Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et

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Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 26-280-A-10
26-280-A-10
Place de la massokinésithérapie dans
la chirurgie esthétique et réparatrice
J Ribière
Résumé. – La chirurgie plastique et la kinésithérapie ont des synergies qui concernent aussi bien le
traitement des cicatrices que certains problèmes comme la cellulite.
L’article analyse les bases fondamentales de ces cicatrisations, normales et anormales, étudie les procédés de
remodelage cicatriciel et précise les applications pratiques de la kinésithérapie dans les principales chirurgies
esthétiques, enfin la cellulite est étudiée séparément pour préciser les fondements physiologiques et l’efficacité
des divers traitements.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction
Le développement de la chirurgie plastique,
reconstructrice et esthétique a été rapide
depuis 25 ans. L’objet de cet article est de
faire le point sur la place des soins de
massokinésithérapie au sein de cette
discipline, en insistant sur les bases
fondamentales et les applications pratiques ;
celles-ci sont limitées volontairement à la
partie esthétique de la chirurgie plastique,
réparatrice et esthétique car le reste de la
discipline regroupe un ensemble trop vaste
et inhomogène.
Bases fondamentales
Initialement, les travaux de recherche en
chirurgie plastique reconstructrice et
esthétique ont été dirigés sur une meilleure
reconnaissance de l’anatomie et de la
physiologie.
Les retombées en furent spectaculaires,
lambeaux de mobilisation tissulaire (simples,
libres, composites), microchirurgie et
sécurité dans les procédures plus habituelles.
Aujourd’hui, la recherche fondamentale
prend le relais car les besoins sont énormes,
aussi bien pour les centres de grands brûlés
que pour la chirurgie du quotidien. La
connaissance des processus de cicatrisation
peut amener d’énormes changements avec
Jérôme Ribière : Ancien interne des Hôpitaux, ancien chef de cliniqueassistant des hôpitaux de Lille et Bordeaux, diplômé du collège de
chirurgie plastique, réparatrice et esthétique, 79, avenue de la Marne,
64200 Biarritz, France.
de probables nouvelles techniques ou
nouvelles molécules mais aussi par la
meilleure compréhension des méthodes
anciennement utilisées.
La massokinésithérapie ne fait pas
exception, car étudier la cicatrisation
entraîne une nouvelle évaluation de ses
composants et de leur variation en fonction
de divers facteurs biologiques, mécaniques
et physiques dont elle fait partie.
ÉTUDE DU PROCESSUS NORMAL
DE CICATRISATION (fig 1)
On peut distinguer schématiquement trois
phases distinctes de par leurs objectifs
biologiques.
*
A
¶ Première phase
Elle débute avec l’effraction vasculaire : elle
dure de 2 à 3 jours et est appelée phase
inflammatoire. Son principal objectif est
d’éliminer les tissus détruits et de rétablir
un contrôle immunologique. Cette phase est
activée par les lésions tissulaires et l’issue
extravasculaire de facteurs sanguins.
Le traumatisme est suivi d’une
vasoconstriction facilitée par les
catécholamines libérées par les cellules en
souffrance et par leurs prostaglandines
(PG) ; l’hémostase primaire aboutit à un
caillot constitué de fibrine et de globules
rouges enchappés avec des plaquettes
agrégées.
La fibrine est un composant issu de la
coagulation activé par des facteurs
intrinsèques (sanguins) et extrinsèques
(essentiels) déterminés par des facteurs
tissulaires. Ces facteurs tissulaires sont
présents sur les surfaces extravasculaires,
tels les fibroblastes adventiciels (paroi
vasculaire).
*
B
1
A, B. Plaies de la face et bonne cicatrisation.
Cette cascade biochimique aboutit à la
transformation de thrombinogène en
thrombine, enzyme qui convertit le
fibrinogène en fibrine.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ribière J. Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Kinésithérapie — Médecine physique-Réadaptation, 26-280-A-10, 2000, 8 p.
26-280-A-10
Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice
La fibrine se recouvre de fibronectines et de
vitronectines, molécules facilitant l’attache
des cellules sur la fibrine, ainsi que d’autres
facteurs de type cytokines.
La fibrine et la thrombine augmentent la
perméabilité vasculaire, facilitant la
migration extravasculaire de cellules
i n fl a m m a t o i r e s ( p o l y n u c l é a i r e s ,
lymphocytes).
Les plaquettes et les polynucléaires
neutrophiles larguent des facteurs de
croissance solubles ainsi que des cytokines
de type platelet derivated growth factor
(PDGF), mais aussi diverses protéines, du
facteur V et des immunoglobulines (IgE),
ainsi que des protéases qui activent le
système immunitaire (complément).
L’ensemble de ce système de coagulation est
limité dans l’espace du fait de la synthèse
d e p ro s t a g l a n d i n e s p a r l e s c e l l u l e s
endothéliales, qui ont pour fonction de
débuter la lyse du caillot (transformation du
plasminogène en plasmine), processus
normalement inhibé mais dont les
régulateurs sont fixés dans le caillot.
Tous ces événements produits lors de cette
phase stimulent la synthèse de collagène par
les fibroblastes, et activent de nombreuses
enzymes qui aggravent la lésion tissulaire.
L’inflammation débute dans la microcirculation dès 10 à 15 minutes ; elle a comme
fonction d’augmenter le débit sanguin local
facilitant la sortie de plasma, de cellules et
l’œdème. Son mécanisme passe par la
libération d’acide arachidonique et
l’activation de PGE1 et PGE2 qui stimulent
l’adhésion des polynucléaires sur
l’endothélium vasculaire et leur migration
vers les tissus lésés.
La fonction de ces cellules est un rôle de
défense et de digestion des matériaux
étrangers, leur nombre s’accroît dans les
tissus lésés durant les premier et deuxième
jours.
Les polynucléaires sont eux-mêmes détruits
par les macrophages (cellule issue du
monocyte) aussi, à la 72e heure, le nombre
de macrophages est supérieur à celui des
polynucléaires [7].
Une souillure bactérienne importante, la
présence de corps étrangers prolongent le
recrutement des neutrophiles et la phase
inflammatoire, induisant ainsi secondairement une fibrose aggravée [4].
¶ Deuxième phase
C’est la phase de réparation transitionnelle
de j3 à 5 semaines. Son principal objectif est
de rétablir une intégrité fonctionnelle
tissulaire le plus vite possible.
Les fibroblastes et les cellules endothéliales
sont les chefs d’orchestre de cette fonction.
Ces cellules présentes dans l’agrégat
synthétisent rapidement une matrice de
réparation contenant du collagène, de
l’élastine, des protéoglycanes afin de créer
u n s u b s t r a t p ro p re à l a m i g r a t i o n
épidermique sur la surface de la plaie.
2
Normalement, après 5 à 7 jours, les
macrophages ont disparu et les cellules
présentes sont essentiellement des
fibroblastes dont la prolifération a été
induite par les macrophages (synthèse de
cytokines de prolifération tissulaire et
activation de la synthèse de collagène). La
présence des premiers fibroblastes dans la
matrice du caillot est facilitée par l’acide
hyaluronique ; leur synthèse protéique
débute à j3 et se prolonge jusqu’à la
troisième ou cinquième semaine.
Les fibroblastes prolifèrent vite et se
transforment pour devenir myofibroblastes,
lesquels créent une tension mécanique au
sein de la matrice extracellulaire contribuant
aussi à sa réduction. Ces cellules produisent
aussi des enzymes qui dégradent le
collagène nouvellement synthétisé,
maintenant ainsi un équilibre. L’activation
de ces enzymes est contrôlée par des
facteurs chimiques mais aussi pH,
température.
La balance entre la synthèse et la destruction
de la matrice règle la qualité des tissus
cicatriciels. Normalement, la qualité de la
matrice cicatricielle est au maximum entre
la troisième et la quatrième semaine. La
tension du collagène augmente proportionnellement. Ultérieurement, la rétraction
s’amplifie mais en relation avec la néoorganisation et l’augmentation des ponts
intermoléculaires.
Les cellules de la couche basale de
l’épiderme produisent un faible courant
électrique qui joue un rôle dans la
cicatrisation par sa diffusion liée à
l’effraction tissulaire en attirant les cellules
de la basale au travers de la plaie.
La réépithélialisation débute dès la
24e heure, entraînant une diminution du
nombre des cellules inflammatoires et des
fibroblastes.
¶ Troisième phase
C’est celle du remodelage au cours de
laquelle le collagène de type III synthétisé
initialement est remplacé par du collagène
de type I grâce à la destruction des vieilles
molécules par les macrophages.
Le nouveau tissu est organisé en liens
orientés selon les lignes de tension
mécaniques des tissus ; le tissu final s’adapte
ainsi aux contraintes locales, les fibroblastes
étant responsables de la tension tissulaire.
Le remodelage cicatriciel constitue la
dernière phase de la cicatrisation ; elle
débute vers le 21e jour quand la synthèse du
collagène devient stable (régulée par le
transforming growth factor [TGF] produit par
l e s c e l l u l e s i n fl a m m a t o i r e s e t l e s
fibroblastes).
On observe une transformation du collagène
existant qui augmente progressivement ses
capacités de résistance.
La résistance du collagène est liée à sa
structure moléculaire ; schématiquement, il
s’agit de trois chaînes de polypeptides,
Kinésithérapie
chacune spiralée, entourées les unes dans les
autres pour former une triple hélice.
Les liaisons intermoléculaires se forment
entre les diverses chaînes de collagène
d’abord électrostatiques (faibles) puis
covalentes (fortes).
La contraction est le second phénomène
caractérisant cette phase, due aux
myofibroblastes (cellules dérivant des
fibroblastes et spécifiques car possédant des
fibres rétractiles dans leur cytoplasme). Ils
apparaissent vers le cinquième jour et
prolifèrent jusqu’au 21e jour ; leur nombre
est dépendant des contraintes mécaniques
locales.
Le processus se poursuit ensuite avec une
disparition cellulaire progressive de la
matrice cicatricielle et un remodelage
(disparition du collagène de type III) qui
dure 6 mois comme en témoigne l’évolution
clinique.
CICATRISATION ANORMALE
Le processus de réparation aboutit à la
création d’une cicatrice, tissu servant de
pièce de remplacement plus qu’une vraie
régénération isoqualitative. La cicatrice peut
être anormale si elle devient trop abondante
ou si elle développe une rétraction.
¶ Cicatrices hypertrophiques
Il s’agit d’une phase normale de l’évolution
histologique et d’une constante ; cependant,
généralement les cicatrices ne sont pas
hypercellulaires plus de 2 à 3 mois.
Les cicatrices hypertrophiques sont définies
par une surproduction de toutes les
composantes de la matrice extracellulaire. Il
existe une surdensité vasculaire et un
collagène disposé en nodules contenant des
myofibroblastes.
Il semble donc que les éléments contrôlant
la synthèse de collagène persistent plus
longtemps, mais soient accessibles à une
régression avec la maturation cicatricielle.
L’incidence de ce phénomène est liée à
divers facteurs :
– cicatrisation avec période inflammatoire
longue :
– cicatrices souillées ;
– infection : plaie sale (exemple : cicatrices
d’acné, boucles d’oreilles) ;
– tension mécanique élevée sur la cicatrice
(exemple : zones deltoïdiennes, thorax).
Aussi, certains traitements spécifiques sont
logiques :
– la fermeture précoce de la plaie, en
diminuant la phase inflammatoire, diminue
de même la quantité de fibrose ;
– dans les plaies souillées ou avec débris
tissulaires, le débridement précoce limite
aussi les séquelles inflammatoires ;
– l’œdème doit aussi être limité car on
réduit également la phase inflammatoire.
Kinésithérapie
Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice
La connaissance des processus histologiques
en restitue la meilleure chronologie et le
mode de fonctionnement.
C’est à ce niveau biophysique que la
kinésithérapie peut agir, soit en luttant
contre l’hypertrophie cicatricielle, soit en
limitant la rétraction.
simple : le laser agissant sur la croissance
vasculaire par photothermolyse, il diminue
aussi la microcirculation et la prolifération
fibroblastique ; débuté à j15, il peut être
poursuivi jusqu’au 6e mois en laissant des
délais de récupération de 1 mois entre
chaque séance.
¶ Techniques (à l’exception
de la kinésithérapie)
Radiations ionisantes
Glaçage cicatriciel
Il limite l’œdème en favorisant une
vasoconstriction ; il peut être entrepris le
plus tôt possible. L’intérêt est double,
puisqu’il lutte aussi contre la douleur
(compression liée à l’œdème).
Divers matériaux existent en chirurgie
plastique reconstructrice et esthétique
(exemple : masque réfrigérant après
blépharoplastie).
2
Cicatrice chéloïde axillaire après hidradénite.
¶ Contractures cicatricielles
Si la rétraction est un phénomène normal,
celui-ci peut devenir pathologique quand ses
conséquences aboutissent à une déformation
des structures adjacentes à la cicatrice ou à
une limitation fonctionnelle.
La prévention consiste en une bonne
orientation cicatricielle.
¶ Cicatrices chéloïdiennes (fig 2)
Il s’agit d’un synonyme de tumeur bénigne
c a r, à l a d i ff é re n c e d e l a c i c a t r i c e
hypertrophique, on constate une
prolifération du tissu cicatriciel dans les
structures normales adjacentes (aspect en
« pince de crabe », « kele » en grec).
On découvre quelques différences avec une
cicatrice normale, notamment la présence
d’une matrice hypocellulaire contenant un
collagène épais.
Les fibroblastes de ces cicatrices sont
phénotypiquement différents de ceux des
cellules normales ; il existe un défaut de
rétrocontrôle dans la synthèse de la matrice
protéique, qui ne s’arrête que du fait des
limitations locales d’apport énergétique [6].
Cliniquement, les facteurs favorisants sont
indiscutablement un héritage génétique
prédisposant, plus fréquent dans les peaux
foncées, mais aussi d’autres facteurs tels que
l’âge ou des événements hormonaux.
Il n’existe aucune relation entre le volume
de l’atteinte initiale et sa résultante
cicatricielle.
Traitement
du remodelage cicatriciel.
Lutte contre
l’hypertrophie
Compression
Cette méthode initialement développée pour
diminuer l’hypertrophie cicatricielle
postbrûlures nécessite la mise en place de
vêtements compressifs dont la pression
serait supérieure à la pression capillaire
normale durant environ 6 mois.
On constate une amélioration clinique nette,
contrôlée histologiquement par une
accélération de la maturation avec
disparition rapide des nodules de collagène
et orientation des fibres parallèlement à la
surface cutanée.
Le mécanisme de fonctionnement ne semble
pas réellement lié à la pression car l’on
constate une efficacité de la méthode, même
si la pression du vêtement est inférieure à la
pression tissulaire.
Le mode d’action le plus probable est
physique ; le vêtement augmentant la
température tissulaire de 1 à 3 °C, la
collagénase est ainsi activée.
Gels de silicone
Ils ont fait la preuve clinique et histologique
de leur efficacité : cette méthode nécessite
l’application, durant 2 à 6 mois, de gels
cohésifs 12 à 24 h/j ; le port de ces gels peut
être débuté tôt, dès le 7e jour.
Le mécanisme d’action initialement supposé
chimique est mal connu mais il est possible
que ce soit, là encore, une augmentation de
température qui améliore l’action de la
collagénase.
Ultrasons
Le réchauffement tissulaire peut aussi être
obtenu par les ultrasons mais leur utilisation
ralentit le processus de cicatrisation ; en
revanche, en tant que traitement du
lymphœdème, les ultrasons ouvrent les
shunts lymphatiques.
Laser à colorant pulsé
TRAITEMENTS BIOPHYSIQUES
Diverses thérapeutiques ont été développées
pour toutes les cicatrices.
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Il a récemment été proposé et les premières
études sérieuses relatant son application sont
encourageantes. Le mode d’action est
Limitées à des doses de 15 à 20 Gy (en six
séances), elles sont débutées en
postopératoire précoce ; le mode d’action est
une limitation de la microcirculation et donc
de la prolifération fibroblastique. Cependant,
leur utilisation est réservée aux adultes et
limitée aux échecs des autres méthodes.
¶ Kinésithérapie
Elle est active à différentes étapes : lutte
contre l’œdème, action défibrosante et
prévention de la rétraction cicatricielle.
Lutte contre l’œdème
• Drainage lymphatique manuel (DLM)
De j0 à j3, la lutte contre l’œdème posttraumatique (chirurgical ou non) est
fondamentale car (cf supra) l’augmentation
physiologique de la perméabilité vasculaire
aboutit à la migration de cellules
inflammatoires ; plus leur nombre est élevé,
plus cette phase dure, favorisant aussi
l’hypertrophie cicatricielle. D’autre part, le
volume dû à l’œdème augmente la pression
tissulaire, limitant aussi les mouvements et
la réorganisation du collagène en bonne
position.
Seul le réseau lymphatique peut aider à
l’évacuation des protéines et réduire aussi
un œdème existant.
Le DLM favorise la résorption de l’excédent
liquidien et des macromolécules, il aura une
chronologie proximodistale à partir des
chaînes ganglionnaires, en manœuvre
d’appel, avec quelques manœuvres de
résorption en distoproximal.
La prise de contact de la main correspond à
la « pression initiale » la plus proche
possible de 0, suivie d’un étirement des
tissus ou « captage » (sans déplacement de
la main) ; on exerce alors une pression
i n f é r i e u re à 4 0 g / c m 2 , s u i v i e d ’ u n
relâchement (retour passif des tissus). La
manœuvre ainsi effectuée au rythme d’un
battement artériel est progressive, de poche
en poche, sur les trajets lymphatiques et les
aires ganglionnaires.
• Pressothérapie ou dépressothérapie ?
Si classiquement les manœuvres qui visent à
la résorption de l’œdème respectent le sens
du réseau collecteur (de la superficie vers la
profondeur), la dépressothérapie (par
application d’une pression négative sur la
peau par effet de ventouse déplacée)
organise une filtration dans les capillaires
veineux et lymphatiques superficiels. Son
utilisation précoce en chirurgie est
discutable [2].
3
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Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice
Action défibrosante
Ultérieurement, la kinésithérapie peut être
utilisée en fonction de la physiologie
tissulaire ; le rôle des diverses techniques
consiste d’abord à limiter l’œdème puis à
favoriser une bonne organisation
cicatricielle.
Dans la cicatrice initiale, élastine et collagène
présentent une structure ayant peu de
liaisons moléculaires, les cicatrices sont donc
malléables, la kinésithérapie et les massages
permettent de garder cette souplesse en
diminuant le pourcentage de ponts
interstructurels, mais tout le problème est
de respecter au mieux les délais tissulaires,
car (cf supra) la tension stimule les
fibroblastes et leur synthèse collagénique.
Schématiquement, on peut proposer de
poursuivre le DML durant les 3 premières
semaines pour limiter l’œdème et favoriser
l’élimination des déchets métaboliques.
La mobilisation cicatricielle est débutée
prudemment :
– à j30, la cicatrice a 35 % de sa résistance
définitive ;
– à j45, la cicatrice a 70 à 80 % de sa
résistance finale.
Aussi, du 20e au 45e jour, le massage manuel
est doux, utilisé pour son action circulatoire
et défibrosante, en mobilisant la cicatrice par
rapport aux plans profonds ; il faut être
multidirectionnel, doux et progressif en
intensité. Le palper-rouler est réalisé en
formant un pli cutané entre le pouce et
l’index ; c’est une technique défibrosante
mais souvent douloureuse. À partir du
45e jour, on peut intensifier les techniques
d’assouplissement cicatriciel (pétrissage,
décollement), les massages hydriques
peuvent être utilisés avec des pressions
progressives (en centres de convalescence
des grands brûlés). L’utilisation des
appareils de dépressothérapie peut être
débutée ; à la surface de la peau, la traction
se fait en déplaçant de petites buses
aspirantes, les divers appareils disposant de
deux modes en intensité réglable, un mode
continu agissant plutôt sur le mouvement
des fluides, un mode pulsé agissant par
tractions répétées sur le tissu conjonctif.
Prévention de la rétraction
Le kinésithérapeute, par la réalisation
d’orthèses statiques ou dynamiques mais
aussi grâce à des massages de type
étirements, évite les rétractions anormales.
Les étirements peuvent être débutés sans
craindre une fragilité cicatricielle à partir du
45e jour.
¶ Traitements chimiques
Ils sont simplement cités, ainsi que leur
mode d’action.
– Les anti-inflammatoires (aspirine,
ibuprofène) inhibent la synthèse de PG,
lesquelles sont les médiateurs de
4
l’inflammation et de l’interleukine 1 qui est
un puissant facteur de remodelage matériel
et de fibrose.
– Les corticostéroïdes inhibent la synthèse
p ro t é i q u e , l i m i t e n t l a p ro l i f é r a t i o n
fibrobastique et diminuent la formation
d ’ a l p h a - 2 m a c ro g l o b u l i n e ( p u i s s a n t
inhibiteur de la collagénase). Leur utilisation
est fréquente en intralésionnel lors du
traitement des cicatrices hypertrophiques ou
chéloïdiennes.
– La colchicine qui inhibe la sécrétion de
collagène par les fibroblastes, les agents
antimitotiques ont été proposés mais les
effets secondaires nocifs limitent leur
utilisation clinique.
Aujourd’hui, les progrès de la biochimie
laissent espérer de nouvelles molécules
stimulant la collagénase.
RÔLE DE LA CHIRURGIE
En ce qui concerne l’hypertrophie, il est
double : préventif par une parfaite détersion
des plaies souillées ou couvertes de débris
nécrotiques (diminution de la phase
inflammatoire), une bonne disposition des
cicatrices selon les lignes de tension (Langer)
et curatif, plasties en Z qui permettent de
distribuer les cicatrices selon d’autres
orientations, apports tissulaires par plasties
locales qui diminuent les tensions liées au
déficit.
Pour les chéloïdes, la chirurgie est
systématiquement couplée aux autres
méthodes chimiques et physiques.
La prévention de la rétraction est plus
logique que son traitement (apport
tissulaire). On utilise diverses méthodes
d’immobilisation en position opposée à la
contracture supposée, ce qui guide la
réorganisation du collagène et sa maturation
en bonne position. Exemples : conformateurs
oraux chez les grands brûlés, blépharoraphies transitoires...
Applications pratiques
La masso ki n ési t h ér ap i e, de p ar ses
interactions biophysiques avec les
phénomènes de cicatrisation, est donc un
traitement d’appoint en chirurgie plastique,
réparatrice et esthétique.
La chirurgie plastique recouvrant une large
palette de domaines allant de la
microchirurgie, aux escarres, à la chirurgie
de la face, du membre supérieur, etc, nous
limitons volontairement les exemples de ce
chapitre aux domaines esthétiques d’une
part et aux controverses sur la place de la
massokinésithérapie dans le traitement de la
cellulite.
En chirurgie esthétique, la prise en charge
est importante car il s’agit de patients très
impliqués, voire très exigeants dont la
demande correspond à un bien-être plus
qu’à une pathologie, bien que le
Kinésithérapie
retentissement fonctionnel ne soit pas nul
(chirurgie des hypertrophies mammaires,
plasties abdominales...). Les rançons
cicatricielles sont donc mal tolérées et le plus
grand soin doit être apporté à leur
prévention.
Par ailleurs, le kinésithérapeute agissant en
équipe avec le chirurgien, a aussi un rôle de
soutien psychologique, d’information et de
conseils (notamment ceux concernant
l’éviction solaire). Le remodelage cicatriciel
durant 1 an, la surveillance devra être
réalisée tout ce temps.
ÉTUDE TOPOGRAPHIQUE
Plus spécifiquement, on peut distinguer une
place de la massokinésithérapie dans
diverses procédures rappelées par
disposition anatomique.
¶ Chirurgie de la face et du cou
Liftings
Les incisions sont habituellement situées
autour de l’oreille, plus ou moins étendues
en oméga autour de celles-ci ; il peut y être
associée une courte cicatrice sous-mentale.
Par ces voies d’abord, l’ensemble de la peau
faciale et cervicale haute est libéré
permettant un accès aux structures
musculoaponévrotiques sous-jacentes. Selon
les habitudes chirurgicales, diverses
méthodes peuvent remettre en place les
muscles de la face ou ses composants
graisseux ; la peau est ensuite redisposée et
redistribuée en excisant les excédents
résiduels.
Dans cette chirurgie, les suites
postopératoires sont souvent marquées par
une phase d’œdème importante, parfois
majorée par des hématomes (10 % dans
toutes les séries sujettes à une autocritique
honnête). Le rôle de la massokinésithérapie
est donc double :
– lutter contre l’œdème initial, puis
défibroser les tissus profonds afin de limiter
les organisations des hématomes résiduels.
Les techniques de massage utilisent, avec
pratiquement les mêmes résultats, le DLM
ou la dépressothérapie à fréquence variable ;
– améliorer l’organisation cicatricielle
cutanée telle que décrite plus haut. L’apport
du kinésithérapeute est d’autant plus grand
qu’il peut exister une asymétrie initiale liée
à un hématome. De plus, l’aide
psychologique est importante lors de la
phase initiale où les patientes, bien que
prévenues par le chirurgien, traversent des
moments difficiles.
La fréquence des séances est de 3 à 4 fois
p a r s e m a i n e l e s 1 0 p re m i e r s j o u r s ,
éventuellement poursuivies au gré des
patient(e)s pendant 4 semaines. Certains
conseillent de plus le port de masques
compressifs afin de diminuer mécaniquement l’œdème.
Kinésithérapie
Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice
Blépharoplasties
Dans cette chirurgie, habituellement les
paupières supérieures sont l’objet d’une
excision cutanée mesurée, parfois associée à
divers gestes complémentaires (excision
graisseuse, remise en tension du releveur).
Les paupières inférieures peuvent présenter
des défauts plus variés imposant parfois une
réduction cutanée isolée, parfois une simple
excision graisseuse, ailleurs une
redistribution de la graisse préseptale, enfin
divers gestes musculaires sur l’orbiculaire et
quelquefois sur le tarse.
La caractéristique commune des paupières
est l’extrême finesse de la peau qui possède
un derme très ténu avec une conséquence
néfaste de manque de résistance laissant
s’exprimer de façon spectaculaire œdème et
hématomes mais aussi positive, car les
mauvaises cicatrisations y sont
exceptionnelles. Le rôle du kinésithérapeute
est donc essentiellement de lutter contre les
œdèmes.
Deux points particuliers sont à connaître :
– l’œdème prémalaire externe après
blépharoplastie inférieure, qui, non traité,
persiste et entraîne une disgrâce prolongée ;
il peut être prévenu par un drainage
lymphatique précoce ;
– l’ectropion postopératoire modéré, qui, s’il
n’est pas lié à un défaut d’analyse ou de
procédure, peut souvent être régressif grâce
aux massages.
Dans la chirurgie des paupières, le port de
protections réfrigérées améliore le confort et
diminue l’œdème immédiat.
Rhinoplasties
Ce sont des opérations destinées à changer
la forme du nez grâce à une nouvelle
disposition des structures de soutien de
celui-ci (os et cartilage). Parfois, on y associe
des résections cutanées.
Deux voies d’abord cicatriciel existent,
endonasale ou ouverte par une petite
incision columellaire ; dans tous les cas
existe un œdème parfois masqué par les
moyens de contention (attelle ou plâtre). Le
rôle de la massokinésithérapie consiste à
lutter contre ce phénomène qui est beaucoup
plus marqué et prolongé sur la pointe du
nez en cas de rhinoplastie ouverte.
La durée d’apparition des modifications
morphologiques du nez après rhinoplastie
témoigne de la lenteur du processus de
cicatrisation et du remodelage ; parfois, les
changements continuent à apparaître
pendant 2 à 3 ans.
Chirurgie des lèvres
Les injections de graisse entraînent
évidemment de gros œdèmes et parfois des
hématomes spectaculaires dont la
disparition est favorisée par le drainage
lymphatique.
Génioplasties
Quand elles sont la conséquence
d’ostéotomie de la mandibule, elles sont
faites par des incisions endovestibulaires,
avec changement osseux par dissection souspériostée. L’œdème postopératoire est
souvent important, diminué par le port de
frondes mentonnières et les drainages
lymphatiques sont une aide.
¶ Chirurgie des seins
Elle comporte deux aspects.
Traitement des ptôses et des hypertrophies
Les incisions sont situées en périaréolaire,
prolongées le plus souvent par une cicatrice
verticale allant du bord inférieur de l’aréole
au sillon sous-mammaire. Pour beaucoup de
chirurgiens, une cicatrice horizontale sousmammaire est encore réalisée, plus ou moins
latéralisée à l’extérieur.
Dans les techniques à cicatrice verticale
pure, la peau est décollée du sein dans tous
les quadrants inférieurs interne et externe,
fixée sur la médiane avec un système de
frondes ; celles-ci se résorbent par rétraction
progressivement, de façon spectaculaire
durant les 15 premiers jours puis plus
progressivement pendant 2 à 6 mois.
Les traitements physiothérapiques associent
le port de gels de silicone avec les massages
cicatriciels.
On note souvent une stase lymphatique
importante dans le segment inférieur du sein
(SIII), parfois liée à une liponécrobiose
aseptique. La lutte contre la fibrose et la
stase lymphatique diminue le temps de
retour à une souplesse naturelle.
Le rôle du kinésithérapeute est là encore
également psychologique afin de rassurer les
patientes quant à l’aspect initial (normal) du
plissé cutané.
Le port d’un soutien-gorge adapté (de sport
ou spécifique) est souvent utile durant 1 à
2 mois ; cette méthode lutte contre l’œdème
et favorise la rétraction.
Augmentation mammaire
La chirurgie consiste à mettre en place des
prothèses remplies de sérum physiologique
derrière le sein ; les prothèses peuvent être
posées devant ou derrière le plan du muscle
grand pectoral par des voies d’abord
limitées, axillaire, périaréolaire, ou
inframammaire (moins souvent). La
tendance est de placer les prothèses en
position rétromusculaire quand le tissu
glandulaire est très limité et ce afin d’obtenir
un capitonnage suffisant.
Outre le dégonflement des prothèses
(problème numéro un de cette chirurgie), on
note divers problèmes : la perception du
bord inférieur de la prothèse (quasi
constante) et les déplacements prothétiques ;
ceux-ci sont liés à des décollements excessifs
qui peuvent être corrigés par le port
immédiat d’un soutien-gorge compressif.
Les massages sont utiles au niveau
cicatriciel.
Deux problèmes peuvent se voir à distance :
26-280-A-10
– les coques périprothétiques ; il s’agit de
fibroses importantes dures, pouvant au
maximum déformer les seins, liées aux
prothèses anciennes remplies de silicone
polymérisé semi-liquide.
Cette fibrose étant la résultante d’une
réaction inflammatoire chronique, son
traitement est le plus souvent chirurgical :
a b l a t i o n d e l ’ a n c i e n n e p ro t h è s e e t
capsulectomie.
Les massages des seins après prothèses sont
parfois proposés ; ils semblent plus utiles
quand les prothèses ont un aspect figé du
fait de l’absence de souplesse cutanée.
Mais ce ne peut être le traitement des coques
qui impose la reprise chirurgicale.
¶ Chirurgie abdominale
Outre les lipoaspirations isolées, la chirurgie
la plus pratiquée est la plastie abdominale ;
cette opération associe diverses variantes
avec résection cutanée des excédents,
lip oa s p ir a t ion e t re m is e e n t e n s ion
musculaire.
Généralement, l’incision résiduelle est basse,
sus-pubienne, mais longue. On note une
stase lymphatique importante majorée dans
la région sous-ombilicale.
Le traitement repose sur le port d’un
vêtement compressif chassant l’œdème
associé à des massages cicatriciels et un
d r a i n a g e l y m p h a t i q u e i n f é r i e u r.
Spontanément, la stase lymphatique peut
être prolongée (jusqu’à 6 à 8 mois).
¶ Cruroplasties
Elles sont destinées à réduire les excédents
cutanéograisseux des faces internes des
cuisses. On y associe décollement, pexie
profonde et résection cutanée en respectant
les voies de drainage lymphatique du
triangle de Scarpa ; là encore, la cicatrice est
longue, située au niveau du sillon
génitocrural et le rôle du kinésithérapeute
consiste à en améliorer la qualité et à lutter
contre l’œdème résiduel.
KINÉSITHÉRAPIE ET CELLULITE
(fig 3 à 6)
Le terme de cellulite actuellement très
employé ne correspond pas toujours à une
maladie mais plutôt à un ensemble de
3
Cellulite avec troubles
lymphatiques (épanchement
de Morel-Lavallée).
– un déplacement anormal et tardif des
prothèses sous-musculaires lié à une mise
en jeu musculaire importante (aérobie) ;
5
Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice
26-280-A-10
¶ Rappel sur le tissu graisseux
normal
Microscopie
Les adipocytes sont des cellules arrondies
dont le cytoplasme est rempli d’une vacuole
lipidique centrale qui repousse le noyau en
périphérie cellulaire.
Les structures vasculaires sont très
nombreuses à la périphérie des adipocytes
et la membrane basale des capillaires vient
au contact de la cellule de façon étroite.
Physiologie
4
Les adipocytes appartiennent à une
catégorie de cellule dont le rôle est d’être
une réserve énergétique. Ils sont capables de
synthétiser des graisses (triglycérides) à
partir du glucose sanguin et des
lipoprotéines circulantes.
Ils peuvent libérer les acides gras sous
l’influence de divers facteurs qui agissent
par le biais de récepteurs membranaires
variés ; le type et la quantité de récepteurs
orientent les adipocytes vers une activité
prépondérante de stockage plus ou moins
mobilisable.
Cellulite pathologique chez l’obèse.
Macroscopie
*
A
5
*
B
A, B. Cellulite localisée, « culotte de cheval ».
modifications morphologiques entraînant
une gêne esthétique et parfois fonctionnelle,
ainsi qu’une forte demande de correction.
Le tissu adipeux est constitué de ces cellules
adipocytaires ou cellules graisseuses qui
sont organisées en amas et constituent des
globules graisseux séparés par des fibres
conjonctives et vasculaires qui s’organisent
en véritables travées.
Le fascia superficialis divise le tissu adipeux
en deux zones :
– z o n e s u p e r fi c i e l l e : t i s s u a d i p e u x
sous-cutané ;
Diverses professions sont concernées par ce
problème, les médecins, kinésithérapeutes et
chirurgiens, mais également les
esthéticiennes et les fabricants de
cosmétiques.
– zone profonde sous-fasciale : zone de
stockage métamérique d’origine génétique.
En surface, les travées sont insérées sur la
face profonde du derme d’un côté et sur le
fascia superficialis de l’autre.
L’importance des enjeux économiques
engendrés ainsi a conduit à une recherche
de soins plus ou moins sérieuse et au
développement de nombreuses méthodes
dont quelques-unes sont de réelles
aberrations.
Variation de répartition du tissu graisseux
normal et caractéristiques évolutives [3]
Divers points peuvent être soulignés.
Il existe une forte disparité de répartition des
graisses entre les deux sexes : la masse grasse
6
A, B. Cellulite « culotte
de cheval » avant et après chirurgie.
Kinésithérapie
normale chez la femme adulte est le double
de celle de l’homme. Chez l’homme, la
répartition des tissus adipeux est à
disposition essentiellement tronculaire et
abdominale haute (la testostérone diminue
le nombre et le volume des adipocytes sous
la ceinture). Chez la femme, la répartition
est à prédominance pelvitrochantérienne et
abdominale basse.
La peau de l’homme et celle de la femme
diffèrent également. En effet, chez la femme
le derme est plus fin et les cloisons
conjonctivovasculaires du tissu adipeux
superficiel y sont perpendiculaires au plan
aponévrotique, c’est-à-dire verticales. La
protrusion des globules graisseux au travers
d’un derme plus fin est responsable du
phénomène de « peau d’orange ».
Les variétés de tissus adipeux : selon le type et
le nombre de récepteurs cellulaires, les
adipocytes ont une activité de stockage de
réserve plus ou moins mobilisable.
Ainsi, les graisses stockées dans les zones
pelvitrochantériennes chez la femme sont
très difficilement métabolisées et ne peuvent
être mises en jeu qu’au terme de jeûnes
draconiens qui ont préalablement consommé
les autres sites de stockage énergétique.
Chez l’homme, les graisses de réserves
lentes sont réparties sur la paroi abdominale.
Facteurs influençant la répartition des graisses :
par ordre d’importance, l’hérédité est au
premier plan : il est évident que le stockage
des graisses dans ces deux composants,
c’est-à-dire quantité cellulaire et répartition,
a une caractéristique génétiquement
déterminée.
La population cellulaire a été étudiée lors de
sa multiplication. Il est particulièrement
important de préciser que l’évolution du
nombre des adipocytes est programmée à
certains stades du développement. Le tissu
adipeux fœtal se développe à partir du
8e mois, l’histogenèse s’étant réalisée à partir
de la 14e semaine [1]. Après la naissance, la
multiplication cellulaire est importante
durant le premier trimestre, puis en période
prépubertaire. Le nombre cellulaire est alors
assez stable à un âge donné, une
multiplication se faisant encore chez la
femme en période postménopausique. En
dehors de ces périodes, il n’y a normalement
que peu d’augmentation de ce capital
cellulaire, les variations pondérales
correspondant plus à une utilisation de ces
zones de stockage.
¶ Cellulite
Cellulite et langage courant
*
A
6
*
B
Les canons de la beauté féminine ont évolué,
surtout depuis les années 1960, vers le
développement d’une silhouette idéale
affinée et longiligne sans « débordement ».
Dans le sens le plus couramment employé,
le terme de cellulite correspond, soit à une
disgrâce proportionnelle à l’écart constaté
par rapport à cette silhouette idéale, soit à
Kinésithérapie
Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice
une infiltration localisée des masses grasses
des membres inférieurs.
phénomènes vasculaires et tissulaires
d’engorgement, ainsi qu’une forte demande
psychologique.
Cellulite et médecine
D’un point de vue plus scientifique, le terme
de cellulite est mal adapté. Si l’on choisit
une attitude descriptive, on peut distinguer,
parmi l’ensemble des patients demandeurs
d’une correction, différents groupes
cliniques.
– À un extrême, il existe des patients
porteurs d’une cellulite qui correspond à
une simple caractéristique gynoïde
(physiologiquement normale), entraînant
surtout une pathologie psychologique
saisonnière à recrudescence printanière. S’il
s’agit là d’une imposture médicale, ces cas
correspondent néanmoins à une réelle gêne.
– À l’autre extrême, la cellulite peut être
réellement invalidante, associée à des
troubles fonctionnels d’origine vasculaire et
on adopte, pour décrire cet état, divers
termes plus ou moins flous : lipodystrophie,
liposclérose, hydrolipodystrophie, etc.
En réalité, il n’existe pas de frontière nette
entre ces deux tableaux, et tous les états
intermédiaires sont possibles.
Pour mieux comprendre ces phénomènes,
rappelons quelques notions anatomophysiologiques.
Histologie de la cellulite
L’étude des tissus graisseux permet de
retrouver une évolution adipocytaire
anormale dans l’évolution de la cellulite.
On décrit une phase d’œdème et d’exsudat
vasculaire, avec stase, suivie d’une phase
d’altération et de sclérose périvasculaire se
traduisant par un épaississement des
cloisons conjonctivales.
Ces anomalies sont caractérisées par une
évolution parallèle à la surcharge
adipocytaire.
On peut imaginer deux origines à ces
phénomènes : soit troubles vasculaires
induits par compression du tissu conjonctif
i n t e r l o b u l a i r e s o u s l ’ i n fl u e n c e d e
l ’ h y p e r t ro p h i e d e l ’ a d i p o c y t e , s o i t
hypertrophie des adipocytes secondaire au
phénomène de sclérose vasculaire avec
défaut de relargage.
En pratique, les deux phénomènes sont
intriqués et se potentialisent aux différents
stades de la cellulite.
Définition
Il semble logique, en suivant les
constatations anatomiques, de définir la
cellulite comme un état génétiquement
déterminé plus ou moins marqué et évolutif,
caractérisé par une tendance spécifique de
certains adipocytes à réaliser un stockage
énergétique en lipides dont la mobilisation
est très difficile.
Cette définition correspond à un état
physiologique qui peut devenir
pathologique quand s’y associent des
Éléments d’étude clinique
Il semble utile, dans les antécédents, de faire
préciser, outre les facteurs familiaux et l’âge
de début de ceux-ci, l’historique de la gêne
et le contexte psychologique, alimentaire,
ainsi que les habitudes alimentaires et
sportives.
Si la cellulite n’est pas synonyme d’obésité,
puisque certains sujets maigres ont des
infiltrations étendues et très invalidantes,
elle peut néanmoins en être satellite.
La définition de l’obésité étant d’être un
excès de masse grasse, on la mesure
difficilement : diverses formules apprécient
la limite du poids normal en fonction de
l’âge, de la taille et du sexe.
Le rapport le plus utilisé est l’index de
masse corporelle : poids (kg) /surface
corporelle (m2).
Ce type d’analyse a ses limites et doit être
corrélé a une appréciation de la masse
musculaire.
L’examen clinique précise la topographie de
la cellulite : volume, capitonnage, parfois
aspect luisant et tendu de la peau. Une
insuffisance veineuse associée doit être
recherchée.
Les examens complémentaires ne servent
pas à apprécier la cellulite en elle-même,
mais peuvent être utiles pour étudier une
pathologie associée : hormonale, vasculaire,
etc.
• Au terme de l’examen
Certaines formes sont manifestement peu ou
pas pathologiques : simples stockages
métamériques limités aux faces externes des
hanches et aux sillons sous-fessiers ainsi que
sur la face interne des genoux ; dans ces cas,
il n’y a pas de troubles trophiques, la peau
est normale et le phénomène de « peau
d’orange » n’apparaît qu’à la pression de ces
zones.
Dans d’autres cas, il existe de véritables
cellulalgies avec une peau tendue et une
protrusion des lobules graisseux importante.
Il faut connaître quelques dystrophies :
– le syndrome de Barraquer-Simons :
lipodystrophie de la partie basse du corps
associée à une lipoatrophie de la partie
haute du corps ;
– le syndrome de Launois-Bensaude (rare
chez la femme) : lipodystrophie
hyperandroïde ;
– enfin, il existe diverses raretés associant
une cellulite à des malformations oculaires
et/ou distales.
¶ Traitements
Nous citerons les principaux moyens autres
que la kinésithérapie selon leur type
d’action, lequel guide les indications.
26-280-A-10
Avant tout, citons les régimes car ils font
partie de l’arsenal thérapeutique en cas de
cellulite associée à une surcharge pondérale.
L’objet de cet article n’est pas d’en détailler
les principes.
Méthodes améliorant l’état vasculaire
Elles sont médicales : mésothérapie et
ionisations.
Les médicaments utilisés sont :
– la caféine ;
– la nicotine ;
– l’acide hyaluronique ;
– les mucopolysaccharides.
La thiomucase n’est plus employée du fait
de ses réactions allergisantes.
Ces produits entraînent une augmentation
de la vascularisation sanguine cutanée ainsi
q u e d e s e ff e t s h y d r a t a n t s e t a n t i inflammatoires. L’efficacité de ces méthodes
est parfois nulle, parfois correcte, mais
souvent transitoire.
Ces thérapeutiques sont administrées par les
médecins ; chacun ayant son propre cocktail.
Méthodes diminuant les stockages
adipocytaires
• Électrolipolyse
Le principe est d’introduire sous la peau de
très fines aiguilles reliées à un courant de
faible intensité.
Cette méthode améliore l’état local
vasculaire et entraîne une augmentation de
la combustion des graisses.
Principal inconvénient : l’échec fréquent de
la méthode mais aussi son aspect transitoire.
• Lipoaspirations
Il s’agit d’un geste chirurgical qui doit être
réalisé par des chirurgiens entraînés. Le
principe est d’aspirer la graisse au moyen
de canules introduites sous la peau par de
très petites incisions. Afin de permettre une
meilleure rétraction cutanée, ces
interventions nécessitent le port de
vêtements compressifs prolongé dans les
suites opératoires.
Les résultats ne sont pas immédiats, puisque
après la phase d’hématomes succède une
phase transitoire de stase lymphatique
pouvant durer plusieurs mois.
Actuellement, il s’agit d’une méthode très
sûre dont les limites sont claires :
– la quantité de graisse retirée doit être
évaluée en fonction de la qualité de la peau,
car celle-ci doit se rétracter pour obtenir un
résultat homogène. En cas de peau relâchée
ou de gros excès de stockage, cette chirurgie
doit être pondérée ;
– le défaut de la technique est lié à la
difficulté d’aspirer la graisse la plus
superficielle, car dans ce secteur souscutané, le risque de rétraction inhomogène
7
26-280-A-10
Place de la massokinésithérapie dans la chirurgie esthétique et réparatrice
est très grand, à l’origine de défauts
irrattrapables (aspects en « tôle ondulée »).
L’utilisation de canules très fines permet de
pallier partiellement cet inconvénient.
L’avantage de cette méthode, outre de
diminuer le volume, est de diminuer la
pression locale et donc de favoriser le
drainage local et l’état de la microcirculation.
L’avantage majeur de ces techniques est
l’effet définitif de leur résultat à poids
constant.
Enfin, il faut signaler que les diverses
méthodes dérivées des ultrasons ne sont pas
sans danger et que la commercialisation (et
a fortiori leur utilisation) de ces appareils
est actuellement interdite en France.
¶ Kinésithérapie
Rappel des conseils d’hygiène de vie
élémentaires
Les principes sont :
– d’améliorer le fonctionnement des
systèmes d’élimination (veineuse et
lymphatique) ;
– d’apporter les corrections posturales
nécessaires ;
– de faire développer une activité globale
sollicitant le métabolisme aérobie.
Descriptif des méthodes
Le drainage des membres inférieurs débute
toujours par le drainage du ventre en appel.
• Massages circulatoires et pressothérapie
• Activité physique
En cas de cellulite organisée
Il faut stimuler les pompes vasculaires, à
savoir :
La chirurgie première semble plus logique,
les traitements kinésithérapiques et
médicaux étant alors réservés aux patientes
réfractaires, bien prévenues de l’aspect
aléatoire des résultats.
– le diaphragme par l’apprentissage de la
ventilation abdominodiaphragmatique ;
– le système musculaire en conseillant si
possible des activités qui vont favoriser le
retour veineux (natation, marche à pied).
Pratiquée sur un mode aérobie (sans
dépasser 120 à 140 pulsations/min en
f o n c t i o n d e l a f r é q u e n c e c a rd i a q u e
maximale) sur de longues périodes
(supérieures à 1 heure), l’activité physique
d’« endurance » est consommatrice des
graisses stockées dans l’organisme.
L’incitation à une gymnastique quotidienne
d’entretien peut être recommandée pour
stimuler l’envie de bouger du patient et
l’amélioration de son tonus.
L’apprentissage d’un autodrainage
d’entretien pouvant être pratiqué
quotidiennement à domicile est proposé.
• Conseils d’hygiène de vie
En plus d’une activité physique régulière, il
peut être nécessaire d’encourager la patiente
à avoir une alimentation saine avec une
bonne hydratation pour stimuler le
processus d’épuration du sang et si
nécessaire, l’orienter vers un diététicien.
En conclusion, nous pensons que c’est
souvent l’association des techniques, la
rigueur d’application, la motivation des
patientes et leur persévérance qui
permettront d’obtenir un résultat mesurable
et durable.
Ils stimulent le mouvement liquidien dans
le sens du retour veineux. En luttant contre
la stase, ils favorisent l’élimination des
déchets.
Le massage s’adresse également aux muscles
en produisant des afférences proprioceptives
les préparant à la reprise de l’activité
physique.
Le palper-rouler manuel présente un intérêt
particulier. Il permet un drainage des
infiltrations pathologiques de la cellulite,
provoque une hyperémie, accroît le
métabolisme cellulaire (modification du
collagène), accélère l’évacuation des déchets
toxiques.
Par une meilleure oxygénation des tissus, il
a un effet indéniable sur la trophicité
tissulaire.
• Pressothérapie
• Dépressothérapie
En cas de cellulite localisée débutante
Elle semble avoir les mêmes effets que le
palper-rouler manuel avec l’aspiration en
plus, le sens tactile en moins.
Néanmoins, la technique est plus
confortable, elle peut être appliquée de façon
beaucoup plus étendue que le palper-rouler
et semble faire preuve d’une réelle efficacité
dans le traitement de la cellulite.
8
Kinésithérapie
À l’aide de bottes pneumatiques, cette
technique semble moins adéquate que les
précédentes.
En fait, toutes les méthodes kinésithérapiques améliorent l’état vasculaire local.
¶ Indications
Elles doivent tenir compte de l’état local
mais aussi de l’avis des patientes. En effet,
certaines seront absolument réfractaires à un
geste chirurgical, d’autres désireront tenter
des méthodes « douces » au préalable.
L’essentiel est de bien expliquer les limites
de chaque méthode afin d’avoir un « contrat
de soins » très clair avant de débuter un
traitement.
On peut proposer, soit la kinésithérapie
isolée ou associée au traitement médical ; les
résultats, bien qu’excellents chez certaines
patientes, seront transitoires ; en cas d’échec
ou de récidive trop rapide, le recours
chirurgical reste une bonne solution ; soit la
chirurgie première chez des patientes
motivées désirant d’emblée une efficacité
définitive.
Il faut souligner que la lipoaspiration,
contrairement à l’idée la plus répandue, est
d’autant plus satisfaisante faite sur un
patient jeune (du fait de la qualité cutanée
autorisant une rétraction importante).
¶ Place de la kinésithérapie
dans le traitement chirurgical
Outre son essai thérapeutique avant
intervention, les techniques de kinésithérapie sont une aide en postopératoire dans
la mesure où l’œdème persistant résiduel
peut durer jusqu’à 6 à 8 mois. Il n’est donc
pas absurde de conseiller aux patientes
présentant un œdème très important de
requérir aux techniques de palper-rouler ou
de drainage lymphatique [5].
Conclusion
En définitive, c’est par une bonne collaboration
entre le médecin ou le chirurgien et le
kinésithérapeute que les meilleurs traitements
peuvent être proposés.
Cette complémentarité essentielle dans le
traitement des cicatrices, est parfaitement
intégrée dans les centres de traitement des
grands brûlés, mais peut aussi être appliquée à
une chirurgie et une médecine plus courantes
où l’amélioration de la disgrâce cicatricielle
peut transformer les résultats.
En matière de cellulite, les procédés de
physiothérapie ont leur place, avant ou après
chirurgie, si le kinésithérapeute connaît,
comprend et explique les limites de ces
méthodes.
Références
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growth and later health outcomes. New York : A and R Liss,
1988
[2] Boutan M. Symposium de kinésithérapie, Biarritz, 1998
[3] Cluzan RV. Nosologie de la cellulite. In : Vaisseaux et tissus
adipeux. Paris : édition Pierre Fabre, 1997 : 22-31
[4] Cohen IK, Diegelmann RF, Kaplan MM. The role of macrophages in wound repair. Plast Reconstr Surg 1981 ; 68 :
107
[5] Leduc A, Leduc O, Bourgeois P, Snock T, Van Den Bosche C.
Confidential research report. University of Brussels, 1995
[6] Su CW, Alizadeh K, Boddie A, Lee RC. The problem scar.
Clin Plast Surg 1998 ; 25 : 451-465
[7] Thomas-Lawrence W. Physiology of the acute wound. Clin
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