur BSN Glasspack 1989 1999 2001 lève le premier fonds européen de plus de 5 Md€ 2002 2003 Guillaume Jacqueau 2004 2005 LBO : les faits marquants Entre 1999 et 2008, l’industrie tricolore du buyout enchaînera les records. Si la crise n’a pas été facile à digérer, elle lui a offert le moyen de repartir du bon pied. 18 // C omme Rome, la France du LBO ne s’est pas construite en un jour. Pour devenir l’une des industries les plus matures du buy-out européen, il lui a fallu passer par des phases de croissance, d’euphorie et de doutes. Au milieu des années 1990, les fonds de LBO cherchent leur place dans l’économie française. Leur activité est alors bien modeste : la valeur totale des transactions plafonne encore à 1,4 Md€ en 1996, selon le CMBOR. Mais la montée en puissance ne se fait pas attendre. Des fonds d’origine étrangère font irruption dans l’Hexagone. En 1997, BC Partners orchestre le premier LBO du blanchisseur Elis. La même année, // 15 décembre 2014 // N° 1176 Cinven valorisera Générale de Santé près de 500 M€. Mais c’est CVC Capital Partners qui va faire entrer le buy-out tricolore dans une nouvelle dimension, en 1999, en prenant le contrôle de BSN Glasspack, filiale de Danone. Une transaction qui restera dans l’histoire comme le premier buy-out français de plus de 1 Md€. Le bal des spin-off Commence alors la véritable expansion des fonds de LBO en France. Au tournant des années 2000, les sponsors se lancent à l’affût des opportunités de spinoff. L’éclatement de la bulle Internet nourrira leurs ambitions. « La déprime durable des mar- chés financiers et la volonté des industriels de mettre de l’ordre dans leur portefeuille pour stimuler leur cours de Bourse offrent aux fonds des dossiers de grande taille », écrivait Capital Finance, en 2001. En parallèle, quelques grandes opérations de M & A de la période déboucheront sur des ventes de filiales, incitées par l’anti-trust. C’est l’ère où Alstom se sépare de ce qui deviendra Cegelec, au profit du tandem CDC Equity Capital-Charterhouse. Même démarche chez TotalFinaGaz, qui cédera Antargaz à PAI Partners. Mais aussi chez Lafarge, qui cédera le contrôle de Materis à CVC Capital Partners, à Advent International et à Carlyle. DOSSIER LE MARCHÉ RENOUE PAGES S JAUNES S s’allie à KKR R et à Goldmann Sachs PE pour 6,1 Md€, sooit le plus important t t buy-out tricolore à date . En 2013, les actionnaires et les créanciers se retrouvent autour de la table pour mener une restructuration financière. VAGUE DE RESTRUCTURATIONS avec les deals de plus de 1 Md€ avec le 4e LBO de Picard Surgelés. Trois ans plus tard, le distributeur sera victime du scandale de la viande de cheval. Ce vian « horsegate » le contraindra à reconstituer sa gamme de produits à base de bœuf français. 2E LBO DE SPIE (2,1 Md€). PAI Partners passe le relais à Clayton Dubilier & Rice, Axa Private Equity et CDPQ. C’est la transaction la plus importante depuis la faillite de Lehman Brothers. Gauthier Louette LES FONDS « dynamitent » le middle market. Une dizaine de buy-out d’une valeur unitaire supérieure à 600 M€ voient le jour. Pour son LBO de quatrième génération (1,6 Md€), Ceva Santé Animale fait entrer des investisseurs asiatiques à son tour de table : le fonds souverain Temasek et le gestionnaire d’actifs chinois CDH Investments. causées par la crise : Monier, SGD, CPI, Terreal, etc. Le chiffre 34 Marc Prikazsky MILLIARDS D'EUROS C’est le plus gros montant annuel cumulé de LBO jamais enregistrés en France 2006 2009 Ou encore chez France Telecom, qui sortira de TDF, également auprès de Charterhouse et de CDC Equity Capital. Même si les attentats du 11 septembre 2001 ont freiné les ardeurs des prêteurs, les sponsors sont armés pour partir à l’achat. Les fund raisings vont crescendo. Le cap de 5 Md€ est franchi par Permira, en 2003, pour la première fois en Europe. C’est également en 2002 que les GPs démontrent leur puissance de feu. KKR et Wendel reprennent alors Legrand à Schneider Electric pour une valeur de 4,9 Md€. Un buy-out qui montre que le rapport de forces s’établit au profit des fonds, puisque le cédant essuiera une moins-value de 2 Md€ ! Dès lors, les investisseurs iront de plus en plus haut. Les jumbo-deals s’enchaînent. A titre d’exemple, Eurazeo, Clayton Dubilier & Rice et Merrill Lynch PE valorisent Rexel 3,7 Md€ pour 2010 son P-to-P, en 2004. Au passage, ils structurent un financement estimé à 7 fois l’Ebitda du distributeur – annonçant les leviers des années 2006-2007. Industrie « insensée » ? L’industrie du LBO commence à inquiéter. En 2006, Claude Bébéar critique les opérations « insensées » des fonds de private equity et appelle à une régulation accrue du secteur. Le patron de Schneider Electric, Henri Lachmann, est plus virulent. « Les LBO sont des détournements de richesses au profit des banquiers, des investisseurs et des managers », tempête-t-il. Se propagent des rumeurs d’offres de fonds sur des groupes du CAC 40, comme Lafarge, Saint-Gobain et… Schneider Electric. Cette hypothèse n’est plus exclue, d’autant que les GPs ont décroché un nouveau record, avec le buy-out de 6,1 Md€ mené 2011 par KKR et Goldman Sachs PE sur PagesJaunes, en 2006. La dette représente plus de 80 % du financement total. Cette année-là – qui est aussi celle du LBO bis de Vivarte par Charterhouse (3,5 Md€) – sera le plus important millésime signé à ce jour par les fonds, avec 34 Md€ de deals, d’après le CMBOR. Pénurie d’endettement Mais la faillite de Lehman Brothers stoppe net l’ascension de l’industrie du LBO en France, comme ailleurs dans le monde. Les possibilités de syndication étant extrêmement limitées pour les prêteurs senior, la dette devient rare. Résultat, les chiffres du marché retombent abruptement, avec seulement 1,9 Md€ de deals en 2009. Les restructurations financières se succèdent. Monier et CPI échoient dans les mains de leurs créanciers. D’autres sociétés sont 2014 reprises par des fonds de situations spéciales, à l’instar de SGD, qui se tourne vers Oaktree. Le temps est venu pour les sponsors de tirer les leçons de leurs écueils afin de repartir à l’assaut de nouvelles cibles. Avec le quatrième LBO de Picard Surgelés, en 2010, Lion Capital est l’auteur de la première transaction de plus de 1 Md€ de l’après-crise. L’endettement dépasse alors rarement plus de 50 % de la valeur des opérations et le coût du crédit est plus élevé. Mais, pour pallier la prudence des banques, les solutions de financement se multiplient, entre le highyield et les fonds de dette. Une aubaine pour les gérants de LBO, qui ont signé massivement leur retour dans le upper mid-cap, en 2014 – jusqu’à mettre en place des financements représentant 7 fois l’Ebitda des cibles. A condition de ne pas répéter les mêmes erreurs que dans le passé. // XAVIER DEMARLE 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 19 25 ans SPÉCIAL PORTRAIT « Le conseil en M & A, c’est la négation de la monotonie » Depuis près de trente ans, les frères Zaoui sont les rainmakers et les dealmakers de la planète M & A. Retour sur deux parcours hors du commun. L a notoriété, le pouvoir, l’argent. Ce sont des « by-products », des à-côtés qui viennent avec le temps et se conquièrent à la force du poignet. Mais ce ne sont pas les ressorts du parcours exceptionnel de Michael et Yoël Zaoui, deux stars mondiales du M & A. « Dès le début de ma carrière à Wall Street, j’ai su ce à quoi je voulais œuvrer : les grandes opérations stratégiques. Aucun autre métier de la finance ne m’intéressait autant », explique Michael Zaoui, ancien co-head of European Mergers and Acquisitions chez Morgan Stanley, où il est entré à New York, en 1986, et qu’il a quitté en juin 2008. L’année dernière, il s’allie avec son frère Yoël, l’un des poids lourds de Goldman Sachs (co-head of global M & A ; premier banquier d’affaires européen à accéder au management committee), qui a tiré sa révérence en 2012. Zaoui & Co voit alors le jour à Londres. d’importer en Europe une stratégie de défense jusqu’alors méconnue de ce côté-ci de l’Atlantique, le Pac-Man. Mais ils ont aussi passé pas mal de temps à conseiller des parties adverses, comme sur Alcan-Pechiney (2003) et Arcelor-Mittal (2006). « Pour nos clients respectifs, nous mobiliser chacun de part et d’autre était un élément positif. L’opération ne risquait pas d’achopper par manque de compréhension… », estime Michael Zaoui. Comprendre : entre les deux frères, un rapport sans fioritures, « to the point », qui facilite les négociations et bannit le « non-dit ». Aujourd’hui sous la même bannière, ils font levier sur la confiance absolue et les mêmes valeurs qui les unissent. Mais ne leur dites pas qu’ils fonctionnent comme des jumeaux (d’ailleurs quatre petites années les séparent) ! Ils aiment plutôt à dire que quand l’un commence une phrase, l’autre la finit en ajoutant sa touche personnelle. Déjà 110 Md$ de deals en 2014 YOËL ZAOUI ZAOUI & CO MICHAEL ZAOUI ZAOUI & CO Son parcours Son parcours Yoël Zaoui (HEC, DEA finance Paris-IX, MBA Stanford) est membre du comité consultatif de l’université de Stanford et du Cercle des Grands Donateurs de la Fondation HEC. 20 // Michael Zaoui (IEP-Paris, doctorat droit Paris-I, MBA Harvard, London School of Economics) a été nommé Conseiller du commerce extérieur de la France au Royaume-Uni. Il est membre du board of dean’s advisors de la Harvard Business School (dont il a fondé the European Council). Il est aussi gouverneur du Southbank Center (Royal Festival Hall et Hayward Gallery) et membre du conseil de la Serpentine Gallery à Londres. // 15 décembre 2014 // N° 1176 Entourés de cinq jeunes banquiers dans leur « boutique » de Mayfair, les deux frères ont déjà accroché plus de 110 Md$ de deals à leur tableau de chasse 2014 : conseil de la famille Bettencourt Meyers sur le rachat par L’Oréal des 8 % détenus par Nestlé (6,5 Md€), conseil de FFP/EPF sur l’augmentation de capital de PSA et l’entrée de Dong Feng (3,8 Md€), conseil de Lafarge sur la fusion avec Holcim (40 Md€), conseil de GlaxoSmithKline sur le deal tripartite négocié avec Novartis (54 Md$), conseil du holding de Robert Zolade pour l’IPO d’Elior (845 M$), conseil de Dresser-Rand sur la vente à Siemens (7,6 Md$), etc. Travailler côte à côte pour le même client, les Zaoui l’ont évidemment fait dans leur ancienne vie professionnelle. Sur Sanofi-Aventis (2004) ou sur Elf-Total (1999), un deal qui leur permettra Un perpétuel renouvellement Qu’est-ce qui les fait (encore) courir ? « Un deal ne ressemble jamais à un autre. Les circonstances ne sont jamais les mêmes. Les parties en présence ne fonctionnent jamais pareil. Le conseil en M & A, c’est la négation de la monotonie. Et la nécessité de se renouveler sans cesse », estime Michael Zaoui. Ces soldats ne sont pas près d’enterrer la hache de guerre. Un peu comme leurs « role models », cette poignée de grands banquiers d’affaires qu’ils ont admirés dans les années 1980 et qui ont eu la peau dure. « Le métier s’apprend de trois façons : faire beaucoup de transactions (expérience), être assez tôt en charge d’un deal (responsabilité) et observer les grands en action (exemplarité). Mais il n’y a pas un style unique ni un modèle façonné de bons banquiers d’affaires », conclut-il. // EMMANUELLE DUTEN INTERVIEW Photo : © Bruno Klein « Le pessimisme doit rester la qualité première du banquier d’affaires » FRANÇOIS HENROT ROTHSCHILD & CIE C.F. : Les conseils en M & A ont-ils une part de responsabilité dans la crise qui a débuté à la fin des années 2000 ? F.H. : La responsabilité première de la crise financière incombe, sans discussion possible, aux banques de marché et, en particulier, aux banques américaines. Ces dernières ont fabriqué et vendu dans le monde entier des véhicules de titrisation dissimulant, sous leur complexité extrême et leur trop bonne notation, des sous-jacents de très mauvaise qualité produits par des banques de financement qui avaient oublié leurs disciplines de risque. Mais les banquiers d’affaires ne peuvent s’exonérer de toute responsabilité dans cette crise, car ils ont collectivement manqué de lucidité et n’ont pas su éviter certaines dérives. Pourtant, je pense que les banquiers auraient pu, s’ils avaient fait preuve d’un peu plus de lucidité et d’humilité, éviter de devenir durablement et globalement l’une des professions les plus détestées par l’opinion publique et, de ce fait, les plus ciblées par les pouvoirs publics et par les régulateurs… En tout cas en Europe. Car aux Etats-Unis, le système bancaire a été massivement aidé, puis lourdement sanctionné – mais il a très vite reconstitué ses forces avec le plein soutien des autorités. sur un usage immodéré de l’effet de levier, nourri par la surabondance de liquidités créée par la politique de la Fed. D’où une bulle de crédit qui ne pouvait qu’exploser. Certaines banques d’affaires ont aussi été animées par une ivresse du « deal-making », négligeant la qualité industrielle des projets de M & A. Elles ont également été emportées par un rythme excessivement rapide imposé par les marchés. Elles et leurs clients, zélotes naïfs de la globalisation, ont encouragé une expansion incontrôlée et trop accélérée du champ géographique des transactions dans des pays dont ils ignoraient les spécificités juridiques, fiscales, comptables et sociales et qu’ils n’ont pas fait l’effort d’appréhender. Au total, tout cela a engendré un écosystème du M & A trop éloigné des réalités, indifférent aux risques d’exécution, et dont « l’OPA du siècle » de RBS, de Fortis et de Santander sur ABN Amro a été l’une des illustrations les plus folles. sitions sont construites sur des business plans beaucoup plus réalistes. C’est en quelque sorte l’effet de la culture des « stress tests » insufflée par les banques centrales. Le tempo des transactions s’est également ralenti, du fait de la prudence de nos clients et des exigences de leurs conseils d’administration, qui sont beaucoup plus vigilants. Les marchés ont aussi cessé d’applaudir a priori tous les deals et les soumettent au tamis de la critique. Dans un environnement de stagnation économique durable, il n’y a plus le lubrifiant de la croissance pour effacer les erreurs. Dans Le Banquier et le Philosophe (Plon, 2009), co-écrit avec Roger-Pol Droit, l’associé-gérant C.F. : Pensez-vous que les banques ont tiré des de Rothschild leçons de la crise ? & Cie pointait la F.H. : Je le pensais en 2009 quand j’ai écrit ce livre avec Roger-Pol Droit. J’en suis moins sûr responsabilité des aujourd’hui. La même cause – des liquidités surabanquiers dans la bondantes injectées par les banques centrales – crise. Aujourd’hui, il C.F. : Quelles sont ces dérives ? produit les mêmes effets. On retrouve également F.H. : Dans leurs opérations, les banques d’affaires des valorisations « soufflées » et des opérations juge que les conseils ont favorisé la construction de valorisations « gon- construites autour d’effets de levier beaucoup trop en M & A ont tiré flées à l’hélium », sur la base de plans d’affaires qui importants. trop peu de leçons empilaient les hypothèses les plus optimistes et les déroulaient à l’infini. Comme si les cycles écono- C.F. : Y a-t-il néanmoins d’autres aspects, dans le du cataclysme de miques avaient disparu pour toujours. Elles ont marché actuel, incitant à être plus optimiste ? 2008-2009. encouragé des structures de financement reposant F.H. : Vous avez raison. Il me semble que les acqui- Son parcours François Henrot (65 ans, IEP-Paris, Ena) 2010 Président du board de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs 1997 Rothschild & Cie, dont il deviendra associé-gérant 1995 Président de France Télécom, puis retour chez Paribas 1985 La Cie Bancaire (Paribas), dont il deviendra président en 1993 C.F. : Comment ce point de vue critique a-t-il été accueilli par vos confrères ? F.H. : Aucune profession n’aime que l’un de ses initiés fasse écho aux critiques des profanes… C.F. : Faut-il tirer totalement un trait sur l’avant-crise ? F.H. : Certainement pas ! Cette période a vu naître des innovations financières extraordinaires, qui ont été et restent très utiles. Mais il faut connaître leurs limites et ne jamais cesser de pratiquer l’hygiène mentale du pessimisme. A mon avis, avoir ce réflexe est la qualité première du banquier d’affaires, qui devrait considérer comme ses plus belles opérations celles qu’il a conseillées à ses clients de ne pas faire. // XAVIER DEMARLE 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 21 25 ans SPÉCIAL PERSPECTIVES INTERVIEW // NICOLAS DUFOURCQ directeur général de bpifrance « Il est peu probable qu’on se passe de notre action, même à très long terme » L e patron de la Banque publique explique que l’organisation d’Ardian lui a servi de modèle pour se structurer, à la constitution officielle de l’établissement, il y a plus d’un an. C.F. : Y a-t-il un modèle sur lequel bpifrance s’est appuyée pour « construire » son action dans le non-coté ? N.D. : Il n’y a pas de structure comparable à la nôtre dans le monde, couvrant un spectre qui va du financement des PME régionales aux actions de fonds souverains. Nous nous sommes construits autour des entrepreneurs. Et ce sur un schéma décentralisé, contrairement à ce que certains laissent entendre. Sur nos 150 investissements directs annuels, 100 décisions sont prises par nos directions interrégionales ; celles concernant un ticket supérieur à 4 M€ ou spécifiques INTERVIEW // RENÉ RICOL chargé de mission auprès du président de la République sur l’orientation de l’épargne vers les entreprises « Il faut cesser de philosopher autour de l’entreprise » P remier Médiateur du Crédit de l’Histoire, ancien Commissaire général à l’Investissement, René Ricol est président-fondateur de Ricol Lasteyrie Corporate Finance. Il a récemment été chargé par le président de la République de la mission sur l’orientation de l’épargne vers les entreprises. C.F. : Le Pacte de responsabilité a marqué un tournant dans l’Histoire. Le gouvernement doit-il aller plus loin ? R.R. : Il faut compléter le Pacte de responsabilité, qui constitue une étape clé (bien qu’il n’ait pas encore produit tous ses effets), par un Pacte de solidarité avec les grands groupes français d’envergure mondiale. Seule la France ne peut pas créer de croissance. Elle doit donc mobiliser les acteurs qui « captent » 22 // cette croissance au plan international et qui agissent comme donneurs d’ordre auprès de PME-ETI tricolores créatrices d’emplois. C.F. : Et pour les petites entreprises, que proposez-vous ? R.R. : Cessons de philosopher autour de l’entreprise. Et apportons des réponses simples, particulièrement pour les toutes petites entreprises : rétablissement du lien de confiance entre l’entreprise et l’administration (inspection du travail, fisc, etc.), réduction des délais de paiement, création d’un contrat nouvelle embauche dédié aux entreprises de moins de cinq salariés qui ont besoin de flexibilité, amélioration du Pacte Dutreil en vue de faciliter la transmission d’entreprises au sein d’une même famille, etc. // 15 décembre 2014 // N° 1176 Des mesures de cette nature, qui peuvent changer les choses, il y en a beaucoup à proposer. C.F. : Vous dites souvent que la France aime l’entreprise, mais pas le patronat. Est-ce irrémédiable ? R.R. : Ce grand paradoxe n’est pas gravé dans le marbre. Pour en venir à bout, il faudrait simplement accepter de jouer la transparence : capter la réalité du terrain et en fi nir avec les caricatures. Le revenu mensuel moyen d’un patron est compris entre 4 500 et 4 800 €, celui d’un petit patron entre 1 800 et 2 000 €. La France n’est donc pas coupée en deux, entre les salariés d’un côté et les patrons de l’autre. Quand ce message sera passé dans les esprits, ce sera un verrou historique qui aura sauté. // EMMANUELLE DUTEN à nos fonds thématiques relèvent de l’échelon national. C.F. : Dans le passé, vous avez cependant affirmé qu’Ardian était une source d’inspiration pour bpifrance… N.D. : C’est vrai, pour ce qui est de l’organisation et des processus. En matière d’activité, nous ne saurions être comparés à cette équipe : bpifrance n’est pas présente à l’international, dans le capital-investissement secondaire ou dans les LBO majoritaires. A notre création, cette société de gestion et nous affichions un total d’actifs et un effectif comparables. Ardian constituait alors un modèle d’organisation pour nous, car nous n’avions pas non plus la prétention d’« inventer la poudre ». Nos modèles sont par exemple convergents concernant la sélection et l’instruction des dossiers ou la manière de faire travailler étroitement nos middle et back offices. C.F. : bpifrance est-elle tournée vers un but, à très long terme, de « dissolution » de ses activités dans le non-coté ? Cela voudrait dire que le privé pourrait relayer votre action… N.D. : Il est peu probable que l’on puisse se passer de notre action. Les besoins demeureront dans l’amorçage, le « cap-dév » pour les petites PME et le venture – même si la rentabilité de ce segment progresse. Mais nous ne pourrons apporter autant de moyens à la profession dans les années qui viennent. Nous avons joué un rôle contra-cyclique pendant la crise, et il est indispensable que le privé prenne le relais, dans ce qui s’annonce comme le deuxième âge d’or du non-coté. // XAVIER DEMARLE FOCUS Lazard, forteresse des fusions-acquisitions ALEXANDRA SOTO LAZARD En dépit des « crises de palais » et de l’IPO de 2005, la banque a su maintenir sa position de leadership dans le landernau du M & A. Rappel des faits avec Alexandra Soto, associée-gérante. A lexandra Soto a un parcours on ne peut plus singulier. Non pas en raison du nombre d’années qu’affiche l’associée-gérante de Lazard sur le marché du M & A tricolore – 25, tout comme Capital Finance ! – mais aussi en raison de sa persévérance. Dans un milieu dominé par les hommes, elle est parvenue à tirer son épingle du jeu et à résister aux « crises de palais » liées aux multiples changements générationnels ainsi qu’à l’IPO de 2005. Jusqu’au point de décrocher les titres enviés de managing director de l’établissement et de chief operating officer du bureau parisien. Un ADN resté intact « Rares sont les établissements qui ont vécu autant de transformations que le nôtre, au cours des dernières décennies. Malgré cela, l’ADN de Lazard est resté intact », estime Alexandra Soto. Un constat qui serait également partagé par les clients de la banque. Au-delà de cette permanence, les associés-gérants de la firme se sont évidemment adaptés à l’évolution du M & A. « Les nouveaux entrants se sont succédé avec l’arrivée des premiers fonds de private equity – qui représentent aujourd’hui près de 20 % du marché. Les fonds souverains ont suivi, affichant des montants sous gestion toujours plus importants et une capacité de déploiement accrue », poursuit-elle. Si la clientèle de Lazard s’est diversifiée, les transactions conseillées sont aussi devenues plus internationales. Ancrée dans le marché, la banque d’origine franco-américaine a, en tout temps, confirmé son incontournable position en monopolisant de manière récurrente les podiums du M & A mondial. « 2014 devrait être une excellente année pour Lazard. Nous avons maintenu notre position de leader des banques d’affaires, en France », confie-t-elle. Et le dynamisme à venir du marché des fusions-acquisitions ? L’optimisme reste de rigueur. Dans l’Hexagone, les corporates auraient retrouvé de l’ambition et miseraient davantage sur l’international, même si la déception ressentie sur le potentiel de croissance des Brics est encore bien palpable. Les ressorts de la croissance Selon Alexandre Soto, le M&A devrait rester animé malgré la forte volatilité des fenêtres de marché enregistrée en 2014. « La rupture énergétique observée cette année va probablement engendrer des conséquences sur le marché du M & A, dès 2015. L’explosion du gaz de schiste, aux EtatsUnis, et la chute non anticipée du prix du pétrole devraient amener un nombre important de sociétés pétrolières et parapétrolières à réviser leur business model, en envisageant d’éventuels rapprochements », prévoit-elle. Un choc qui pourrait se révéler bénéfique pour les marges des opérateurs dépendants du prix de l’énergie. « La convergence des télécommunications et des médias, encore plus marquée aux Etats-Unis qu’en Europe, continuera à être l’une des composantes des transactions », témoigne la COO de Lazard France – qui a dernièrement conseillé Altice dans l’acquisition d’Orange Dominica, ou bien encore Vivendi dans sa cession de Maroc Telecom. // AROUN BENHADDOU Lazard et les femmes A Michèle Lamarche Alexandra Paris, Lazard compte quatre femmes sur une vingtaine de partners : , Soto, Isabelle Xoual et Amélie Négrier – détachée sur le développement de l’activité en Chine. Par le passé, d’autres femmes sont passées par la maison, et non des moindres. C’est notamment le cas d’Anne Lauvergeon, l’ancienne « sherpa » de François Mitterrand, qui a ensuite pris la tête d’Areva. Mais aussi de Françoise Malrieu, dont le parcours l’a amenée à officier pour la Deutsche Bank puis Aforge Finance. 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 23 25 ans SPÉCIAL ENTREPRENEUR - INVESTISSEUR L’ex-P-dg de Business Objects, devenu partner chez Balderton, et le patron de Criteo confrontent leurs visions sur le financement de l’innovation et sur l’avenir de la French Tech. « La technologie aura un effet disruptif sur la finance » BERNARD LIAUTAUD BALDERTON CAPITAL JEAN-BAPTISTE RUDELLE CRITEO Son parcours Son parcours En 1990, Bernard Liautaud (Centrale Paris, MSc Stanford) cofonde l’éditeur de logiciels Business Objects, qui devient, quatre ans plus tard, la première société européenne cotée au Nasdaq. Treize ans après, l’allemand SAP lance une OPA sur Business Objects, sur la base d’une valeur d’entreprise de 4,8 Md€. Bernard Liautaud devient alors partner chez Balderton Capital, l’un des principaux VCs paneuropéens, tout en siégeant aux conseils de SAP et de l’université de Stanford. Il continue pourtant à entreprendre et cofonde en 2009 Dashlane, éditeur d’une solution de gestion sécurisée des mots de passe. 24 // Jean-Baptiste Rudelle (45 ans, Supelec) a cofondé Criteo, en 2005. Depuis, la start-up a su imposer au monde du marketing un nouveau modèle économique à la performance, fondé sur un ciblage publicitaire très précis des intentions d’achat des consommateurs. Forte d’un chiffre d’affaires de 444 M€ en 2013 (pour 1,4 M€ de résultat net), Criteo s’est cotée sur le Nasdaq en 2013. En 1999, Jean-Baptiste Rudelle avait déjà développé sa première startup, K-Mobile, cédée cinq ans plus tard à American Greetings Interactive. // 15 décembre 2014 // N° 1176 C.F. : Vous avez créé les deux succès français dans les technologies qui occupent une place emblématique sur la scène internationale. J.-B.R. : Je pense que nous n’allons pas rester seuls très longtemps. Les start-up technologiques françaises qui réalisent plus de 90 % de leur chiffre d’affaires à l’export restent l’exception. Mais la nouvelle génération d’entrepreneurs français voit grand, et dès le départ, structure ses projets pour conquérir le monde. B.L. : Nos deux sociétés ont eu très vite une composante américaine dans leur capital, leur management, leur structure opérationnelle… Dans le cas de Business Objects, nous avions accueilli des business angels américains, qui se sont renforcés dans les tours suivants. Et je me suis installé aux Etats-Unis dix-huit mois après la création. C.F. : L’un de vos points communs, c’est le rôle des investisseurs qui vous ont ouvert les portes à l’international… B.L. : Le monde de la technologie reste largement orienté vers les Etats-Unis. Cela donne un rôle crucial à un VC international : faire le pont avec les marchés internationaux, permettre d’attirer des compétences partout dans le monde, et particulièrement outre-Atlantique. Et pour cela, être capable de syndiquer les tours en série B et C avec des VCs américains, comme nous l’avons fait dans le cas de Talend, par exemple. J.-B.R. : Les débats sur le manque de fonds late stage en France se trompent parfois d’enjeu. Lorsque les start-up atteignent une certaine maturité, comme Blablacar, Deezer ou Criteo, elles n’ont pas de problème d’accès au capital sur le marché mondial. Ce qui fait la différence entre les investisseurs, c’est plutôt leur capacité à aider à la constitution d’une équipe internationale qui constitue un facteur clé de succès. En revanche, du côté de l’early stage, la densité de l’écosystème financier local en France est cruciale. C.F. : Est-ce à dire qu’il faut recentrer l’action de bpifrance ? J.-B.R. : A l’arrivée, on remplace les fonds basés sur des niches fiscales par un fonds souverain, dans le droit-fil d’une certaine tradition colbertiste française. Cela fonctionne plutôt bien : bpifrance a une approche business pragmatique, avec en priorité le développement de l’écosystème. C’est beaucoup mieux qu’une « politique industrielle » qui consisterait à sauver les canards boiteux… B.L. : Pour durer, bpifrance devra continuer de se doter de structures de sélection fortes, de manière à rester discriminant et à investir aux côtés de l’argent privé, sans s’écarter des normes du marché. Pour l’heure, il est fondamental que la France et l’Europe se positionnent de manière agressive sur les technologies. L’action publique en France a créé une source de capital abondante qui permet à de nombreux projets de prendre leur envol. C.F. : Quels seront les effets des fintechs, sur le capital-risque ? B.L. : Les nouvelles technologies auront un effet disruptif sur les intermédiaires financiers et sur toutes les formes d’investissement passif. L’impact sur le capital-risque proprement dit est déjà important sur les phases ENTREPRENEUR - INVESTISSEUR d’amorçage. En aval, notre métier se renforce plutôt qu’il n’est désintermédié. Nous avons un rôle plus fort que jamais à jouer dans la construction d’entreprises. C.F. : Est-il possible de bâtir dans l’eurozone une industrie financière de poids face au Nasdaq, où vous êtes cotés ? J.-B.R. : C’est un problème qui dépasse la technologie. Et c’est largement un faux problème. En quoi serait-il pénalisant pour une French Tech d’être cotée ailleurs qu’à Paris ? Le Nasdaq offre une profondeur de marché sans égale. Et même là-bas, quand une entreprise a une proposition de valeur réellement disruptive, une longue période est nécessaire après l’introduction en Bourse, afin de construire une relation de confiance avec le marché. Criteo en est le témoin : au fil de l’eau, se substituent aux investisseurs historiques des grands fonds de long terme – même si Criteo est coté au Nasdaq, une bonne partie de ces fonds sont européens. In fine, le choix de la place de marché est spécifique à chaque entreprise. Et dépend de son orientation géographique et de son ambition. B.L. : Le marché a énormément évolué depuis l’IPO de Business Objects. En 1990, il n’y avait aucune alternative au Nasdaq. Et peu d’appétit européen pour les technologies. Aujourd’hui, les marchés se sont globalisés : il est devenu beaucoup plus simple de s’introduire en Bourse en Europe et d’y trouver des investisseurs internationaux. Les Américains viennent en Europe plus facilement et cela explique les valorisations très significatives de sociétés comme Yoox, Okado, Betfair, Asos… Et tout cela augure bien l’avenir des Bourses européennes. C.F. : Et la French Tech ? J.-B.R. : On cesse enfin d’opposer la France à l’Amérique, Silicon Sentier à Silicon Valley. L’idée est de laisser les start-up françaises prendre le meilleur des deux mondes. B.L. : Il est très important de développer les entrepreneurs français mais aussi d’attirer les entrepreneurs étrangers en France. Le Royaume-Uni l’a très bien compris, en favorisant la naissance, à Londres, d’un écosystème entrepreneurial ultradynamique. En France, nous avons des entrepreneurs formidables, et je suis ravi de voir que le gouvernement fait des avancées. J.-B.R. : En Californie, il est devenu banal d’ouvrir le capital aux salariés. En Europe, cela reste encore l’exception : les gens n’ont pas encore compris l’importance de partager la valeur long terme. Mais la French Tech est une très belle bannière, qui symbolise un véritable changement culturel des entrepreneurs français, qui fait que tout est possible ! // JEAN ROGNETTA PORTRAIT //Pierre KosciuskoMorizet, l’entrepreneur insatiable P ierre Kosciusko-Morizet (PKM), cofondateur du célèbre site Web PriceMinister. com, fait partie de ces business angels à l’histoire singulière qui ont marqué leur époque. Son premier contact avec le monde du non-coté remonte aux années 2000, au moment où il cherche à lever des fonds pour sa première société, Visualis. Un échec salvateur. Il parvient à récolter de l’argent auprès d’amis et de professeurs d’HEC, mais reste à terre après un problème lié à l’un de ses fournisseurs. Qu’à cela ne tienne, PKM lance, deux ans plus tard, PriceMinister.com, avec le soutien de plusieurs associés. « Nous avons mené trois augmentations de capital auprès de business angels, à raison de 3 M€ », se remémore-t-il. Il faut attendre 2005 pour que l’homme se mette à côtoyer le private equity sous sa forme la plus institutionnelle, en conviant 3i dans PriceMinister. Un pari gagnant pour le fonds, qui donne des idées aux fondateurs du site Web – dont certains se rêvent déjà en business angels. Parmi eux, l’emblématique entrepreneur passe à l’action en s’alliant, dès 2008, avec l’un de ses associés dans PriceMinister, Pierre Krings, pour fonder Kernel Investissements. PKM aime sa double casquette de business angel et d’entrepreneur. Sa consécration arrive en 2010, à la vente de PriceMinister au japonais Rakuten, pour 200 M€. Courtisé avant même sa mise en ligne, le site de e-commerce a attisé l’intérêt de géants du Net (eBay ou Amazon), de distributeurs (la Fnac, Carrefour) et de médias français et étrangers. « Aucune offre ne “matchait” avec ce que l’on pensait valoir. Les français ont tout particulièrement manqué d’ambition et de vision sur le développement d’Internet », estime PKM. Avec sa fortune, il contribue au lancement d’Isai Gestion, en 2010, en confiant la présidence du fonds à JeanDavid Chamboredon, alors partner chez 3i. Il quitte la direction de PriceMinister, début 2014, mais ne peut renier son ADN. « Je ne suis pas fait pour être seulement investisseur. Avec Pierre Krings, j’entends rapidement créer une société qui ne sera pas nécessairement dans le Web. » // AROUN BENHADDOU PORTRAIT // ALAIN MADELIN associé-gérant, Latour Capital De la politique au non-coté Q uitter les tribunes politiques pour la discrétion du noncoté ? Dans l’Hexagone, il n’y avait qu’Alain Madelin pour le faire. Pas seulement parce que l’ancien locataire de Bercy est le chantre du « libéralisme à la française ». Car, avant de fonder le gestionnaire Latour Capital, en 2010, il avait plus que côtoyé le monde de la finance, en tant qu’advisor du hedge fund californien Clarium Capital et de l’agent de placement Triago, et comme président du comité d’investissement de Développement & Partenariat. « Des proches m’ont alors convaincu de lancer mon propre fonds, explique-t-il. Je me suis allié à Cédric Bannel, ex-dirigeant de Caradisiac, que je connaissais et avec qui nous avons créé Latour Capital, en nous associant à Philippe Léoni, ancien P-dg de Spir. » Le trio lèvera 115 M€, en 2012. Les LPs ont apprécié l’union entre l’homme politique et les deux entrepreneurs, puisque 260 M€ de souscriptions ont afflué. « Avoir été un politicien de premier plan ne m’a pas donné de privilège, se défend Alain Madelin. Il m’a fallu passer par les fourches caudines des institutionnels. » Parmi eux, figure bpifrance. « J’ai découvert le sérieux de ses due diligences. J’aurais aimé passer un tel examen à mon entrée à Bercy, ironise-t-il. Il faut saluer l’action de bpifrance en fonds de fonds. » Même si la création de la Banque publique revient, pour lui, à une palliation d’une politique fiscale défavorable aux entreprises. // XAVIER DEMARLE 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 25 25 ans SPÉCIAL PORTRAIT Jonathan Blake, le sorcier du limited partnership JONATHAN BLAKE KING & WOOD MALLESONS Son parcours Jonathan Blake est head of international funds au sein du cabinet d’avocats King & Wood Mallesons, qui s’est rapproché de SJ Berwin fin 2013. Entré chez SJ Berwin en 1982, et devenu partner en 1983, il a fondé les practices private equity et private equity funds de la firme. Il a siégé au Council de la British Venture Capital Association (BVCA) et présidé le comité juridique et fiscal de l’European Venture Capital Association (Evca) pendant une quinzaine d’années. Il a reçu plusieurs distinctions. Parmi celles-ci, il a été reconnu « global lawyer of the year for private funds » par le Who’s Who international des avocats d’affaires en 2005. En 2011, il a été reconnu comme l’une des 100 personnalités les plus influentes du capitalinvestissement dans la dernière décennie par Private Equity International. 26 // Entré chez SJ Berwin en 1982, à Londres, il a façonné la structure juridique et fiscale qui triomphe encore aujourd’hui auprès des LPs et des GPs à travers le monde. C et homme a inventé l’arsenal juridique et fiscal qui a permis à l’industrie du private equity de devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Tout commence à Londres, en 1982 – on parle alors de « venture capital », les fonds sont des structures off-shore. Jonathan Blake vient de décliner une offre de Freshfields, pour rejoindre « une start-up du droit » : SJ Berwin. Une boutique londonienne d’une demi-douzaine de personnes portée sur les fonts baptismaux Jonathan Blake par un entrepreneur a structuré visionnaire, Stanley Berwin. C’est sous plus de 500 l’égide de son mentor véhicules de que Jonathan Blake va donner sa vie au private equity. capit a l-invest isseDu plus petit, ment. Son premier 2 M£, au plus défi, c’est un ancien d’Electra Partners gros, 10 Md€. qui le lui lance. « Sa demande tenait en quelques mots : constituer une structure de fonds on-shore, assortie d’une taxation efficace du carried interest », se remémore Jonathan Blake, qui n’a alors, selon ses propres mots, aucune idée de ce que ce client lui demande. Il tient juste une piste : avant de quitter la salle de réunion sans ambages, Stanley Berwin murmure « limited partnership » (LP). Jonathan Blake ne demandera jamais à Stanley Berwin, qui décédera peu de temps après, d’où lui est venue l’idée de s’inspirer du LP. Il travaille d’arrache-pied pour inventer de A à Z une structure totalement inédite. Mais il a besoin de l’adoubement des autorités britanniques. The Department of Trade and Industry (ministère de l’Economie) tient à ce que des fonds // 15 décembre 2014 // N° 1176 on-shore voient le jour. Mais la négociation entre Jonathan Blake, qui travaille en collaboration avec la BVCA (British Venture Capital Association), et The Inland Revenue (administration fiscale) tourne court : le premier défend bec et ongles que le carried interest est juridiquement et techniquement une plus-value, le second le voit comme un salaire. Pour venir à bout de ce débat (qui, trente ans plus tard, met encore dos à dos les GPs et le fisc dans la plupart des pays du monde), il n’y a qu’un recours : the Chancellor of the Exchequer. Norman Lamont doit encore se souvenir de la véhémence de ce jeune avocat qui ne veut pas en démordre. « Je lui ai indiqué que si nous n’obtenions pas de gain de cause sur le traitement fi scal, nous ne constituerions plus de fonds on-shore », se rappelle Jonathan Blake. Quelques minutes plus tard, il recevra la bénédiction du Chancelier de l’Echiquier. // EMMANUELLE DUTEN TROIS QUESTIONS À // JONATHAN BLAKE C.F. : Quelle est votre plus grande fierté ? J.B. : Que les grandes lignes de la structure et des termes et conditions du limited partnership créé il y a plus de trente ans soient toujours en vigueur aujourd’hui. C.F. : Quelle est l’évolution la plus marquante du private equity sur les vingt-cinq dernières années ? J.B. : Sa diffusion dans une multitude de segments, qu’il s’agisse de LBO, d’infrastructure, d’immobilier, ou de dette privée. Et sa couverture désormais mondiale, y compris dans des marchés émergents comme la Chine ou le continent africain. C.F. : Quel est le plus gros défi que doit relever la profession ? J.B. : La transparence et la pédagogie. Expliquer comment cette forme la plus pure du capitalisme bénéficie aux entreprises (et pas seulement aux actionnaires) dans les pays développés et les économies émergentes. // E.D. STRATÉGIE Avocats d’affaires : comment ils ont résisté aux envahisseurs I ls font tous deux partie des rares cabinets d’avocats tricolores qui ont su rester incontournables dans le marché français des fusions-acquisitions. Depuis le début de la dernière décennie, Darrois Villey Maillot Brochier et Bredin Prat travaillent sur les opérations de M & A les plus emblématiques. Mais il leur a fallu se battre pour continuer à jouer les premiers rôles. Ils ont d’abord dû résister aux ambitions expansionnistes des plus grandes firmes internationales sur la place de Paris. Aujourd’hui, ces deux « bastions » doivent composer avec l’arrivée sur le marché de nouvelles structures indépendantes – aux yeux desquelles ils apparaissent sans doute comme des modèles à suivre. Jean-Michel Darrois, associécofondateur, Darrois Villey Maillot Brochier A bsorption d’Elf par Total, naissance de GDF-Suez, adossement du pôle énergie d’Alstom à GE… Darrois Villey Maillot Brochier est un habitué des opérations de gros calibre. Pour JeanMichel Darrois, cela ne doit rien au hasard. « Les qualités d’un cabinet d’avocats dépendent de ses associés », juge son cofondateur. Pour faire face aux law firms anglosaxonnes, Darrois Villey Maillot Brochier a fait évoluer son offre. « Il y a encore dix ans, nous travaillions selon des schémas d’“opérations commando”, en nous concentrant sur des OPA ou des fusions extrêmement complexes, ajoute l’avocat. Nous avons élargi nos compétences à la concurrence, à la fi scalité, mais aussi aux financements et au droit public. » Mais contrairement à ses concurrents anglais ou américains et à certains rivaux tricolores, comme Gide, le cabinet a choisi de ne pas ouvrir de bureaux à l’étranger, préférant travailler avec des correspondants. Une décision liée à l’histoire de Jean-Michel Darrois. « Au début des années 1980, j’ai participé à la création d’un cabinet à Hong Kong. Ce pays connaissait alors une fabuleuse expansion, se souvient-il. Mais une crise a conduit à sa fermeture rapide. Depuis, je suis toujours resté réservé à l’idée que notre cabinet s’implante à l’étranger. » Jean-Michel Darrois n’était pas seul dans cette mésaventure asiatique. Figuraient avec lui de jeunes avocats comme Jean Veil et Gabriel Sonier. // XAVIER DEMARLE Didier Martin, senior partner, Bredin Prat E n 1965, l’union entre Robert Badinter et Jean-Denis Bredin donne naissance à l’un des plus prestigieux cabinets d’avocats d’affaires de Paris, Bredin Prat. Historiquement positionné sur le contentieux, celui-ci est depuis devenu une référence en matière de M & A. La firme affiche un track-record éloquent. Elle a notamment été conseil sur le rapprochement entre General Electric et Alstom, où une quinzaine d’associés ont été réquisitionnés. Mais aussi sur les opérations « taille XXL » entre Lafarge et Holcim, PSA Peugeot Citroën et Dongfeng Motor, pour ne citer que les quelques opérations phares de 2014. « Nos associés partagent l’ambition commune de voir le cabinet à la pointe de chacun de ces domaines d’expertise », note son senior partner, Didier Martin. A l’instar de son concurrent Darrois Villey Maillot Brochier, Bredin Prat ne dispose pas d’un réseau intégré international mais compte sur des partenariats avec des law firms de renom, comme Slaughter & May, Hengeler Mueller, Bonelli Erede Pappalardo, Uria Menendez ou De Braux Blackstone Westbroek. Sur l’épineuse question de l’Afrique, où bon nombre de cabinets parient déjà, la prudence reste encore de mise. « Ce ne sera pas pour tout de suite », prévient Didier Martin. Bredin Prat – qui compte 41 associés sur un total de 150 avocats – n’entend pas rogner sur sa marge pour financer une croissance réelle qu’il juge encore hypothétique. // AROUN BENHADDOU 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 27 25 ans INTERVIEW SPÉCIAL « Avec quelque 50 Md$ sous gestion, nous figurons désormais comme la première société d’investissement en Europe » DOMINIQUE SENEQUIER ARDIAN A la tête de la septième société d’investissement à l’échelle mondiale, Dominique Senequier apporte son témoignage sur l’avenir d’Ardian et sa propre expérience. Son parcours Dominique Senequier (X, DEA banque et monnaie Paris-I) 2013 Vice-présidente du conseil de surveillance d’Hermès 1996 Présidente d’Ardian 1980 Responsable du private equity chez Gan Participations 1977 Commissaire contrôleur à la direction des assurances du ministère des Finances 28 // C.F. : Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru par Ardian, depuis près de vingt ans ? D.S. : Je suis particulièrement fière de ce que nous avons réussi à construire. Avec quelque 50 Md$ d’actifs sous gestion, nous figurons désormais comme la première société d’investissement en Europe et la septième à l’échelle mondiale. Notre succès dans l’industrie de l’asset management, je le dois notamment à la qualité des fonctions supports et à une attention toute particulière accordée aux besoins de nos clients. La transparence de notre modèle, liée à un suivi exemplaire en matière de reporting, nous a permis de gagner la confiance d’un nombre important d’investisseurs institutionnels provenant de tous horizons. C.F. : Au cours de votre carrière, quels ont été les plus beaux moments comme les plus difficiles ? D.S. : Ma plus grande satisfaction est sans conteste liée à la confiance que nous ont accordée nos clients. Nous sommes ainsi parvenus à convaincre les plus grands fonds souverains de la planète, tout comme la plupart des fonds de pension. Le premier commitment franchissant la barre symbolique du milliard de dollars a aussi été un élément de satisfaction très fort. C’était en octobre 2012, lors de la levée de l’un de nos fonds de fonds. A contrario, la découverte des comptes truqués du distributeur de pièces automobiles Autodis, il y a plus de dix ans, a été l’un des déboires les plus marquants de ma carrière. Et ce même si Axa Private Equity n’était pas l’actionnaire principal de ce buy-out. Les autres éléments de déception proviennent essentiellement d’hommes ou de femmes, ce qui n’a rien d’illogique puisque le private equity est avant tout un métier d’hommes. C.F. : Comment voyez-vous Ardian dans une décennie ? D.S. : Au cours de ces dernières années, Ardian a crû de manière importante et nous comptons poursuivre dans cette voie. Dans la prochaine // 15 décembre 2014 // N° 1176 décennie, nous pouvons raisonnablement espérer une croissance annuelle de nos montants sous gestion de 15 %. Nos quatre métiers (fonds de fonds, fonds directs, infrastructure et private debt) devraient contribuer collectivement à cet objectif, même si la création de nouvelles activités n’est pas écartée. Sur cet aspect, nous comptons trancher dans les deux années à venir. C.F. : A quand un membre d’Ardian à la tête de l’Afic ? D.S. : Par le passé, la question aurait pu se poser. Mais aujourd’hui, Ardian n’est plus un acteur à dimension locale et nous ne souhaitons donc pas refléter cette image à l’ensemble du marché. Il est bon de rappeler que, sur les 50 Md$ que nous gérons, près de 30 Md$ proviennent des EtatsUnis. Si l’Evca pourrait refléter notre dimension internationale, nos équipes ont jusqu’à présent été très occupées par la prise d’indépendance, effective depuis près d’un an, mais aussi par l’application des règles de l’AIFM et par les multiples fund raisings. C.F. : Etes-vous confiante dans la capacité de redressement de l’économie française ? D.S. : A vrai dire, je ne suis pas très optimiste. Les freins culturels semblent très profondément ancrés en France. Cela fait depuis près de 200 ans que les leaders politiques se font élire en faisant vivre le mythe de l’égalitarisme, avec des conséquences très dommageables pour l’économie française. Par conséquent, bon nombre de nos concitoyens haïssent le succès et développent une jalousie à l’égard de la réussite d’autrui. Le problème n’est pas lié à la gauche ou à la droite, et je ne fais, de toute façon, pas de politique. Mais force est de constater que la démagogie sur ce sujet est récurrente et contribue à affaiblir la France. Les talents quittent progressivement le territoire pour des lieux plus accueillants, où leur réussite n’est pas stigmatisée. Nous devons donc être vigilants à ne pas tomber dans la situation du Portugal, où la pauvreté a été alimentée par la fuite de ses meilleurs entrepreneurs. // AROUN BENHADDOU TENDANCES Venture philanthropes, les mécènes du XXIe siècle C onjuguer private equity et économie solidaire, voire solidarité tout court ? C’est le défi que relèvent les venture philanthropes. L’European Venture Philanthropy Association (EVPA) est d’initiative récente ; elle a été créée il y a dix ans (tout rond). En France, c’est Maurice Tchenio qui fait figure de pionnier – au même titre qu’il avait fait figure de « père fondateur » du c apit a l-i nve st is s ement français, à la création d’Apax Par tners, dans les années 1980. En 2007, il met sur pied l’associat ion A lphaOmega, qui préfigurera la création, en février 2010 de la fondation du même nom, reconnue d’utilité publique, laquelle se concentre sur l’éducation et l’insertion professionnelle. Son moteur ? « Aider le monde caritatif à se structurer en s’inspirant des méthodes du private equity. La venture philantrophy consiste à accompagner des associations sur la durée, en leur apportant des financements, mais aussi des conseils pour renforcer leur structure ou leurs équipes (« capacity building »). Permettre au x associations d’atteindre la taille critique et de produire le meilleur retour social sur investissement, voilà ce qui anime notre action », explique-t-il. Là où les venture philanthropes excellent, c’est aussi dans le ciblage des associations les plus performantes. « Il faut en finir avec la logique de saupoudrage aux niveaux national et local. Il faut viser l’efficacité en proposant un fléchage des dons vers les associations les plus prometteuses, estime Maurice Tchenio. Pour radicalement changer de paradigme, il reste un obstacle de taille à franchir : mesurer l’impact social des associations et disposer d’outils adaptés pour le faire. » Les pays anglo-saxons ont une longueur d’avance sur nous : ils ont mis sur pied des impact social bonds qui permettent aux pouvoirs publics d’évaluer les actions menées par les charities et d’être intéressés aux résultats. Son capital, doté aujourd’hui de 16 M€ (l’objectif s’établit à 20 M€), est placé à 100 % dans des deals de private equity, à la faveur de co-investissements sans management fees ni carried interest. // EMMANUELLE DUTEN MAURICE TCHENIO FONDATION ALPHAOMEGA Raise, le cercle vertueux d’un private equity solidaire C GONZAGUE DE BLIGNIÈRES RAISE INVESTISSEMENT ’est en réaction à un article de Libération, exhortant les jeunes à quitter la France, en 2012, que Gonzague de Blignières et Clara Gaymard ont décidé d’unir leurs forces. Pour agir en faveur de l’entrepreneuriat en créant un éco-système qui fédère grands groupes, institutionnels, start-up, PME, etc. Le premier, qui vient alors de passer le flambeau à la tête d’Equistone Partners (l’exBarclays PE), prend la tête de Raise Investissement, un capital-développeur evergreen, avec un triple objectif en tête : « Aider mon pays, combler le fameux “trou dans la raquette” du financement pour des tickets d’investissement minoritaire et de long terme d’une ampleur de 10 à 30 M€, et lutter contre le taux de mortalité des entreprises après trois à cinq ans d’existence ». La seconde, vice-présidente de GE International et CEO de GE France, prend les rênes de Raise Fonds de dotation – qui organise des programmes de mentoring et des cycles de conférences, favorise l’accompagnement de projets d’entrepreneurs, pilote une étude avec Bain & Cie sur les conditions de succès et d’échec des jeunes entreprises, et décerne le Prix de l’Alliance récompensant une structure d’aide à l’entrepreneuriat et une entreprise de son vivier. « L’équipe d’investissement de Raise Investissement s’engage à reverser la moitié de son carried interest, soit 10 % de la plus-value réalisée, au fonds de dotation », explique Gonzague de Blignières. A ce jour, Raise Investissement dispose de 240 M€ (il vise 300 M€ à terme), apportés par une trentaine d’actionnaires, répartis à parité entre sociétés de CAC 40, institutionnels et high net worth individuals. Il aurait reçu pas moins d’une centaine de dossiers et a récemment mené son premier deal. L’ambition de Gonzague de Blignières : devenir une sorte de « BPI privée », avec pas moins de 1 Md€ sous gestion à long terme. En s’imposant non pas comme un énième think tank mais comme un laboratoire grandeur nature à même de faire des recommandations pleines de sens auprès des pouvoirs publics. // EMMANUELLE DUTEN 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 29 25 ans SPÉCIAL CRIBLE Philippe du Mesnil, l’artisan du spin-off de Ceva Santé Animale, et Claude Darmon, le maître d’œuvre de la sortie de Cegelec du périmètre d’Alstom, livrent un regard sans concessions sur les apports et les risques des LBO. LBO : ses vertus, ses limites « Le LBO, c’est un contrat entre le fonds, les prêteurs et le management, autour d’un projet commun cristallisé par le business plan. » Cette philosophie « engagée » du buy-out, c’est celle de Philippe du Mesnil, l’ancien P-dg de Ceva Santé Animale, devenu président du comité industriel du fonds de LBO mid-cap Activa Capital. En 1999, il mène le spin-off du laboratoire vétérinaire girondin, alors dans le giron de Sanofi, au profit de PAI Partners. D’emblée, il agit avec la volonté de faire participer les employés (et pas seulement les cadres) à la réussite de l’opération. « Chaque salarié a été incité par un système de rémunération ad hoc à atteindre les objectifs de réduction du BFR tels que fi xés dans le business plan », précise-t-il. Salariés actionnaires PHILIPPE DU MESNIL CEVA SANTÉ ANIMALE 30 // Au closing du LBO primaire, quinze cadres dev iennent actionnaires. En 2001, à la faveur d’une augmentation de capital, ce chiffre passe à cinquante. Deux ans plus tard, il est doublé : une centaine de managers sont actionnaires. 2003, c’est aussi la date du deuxième LBO, orchestré par Industri Kapital. « Au fi l de l’eau, le capital a été ouvert aux cadres de filiales étrangères », ajoute-t-il. Le buy-out de troisième génération, conclu en 2007, va encore plus loin. Sur les 2 000 salariés que compte alors le laboratoire vétérinaire, près de 200 cadres sont actionnaires et le Fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) totalise environ 400 salariés, y compris des ouvriers et des agents de maîtrise. « C’est là l’une des vertus // 15 décembre 2014 // N° 1176 du LBO : le développement d’un capitalisme entrepreneurial qui rassemble l’ensemble des forces vives d’une entreprise, mobilisées autour d’un projet commun et engagées dans une réelle prise de risque », explique l’ancien patron, qui a passé depuis lors la main à Marc Prikazsky. Pour réussir ces différentes opérations exemplaires socialement, Philippe du Mesnil a pris son bâton de pèlerin : transparence sur les performances, pédagogie sur le business plan, il ne lésine pas sur le temps passé pour expliquer à tous les salariés le dessous des cartes – les représentants syndicaux, euxmêmes, se rallient au projet actionnarial. Il capitalise aussi sur la très forte culture d’actionnariat salarié du groupe, qui remonte même au temps où Elf Aquitaine contrôlait Sanofi. Lors de la privatisation du groupe pétrolier, tous les salariés avaient bénéficié d’attributions d’actions dans des conditions attractives. Si Philippe du Mesnil défend les vertus du LBO, il est également conscient des potentielles limites de l’exercice. Il les a même expérimentées en 2007, une période qu’il décrit comme étant l’une des plus difficiles de son existence professionnelle. Valorisation excessive A l’époque, il comprend que son actionnaire, IK, s’apprête à signer sa sortie sur des bases qu’il considère comme exagérées, déconnectées de la réalité, et que l’effet de levier de la future opération risque d’être préjudiciable à l’avenir de Ceva. Une solution s’impose à lui, le CEO, et au management, qui lui accorde toute sa confiance : il faut préempter la vente. « Il n’était absolument pas prévu que nous reprenions le contrôle. Ce sont les circonstances qu’ils l’ont voulu », explique-t-il. Comme le temps presse, et que les due diligences doivent être quasi réduites à néant, Philippe du Mesnil rassemble autour de lui la « garde de fidèles », ceux du LBO de la première heure : Philippe Taranto (l’initiateur du LBO chez PAI depuis passé chez Natixis Investissement) et Thierry Raiff (Euromezzanine). Il fait aussi monter à bord Caroline Rémus (iXen Partners), qu’il connaît de très longue date. Au printemps 2007, Ceva passe sous le contrôle de son management. A l’été 2014, l’entreprise repart pour un quatrième LBO, sur la base d’une valeur d’environ 1,6 Md€. Pour porter son développement en Asie, elle s’est taillé un tour de table sur mesure, en accueillant le fonds souverain singapourien Temasek et le chinois CDH Investments. Investisseur influent L’histoire qui lie Claude Darmon au buy-out est très différente de celle de Philippe du Mesnil. Entre 2001 et 2009, celui qui a été administrateur de l’Insee, dans le passé, a beaucoup appris de son parcours à la tête du spécialiste des réseaux électriques Cegelec avec des fonds. Ces leçons, il s’en est servi pour créer en 2010 sa propre société de gestion active dans le small cap : Dzeta Conseil. « Ces années à la tête de Cegelec me permettent aujourd’hui de me conduire comme un investisseur ayant suffi samment d’influence pour guider les sociétés de notre portefeuille, tout en ne me comportant pas comme un pur actionnaire financier », observe-t-il. Claude CRIBLE Darmon a pour ainsi dire bâti « à l’aveugle » son expérience dans le LBO. Lorsque la perspective d’une émancipation de Cegelec par rapport à Alstom se dessine, au tournant des années 2000, les exemples de buy-out d’envergure se comptent sur les doigts d’une main. Finalement, le dirigeant s’allie à CDC Equity Capital (aujourd’hui Qualium Investissement) et à Charterhouse, autour d’une valorisation de 750 M€. « Ce premier LBO ne tiendra pas son succès tant par la croissance que par une politique rigoureuse de gestion du cash », commente Claude Darmon. En 2006, c’est vers LBO France que Cegelec se tourne, pour 1,3 Md€. S’ensuivra une période de croissance externe et d’internationalisation. En 2008, l’industriel fait appel à Qatari Diar pour 1,75 Md€ – un adossement majoritaire inédit d’une société tricolore à un fonds souverain. « Nous voyions notamment cette opération comme l’opportunité de nous implanter au Qatar – c’était SON ACTION // LOUIS GODRON Argos Soditic, président de l’Afic (juin 2012 - juin 2014) L ouis Godron est le premier président de l’Association française des investisseurs en capital (Afic) à avoir œuvré pour CLAUDE DARMON CEGELEC d’ailleurs l’un des objectifs de notre actionnaire. Mais ce projet n’a jamais abouti, même si nous l’avions scrupuleusement préparé en interne », constate Claude Darmon. Le style de Qatari Diar tranche nettement avec celui des précédents fonds actionnaires. La volonté du management de rapprocher à un mandat de deux ans (ie, le double de ce que ses prédécesseurs effectuaient depuis la naissance de l’association, il y a tout juste trente ans). Sa présidence a été essentielle pour la profession. Elle s’est ouverte trois jours après le résultat des élections législatives, au printemps 2012. A une période où la gauche comme la droite voyaient le LBO comme un « étrangleur d’entreprises ». Le président du fonds mid-cap Argos Soditic a donc placé son mandat sous deux axes : primo, la pédagogie du métier de capital-investisseur et son action positive sur la croissance et l’emploi, secundo, la lutte contre la pénurie de fonds propres. Dans les deux cas, il a obtenu gain de cause. Le fait le plus marquant de sa présidence ? « Le Manifeste des entrepreneurs, né sous l’impulsion du mouvement des “Pigeons”, fin 2012, qui ont martelé la nécessité d’avoir en terme Cegelec de Spie ne verra jamais le jour non plus. Finalement, fin 2009, l’industriel passe dans les mains de Vinci. « Cegelec a alors dû se fondre dans un groupe à l’organisation radicalement différente de la sienne », ajoute sobrement Claude Darmon, qui a alors décidé de partir. Mais de ses années chez Cegelec, Claude Darmon s’enorgueillit surtout d’avoir pu intéresser 200 managers aux performances de la société, tandis que le tiers des salariés souscriront à un FCPE. « Je conserverai toujours à l’esprit ce que m’a dit un jour Jack Welch, en l’occurrence que sa plus grande fierté était le nombre de millionnaires chez General Electric, confie Claude Darmon. Dans une société, il est plus sain que les salariés soient motivés par les plus-values que par les carrières. » Un jugement que l’ex-patron de Cegelec essaie évidemment d’insuffler dans les participations de Dzeta Conseil. // EMMANUELLE DUTEN, XAVIER DEMARLE France une industrie du capital forte, répond-il. Dès lors, le capital-investissement a cristallisé sa position de rouage essentiel de l’entrepreneuriat. » Décollée l’image de « culture excel » qui colle depuis vingt-cinq ans aux capital-investisseurs. Ils sont devenus des investisseurs-entrepreneurs. Sur le front de la lutte contre la pénurie de fonds propres, l’action de Louis Godron s’inscrit aussi dans l’Histoire. Elle a contribué aux réflexions du Rapport Gallois sur la compétitivité des entreprises (2012), du rapport Beylat-Tambourin sur le financement de l’innovation (2013), ou encore du rapport Berger-Lefebvre (2013). Jusqu’à la réforme du Code des assurances, fin 2013, qui a posé la première pierre à l’édifice du fléchage de l’épargne longue vers le financement des entreprises (lire aussi l’interview de René Ricol, p. 22). // EMMANUELLE DUTEN SON POINT DE VUE // HÉLÈNE BOURBOULOUX administratrice judiciaire « Non, les opérations de buyout ne sont pas pleinement responsables des difficultés actuelles que traversent les entreprises. Des excès ont bien sûr été constatés, comme lorsqu’une société triple sa valorisation en deux ans, en usant excessivement de l’effet de levier. Toute la difficulté réside en effet dans ce péché originel. L’essentiel des entreprises sous LBO ayant connu des difficultés ont comme point commun d’avoir bénéfi cié de montages financiers datant de 2007 – où la proportion de dette par rapport aux fonds propres était excessive. Pour autant, je reste convaincue que le LBO est un bon modèle et répond à une problématique générationnelle. Nous sommes dans une période où un grand nombre de “papy-boomers” à la tête de PME vont être amenés à prendre du recul sur leur activité. Or, le nombre de défaillances d’entreprises liées à l’absence de repreneurs est un véritable problème et pourrait encore s’accentuer. Les pouvoirs publics devraient donc promouvoir autant que possible l’outil LBO, en évitant l’ébauche d’une réglementation trop lourde pour faciliter la reprise par des investisseurs tiers. Je plaide également pour une meilleure répartition de la réussite, dans le cadre d’opérations de buy-out. Elle permet un alignement des intérêts et répondrait aux inquiétudes des salariés, soucieux de l’avenir de leur entreprise. » // A.B. 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 31 25 ans SPÉCIAL TRIBUNE AVIS D’EXPERT Opportunité à Bruxelles NICOLAS VÉRON ÉCONOMISTE, BRUEGEL (BRUXELLES) ET PETERSON INSTITUTE (WASHINGTON) Son parcours Depuis 2005, Nicolas Véron est économiste au centre de réflexion européen Bruegel, à Bruxelles, dont il a été le cofondateur avec JeanPisani-Ferry à partir de 2002. Depuis 2009, il est également chercheur invité au Peterson Institute for International Economics à Washington. Sa recherche porte sur la régulation financière, les politiques industrielles et les transformations des systèmes financiers et des entreprises dans la mondialisation. En octobre 2012, Bloomberg Markets l’a désigné parmi les 50 personnalités les plus influentes dans l’environnement financier mondial. Son parcours antérieur mêle des expériences dans l’administration publique et le monde de l’entreprise, principalement en France. Depuis juillet 2013, il est administrateur indépendant de la branche produits dérivés de DTCC (Depositary Trust & Clearing Corporation), une entreprise d’infrastructure financière gérée sur une base non lucrative. 32 // L’union des marchés de capitaux annoncée en juillet par Jean-Claude Juncker pourrait se traduire par un environnement plus favorable au financement des entreprises de croissance en Europe. L ors de son premier discours-programme au Parlement européen en tant que nouveau président de la Commission européenne, le 15 juillet 2014, Jean-Claude Juncker a annoncé le lancement d’une « union des marchés de capitaux » dans le but d’améliorer le financement de l’économie européenne, notamment des PME. M. Juncker a depuis lors confié le pilotage de cette initiative au britannique Jonathan Hill, dont le titre complet est commissaire à la stabilité financière, aux services financiers et à l’union des marchés de capitaux. Le contenu exact de cette nouvelle « union » reste encore à définir. Mais son annonce souligne à elle seule une évolution bienvenue du consensus sur la politique financière en Europe. Evolution du consensus Au début de la crise en 2007-2008, les dirigeants européens avaient cru bon de faire front commun avec « leurs » banques, en diabolisant les hedge funds, le private equity, et la titrisation comme sources clés du risque systémique, et en rassemblant tous les financements non bancaires sous le label inquiétant de shadow banking. Depuis lors, il a fallu se rendre à l’évidence. La crise financière en Europe est d’abord et avant tout une crise bancaire. Pendant qu’elles prétendaient que les risques étaient ailleurs, les autorités publiques de surveillance ont failli à leur mission de contrôle du secteur bancaire, à des degrés divers dans à peu près tous les Etats membres de l’UE – d’où la nécessité de l’union bancaire, décidée en 2012 après que toutes les autres options eurent été épuisées. Les banques sont maintenant obligées de se restructurer et de réparer leurs bilans. Mais leur prédominance dans le système européen rend particulièrement douloureuse cette séquence de deleveraging. Par contraste, aux Etats-Unis, le développement bien plus avancé du secteur // 15 décembre 2014 // N° 1176 financier non bancaire a apporté une « roue de secours » au financement de l’économie pendant la phase de recomposition bancaire en 2008-2010, écartant le spectre d’une pénurie de crédit. Un agenda ambitieux Au regard de cette expérience, l’Union européenne doit accroître la diversité de son secteur financier, en développant les financements par actions, les instruments de crédit subordonné, les marchés obligataires, la titrisation et les intermédiaires financiers spécialisés non bancaires. Il ne s’agit pas de copier le système américain, qui a bien des défauts, mais plutôt de parvenir à un meilleur équilibre entre banques et « non-banques » en adéquation avec les réalités financières, économiques et politiques du Vieux Continent. C’est à cette nécessité que devrait répondre l’union des marchés de capitaux de MM. Juncker et Hill, qui prendra la forme d’une série d’actions législatives et structurelles pour faire évoluer le système financier européen. Cette évolution ne pourra être que progressive, et il ne faut pas en attendre des effets macroéconomiques avant plusieurs années – dans l’intervalle, c’est encore l’union bancaire et l’action de la BCE qui auront le plus d’impact. Mais l’horizon de long terme ne doit pas empêcher la Commission d’être ambitieuse. Son programme, attendu vers le milieu de l’année 2015 après une consultation au cours des prochains mois, devrait inclure des objectifs tels que l’harmonisation européenne des pratiques comptables et d’audit ; une surveillance à l’échelon européen pour les infrastructures financières les plus importantes, notamment les chambres de compensation ; une réforme en profondeur des cadres juridiques pour la restructuration des dettes des entreprises et les procédures de faillite ; et des avancées vers une fiscalité de l’épargne un peu plus cohérente d’un pays à l’autre de l’UE. Aucun de ces projets ne fait aujourd’hui l’unanimité parmi les Etats membres, et la Commission devra composer avec une myriade d’intérêts particuliers et de positions établies. Mais une mobilisation est nécessaire pour créer un environnement plus favorable au financement des entreprises de croissance. Les professionnels du financement ont tout intérêt à s’engager activement dans ce débat à venir, qui représente à maints égards une opportunité de développement futur de leurs activités. DOSSIER La rédaction de De gauche à droite William Sadrin, journaliste Aroun Benhaddou, journaliste Emmanuelle Duten, rédactrice en chef Jean Rognetta, journaliste Xavier Demarle, chef de service Crédit photo : Nicolas Marquès / KR Images Presse L a rédaction de Capital Finance remercie toutes les personnalités qui ont contribué à ce numéro spécial en apportant un regard éclairé, mais sans complaisance, sur ce quart de siècle écoulé. Elle n’oublie pas tous les autres, tous ceux qui travaillent dans l’ombre des « grands » du M & A et du private equity et qui façonnent à leur échelle et à la sueur de leur front les deals d’aujourd’hui et de demain. Merci à nos fidèles lecteurs, toujours plus nombreux, auxquels Capital Finance proposera dès 2015 une offre encore plus riche. Stay tuned ! // EMMANUELLE DUTEN Le mot du fondateur I OLIVIER MILLET PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE D’EURAZEO PME ET VICE-PRÉSIDENT DE L’AFIC l y a vingt-cinq ans, je tenais la plume de Capital Finance. J’avais eu la chance de raconter, en jargon franglais, les premiers deals, d’évoquer ces fameuses « newco » et les « target », mais surtout de rencontrer les pionniers passionnants du capital-risque. Depuis vingt-cinq ans, des fonds d’investissement de toutes tailles, sur tout le spectre de l’accompagnement des entreprises, se sont créés. Nous avons développé collectivement une méthodologie efficace pour accompagner la transformation de chaque type d’entreprise. Chez Capital Finance, tout a changé et c’est bien mieux. Des successions de bons journalistes et de rédacteurs en chef ont repris la plume et je les remercie d’avoir fait grandir ce média – qui m’est cher – avec notamment la bienveillance des Echos. Aujourd’hui, notre impact économique se mesure à la globalité des capitaux investis par notre industrie. La véritable traduction française de cette empreinte est celle de l’Afic, qui représente 5 000 entreprises et 10 % des emplois privés du pays. Sous la pression de parties prenantes de plus en plus nombreuses, nous passons aussi progressivement d’une culture de techniciens de l’investissement dans le non-coté à celle d’actionnaires souvent majoritaires et impliqués dans la stratégie d’entreprise. Après avoir vécu sous la bougie de Capital Finance il y a vingt-cinq ans, il va donc falloir accepter de vivre en pleine lumière. Non comme des « rock stars de la finance », mais comme des actionnaires dont l’utilité doit être continuellement démontrée. Merci à Capital Finance de rester notre fidèle miroir. 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 33 À LA LOUPE Les participations de fonds ont créé 253 000 emplois nets entre 2010 et 2013 « MICHEL CHABANEL AFIC Sur la période, l’Afic estime que les sociétés en portefeuille ont enregistré une croissance de 21 %. Alors même qu’elles traversent une crise économique sans précédent. C’est évidemment l’étude la plus marquante pour les pouvoirs publics », estime Michel Chabanel, à la tête de l’Afic. Selon le rapport * en question, pas moins de 253 000 emplois ont été créés en cumul dans les entreprises soutenues par des fonds de private equity entre 2010 et 2013. Un solde net qui crève le plafond, et ce d’autant plus qu’il s’inscrit dans une période de crise économique sans précédent. Sur les quatre années en question, l’ensemble des secteurs marchands en France a, pour sa part, enregistré une destruction nette d’emplois égale à 60 000. LBO : + 21 000 emplois En anglant l’analyse sur 2013 (un millésime désastreux tant sur le plan du climat des affaires en France que sur l’orientation des grands indicateurs mondiaux), les sociétés en portefeuille ont inscrit 37 000 postes de plus à leur compteur, soit une croissance de 1,6 %. Et ce quand les secteurs marchands détruisaient 68000 emplois, pour en compter 0,4 % de moins qu’à fin 2012. Dans le détail, le capital-transmission a enregistré une progression relative de ses effectifs égale à 1,6 %… qui est portée à 2,1 % si l’on exclut de l’échantillon les grandes entreprises cotées soutenues par des fonds de LBO (cf. graphique). Au global, il peut se targuer d’avoir été le plus gros contributeur d’emplois en valeur absolue : + 21 000 salariés. Les performances relatives à la croissance du chiffre d’affaires sont du même ordre. Sur la Répartir les efforts 12 % Pour le coup, l’analyse de la performance attribuée à chaque sous-segment du capital-investissement ne surprend guère. Les start-up (et donc le capital-innovation) tiennent la corde, avec une croissance du chiffre d’affaires de plus de 18 %… mais qui ne se traduit « que » par 200 M€ de recettes incrémentales. Soit plus de dix fois moins que le capital-transmission, qui inscrit un record de 2,2 Md€ de chiffre d’affaires additionnel (+ 1 %). Hors grands groupes cotés, il a vu les revenus de ses participations exploser de 2,5 %. « Le capital-transmission reste la locomotive de la création d’emplois et de la croissance en France. Ce sont les PME et les ETI qu’il accompagne qui s’imposent comme les véritables moteurs. Les efforts et la reconnaissance des pouvoirs publics doivent aussi se porter sur le capital-transmission et le capital-développement, au même titre que le capital-innovation, qui affiche les plus hauts taux de croissance en effectifs et en chiffre d’affaires », estime Michel Chabanel. Et d’ailleurs, il est frappant de voir à quel point les fonds arrivent à insuffler une dynamique positive dans les secteurs économiques traditionnels. « Un quart des emplois créés par les sociétés en portefeuille de fonds en 2013 relève du secteur de l’industrie et de la chimie », conclut-il. 10 % // EMMANUELLE DUTEN CROISSANCE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DES ENTREPRISES SOUTENUES PAR DES FONDS FRANÇAIS EN 2013 Source : Afic, EY 20 % 18,4 % 18 % Croissance des effectifs Croissance du chiffre d’affaires 16 % 14 % 8% 6% 6,4 % 4% 1,8 % 2% 0% 34 // période 2010-2013, les lignes en portefeuille ont vu leur topline augmenter de 20,7 %, quand le PIB nominal patine à + 9 %. Bien que l’on observe une convergence des taux de croissance au titre du seul millésime 2013, les participations financées par des fonds restent en tête, avec + 1,4 % au compteur. En extournant les grandes entreprises cotées qui sont intégrées dans les statistiques (pour peu qu’un membre de l’Afic dispose d’un siège au board), et donc en prenant les résultats du private equity « vraiment privé » et plain vanilla, les résultats sont encore meilleurs. Comprendre : + 1,7 % de croissance, contre + 1,3 % pour l’indice CAC mid & small et + 1,1 % pour le PIB en valeur nominale. Capital-innovation 2,2 % Capital-développement 2,1 % 2,5 % Capital-transmission hors grandes entreprises cotées // 15 décembre 2014 // N° 1176 * L’étude sur l’impact économique et social des acteurs français du capital-investissement en 2013 s’appuie sur des données collectées auprès de 243 sociétés de gestion. Parmi un échantillon total de 5 785 entreprises, 2 889 ont fourni des statistiques complètes en matière de chiffre d’affaires et d’effectifs monde au 31 décembre 2012 et 2013. CARNET LFPI GESTION FOCUS Pour soutenir son développement européen, la société de gestion fait appel à un nouveau senior advisor en la personne de Jean-François Dubos (69 ans, DESS sciences politiques, DESS droit public Paris-X). Il a évolué de 1992 à 2014 chez Vivendi, où il a été successivement secrétaire général, administrateur de plusieurs filiales (dont SFR et Canal+), puis président du directoire. Skadden Arps A fin de renforcer son bureau français, le cabinet d’avocats signe un recrutement de taille en accueillant dans ses rangs l’un des associés-gérants de Darrois Villey Maillot Brochier, en l’occurrence Olivier Diaz (HEC). Il intègre ce nouvel associé – qui intervient notamment sur des OPA et sur des opérations de private equity – dans son département dédié aux fusions-acquisitions et au droit des affaires. Il le nomme également membre de son corporate group global. BPIFRANCE La Banque publique procède à cinq promotions dans son équipe investissement régions. A Paris, Alexis Mahieu (EM-Lyon) et Elyssa Maufras du Chatellier (master banque-finance Paris-I, master spécialisé ingénierie financière EM-Lyon) deviennent respectivement directeur d’investissement et directeur adjoint d’investissement. Samia Ben Jelaa (MSTCF, DSCG, master comptabilité contrôle audit Paris-I) et Camille Samarut (Grenoble Ecole de management, MBA université Salisbury) deviennent responsables du suivi de participations, l’une à Nantes, l’autre à Lyon. Quant à Ronan Frefield (maîtrise sciences économiques Rennes-I, Ecole supérieure des affaires Lille), il prend la responsabilité de chargé d’affaires investissement senior, à Nancy. JP MORGAN Vincent Tanneur (41 ans, Edhec, licence philosophie) est promu directeur exécutif au sein de l’équipe global corporate banking, pilotée par Bertrand Cousin en France. A ce titre, il est chargé du développement et de la gestion de la relation avec de grandes entreprises françaises. Il a rejoint JP Morgan en 2002, précisément dans le département FX & commodities. En 2006, il a pris la responsabilité du pôle FX corporates sales pour la France et le Benelux en 2006. EURAZEO La société d’investissement vient de mettre sur pied un comité dédié à la politique RSE. Ce nouvel organe a pour mission d’accompagner le conseil de surveillance dans la mise en place et le suivi des stratégies liées à la responsabilité sociale et environnementale. Placé sous la responsabilité d’Anne Lalou, il s’appuie également sur Roland du Luart, Stéphane Pallez et Georges Pauget. WEIL GOTSHAL & MANGES Yannick Piette (Edhec) rejoint en tant qu’associé le département corporate du cabinet d’avocats à Paris. Intervenant tant en fusions-acquisitions qu’en marchés de capitaux, ce praticien officiait depuis 2012 chez Freshfields, où il avait été coopté comme partner, il y a deux ans. KING & WOOD MALLESONS Dans son bureau parisien, King & Wood Mallesons vient de créer un département Afrique/énergie & infrastructures, dirigé par Richard Mugni (41 ans, droit international et fiscal Paris-I). Ce dernier officiait chez Bolloré depuis 2001. Il y a siégé au sein du comité exécutif Afrique et au sein du comité éthique groupe. Expert du droit OHADA (organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires), il a été directeur juridique de Bolloré Africa Logistics, dès 2008. CAPITAL FINANCE VOUS SOUHAITE DE BONNES FÊTES DE FIN D’ANNÉE ET VOUS DONNE RENDEZ-VOUS POUR NOTRE PROCHAINE ÉDITION LE 12 JANVIER 2015 (SPÉCIAL LBO). Président de la SA Investir Publications et directeur de la publication : Francis Morel • Editeur : Clément Courvoisier • Editrice adjointe : Julie Ranty • Édité par Investir Publications SAS, S.A.S. au capital de 4 177 350 € - R.C.S. Paris 351 660 808 • Commission paritaire : 1217 I 82540 • ISSN : 0999 5978 • 16, rue du 4-Septembre, 75112 Paris Cedex 02 • capitalfinance.lesechos.fr REDACTION : Rédactrice en chef : Emmanuelle Duten (01.49.53.72.52, [email protected]) Chef de service : Xavier Demarle (01.49.53.64.37, [email protected]) Aroun Benhaddou (01.49.53.22.83, [email protected]) PUBLICITE Les Echosmédias : Sophie Vinceneux (01.49.53.72.13, [email protected]) DIFFUSION, MARKETING ET COMMUNICATION : Directrice : Sophie Gourmelen Responsable des partenariats : Marie Mol (01.49.53.22.16, [email protected]) Contact commercial et gestion des abonnements : tél. : 01.70.37.61.35 (+33.(0)1.70.37.61.35), fax : 01.55.56.70.38, serviceclientscapfi[email protected] Service abonnements, 8 rue de Mouchy, 60438 Noailles cedex Abonnement annuel : 1 595 € HT (prix au numéro : 49 € TTC) CONCEPTION GRAPHIQUE : Fabien Laborde, Isabelle Labussière Maquette : MG Imprimerie Impression : Dupli-Print Toute reproduction non autorisée, même par photocopie, est interdite Capital Finance est une publication de Groupe Les Echos Principal associé : Ufi par (LVMH) Président-directeur général : Francis Morel Directeur général délégué : Christophe Victor Directeur délégué : Bernard Villeneuve 15 décembre 2014 // N° 1176 // // 35 PwC Transaction Services Remercie ses clients pour leur confiance renouvelée Parmi les transactions annoncées en 2014 Acquisition par Acquisition par Cession par Acquisition par China Huaxin de de et DV France Cession par Cession par Acquisition par Acquisition par Équipe de management de d’une participation majoritaire dans de de Investissement de Refinancement par Acquisition par Cession par dans de de de Prise de participation par Cession par Acquisition par Acquisition par de de GP Holding SAS de d’une participation majoritaire dans de dans Total Maroc PwC Transaction Services 63, rue de Villiers - 92200 Neuilly sur Seine 01 56 57 58 59 www.pwc.fr/transactions © 2014 PricewaterhouseCoopers Advisory. Tous droits réservés.