Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et
Transcription
Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 26-280-A-10 26-280-A-10 Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice J Ribière Résumé. – La chirurgie plastique et la kinésithérapie ont des synergies qui concernent aussi bien le traitement des cicatrices que certains problèmes comme la cellulite. L’article analyse les bases fondamentales de ces cicatrisations, normales et anormales, étudie les procédés de remodelage cicatriciel et précise les applications pratiques de la kinésithérapie dans les principales chirurgies esthétiques, enfin la cellulite est étudiée séparément pour préciser les fondements physiologiques et l’efficacité des divers traitements. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction Le développement de la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique a été rapide depuis 25 ans. L’objet de cet article est de faire le point sur la place des soins de massokinésithérapie au sein de cette discipline, en insistant sur les bases fondamentales et les applications pratiques ; celles-ci sont limitées volontairement à la partie esthétique de la chirurgie plastique, réparatrice et esthétique car le reste de la discipline regroupe un ensemble trop vaste et inhomogène. Bases fondamentales Initialement, les travaux de recherche en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique ont été dirigés sur une meilleure reconnaissance de l’anatomie et de la physiologie. Les retombées en furent spectaculaires, lambeaux de mobilisation tissulaire (simples, libres, composites), microchirurgie et sécurité dans les procédures plus habituelles. Aujourd’hui, la recherche fondamentale prend le relais car les besoins sont énormes, aussi bien pour les centres de grands brûlés que pour la chirurgie du quotidien. La connaissance des processus de cicatrisation peut amener d’énormes changements avec Jérôme Ribière : Ancien interne des Hôpitaux, ancien chef de cliniqueassistant des hôpitaux de Lille et Bordeaux, diplômé du collège de chirurgie plastique, réparatrice et esthétique, 79, avenue de la Marne, 64200 Biarritz, France. de probables nouvelles techniques ou nouvelles molécules mais aussi par la meilleure compréhension des méthodes anciennement utilisées. La massokinésithérapie ne fait pas exception, car étudier la cicatrisation entraîne une nouvelle évaluation de ses composants et de leur variation en fonction de divers facteurs biologiques, mécaniques et physiques dont elle fait partie. ÉTUDE DU PROCESSUS NORMAL DE CICATRISATION (fig 1) On peut distinguer schématiquement trois phases distinctes de par leurs objectifs biologiques. * A ¶ Première phase Elle débute avec l’effraction vasculaire : elle dure de 2 à 3 jours et est appelée phase inflammatoire. Son principal objectif est d’éliminer les tissus détruits et de rétablir un contrôle immunologique. Cette phase est activée par les lésions tissulaires et l’issue extravasculaire de facteurs sanguins. Le traumatisme est suivi d’une vasoconstriction facilitée par les catécholamines libérées par les cellules en souffrance et par leurs prostaglandines (PG) ; l’hémostase primaire aboutit à un caillot constitué de fibrine et de globules rouges enchappés avec des plaquettes agrégées. La fibrine est un composant issu de la coagulation activé par des facteurs intrinsèques (sanguins) et extrinsèques (essentiels) déterminés par des facteurs tissulaires. Ces facteurs tissulaires sont présents sur les surfaces extravasculaires, tels les fibroblastes adventiciels (paroi vasculaire). * B 1 A, B. Plaies de la face et bonne cicatrisation. Cette cascade biochimique aboutit à la transformation de thrombinogène en thrombine, enzyme qui convertit le fibrinogène en fibrine. Toute référence à cet article doit porter la mention : Ribière J. Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Kinésithérapie — Médecine physique-Réadaptation, 26-280-A-10, 2000, 8 p. 26-280-A-10 Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice La fibrine se recouvre de fibronectines et de vitronectines, molécules facilitant l’attache des cellules sur la fibrine, ainsi que d’autres facteurs de type cytokines. La fibrine et la thrombine augmentent la perméabilité vasculaire, facilitant la migration extravasculaire de cellules i n fl a m m a t o i r e s ( p o l y n u c l é a i r e s , lymphocytes). Les plaquettes et les polynucléaires neutrophiles larguent des facteurs de croissance solubles ainsi que des cytokines de type platelet derivated growth factor (PDGF), mais aussi diverses protéines, du facteur V et des immunoglobulines (IgE), ainsi que des protéases qui activent le système immunitaire (complément). L’ensemble de ce système de coagulation est limité dans l’espace du fait de la synthèse d e p ro s t a g l a n d i n e s p a r l e s c e l l u l e s endothéliales, qui ont pour fonction de débuter la lyse du caillot (transformation du plasminogène en plasmine), processus normalement inhibé mais dont les régulateurs sont fixés dans le caillot. Tous ces événements produits lors de cette phase stimulent la synthèse de collagène par les fibroblastes, et activent de nombreuses enzymes qui aggravent la lésion tissulaire. L’inflammation débute dans la microcirculation dès 10 à 15 minutes ; elle a comme fonction d’augmenter le débit sanguin local facilitant la sortie de plasma, de cellules et l’œdème. Son mécanisme passe par la libération d’acide arachidonique et l’activation de PGE1 et PGE2 qui stimulent l’adhésion des polynucléaires sur l’endothélium vasculaire et leur migration vers les tissus lésés. La fonction de ces cellules est un rôle de défense et de digestion des matériaux étrangers, leur nombre s’accroît dans les tissus lésés durant les premier et deuxième jours. Les polynucléaires sont eux-mêmes détruits par les macrophages (cellule issue du monocyte) aussi, à la 72e heure, le nombre de macrophages est supérieur à celui des polynucléaires [7]. Une souillure bactérienne importante, la présence de corps étrangers prolongent le recrutement des neutrophiles et la phase inflammatoire, induisant ainsi secondairement une fibrose aggravée [4]. ¶ Deuxième phase C’est la phase de réparation transitionnelle de j3 à 5 semaines. Son principal objectif est de rétablir une intégrité fonctionnelle tissulaire le plus vite possible. Les fibroblastes et les cellules endothéliales sont les chefs d’orchestre de cette fonction. Ces cellules présentes dans l’agrégat synthétisent rapidement une matrice de réparation contenant du collagène, de l’élastine, des protéoglycanes afin de créer u n s u b s t r a t p ro p re à l a m i g r a t i o n épidermique sur la surface de la plaie. 2 Normalement, après 5 à 7 jours, les macrophages ont disparu et les cellules présentes sont essentiellement des fibroblastes dont la prolifération a été induite par les macrophages (synthèse de cytokines de prolifération tissulaire et activation de la synthèse de collagène). La présence des premiers fibroblastes dans la matrice du caillot est facilitée par l’acide hyaluronique ; leur synthèse protéique débute à j3 et se prolonge jusqu’à la troisième ou cinquième semaine. Les fibroblastes prolifèrent vite et se transforment pour devenir myofibroblastes, lesquels créent une tension mécanique au sein de la matrice extracellulaire contribuant aussi à sa réduction. Ces cellules produisent aussi des enzymes qui dégradent le collagène nouvellement synthétisé, maintenant ainsi un équilibre. L’activation de ces enzymes est contrôlée par des facteurs chimiques mais aussi pH, température. La balance entre la synthèse et la destruction de la matrice règle la qualité des tissus cicatriciels. Normalement, la qualité de la matrice cicatricielle est au maximum entre la troisième et la quatrième semaine. La tension du collagène augmente proportionnellement. Ultérieurement, la rétraction s’amplifie mais en relation avec la néoorganisation et l’augmentation des ponts intermoléculaires. Les cellules de la couche basale de l’épiderme produisent un faible courant électrique qui joue un rôle dans la cicatrisation par sa diffusion liée à l’effraction tissulaire en attirant les cellules de la basale au travers de la plaie. La réépithélialisation débute dès la 24e heure, entraînant une diminution du nombre des cellules inflammatoires et des fibroblastes. ¶ Troisième phase C’est celle du remodelage au cours de laquelle le collagène de type III synthétisé initialement est remplacé par du collagène de type I grâce à la destruction des vieilles molécules par les macrophages. Le nouveau tissu est organisé en liens orientés selon les lignes de tension mécaniques des tissus ; le tissu final s’adapte ainsi aux contraintes locales, les fibroblastes étant responsables de la tension tissulaire. Le remodelage cicatriciel constitue la dernière phase de la cicatrisation ; elle débute vers le 21e jour quand la synthèse du collagène devient stable (régulée par le transforming growth factor [TGF] produit par l e s c e l l u l e s i n fl a m m a t o i r e s e t l e s fibroblastes). On observe une transformation du collagène existant qui augmente progressivement ses capacités de résistance. La résistance du collagène est liée à sa structure moléculaire ; schématiquement, il s’agit de trois chaînes de polypeptides, Kinésithérapie chacune spiralée, entourées les unes dans les autres pour former une triple hélice. Les liaisons intermoléculaires se forment entre les diverses chaînes de collagène d’abord électrostatiques (faibles) puis covalentes (fortes). La contraction est le second phénomène caractérisant cette phase, due aux myofibroblastes (cellules dérivant des fibroblastes et spécifiques car possédant des fibres rétractiles dans leur cytoplasme). Ils apparaissent vers le cinquième jour et prolifèrent jusqu’au 21e jour ; leur nombre est dépendant des contraintes mécaniques locales. Le processus se poursuit ensuite avec une disparition cellulaire progressive de la matrice cicatricielle et un remodelage (disparition du collagène de type III) qui dure 6 mois comme en témoigne l’évolution clinique. CICATRISATION ANORMALE Le processus de réparation aboutit à la création d’une cicatrice, tissu servant de pièce de remplacement plus qu’une vraie régénération isoqualitative. La cicatrice peut être anormale si elle devient trop abondante ou si elle développe une rétraction. ¶ Cicatrices hypertrophiques Il s’agit d’une phase normale de l’évolution histologique et d’une constante ; cependant, généralement les cicatrices ne sont pas hypercellulaires plus de 2 à 3 mois. Les cicatrices hypertrophiques sont définies par une surproduction de toutes les composantes de la matrice extracellulaire. Il existe une surdensité vasculaire et un collagène disposé en nodules contenant des myofibroblastes. Il semble donc que les éléments contrôlant la synthèse de collagène persistent plus longtemps, mais soient accessibles à une régression avec la maturation cicatricielle. L’incidence de ce phénomène est liée à divers facteurs : – cicatrisation avec période inflammatoire longue : – cicatrices souillées ; – infection : plaie sale (exemple : cicatrices d’acné, boucles d’oreilles) ; – tension mécanique élevée sur la cicatrice (exemple : zones deltoïdiennes, thorax). Aussi, certains traitements spécifiques sont logiques : – la fermeture précoce de la plaie, en diminuant la phase inflammatoire, diminue de même la quantité de fibrose ; – dans les plaies souillées ou avec débris tissulaires, le débridement précoce limite aussi les séquelles inflammatoires ; – l’œdème doit aussi être limité car on réduit également la phase inflammatoire. Kinésithérapie Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice La connaissance des processus histologiques en restitue la meilleure chronologie et le mode de fonctionnement. C’est à ce niveau biophysique que la kinésithérapie peut agir, soit en luttant contre l’hypertrophie cicatricielle, soit en limitant la rétraction. simple : le laser agissant sur la croissance vasculaire par photothermolyse, il diminue aussi la microcirculation et la prolifération fibroblastique ; débuté à j15, il peut être poursuivi jusqu’au 6e mois en laissant des délais de récupération de 1 mois entre chaque séance. ¶ Techniques (à l’exception de la kinésithérapie) Radiations ionisantes Glaçage cicatriciel Il limite l’œdème en favorisant une vasoconstriction ; il peut être entrepris le plus tôt possible. L’intérêt est double, puisqu’il lutte aussi contre la douleur (compression liée à l’œdème). Divers matériaux existent en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (exemple : masque réfrigérant après blépharoplastie). 2 Cicatrice chéloïde axillaire après hidradénite. ¶ Contractures cicatricielles Si la rétraction est un phénomène normal, celui-ci peut devenir pathologique quand ses conséquences aboutissent à une déformation des structures adjacentes à la cicatrice ou à une limitation fonctionnelle. La prévention consiste en une bonne orientation cicatricielle. ¶ Cicatrices chéloïdiennes (fig 2) Il s’agit d’un synonyme de tumeur bénigne c a r, à l a d i ff é re n c e d e l a c i c a t r i c e hypertrophique, on constate une prolifération du tissu cicatriciel dans les structures normales adjacentes (aspect en « pince de crabe », « kele » en grec). On découvre quelques différences avec une cicatrice normale, notamment la présence d’une matrice hypocellulaire contenant un collagène épais. Les fibroblastes de ces cicatrices sont phénotypiquement différents de ceux des cellules normales ; il existe un défaut de rétrocontrôle dans la synthèse de la matrice protéique, qui ne s’arrête que du fait des limitations locales d’apport énergétique [6]. Cliniquement, les facteurs favorisants sont indiscutablement un héritage génétique prédisposant, plus fréquent dans les peaux foncées, mais aussi d’autres facteurs tels que l’âge ou des événements hormonaux. Il n’existe aucune relation entre le volume de l’atteinte initiale et sa résultante cicatricielle. Traitement du remodelage cicatriciel. Lutte contre l’hypertrophie Compression Cette méthode initialement développée pour diminuer l’hypertrophie cicatricielle postbrûlures nécessite la mise en place de vêtements compressifs dont la pression serait supérieure à la pression capillaire normale durant environ 6 mois. On constate une amélioration clinique nette, contrôlée histologiquement par une accélération de la maturation avec disparition rapide des nodules de collagène et orientation des fibres parallèlement à la surface cutanée. Le mécanisme de fonctionnement ne semble pas réellement lié à la pression car l’on constate une efficacité de la méthode, même si la pression du vêtement est inférieure à la pression tissulaire. Le mode d’action le plus probable est physique ; le vêtement augmentant la température tissulaire de 1 à 3 °C, la collagénase est ainsi activée. Gels de silicone Ils ont fait la preuve clinique et histologique de leur efficacité : cette méthode nécessite l’application, durant 2 à 6 mois, de gels cohésifs 12 à 24 h/j ; le port de ces gels peut être débuté tôt, dès le 7e jour. Le mécanisme d’action initialement supposé chimique est mal connu mais il est possible que ce soit, là encore, une augmentation de température qui améliore l’action de la collagénase. Ultrasons Le réchauffement tissulaire peut aussi être obtenu par les ultrasons mais leur utilisation ralentit le processus de cicatrisation ; en revanche, en tant que traitement du lymphœdème, les ultrasons ouvrent les shunts lymphatiques. Laser à colorant pulsé TRAITEMENTS BIOPHYSIQUES Diverses thérapeutiques ont été développées pour toutes les cicatrices. 26-280-A-10 Il a récemment été proposé et les premières études sérieuses relatant son application sont encourageantes. Le mode d’action est Limitées à des doses de 15 à 20 Gy (en six séances), elles sont débutées en postopératoire précoce ; le mode d’action est une limitation de la microcirculation et donc de la prolifération fibroblastique. Cependant, leur utilisation est réservée aux adultes et limitée aux échecs des autres méthodes. ¶ Kinésithérapie Elle est active à différentes étapes : lutte contre l’œdème, action défibrosante et prévention de la rétraction cicatricielle. Lutte contre l’œdème • Drainage lymphatique manuel (DLM) De j0 à j3, la lutte contre l’œdème posttraumatique (chirurgical ou non) est fondamentale car (cf supra) l’augmentation physiologique de la perméabilité vasculaire aboutit à la migration de cellules inflammatoires ; plus leur nombre est élevé, plus cette phase dure, favorisant aussi l’hypertrophie cicatricielle. D’autre part, le volume dû à l’œdème augmente la pression tissulaire, limitant aussi les mouvements et la réorganisation du collagène en bonne position. Seul le réseau lymphatique peut aider à l’évacuation des protéines et réduire aussi un œdème existant. Le DLM favorise la résorption de l’excédent liquidien et des macromolécules, il aura une chronologie proximodistale à partir des chaînes ganglionnaires, en manœuvre d’appel, avec quelques manœuvres de résorption en distoproximal. La prise de contact de la main correspond à la « pression initiale » la plus proche possible de 0, suivie d’un étirement des tissus ou « captage » (sans déplacement de la main) ; on exerce alors une pression i n f é r i e u re à 4 0 g / c m 2 , s u i v i e d ’ u n relâchement (retour passif des tissus). La manœuvre ainsi effectuée au rythme d’un battement artériel est progressive, de poche en poche, sur les trajets lymphatiques et les aires ganglionnaires. • Pressothérapie ou dépressothérapie ? Si classiquement les manœuvres qui visent à la résorption de l’œdème respectent le sens du réseau collecteur (de la superficie vers la profondeur), la dépressothérapie (par application d’une pression négative sur la peau par effet de ventouse déplacée) organise une filtration dans les capillaires veineux et lymphatiques superficiels. Son utilisation précoce en chirurgie est discutable [2]. 3 26-280-A-10 Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice Action défibrosante Ultérieurement, la kinésithérapie peut être utilisée en fonction de la physiologie tissulaire ; le rôle des diverses techniques consiste d’abord à limiter l’œdème puis à favoriser une bonne organisation cicatricielle. Dans la cicatrice initiale, élastine et collagène présentent une structure ayant peu de liaisons moléculaires, les cicatrices sont donc malléables, la kinésithérapie et les massages permettent de garder cette souplesse en diminuant le pourcentage de ponts interstructurels, mais tout le problème est de respecter au mieux les délais tissulaires, car (cf supra) la tension stimule les fibroblastes et leur synthèse collagénique. Schématiquement, on peut proposer de poursuivre le DML durant les 3 premières semaines pour limiter l’œdème et favoriser l’élimination des déchets métaboliques. La mobilisation cicatricielle est débutée prudemment : – à j30, la cicatrice a 35 % de sa résistance définitive ; – à j45, la cicatrice a 70 à 80 % de sa résistance finale. Aussi, du 20e au 45e jour, le massage manuel est doux, utilisé pour son action circulatoire et défibrosante, en mobilisant la cicatrice par rapport aux plans profonds ; il faut être multidirectionnel, doux et progressif en intensité. Le palper-rouler est réalisé en formant un pli cutané entre le pouce et l’index ; c’est une technique défibrosante mais souvent douloureuse. À partir du 45e jour, on peut intensifier les techniques d’assouplissement cicatriciel (pétrissage, décollement), les massages hydriques peuvent être utilisés avec des pressions progressives (en centres de convalescence des grands brûlés). L’utilisation des appareils de dépressothérapie peut être débutée ; à la surface de la peau, la traction se fait en déplaçant de petites buses aspirantes, les divers appareils disposant de deux modes en intensité réglable, un mode continu agissant plutôt sur le mouvement des fluides, un mode pulsé agissant par tractions répétées sur le tissu conjonctif. Prévention de la rétraction Le kinésithérapeute, par la réalisation d’orthèses statiques ou dynamiques mais aussi grâce à des massages de type étirements, évite les rétractions anormales. Les étirements peuvent être débutés sans craindre une fragilité cicatricielle à partir du 45e jour. ¶ Traitements chimiques Ils sont simplement cités, ainsi que leur mode d’action. – Les anti-inflammatoires (aspirine, ibuprofène) inhibent la synthèse de PG, lesquelles sont les médiateurs de 4 l’inflammation et de l’interleukine 1 qui est un puissant facteur de remodelage matériel et de fibrose. – Les corticostéroïdes inhibent la synthèse p ro t é i q u e , l i m i t e n t l a p ro l i f é r a t i o n fibrobastique et diminuent la formation d ’ a l p h a - 2 m a c ro g l o b u l i n e ( p u i s s a n t inhibiteur de la collagénase). Leur utilisation est fréquente en intralésionnel lors du traitement des cicatrices hypertrophiques ou chéloïdiennes. – La colchicine qui inhibe la sécrétion de collagène par les fibroblastes, les agents antimitotiques ont été proposés mais les effets secondaires nocifs limitent leur utilisation clinique. Aujourd’hui, les progrès de la biochimie laissent espérer de nouvelles molécules stimulant la collagénase. RÔLE DE LA CHIRURGIE En ce qui concerne l’hypertrophie, il est double : préventif par une parfaite détersion des plaies souillées ou couvertes de débris nécrotiques (diminution de la phase inflammatoire), une bonne disposition des cicatrices selon les lignes de tension (Langer) et curatif, plasties en Z qui permettent de distribuer les cicatrices selon d’autres orientations, apports tissulaires par plasties locales qui diminuent les tensions liées au déficit. Pour les chéloïdes, la chirurgie est systématiquement couplée aux autres méthodes chimiques et physiques. La prévention de la rétraction est plus logique que son traitement (apport tissulaire). On utilise diverses méthodes d’immobilisation en position opposée à la contracture supposée, ce qui guide la réorganisation du collagène et sa maturation en bonne position. Exemples : conformateurs oraux chez les grands brûlés, blépharoraphies transitoires... Applications pratiques La masso ki n ési t h ér ap i e, de p ar ses interactions biophysiques avec les phénomènes de cicatrisation, est donc un traitement d’appoint en chirurgie plastique, réparatrice et esthétique. La chirurgie plastique recouvrant une large palette de domaines allant de la microchirurgie, aux escarres, à la chirurgie de la face, du membre supérieur, etc, nous limitons volontairement les exemples de ce chapitre aux domaines esthétiques d’une part et aux controverses sur la place de la massokinésithérapie dans le traitement de la cellulite. En chirurgie esthétique, la prise en charge est importante car il s’agit de patients très impliqués, voire très exigeants dont la demande correspond à un bien-être plus qu’à une pathologie, bien que le Kinésithérapie retentissement fonctionnel ne soit pas nul (chirurgie des hypertrophies mammaires, plasties abdominales...). Les rançons cicatricielles sont donc mal tolérées et le plus grand soin doit être apporté à leur prévention. Par ailleurs, le kinésithérapeute agissant en équipe avec le chirurgien, a aussi un rôle de soutien psychologique, d’information et de conseils (notamment ceux concernant l’éviction solaire). Le remodelage cicatriciel durant 1 an, la surveillance devra être réalisée tout ce temps. ÉTUDE TOPOGRAPHIQUE Plus spécifiquement, on peut distinguer une place de la massokinésithérapie dans diverses procédures rappelées par disposition anatomique. ¶ Chirurgie de la face et du cou Liftings Les incisions sont habituellement situées autour de l’oreille, plus ou moins étendues en oméga autour de celles-ci ; il peut y être associée une courte cicatrice sous-mentale. Par ces voies d’abord, l’ensemble de la peau faciale et cervicale haute est libéré permettant un accès aux structures musculoaponévrotiques sous-jacentes. Selon les habitudes chirurgicales, diverses méthodes peuvent remettre en place les muscles de la face ou ses composants graisseux ; la peau est ensuite redisposée et redistribuée en excisant les excédents résiduels. Dans cette chirurgie, les suites postopératoires sont souvent marquées par une phase d’œdème importante, parfois majorée par des hématomes (10 % dans toutes les séries sujettes à une autocritique honnête). Le rôle de la massokinésithérapie est donc double : – lutter contre l’œdème initial, puis défibroser les tissus profonds afin de limiter les organisations des hématomes résiduels. Les techniques de massage utilisent, avec pratiquement les mêmes résultats, le DLM ou la dépressothérapie à fréquence variable ; – améliorer l’organisation cicatricielle cutanée telle que décrite plus haut. L’apport du kinésithérapeute est d’autant plus grand qu’il peut exister une asymétrie initiale liée à un hématome. De plus, l’aide psychologique est importante lors de la phase initiale où les patientes, bien que prévenues par le chirurgien, traversent des moments difficiles. La fréquence des séances est de 3 à 4 fois p a r s e m a i n e l e s 1 0 p re m i e r s j o u r s , éventuellement poursuivies au gré des patient(e)s pendant 4 semaines. Certains conseillent de plus le port de masques compressifs afin de diminuer mécaniquement l’œdème. Kinésithérapie Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice Blépharoplasties Dans cette chirurgie, habituellement les paupières supérieures sont l’objet d’une excision cutanée mesurée, parfois associée à divers gestes complémentaires (excision graisseuse, remise en tension du releveur). Les paupières inférieures peuvent présenter des défauts plus variés imposant parfois une réduction cutanée isolée, parfois une simple excision graisseuse, ailleurs une redistribution de la graisse préseptale, enfin divers gestes musculaires sur l’orbiculaire et quelquefois sur le tarse. La caractéristique commune des paupières est l’extrême finesse de la peau qui possède un derme très ténu avec une conséquence néfaste de manque de résistance laissant s’exprimer de façon spectaculaire œdème et hématomes mais aussi positive, car les mauvaises cicatrisations y sont exceptionnelles. Le rôle du kinésithérapeute est donc essentiellement de lutter contre les œdèmes. Deux points particuliers sont à connaître : – l’œdème prémalaire externe après blépharoplastie inférieure, qui, non traité, persiste et entraîne une disgrâce prolongée ; il peut être prévenu par un drainage lymphatique précoce ; – l’ectropion postopératoire modéré, qui, s’il n’est pas lié à un défaut d’analyse ou de procédure, peut souvent être régressif grâce aux massages. Dans la chirurgie des paupières, le port de protections réfrigérées améliore le confort et diminue l’œdème immédiat. Rhinoplasties Ce sont des opérations destinées à changer la forme du nez grâce à une nouvelle disposition des structures de soutien de celui-ci (os et cartilage). Parfois, on y associe des résections cutanées. Deux voies d’abord cicatriciel existent, endonasale ou ouverte par une petite incision columellaire ; dans tous les cas existe un œdème parfois masqué par les moyens de contention (attelle ou plâtre). Le rôle de la massokinésithérapie consiste à lutter contre ce phénomène qui est beaucoup plus marqué et prolongé sur la pointe du nez en cas de rhinoplastie ouverte. La durée d’apparition des modifications morphologiques du nez après rhinoplastie témoigne de la lenteur du processus de cicatrisation et du remodelage ; parfois, les changements continuent à apparaître pendant 2 à 3 ans. Chirurgie des lèvres Les injections de graisse entraînent évidemment de gros œdèmes et parfois des hématomes spectaculaires dont la disparition est favorisée par le drainage lymphatique. Génioplasties Quand elles sont la conséquence d’ostéotomie de la mandibule, elles sont faites par des incisions endovestibulaires, avec changement osseux par dissection souspériostée. L’œdème postopératoire est souvent important, diminué par le port de frondes mentonnières et les drainages lymphatiques sont une aide. ¶ Chirurgie des seins Elle comporte deux aspects. Traitement des ptôses et des hypertrophies Les incisions sont situées en périaréolaire, prolongées le plus souvent par une cicatrice verticale allant du bord inférieur de l’aréole au sillon sous-mammaire. Pour beaucoup de chirurgiens, une cicatrice horizontale sousmammaire est encore réalisée, plus ou moins latéralisée à l’extérieur. Dans les techniques à cicatrice verticale pure, la peau est décollée du sein dans tous les quadrants inférieurs interne et externe, fixée sur la médiane avec un système de frondes ; celles-ci se résorbent par rétraction progressivement, de façon spectaculaire durant les 15 premiers jours puis plus progressivement pendant 2 à 6 mois. Les traitements physiothérapiques associent le port de gels de silicone avec les massages cicatriciels. On note souvent une stase lymphatique importante dans le segment inférieur du sein (SIII), parfois liée à une liponécrobiose aseptique. La lutte contre la fibrose et la stase lymphatique diminue le temps de retour à une souplesse naturelle. Le rôle du kinésithérapeute est là encore également psychologique afin de rassurer les patientes quant à l’aspect initial (normal) du plissé cutané. Le port d’un soutien-gorge adapté (de sport ou spécifique) est souvent utile durant 1 à 2 mois ; cette méthode lutte contre l’œdème et favorise la rétraction. Augmentation mammaire La chirurgie consiste à mettre en place des prothèses remplies de sérum physiologique derrière le sein ; les prothèses peuvent être posées devant ou derrière le plan du muscle grand pectoral par des voies d’abord limitées, axillaire, périaréolaire, ou inframammaire (moins souvent). La tendance est de placer les prothèses en position rétromusculaire quand le tissu glandulaire est très limité et ce afin d’obtenir un capitonnage suffisant. Outre le dégonflement des prothèses (problème numéro un de cette chirurgie), on note divers problèmes : la perception du bord inférieur de la prothèse (quasi constante) et les déplacements prothétiques ; ceux-ci sont liés à des décollements excessifs qui peuvent être corrigés par le port immédiat d’un soutien-gorge compressif. Les massages sont utiles au niveau cicatriciel. Deux problèmes peuvent se voir à distance : 26-280-A-10 – les coques périprothétiques ; il s’agit de fibroses importantes dures, pouvant au maximum déformer les seins, liées aux prothèses anciennes remplies de silicone polymérisé semi-liquide. Cette fibrose étant la résultante d’une réaction inflammatoire chronique, son traitement est le plus souvent chirurgical : a b l a t i o n d e l ’ a n c i e n n e p ro t h è s e e t capsulectomie. Les massages des seins après prothèses sont parfois proposés ; ils semblent plus utiles quand les prothèses ont un aspect figé du fait de l’absence de souplesse cutanée. Mais ce ne peut être le traitement des coques qui impose la reprise chirurgicale. ¶ Chirurgie abdominale Outre les lipoaspirations isolées, la chirurgie la plus pratiquée est la plastie abdominale ; cette opération associe diverses variantes avec résection cutanée des excédents, lip oa s p ir a t ion e t re m is e e n t e n s ion musculaire. Généralement, l’incision résiduelle est basse, sus-pubienne, mais longue. On note une stase lymphatique importante majorée dans la région sous-ombilicale. Le traitement repose sur le port d’un vêtement compressif chassant l’œdème associé à des massages cicatriciels et un d r a i n a g e l y m p h a t i q u e i n f é r i e u r. Spontanément, la stase lymphatique peut être prolongée (jusqu’à 6 à 8 mois). ¶ Cruroplasties Elles sont destinées à réduire les excédents cutanéograisseux des faces internes des cuisses. On y associe décollement, pexie profonde et résection cutanée en respectant les voies de drainage lymphatique du triangle de Scarpa ; là encore, la cicatrice est longue, située au niveau du sillon génitocrural et le rôle du kinésithérapeute consiste à en améliorer la qualité et à lutter contre l’œdème résiduel. KINÉSITHÉRAPIE ET CELLULITE (fig 3 à 6) Le terme de cellulite actuellement très employé ne correspond pas toujours à une maladie mais plutôt à un ensemble de 3 Cellulite avec troubles lymphatiques (épanchement de Morel-Lavallée). – un déplacement anormal et tardif des prothèses sous-musculaires lié à une mise en jeu musculaire importante (aérobie) ; 5 Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice 26-280-A-10 ¶ Rappel sur le tissu graisseux normal Microscopie Les adipocytes sont des cellules arrondies dont le cytoplasme est rempli d’une vacuole lipidique centrale qui repousse le noyau en périphérie cellulaire. Les structures vasculaires sont très nombreuses à la périphérie des adipocytes et la membrane basale des capillaires vient au contact de la cellule de façon étroite. Physiologie 4 Les adipocytes appartiennent à une catégorie de cellule dont le rôle est d’être une réserve énergétique. Ils sont capables de synthétiser des graisses (triglycérides) à partir du glucose sanguin et des lipoprotéines circulantes. Ils peuvent libérer les acides gras sous l’influence de divers facteurs qui agissent par le biais de récepteurs membranaires variés ; le type et la quantité de récepteurs orientent les adipocytes vers une activité prépondérante de stockage plus ou moins mobilisable. Cellulite pathologique chez l’obèse. Macroscopie * A 5 * B A, B. Cellulite localisée, « culotte de cheval ». modifications morphologiques entraînant une gêne esthétique et parfois fonctionnelle, ainsi qu’une forte demande de correction. Le tissu adipeux est constitué de ces cellules adipocytaires ou cellules graisseuses qui sont organisées en amas et constituent des globules graisseux séparés par des fibres conjonctives et vasculaires qui s’organisent en véritables travées. Le fascia superficialis divise le tissu adipeux en deux zones : – z o n e s u p e r fi c i e l l e : t i s s u a d i p e u x sous-cutané ; Diverses professions sont concernées par ce problème, les médecins, kinésithérapeutes et chirurgiens, mais également les esthéticiennes et les fabricants de cosmétiques. – zone profonde sous-fasciale : zone de stockage métamérique d’origine génétique. En surface, les travées sont insérées sur la face profonde du derme d’un côté et sur le fascia superficialis de l’autre. L’importance des enjeux économiques engendrés ainsi a conduit à une recherche de soins plus ou moins sérieuse et au développement de nombreuses méthodes dont quelques-unes sont de réelles aberrations. Variation de répartition du tissu graisseux normal et caractéristiques évolutives [3] Divers points peuvent être soulignés. Il existe une forte disparité de répartition des graisses entre les deux sexes : la masse grasse 6 A, B. Cellulite « culotte de cheval » avant et après chirurgie. Kinésithérapie normale chez la femme adulte est le double de celle de l’homme. Chez l’homme, la répartition des tissus adipeux est à disposition essentiellement tronculaire et abdominale haute (la testostérone diminue le nombre et le volume des adipocytes sous la ceinture). Chez la femme, la répartition est à prédominance pelvitrochantérienne et abdominale basse. La peau de l’homme et celle de la femme diffèrent également. En effet, chez la femme le derme est plus fin et les cloisons conjonctivovasculaires du tissu adipeux superficiel y sont perpendiculaires au plan aponévrotique, c’est-à-dire verticales. La protrusion des globules graisseux au travers d’un derme plus fin est responsable du phénomène de « peau d’orange ». Les variétés de tissus adipeux : selon le type et le nombre de récepteurs cellulaires, les adipocytes ont une activité de stockage de réserve plus ou moins mobilisable. Ainsi, les graisses stockées dans les zones pelvitrochantériennes chez la femme sont très difficilement métabolisées et ne peuvent être mises en jeu qu’au terme de jeûnes draconiens qui ont préalablement consommé les autres sites de stockage énergétique. Chez l’homme, les graisses de réserves lentes sont réparties sur la paroi abdominale. Facteurs influençant la répartition des graisses : par ordre d’importance, l’hérédité est au premier plan : il est évident que le stockage des graisses dans ces deux composants, c’est-à-dire quantité cellulaire et répartition, a une caractéristique génétiquement déterminée. La population cellulaire a été étudiée lors de sa multiplication. Il est particulièrement important de préciser que l’évolution du nombre des adipocytes est programmée à certains stades du développement. Le tissu adipeux fœtal se développe à partir du 8e mois, l’histogenèse s’étant réalisée à partir de la 14e semaine [1]. Après la naissance, la multiplication cellulaire est importante durant le premier trimestre, puis en période prépubertaire. Le nombre cellulaire est alors assez stable à un âge donné, une multiplication se faisant encore chez la femme en période postménopausique. En dehors de ces périodes, il n’y a normalement que peu d’augmentation de ce capital cellulaire, les variations pondérales correspondant plus à une utilisation de ces zones de stockage. ¶ Cellulite Cellulite et langage courant * A 6 * B Les canons de la beauté féminine ont évolué, surtout depuis les années 1960, vers le développement d’une silhouette idéale affinée et longiligne sans « débordement ». Dans le sens le plus couramment employé, le terme de cellulite correspond, soit à une disgrâce proportionnelle à l’écart constaté par rapport à cette silhouette idéale, soit à Kinésithérapie Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice une infiltration localisée des masses grasses des membres inférieurs. phénomènes vasculaires et tissulaires d’engorgement, ainsi qu’une forte demande psychologique. Cellulite et médecine D’un point de vue plus scientifique, le terme de cellulite est mal adapté. Si l’on choisit une attitude descriptive, on peut distinguer, parmi l’ensemble des patients demandeurs d’une correction, différents groupes cliniques. – À un extrême, il existe des patients porteurs d’une cellulite qui correspond à une simple caractéristique gynoïde (physiologiquement normale), entraînant surtout une pathologie psychologique saisonnière à recrudescence printanière. S’il s’agit là d’une imposture médicale, ces cas correspondent néanmoins à une réelle gêne. – À l’autre extrême, la cellulite peut être réellement invalidante, associée à des troubles fonctionnels d’origine vasculaire et on adopte, pour décrire cet état, divers termes plus ou moins flous : lipodystrophie, liposclérose, hydrolipodystrophie, etc. En réalité, il n’existe pas de frontière nette entre ces deux tableaux, et tous les états intermédiaires sont possibles. Pour mieux comprendre ces phénomènes, rappelons quelques notions anatomophysiologiques. Histologie de la cellulite L’étude des tissus graisseux permet de retrouver une évolution adipocytaire anormale dans l’évolution de la cellulite. On décrit une phase d’œdème et d’exsudat vasculaire, avec stase, suivie d’une phase d’altération et de sclérose périvasculaire se traduisant par un épaississement des cloisons conjonctivales. Ces anomalies sont caractérisées par une évolution parallèle à la surcharge adipocytaire. On peut imaginer deux origines à ces phénomènes : soit troubles vasculaires induits par compression du tissu conjonctif i n t e r l o b u l a i r e s o u s l ’ i n fl u e n c e d e l ’ h y p e r t ro p h i e d e l ’ a d i p o c y t e , s o i t hypertrophie des adipocytes secondaire au phénomène de sclérose vasculaire avec défaut de relargage. En pratique, les deux phénomènes sont intriqués et se potentialisent aux différents stades de la cellulite. Définition Il semble logique, en suivant les constatations anatomiques, de définir la cellulite comme un état génétiquement déterminé plus ou moins marqué et évolutif, caractérisé par une tendance spécifique de certains adipocytes à réaliser un stockage énergétique en lipides dont la mobilisation est très difficile. Cette définition correspond à un état physiologique qui peut devenir pathologique quand s’y associent des Éléments d’étude clinique Il semble utile, dans les antécédents, de faire préciser, outre les facteurs familiaux et l’âge de début de ceux-ci, l’historique de la gêne et le contexte psychologique, alimentaire, ainsi que les habitudes alimentaires et sportives. Si la cellulite n’est pas synonyme d’obésité, puisque certains sujets maigres ont des infiltrations étendues et très invalidantes, elle peut néanmoins en être satellite. La définition de l’obésité étant d’être un excès de masse grasse, on la mesure difficilement : diverses formules apprécient la limite du poids normal en fonction de l’âge, de la taille et du sexe. Le rapport le plus utilisé est l’index de masse corporelle : poids (kg) /surface corporelle (m2). Ce type d’analyse a ses limites et doit être corrélé a une appréciation de la masse musculaire. L’examen clinique précise la topographie de la cellulite : volume, capitonnage, parfois aspect luisant et tendu de la peau. Une insuffisance veineuse associée doit être recherchée. Les examens complémentaires ne servent pas à apprécier la cellulite en elle-même, mais peuvent être utiles pour étudier une pathologie associée : hormonale, vasculaire, etc. • Au terme de l’examen Certaines formes sont manifestement peu ou pas pathologiques : simples stockages métamériques limités aux faces externes des hanches et aux sillons sous-fessiers ainsi que sur la face interne des genoux ; dans ces cas, il n’y a pas de troubles trophiques, la peau est normale et le phénomène de « peau d’orange » n’apparaît qu’à la pression de ces zones. Dans d’autres cas, il existe de véritables cellulalgies avec une peau tendue et une protrusion des lobules graisseux importante. Il faut connaître quelques dystrophies : – le syndrome de Barraquer-Simons : lipodystrophie de la partie basse du corps associée à une lipoatrophie de la partie haute du corps ; – le syndrome de Launois-Bensaude (rare chez la femme) : lipodystrophie hyperandroïde ; – enfin, il existe diverses raretés associant une cellulite à des malformations oculaires et/ou distales. ¶ Traitements Nous citerons les principaux moyens autres que la kinésithérapie selon leur type d’action, lequel guide les indications. 26-280-A-10 Avant tout, citons les régimes car ils font partie de l’arsenal thérapeutique en cas de cellulite associée à une surcharge pondérale. L’objet de cet article n’est pas d’en détailler les principes. Méthodes améliorant l’état vasculaire Elles sont médicales : mésothérapie et ionisations. Les médicaments utilisés sont : – la caféine ; – la nicotine ; – l’acide hyaluronique ; – les mucopolysaccharides. La thiomucase n’est plus employée du fait de ses réactions allergisantes. Ces produits entraînent une augmentation de la vascularisation sanguine cutanée ainsi q u e d e s e ff e t s h y d r a t a n t s e t a n t i inflammatoires. L’efficacité de ces méthodes est parfois nulle, parfois correcte, mais souvent transitoire. Ces thérapeutiques sont administrées par les médecins ; chacun ayant son propre cocktail. Méthodes diminuant les stockages adipocytaires • Électrolipolyse Le principe est d’introduire sous la peau de très fines aiguilles reliées à un courant de faible intensité. Cette méthode améliore l’état local vasculaire et entraîne une augmentation de la combustion des graisses. Principal inconvénient : l’échec fréquent de la méthode mais aussi son aspect transitoire. • Lipoaspirations Il s’agit d’un geste chirurgical qui doit être réalisé par des chirurgiens entraînés. Le principe est d’aspirer la graisse au moyen de canules introduites sous la peau par de très petites incisions. Afin de permettre une meilleure rétraction cutanée, ces interventions nécessitent le port de vêtements compressifs prolongé dans les suites opératoires. Les résultats ne sont pas immédiats, puisque après la phase d’hématomes succède une phase transitoire de stase lymphatique pouvant durer plusieurs mois. Actuellement, il s’agit d’une méthode très sûre dont les limites sont claires : – la quantité de graisse retirée doit être évaluée en fonction de la qualité de la peau, car celle-ci doit se rétracter pour obtenir un résultat homogène. En cas de peau relâchée ou de gros excès de stockage, cette chirurgie doit être pondérée ; – le défaut de la technique est lié à la difficulté d’aspirer la graisse la plus superficielle, car dans ce secteur souscutané, le risque de rétraction inhomogène 7 26-280-A-10 Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice est très grand, à l’origine de défauts irrattrapables (aspects en « tôle ondulée »). L’utilisation de canules très fines permet de pallier partiellement cet inconvénient. L’avantage de cette méthode, outre de diminuer le volume, est de diminuer la pression locale et donc de favoriser le drainage local et l’état de la microcirculation. L’avantage majeur de ces techniques est l’effet définitif de leur résultat à poids constant. Enfin, il faut signaler que les diverses méthodes dérivées des ultrasons ne sont pas sans danger et que la commercialisation (et a fortiori leur utilisation) de ces appareils est actuellement interdite en France. ¶ Kinésithérapie Rappel des conseils d’hygiène de vie élémentaires Les principes sont : – d’améliorer le fonctionnement des systèmes d’élimination (veineuse et lymphatique) ; – d’apporter les corrections posturales nécessaires ; – de faire développer une activité globale sollicitant le métabolisme aérobie. Descriptif des méthodes Le drainage des membres inférieurs débute toujours par le drainage du ventre en appel. • Massages circulatoires et pressothérapie • Activité physique En cas de cellulite organisée Il faut stimuler les pompes vasculaires, à savoir : La chirurgie première semble plus logique, les traitements kinésithérapiques et médicaux étant alors réservés aux patientes réfractaires, bien prévenues de l’aspect aléatoire des résultats. – le diaphragme par l’apprentissage de la ventilation abdominodiaphragmatique ; – le système musculaire en conseillant si possible des activités qui vont favoriser le retour veineux (natation, marche à pied). Pratiquée sur un mode aérobie (sans dépasser 120 à 140 pulsations/min en f o n c t i o n d e l a f r é q u e n c e c a rd i a q u e maximale) sur de longues périodes (supérieures à 1 heure), l’activité physique d’« endurance » est consommatrice des graisses stockées dans l’organisme. L’incitation à une gymnastique quotidienne d’entretien peut être recommandée pour stimuler l’envie de bouger du patient et l’amélioration de son tonus. L’apprentissage d’un autodrainage d’entretien pouvant être pratiqué quotidiennement à domicile est proposé. • Conseils d’hygiène de vie En plus d’une activité physique régulière, il peut être nécessaire d’encourager la patiente à avoir une alimentation saine avec une bonne hydratation pour stimuler le processus d’épuration du sang et si nécessaire, l’orienter vers un diététicien. En conclusion, nous pensons que c’est souvent l’association des techniques, la rigueur d’application, la motivation des patientes et leur persévérance qui permettront d’obtenir un résultat mesurable et durable. Ils stimulent le mouvement liquidien dans le sens du retour veineux. En luttant contre la stase, ils favorisent l’élimination des déchets. Le massage s’adresse également aux muscles en produisant des afférences proprioceptives les préparant à la reprise de l’activité physique. Le palper-rouler manuel présente un intérêt particulier. Il permet un drainage des infiltrations pathologiques de la cellulite, provoque une hyperémie, accroît le métabolisme cellulaire (modification du collagène), accélère l’évacuation des déchets toxiques. Par une meilleure oxygénation des tissus, il a un effet indéniable sur la trophicité tissulaire. • Pressothérapie • Dépressothérapie En cas de cellulite localisée débutante Elle semble avoir les mêmes effets que le palper-rouler manuel avec l’aspiration en plus, le sens tactile en moins. Néanmoins, la technique est plus confortable, elle peut être appliquée de façon beaucoup plus étendue que le palper-rouler et semble faire preuve d’une réelle efficacité dans le traitement de la cellulite. 8 Kinésithérapie À l’aide de bottes pneumatiques, cette technique semble moins adéquate que les précédentes. En fait, toutes les méthodes kinésithérapiques améliorent l’état vasculaire local. ¶ Indications Elles doivent tenir compte de l’état local mais aussi de l’avis des patientes. En effet, certaines seront absolument réfractaires à un geste chirurgical, d’autres désireront tenter des méthodes « douces » au préalable. L’essentiel est de bien expliquer les limites de chaque méthode afin d’avoir un « contrat de soins » très clair avant de débuter un traitement. On peut proposer, soit la kinésithérapie isolée ou associée au traitement médical ; les résultats, bien qu’excellents chez certaines patientes, seront transitoires ; en cas d’échec ou de récidive trop rapide, le recours chirurgical reste une bonne solution ; soit la chirurgie première chez des patientes motivées désirant d’emblée une efficacité définitive. Il faut souligner que la lipoaspiration, contrairement à l’idée la plus répandue, est d’autant plus satisfaisante faite sur un patient jeune (du fait de la qualité cutanée autorisant une rétraction importante). ¶ Place de la kinésithérapie dans le traitement chirurgical Outre son essai thérapeutique avant intervention, les techniques de kinésithérapie sont une aide en postopératoire dans la mesure où l’œdème persistant résiduel peut durer jusqu’à 6 à 8 mois. Il n’est donc pas absurde de conseiller aux patientes présentant un œdème très important de requérir aux techniques de palper-rouler ou de drainage lymphatique [5]. Conclusion En définitive, c’est par une bonne collaboration entre le médecin ou le chirurgien et le kinésithérapeute que les meilleurs traitements peuvent être proposés. Cette complémentarité essentielle dans le traitement des cicatrices, est parfaitement intégrée dans les centres de traitement des grands brûlés, mais peut aussi être appliquée à une chirurgie et une médecine plus courantes où l’amélioration de la disgrâce cicatricielle peut transformer les résultats. En matière de cellulite, les procédés de physiothérapie ont leur place, avant ou après chirurgie, si le kinésithérapeute connaît, comprend et explique les limites de ces méthodes. Références [1] Alan R, Bouchard C, Janhston FE. Fat distribution during growth and later health outcomes. New York : A and R Liss, 1988 [2] Boutan M. Symposium de kinésithérapie, Biarritz, 1998 [3] Cluzan RV. Nosologie de la cellulite. In : Vaisseaux et tissus adipeux. Paris : édition Pierre Fabre, 1997 : 22-31 [4] Cohen IK, Diegelmann RF, Kaplan MM. The role of macrophages in wound repair. Plast Reconstr Surg 1981 ; 68 : 107 [5] Leduc A, Leduc O, Bourgeois P, Snock T, Van Den Bosche C. Confidential research report. University of Brussels, 1995 [6] Su CW, Alizadeh K, Boddie A, Lee RC. The problem scar. Clin Plast Surg 1998 ; 25 : 451-465 [7] Thomas-Lawrence W. Physiology of the acute wound. Clin Plast Surg 1998 ; 25 : 321-340