Haro sur le gaspillage! Le nouveau mantra de l`industrie chinoise
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Haro sur le gaspillage! Le nouveau mantra de l`industrie chinoise
TOPIC Septembre 2010 www.hec.fr/eurasia Haro sur le gaspillage! Le nouveau mantra de l’industrie chinoise La Chine est devenue le premier consommateur d’énergie au monde… A l’évidence, la croissance de la Chine a pour conséquence un appétit énergétique dévorant. Avec 2 252 milliards de tonnes-équivalent-pétrole consommées l’an dernier, la Chine est devenue le premier consommateur d’énergie au monde, selon les données de l’Agence internationale de l’Energie (AIE). En moins d’une décennie, la consommation de l’empire du Milieu a plus que doublé. Chaque année, la Chine met en service 100 gigawatts supplémentaires, c’est-à-dire la capacité installée de la France. Dans les vingt prochaines années, sa production électrique sera multipliée par huit! …pourtant le défi le plus sérieux n’est pas celui de la quantité d’énergie, mais celui de la qualité. Le défi le plus sérieux n’est pourtant pas celui de la quantité d’énergie, mais celui de la qualité. En d’autres termes, la conquête glorieuse de points de PIB s’est faite au mépris presque total de toute rationalité en matière d’énergie et d’environnement. Au début du plan quinquennal 2005-2010, la Chine gaspillait 700 tonnes-équivalent-pétrole d’énergie par unité de PIB, là où les Etats-Unis (pourtant peu vertueux) en consommaient 200 et l’Europe 120. Cette intensité énergétique désastreuse, la Chine s’est engagée à la réduire de 20% en cinq ans. Mais la crise économique récente a brouillé les cartes. La Chine s’est engagée à réduire de 20% son intensité énergétique d’ici la fin de l’année … En favorisant le développement des infrastructures, le plan de relance de novembre 2008 (464 milliards d’euros sur deux ans) a dopé l’ouverture d’usines dans des secteurs très énergivores (et très polluants!) tels l’acier, l’aluminium, le ciment ou le papier. Le lent rabotage de l’intensité énergétique globale s’est donc brutalement interrompu pour repartir à la hausse. Au terme de 2009, la Chine avait réduit son intensité énergétique de 14,4% par rapport à 2005. Le chemin de l’efficacité est donc encore très long. …mais le plan de relance a provoqué la réouverture d’usines très polluantes. Par un mouvement d’humeur dont les régimes autoritaires ont le secret, le gouvernement a décrété en juillet la fin des tarifs préférentiels de l’électricité et a ordonné la fermeture sine die de 2 087 usines jugées trop gourmandes en énergie. De surcroît, les entreprises qui polluent de façon excessive se verront dorénavant refuser tout prêt bancaire et les pratiques environnementales des sociétés seront examinées à la loupe. Afin de maintenir sa crédibilité, le Premier ministre, Wen Jiabao, s’est dit prêt à user d’une « main de fer »: cinq cents usines dans la province d’Anhui (à l’est du pays) ont d’ores et déjà été brutalement privées d’électricité pendant plus d’un mois, faute d’avoir respecté les directives du gouvernement en termes de réduction d’émissions carbone. 1 C’est pourquoi Pékin prend de nouvelles mesures de restructuration, essentiellement dans les industries lourdes. Derrière ces mesures très médiatiques apparaît une volonté de mener une vaste restructuration industrielle de fond. Selon le Ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT), la fermeture des usines a pour but d’améliorer la qualité de la production industrielle (quitte à produire moins), d’optimiser la structure énergétique du pays, et d'augmenter la compétitivité des entreprises chinoises. En effet, la Chine a encore un nombre considérable de sites vétustes, notamment dans les industries lourdes – contribuant à hauteur de 28% seulement au PIB chinois, ces dernières consomment jusqu’à 56% de son énergie! Pour réussir le onzième plan quinquennal, l’industrie lourde devrait donc diminuer sa croissance de 3,1% en 2010, soit 7 à 8% au deuxième semestre seulement. Premier marché à être concerné: la sidérurgie, dont la part dans la consommation totale d’énergie du pays s’élève à plus de 15%. C’est pourquoi les Premier marché réductions de production et fermetures dans le secteur touchent principalement les à être concerné : établissements les plus petits ou les plus anciens, dont la production d’acier est la sidérurgie, un particulièrement intensive en énergie et donc peu rentable. Quant aux grands fournisseurs, ils sont encouragés à être plus économes, à l’image des aciéristes secteur à très faible modernes qui disposent de systèmes de récupération des gaz qui limitent leurs concentration. besoins en énergie. Le groupe Hebei Iron and Steel, numéro un du secteur en termes de capacité de production, s’est engagé en septembre à réduire de 6% sa production annuelle. En cinq ans, la sidérurgie chinoise a diminué de 16% sa consommation d’énergie par tonne d’acier produite – 16,9 millions de tonnes de capacité de production obsolète ont été supprimées pour la seule année 2009 (sur 600 millions de tonnes de capacité totale). Selon les nouvelles directives du gouvernement, chaque entreprise devra produire un million de tonnes par an – au moins – pour justifier d’un permis de production. Objectif: regrouper 60 % des capacités totales de production d'acier entre les mains de dix complexes sidérurgiques d'ici à 2015. L’industrie du ciment fait également l’objet d’une restructuration d’envergure. Avec plus de 3 000 usines d’acier réparties à travers son territoire – des géants Hebei Iron and Steel et Baosteel à une multitude de petites entreprises – la Chine cherche à consolider une industrie à très faible concentration. Son objectif: regrouper 60 % des capacités totales de production d'acier entre les mains de dix complexes sidérurgiques d'ici à 2015 (par rapport aux 43% enregistrés au cours des six derniers mois). Pour cela, les autorités vont encourager et faciliter les procédures de fusions acquisitions, notamment en termes d’accords régionaux et d’investissements privés, a annoncé le MIIT. Il restera à vaincre les redoutables oppositions provinciales, et même la volonté du gouvernement central peut s’y briser dans ce système qui est souvent resté quasi-féodal. Avec 762 usines répertoriées sur la « liste noire » du gouvernement, l’industrie du ciment fait également l’objet d’une restructuration d’envergure. Le gouvernement vient de mettre au point une nouvelle politique (« Cement Industry Development Policy ») qui vise à rationaliser la production de ciment au cours des cinq prochaines années. Si les usines les moins productives ont d’ores et déjà été contraintes de cesser leurs activités, les unités de taille moyenne seront également amenées à disparaître. Ces mesures, qui devraient être rendu publiques très prochainement, encourageraient la fusion des principales entreprises du secteur et la mise en place de moyens de production plus sophistiqués (« ciment sec »). Les cimenteries devront respecter des normes d’équipements plus rigoureuses et seront appelées à moderniser leurs structures afin d’éviter le gaspillage. A titre d’exemple, l’entreprise China Shuangji Cement a bénéficié d’un prêt de 3,7 millions de dollars pour augmenter sa capacité de production d’un million de tonnes. Selon certaines 2 sources, le gouvernement pourrait aller jusqu’à imposer un niveau d’efficacité énergétique pour l’ensemble des cimenteries du pays. D’ici 2015, les dix plus grosses usines du secteur devront réaliser 35% de la production totale de ciment, estimée à 2,04 milliards de tonnes (par rapport aux 22,6% des 1,63 milliards de tonnes produites en 2009). En même temps que l’inefficacité énergétique, le vaste chantier de la pollution est également en ligne de mire. Là aussi, la Chine vient de battre le record du monde des émissions de CO2 (7 430 milliards de tonnes) en dépassant les EtatsLa Chine Unis de 20% en 2009. La Chine pourra-t-elle s’adapter aux exigences pourra-t-elle environnementales basiques? Il y a loin de la coupe aux lèvres. Pour briller lors du s’adapter aux sommet sur l’environnement de Copenhague, la Chine a déclaré qu’elle abaisserait exigences ses émissions de CO2 de 40% d’ici à 2020. Mais en précisant que la mesure serait basiques en faite par unité de PIB. Ce qui veut dire que la Chine émettra deux fois plus de CO2 en matière 2020 (14 000 milliards de tonnes) qu’aujourd’hui! Selon les analystes, les mesures d’environnement? entreprises par Pékin (fermetures aux heures de pointe, coupures de courant etc.) reflètent les difficultés qu’a le gouvernement à mettre en place des solutions plus durables, notamment au niveau local. Dans les régions les plus touchées par la crise, maintenir un rythme de croissance soutenu demeure la priorité, bien avant le respect des objectifs environnementaux. C’est pourquoi des inspecteurs ont été envoyés dans 18 des 32 provinces du pays pour s’assurer que les décisions du gouvernement soient bien appliquées. Pour encourager les fonctionnaires locaux, le président chinois, Hu Jintao, a même proposé d’établir de nouveaux critères d’évaluation, qui prendraient en compte leurs efforts en matière énergétique. Lors de la cérémonie d'ouverture du World Economic Forum à Tianjin, en septembre, Wen Jiabao a souligné que la priorité du gouvernement serait « d'accélérer la reconversion et la restructuration économique du pays à partir des perspectives macroéconomiques et stratégiques. » C’est une façon de dire que les points de PIB seront toujours préférés à une gestion plus stricte. E.L A NOTER SUR VOTRE AGENDA La sortie de notre étude: UNIQLO, une success story japonaise ************ « Partners’ Roundtable » du 25 novembre: L’économie socialiste de marché revisitée ************ Nos prochaines formations: • Travailler avec les Chinois – les 21 octobre, 16 novembre et 14 décembre 2010 • Travailler avec l’Inde – le 9 novembre 2010 • Décoder le Japon – le 18 novembre 2010 Pour plus de renseignements, merci de consulter notre site: www.hec.fr/eurasia 3 La consommation d’énergie (en millions de tonnes-équivalent-pétrole) Source: World Energy Outlook (WEO), 2009 Consommation d’énergie en Chine par point de PIB (2000-2010) Objectif du onzième plan quinquennal Source: NBS, Macquarie Research, septembre 2010 4