Histoire - memoria.dz

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Lettre de l'Editeur
Pour une vive
mémoire
AMMAR KHELIFA
[email protected]
es nations se hissent par le savoir et se maintiennent par la mémoire. C’est cet ensemble d’événements qui se créent successivement aujourd’hui pour qu’un jour on ait à le nommer : Histoire.
Sans cette mémoire, imbue de pédagogie et de ressourcement, l’espèce humaine serait tel un
atome libre dans le tourbillon temporel et cosmique.
L’homme a eu de tout temps ce pertinent besoin de vouloir s’amarrer à des référentiels et
de se coller sans équivoque à son histoire. Se confondre à un passé, à une ancestralité. Cette
pertinence va se confiner dans une résistance dépassionnée et continue contre l’amnésie et les
affres de l’oubli. Se contenir dans un souvenir, c’est renaître un peu. L’intérioriser, c’est le revivre ; d’où cette ardeur
permanente de redécouvrir, des instants durant, ses gloires et ses notoriétés.
En tant que mouvement dynamique qui ne s’arrête pas à un fait, l’Histoire se perpétue bien au-delà. Elle est également un espace pour s’affirmer et un fondement essentiel dans les domaines de prééminence et de luttes. Transmettant le plus souvent une charge identitaire, elle est aussi et souvent la proie pitoyable à une éventualité faussaire
ou à un oubli prédateur. Seule la mémoire collective, comme un fait vital et impératif, peut soutenir la vivacité des
lueurs d’antan et se projeter dans un avenir stimulant et inspirateur. Elle doit assurer chez nous le maintien et la
perpétuation des liens avec les valeurs nationales et le legs éternel de la glorieuse révolution de Novembre.
Il est grand temps, cinquante ans après le recouvrement de l’indépendance nationale, de percevoir les fruits de
l’interaction et de la complémentarité entre les générations. Dans ce contexte particulier et délicat, les moudjahidate et moudjahidine se doivent davantage de réaffirmer leur mobilisation et leur engagement dans le soutien du
processus national tendant à éterniser et à sacraliser l’esprit chevaleresque de Novembre. Ceci n’est qu’un noble
devoir envers les générations montantes, qui, en toute légitimité, se doivent aussi de le réclamer. A chaque disparition d’un acteur, l’on assiste à un effacement d’un pan de notre histoire. A chaque enterrement, l’on y ensevelit avec
une source testimoniale. Le salut de la postérité passe donc par la nécessité impérieuse d’immortaliser le témoignage, le récit et le vécu. Une telle déposition de conscience serait, outre une initiative volontaire de conviction,
un hommage à la mémoire de ceux et de celles qui ont eu à acter le fait ou l’événement. Le témoignage devrait être
mobilisé par une approche productive d’enseignement et de fierté. Raviver la mémoire, la conserver n’est qu’une
détermination citoyenne et nationaliste. Toute structure dépouillée d’histoire est une structure sans soubassement
et toute Nation dépourvue de conscience historique est une nation dépourvue de potentiel de créativité et d’intégration dans le processus de développement.
C’est dans cette optique de rendre accessibles l’information historique, son extraction et sa mise en valeur que
l'idée de la création de cette nouvelle tribune au titre si approprié : Memoria, a germé. Instrument supplémentaire
dédié au renforcement des capacités de collecte et d’études historiques, je l’exhorte, en termes de mémoire objective, à plus de recherche, d’authenticité et de constance.
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LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
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Supplément
N°45 - Avril 2016
Fondateur Président du Groupe
P.23
P.07
P.07
AMMAR KHELIFA
Direction de la rédaction
Zoubir KHELAIFIA
Coordinatrices
Meriem Khelifa
Chahrazed KHELIFA
Reporter - Photographe
Abdessamed KHELIFA
Rédaction
Adel Fathi
Dr Boualem Touarigt
Dr Boudjemaâ HAICHOUR
Leila Boukli
Hassina AMROUNI
Saci Belgat
Samir D.
Zoubir Khélaifia
Direction Artistique
Halim BOUZID
Salim KASMI
Impression
SARL imprimerie Ed Diwan
Contacts :
ferhat abbas
ferhat abbas
le gpra
P.23
P.07 Histoire
Ferhat Abbas
une réhabilitation insuffisante
P.11 Histoire
un indigène indigné
P.15 Histoire
La rupture avec l’illusion d’égalité
P.19 Histoire
un politique pour diriger la révolution
Livre de Ferhat Abbas
P.28
P.23 Histoire
le dernier testament
SARL COMESTA MEDIA
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Dely-Ibrahim - Alger - Algérie
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guerre de libération
P.27 Histoire
Mars, le mois des chouhada
mostefa benboulaid
P.30
P.31 Histoire
le martyr de larbi ben m'hidi
P.35 Histoire
ali mellah
P.39 Histoire
Le secteur 1 de la zone 4 des Aurès-Nememcha
Ain M’lila, de 1954 à 1962
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colonel amirouche
P.45
P.45
P.45
Supplément du magazine
ELDJAZAIR.COM
Consacré à l’histoire de l'Algérie
Edité par :
Le Groupe de Presse et
de Communication
Ali Mellah
ali Boumendjel
commandant si lakhdar
Mohamed Hadjar en médaillon
P.45 Histoire
Le Moudjahid Bahri Rabah
Le fidaï de ain m'lila
mohand said mazouzi
P.49
P.49 Histoire
Le chahid Belgat Messaoud
le martyr du 20 août 1955
P.57 Histoire
Fatima Zohra Dridi, Ancienne Moudjahida et sportive
La mémoire enfouie
P.61 Histoire
Décès de Mohand-Saïd Mazouzi
L’Algérie pleure son « Mandela »
belgat messaoud
P.71
P.65 Histoire
Guerre d’Algérie « Mémoire vive » de Rachid Benzema
Témoigner contre l’oubli
HISTOIRE D'UNE VILLE
P.81 n'gaous ou niciubus la numide
ville de n'gaous
fatma zohra dridi
SOMMA IRE
P.61
P.44
Dépôt légal : 235-2008
ISSN : 1112-8860
ANEP N° : 410419
Ferhat Abbas
une réhabilitation
insuffisante
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
S’il est un homme qui fut témoin de l’histoire du mouvement national dans toutes ses phases et ses péripéties, c’est lui. Militant
depuis les années 1930, il tenta pendant longtemps d’arrimer ses
idéaux de paix, d’égalité et de fraternité, qui sont ceux de la révolution française dont il s’est abreuvé, avec les promesses de
changement qu’avaient fait miroiter les politiques français, lesquels eux-mêmes se retrouvaient en déphasage avec la réalité.
S
’il est un homme qui fut témoin de l’histoire du mouvement national dans toutes
ses phases et ses péripéties,
c’est lui. Militant depuis les
années 1930, il tenta pendant longtemps d’arrimer ses idéaux de paix,
d’égalité et de fraternité, qui sont ceux
de la révolution française dont il s’est
abreuvé, avec les promesses de changement qu’avaient fait miroiter les politiques français, lesquels eux-mêmes se
retrouvaient en déphasage avec la réalité.
Le centenaire de l’occupation fêtée
aussi par les assimilationnistes qui espéraient une révision du code de l’indigénat et l’octroi d’un statut de citoyens
aux Algériens musulmans fut la première déception vécue par Ferhat Abbas qui continuait, néanmoins, inlassablement, sur toutes les tribunes et dans
tous les médias, à louer les vertus de
l’intégration et de l’égalité, et à rappeler
l’engagement des dirigeants français en
Algérie.
Vint le 8 mai 1945. Le hasard a
voulu que l’étincelle fût partie de la
ville de Sétif, où Abbas tenait déjà depuis longtemps une pharmacie. Si luimême et d’autres nationalistes avaient
pressenti une confrontation fatale, nul
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Guerre de libération
Histoire
1
2
3
4
1- Ferhat Abbas. 2- Houari Boumedienne. 3- Colonel Chaabani. 4- Tahar Zbiri, à Batna en 1962
n’a pu prévoir l’ampleur du drame
et ses répercussions immédiates.
Le massacre de milliers d’Algériens
sortis manifester dans les rues pour
réclamer leur droit à la liberté, à l’annonce de l’armistice, mit ainsi fin à
toute possibilité d’assimilation, telle
que chantée par les laudateurs du
colonialisme et ces voix modérées,
y compris au sein du mouvement
national, comme les oulémas qui,
depuis cette date, avaient cessé de
faire l’apologie de l’intégration dont
était imprégné leur discours.
Avant cette rupture ombilicale,
en pleine Seconde Guerre mondiale,
Ferhat Abbas avait proposé le Manifeste du parti algérien, approuvé
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par le PPA et les oulémas, mettant
clairement en avant l’indépendantisme du PPA : une république algérienne disposant de sa nationalité et
de sa citoyenneté propres. Après le
rejet, tout à fait prévisible, du Manifeste par le gouvernement et de la
classe politique française dans son
ensemble, les nationalistes algériens,
fondent, en 1944, les Amis du manifeste et de la liberté (AML), pour défendre son programme et lancer une
campagne de sensibilisation auprès
des populations.
C’est dire que Ferhat Abbas,
contrairement à une certaine idée
répandue, avait déjà muri l’idée
d’indépendance, alors qu’il se tenait
(9)
encore bien à l’écart des tiraillements
qui firent leur apparition au sein du
PPA/MTLD, depuis notamment les
élections de 1947. Même si, à vrai
dire, tout comme Messali Hadj, les
centralistes, les oulémas ou les communistes, Ferhat Abbas était de ceux
qui qualifièrent les « activistes » du
parti nationaliste qui voulaient accélérer l’avènement d’une insurrection
armée d’ .
Cela dit, au déclenchement de la
révolution du 1er novembre 1954,
Ferhat Abbas s’adapte rapidement
à la nouvelle donne et manifeste
aussitôt sa volonté d’y jouer un
rôle. C’est ainsi qu’au congrès de la
Soummam, et grâce notamment
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Guerre de libération
Histoire
au travail de rassemblement mené
par Abane Ramdane, il est désigné
avec son bras droit à l’UDMA, Dr
Ahmed Francis, comme membres
du CNRA, instance souveraine de
la Révolution.
Grâce à sa présence et à sa personnalité, l’option chère au congrès
de la Soummam ( prééminence du
politique sur le militaire ) trouve sa
pleine signification. La création du
Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), le 18
septembre 1958, succédant au CCE,
offrira aux nationalistes une opportunité historique, qui est celle se
projeter dans le futur, en ambitionnant de suppléer un jour aux autorités coloniales. Avec ses ministres,
ses cadres, ses délégués et, plus tard,
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
ses ambassadeurs, le GPRA esquissait déjà ce qui était conçu comme
un pré-gouvernement de l’Algérie
indépendante. La qualité éminemment civile et pluraliste de sa composition, avec un Ferhat Abbas à sa
tête, qui symbolisait ce long combat politique contre le colonialisme
depuis les années 1930, était sans
doute l’acquis politique le plus important.
Très déstabilisé par les querelles
de chapelles et autres «intrigues
politiciennes» qui minaient les coulissent de son gouvernement et, plus
généralement, du commandement
de la Révolution, il sera mis à l’écart
pour être remplacé par un autre « politique », Benyoucef Benkhedda. Il évita de
s’impliquer dans le conflit GPRA-Etat-
( 10 )
major qui s’aiguisait au fur et à mesure que
l’indépendance approchait, mais ne se gêna
pas d’exprimer son désappointement. Par
la voix du jeune colonel Lotfi, venu assister fin 1961 à la fameuse réunion des colonels, Ferhat Abbas a noté ses confessions
pleines d’amertume, qui prévoyaient en fait
la guerre fratricide, entre le GPRA et les
wilayas qui lui étaient loyales, d’un côté,
et l’état-major de l’armée, de l’autre, qui
va éclater à l’annonce de l’Indépendance, et
prédisait dans le même temps le désarroi
du peuple qui accédait enfin à la paix.
« L’atmosphère au sein de la Délégation
extérieure lui faisait peur», écrit Abbas,
parlant du chef de la wilaya V dépité par
la tournure prise par les événements. «Les
luttes sourdes des colonels ne lui avaient
pas échappé. Il en était épouvanté : j’aime
mieux mourir dans le maquis que de vivre
avec ces loups. »
Ferhat Abbas parlera aussi dans
ses Mémoires, avec le même sentiment de dépit, de la crise 1962 et
de ses retombées néfastes. A l’indépendance, il tenta une ultime expérience à la tête de la première Assemblée constituante, en acceptant
de nouveaux compromis avec le
nouveau gouvernement, mais celleci tourna court. Banni, excommunié, il ne sera réhabilité que longtemps après mort, survenue le 24
décembre 1985. Ses ouvrages, d’une
valeur historique et bibliographique
inestimable, n’ont retrouvé leur chemin vers l’édition dans son pays
qu’au cours de ces dernières années,
encore que les lecteurs ne trouvent
sur les étals que certains de ses témoignages.
Adel Fathi
Supplément N°45 - Avril 2016.
un indigène indigné
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
L’éveil aux idées nationalistes chez Ferhat Abbas s’est fait par
étapes, sinueuses et souvent douloureuses, et fut d’abord forgé
par les confrontations intellectuelles auxquelles il a participé
depuis son jeune âge, c’est-à-dire depuis les années 1920.
Les historiographes se plaisent à le décrire comme un éternel
«assimilationniste», en se référant à ses premières positions politiques sur la nation algérienne qu’il a cherchée, entre autres, «
dans les cimetières… » ; mais, cela s’insérerait dans une optique
idéologique qui, loin d’être figée ou dogmatique, était en perpétuel mouvement.
D
ans son premier
engagement avec
le journal L’Action directe, qui
se réclamait du
nationalisme dit «intégral», inspiré de l’idéologie maurassienne, il
se battait déjà pour l’émancipation
des «indigènes» : autonomie des
corporations indigènes locales et
régionales, autonomie en matière
de réglementation sociale et économique, suffrage universel dans
les élections municipales, large représentation de corporations, des
communes, des notables et chefs
indigènes, constituant une assemblée auprès du gouvernement français… « En 1920, écrit Ferhat Abbas
dans un de ses témoignages, les hommes de
ma génération avaient vingt ans, personnellement je me mis à penser que l’Algérie
ressemblait à la France d’ancien régime
à la veille de 1789. Il n’y a rien dans le
Livre saint qui puisse empêcher un Algérien musulman d’être nationalement un
Français […] au cœur loyal conscient de
sa solidarité nationale. »
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Pour une large partie de l’élite
algérienne la plus éclairée, la politique d’assimilation avec un maintien du statut personnel et l’égalité
des droits dans le cadre de la souveraineté française, semblait être
l’unique voie de revendication pour
sortir du code de l’indigénat qui
n’a jamais été réellement abrogé.
C’est ce qui poussa le jeune Ferhat
Abbas à militer activement au sein
du Mouvement de la jeunesse algérienne.
Les concepteurs de ce code scélérat justifiaient sa prorogation en di-
( 12 )
sant alors que c’était « un passage obligé dans le lent travail que nécessite l’œuvre
de la mission civilisatrice ». Conçu au
départ pour une période sept ans, le
code de l’indigénat est prorogé dans
toutes les colonies jusqu’à la fin de
la Seconde Guerre mondiale. Il a été
aboli par le décret du 22 décembre
1945, qui supprime les sanctions
de police administrative. Puis, un
deuxième décret, celui du 20 février
1946, viendra supprimer les peines
exceptionnelles de l'indigénat, c'està-dire l'internement, l'assignation
à résidence et les amendes collec-
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
tives. Mais l'égalité juridique entre
tous les citoyens dans les colonies
n'est instaurée qu'en 1956. En Algérie, il faut attendre 1958 pour que
le « double collège », incarnation du
code de l’indigénat, soit supprimé.
Encore que l’abolition de ce code
n’avait pas entrainé, de fait, le droit
d’accès des Algériens à leur souveraineté nationale, qui transcendait
toutes les prétendues concessions
envisagées par les gouvernements
français successifs.
En 1930, au lendemain du centenaire de la colonisation, Ferhat
Abbas publie le livre Le Jeune Algérien, dans lequel il développe une
nouvelle approche de lutte contre
l’injustice coloniale, tout en appelant à affermir la concorde entre
Français et « musulmans ». Plus virulent que jamais, il met en exergue
la question d’algérianité et parle,
pour la première fois, d’Etat algérien. Influencé par les idées véhiculées par l’Emir Khaled et celle de
la Renaissance arabe, la Nahda, représentée alors par l’Emir Chakib
Arslane et les oulémas réformistes
qui venaient de fonder leur association sous l’impulsion de cheikh
Abdelhamid Ibn Badis.
Sans aller jusqu’à revendiquer
l’indépendance, comme commenceront à le faire à la même période
les fondateurs de l’Etoile nord-africaine, il n’en esquissait pas moins
une ébauche qui allait nourrir tout
un courant politique durant les
années 1930 et 1940, lequel courant deviendra un appui essentiel
du MTLD, puis du CRUA. Dans
cet ouvrage précurseur, il souligne
avec force : « Nous sommes chez nous.
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Nous ne pouvons aller ailleurs. C’est cette
terre qui a nourri nos ancêtres, c’est cette
terre qui nourrira nos enfants. Libres ou
esclaves, elle nous appartient, nous lui
appartenons et elle ne voudra pas nous
laisser périr. L’Algérie ne peut vivre sans
nous. Nous ne pouvons vivre sans elle.
Celui qui rêve à notre avenir comme à
celui des Peaux-Rouges d’Amérique se
trompe. Ce sont les Arabo-Berbères qui
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ont fixé, il y a quatorze siècles, le destin de
l’Algérie. Ce destin ne pourra pas demain
s’accomplir sans eux. »
Diplômé en pharmacie en 1933,
il s’établit à Sétif où il s’impose rapidement comme un acteur politique
incontournable, que ce soit au sein
du mouvement national ou dans le
débat général sur la représentation
des Algériens dans les institutions
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Guerre de libération
Histoire
Manifestation du MTLD à Paris
officielles. Conseiller général en
1934, il devient conseiller municipal en 1935, puis membre des Délégations financières, qui tenaient
lieu d'Assemblée algérienne, mais
avec des prérogatives limitées. Il
trouvera plus de libertés pour exprimer ses idées en adhérant à la
Fédération des élus musulmans du
département de Constantine, dont
il dirigera l’organe de presse, L’Entente, prônant l’entente franco-musulmane, sous la houlette du docteur Bendjelloul, figure marquante
du nationalisme algérien à cette
époque et fondateur de l’Union populaire algérienne. Vilipendés aussi
bien par l’administration française
que par les nationalistes radicaux
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qui les taxaient de «renégats», les
membres de cette association ont
néanmoins joué un rôle important
dans la formation du nationalisme
algérien en établissant une médiation entre les formes de politique
moderne (élections, assemblées…)
et les populations algériennes ayant
le droit de vote.
Son choc idéologique avec les
nationalistes radicaux, et même
avec les communistes, les oulémas
et les disciples de l’Emir Khaled,
va le pousser, en 1936, à faire une
grave régression, en déclarant la
rupture avec toute idée de patriotisme et son amour pour la colonisation. Son article intitulé « La
France, c'est moi ! » fera date. Il clame :
( 14 )
« Si j'avais découvert la nation algérienne,
je serais nationaliste et je n'en rougirais
pas comme d'un crime. Mais je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce
que cette patrie n'existe pas. J'ai interrogé
l'histoire, j'ai interrogé les vivants et les
morts, j'ai visité les cimetières, personne
ne m'en a parlé. Sans doute, ai-je trouvé
l'Empire arabe, l'Empire musulman qui
honorent l'Islam et notre race, mais les
Empires se sont éteints. On ne bâtit pas
sur du vent. Nous avons donc écarté une
fois pour toutes les nuées et les chimères
pour lier définitivement notre avenir à
celui de l'œuvre française dans ce pays. »
Les années suivantes vont démonter, une à une, toutes ses illusions.
Adel Fathi
Supplément N°45 - Avril 2016.
La rupture avec
l’illusion d’égalité
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
Revenant à de meilleurs sentiments dès le début des 1940, Ferhat
Abbas reprend son combat pour l’intégration et l’égalité «dans le
cadre d’une souveraineté française». Il est désormais convaincu
que le colonialisme reste «une entreprise raciale de domination
et d'exploitation» dans laquelle même les élites républicaines
françaises les plus éclairées étaient entièrement impliquées.
E
n 1941, alors qu’il était
engagé dans l’armée
française, il adresse
au maréchal Pétain,
chef du régime de
Vichy, une lettre poignante, intitulée « L'Algérie de demain », attirant son
attention sur la situation dramatique
que vivaient les « indigènes musulmans
» et réclamant des réformes urgentes
pour y remédier. Le maréchal lui
répond, mais ne s’engage sur aucune
décision. Abbas se tourne alors vers
l’amiral Darlan, maintenu au pouvoir
par les Alliés après le débarquement
allemand en Algérie, mais c’était encore peine perdue.
Profitant d’un certain relâchement des autorités coloniales, durant
cette période d’occupation de la
France métropolitaine par l’armée
nazie, les nationalistes algériens décidèrent d’intensifier leur action et
leurs rencontres en vue de construire
un rapport des forces qui leur soit
favorable, et, pour les plus radicaux,
de passer éventuellement à l’action,
autrement dit à la lutte armée. C’est
dans cette optique que Ferhat Abbas
publie, le 10 février 1943, un manifeste, le « Manifeste du peuple algérien »,
demandant un nouveau statut pour
l’Algérie, qui va beaucoup plus loin
que ses précédentes requêtes, et parle
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
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Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
ouvertement d’une « nation algérienne
». Le projet a été soumis à la Commission des réformes économiques
et sociales musulmanes créée par le
gouverneur général Peyrouton. Mais
son successeur, le général Georges
Catroux, bloque le projet et rejette les
initiatives prises par Ferhat Abbas.
Résultat : celui-ci est, de septembre
à décembre, assigné à résidence à In
Salah, dans le sud du pays, sur décision du général de Gaulle, alors chef
du Comité français de la Libération
nationale. N’empêche que le gouvernement français a fini par répondre,
bien que partiellement, aux doléances
formulées par Abbas et ses amis, en
signant les décrets du 7 mars 1944,
permettant l'accession de dizaines de
milliers de musulmans à la citoyenneté française, et d’être élus dans
des assemblées locales comptant
deux cinquièmes d'élus indigènes.
Des concessions qui en appelleront
d’autres, mais les nationalistes avaient
compris que c’étaient plutôt des mesures en trompe-l’œil, et que tout cela
n’était qu’un plan visant à absorber la
révolte des élites algériennes et à les
détourner surtout de la revendication
d’indépendance qui commençait à
faire son chemin et qui était, alors,
portée par le PPA. Ferhat Abbas en
était, certes, encore loin, mais ses
rencontres de plus en plus fréquentes
avec les représentants des autres segments du mouvement national l’en
rapprochaient peu à peu.
Ainsi, le 14 mars 1944, il fonde
l’association des Amis du manifeste
de la liberté (AML), avec le soutien
actif du cheikh Brahimi, président de
l'Association des oulémas et de Messali Hadj, chef du PPA. Au cours de
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Cheikh Bachir Ibrahimi
Messali Hadj
( 17 )
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Guerre de libération
Histoire
Pierre Chaulet et Ferhat Abbas
la même année, il crée l’hebdomadaire Égalité qui relayait des idées
débattues dans les cercles politiques
les plus élargis, et relevait systématiquement, et sans détours, les contradictions de la politique coloniale de
la France en Algérie. Il est de nouveau dans le viseur des autorités,
puisqu’au lendemain des manifestations tragiques du 8 mai 1945 à Sétif, son fief, il est arrêté avec d’autres
militants et l'AML est dissoute.
Libéré en 1946, il renoue avec l’activisme politique et fonde l’Union
démocratique du manifeste algérien
(UDMA). Cette formation a axé
son programme sur le contenu du
Manifeste algérien, réaffirmant son
attachement à œuvrer à la concrétisation de la liberté et de l'égalité, son
refus de l'assimilation et de la scission avec la France, compte tenu de
l'accession récente, de son point de
vue, du peuple algérien « à la démocratie, aux sciences et à l'industrie
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
», et qui se doit donc de «s'associer
à une grande nation libre et de se
frotter à une démocratie française
ancienne». Sans jamais vouloir couper les ponts avec les nationalistes
dits radicaux du PPA, et plus tard
de sa vitrine légale, le MTLD, il affirma qu'il œuvrait pour «l’entente et
la compréhension» entre Algériens
et Européens dans le cadre d'un
« Etat libre, rattaché à la France ». Son
programme politique est clairement
exprimé dans les résolutions votées
par le congrès de l'UDMA, tenu en
octobre 1947 à Blida, point de chute
des Udmistes, mais aussi des centralistes du MTLD. C’est d’ailleurs,
au cours d’une réunion à Blida, où
étaient présents tous les représentants de la classe politique algérienne et même française, que Ferhat Abbas a prononcé son discours
le plus dur envers le colonialisme, et
qui reste dans les annales : « Nous
vous avons demandé l’égalité devant la loi,
( 18 )
clama-t-il, mais nos demandes étaient toujours rejetées. Je vous préviens qu’il arrivera
un jour où vous allez regretter ce traitement
injuste. Nous, nous allons vieillir, une nouvelle génération viendra après nous, et nous
verrons nos enfants combattre vos enfants,
et beaucoup de sang coulera jusqu’à ce que
leur liberté soit recouverte. »
Toujours légaliste, mais plus méfiant que jamais, il décide de participer aux élections de juin de la même
année. Son parti obtient onze des
treize sièges du deuxième collège à
la seconde Assemblée constituante
et Ferhat Abbas est élu député de Sétif, avant de démissionner quelques
mois plus tard, après le rejet de son
projet de loi portant création d’une
République algérienne « unie à la
France par un lien fédéral ». C’est la fin
d’une époque et le premier pas dans
la voie radicale.
Adel Fathi
Supplément N°45 - Avril 2016.
Ferhat Abbas
un politique pour
diriger la révolution
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
Le basculement révolutionnaire opéré par Ferhat Abbas fut relativement lent et tardif, comparé à celui d’autres politiques de la
mouvance libérale, mais son ascension sera fulgurante et d’un
apport incomparable, à la mesure du personnage qui, comme
durant toutes les crises qu’avait connues le mouvement national,
a su insuffler une dynamique politique au combat libérateur.
A
près sa démission de
l'Assemblée, à la suite
d’une succession de
déboires, il durcit
progressivement ses
positions politiques à l’égard de la
colonisation, tout en se démarquant
des appels à l’action armée émanant
des groupes d’activistes au sein du
MTLD, puis de l’OS. Il commence
d’abord à exprimer sa nouvelle orientation à travers ses articles, plus incisifs les uns que les autres. L’hebdomadaire Egalité, qu’il dirigeait devient,
à partir de février 1948, Egalité-République algérienne, puis République
algérienne en juin de la même année.
Une titraille qui reflète très clairement l’évolution de son état d’âme,
mais surtout de son engagement qui
va murir au fil des jours. Même s’il est
vrai que les événements vont très vite
s’accélérer, dépassant ainsi tous les clivages qui minaient alors les différents
courants nationalistes.
Ferhat Abbas a vu venir cette rupture imminente et définitive, et en
était déjà bien conscient, mais préféra
rester à l’écart – pas trop longtemps,
néanmoins – de ce bouillonnement
qui donnera naissance au Front de
libération nationale et annoncera le
1er novembre 1954 le déclenchement
de la lutte armée. Dès le mois de mai
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Ferhat Abbas, Boudiaf, Bitat, Ben Bella et Aït Ahmed aux frontières Algéro-Marocaine 1962
Ferhat Abbas et Hassan II
( 20 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
1955, il décide secrètement de rejoindre le
FLN, après de maintes rencontres avec
les chefs de l’Algérois, notamment Abane
Ramdane et Amar Ouamrane. C’est d’ailleurs durant la même période, et presque
de la même manière, que le futur architecte du congrès de la Soummam a pu
convaincre des figures politiques, au début
dubitatives, appartenant à des courants
aussi divers que l’UDMA, les oulémas ou
le PCA, de rallier le FLN ; lesquelles figures se verront même, quelque temps plus
tard, occuper des postes de responsabilité
au sein des plus hautes instances de directions de la révolution (CNRA, CCE...).
Pour Abane et Ben Mh’idi notamment,
il y avait comme un souci, urgent et profond, de renforcer «le politique» et de ne
pas laisser la révolution aux seules mains
des militaires. D’où la fameuse devise du
congrès, très contestée par d’autres : «La
primauté du politique sur le militaire.»
L’adhésion des Ferhat Abbas, Benyoucef
Benkhedda, Ahmed Francis était, en ce
sens, la bienvenue.
Quelques mois plus tard, Abbas annonce publiquement son ralliement et la
dissolution officielle de son parti, l'UDMA, lors d'une conférence de presse
au Caire le 25 avril 1956. Car, c’était en
Egypte que la Délégation extérieure de la
Révolution était alors installée, avant le célèbre détournement d’avion du 22 octobre
1956.
Dès le 20 août 1956, à l'issue du congrès
de la Soummam, Ferhat Abbas est nommé membre titulaire du Conseil national
de la révolution algérienne (CNRA), qui
en comptait alors moins d’une vingtaine,
puis intègre le Comité de coordination
et d'exécution (CCE), dès sa création en
1957. C’est dire que, très vite, les dirigeants
de la Révolution avaient compris l’importance du rôle que devait jouer l’ancien lea-
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Le GPRA au Caire
Ferhat Abbas à droite
Délégation du GPRA avec le Président Yougoslave Jozip Broz Tito à gauche
( 21 )
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Guerre de libération
Histoire
Habib Bourguiba, Ferhat Abbas et Jozip Broz Tito
der de l’UDMA qui venait juste de
les rejoindre. Fin diplomate, homme
de consensus et figure respectée
des Français, il était bien l’homme
qui convenait le mieux dans une
conjoncture exigeant une offensive
diplomatique tous azimuts pour
faire entendre la voix de l’Algérie
dans le monde et imposer la cause
algérienne dans les tribunes internationales. C’est alors naturellement
qu’il sera nommé à la tête du premier gouvernement provisoire de la
République algérienne (GPRA) à sa
création le 19 septembre 1958, puis
du second GPRA, élu par le CNRA
en janvier 1960. Le GPRA ayant fait
de l’action diplomatique son crédo,
au point d’ailleurs de faillir, à des
moments, dans ses rapports avec les
maquis de l’intérieur, et de ne pas
s’apercevoir de la montée en puissance de l’armée des frontières qui
va poser ensuite un grand problème
à ce gouvernement.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Face à l’exacerbation des luttes de
clans au sein du commandement de
la Révolution, et à l’impasse constatée dans les négociations engagées
avec le gouvernement français, il se
retrouve de fait isolé. Il sera écarté
du GPRA et remplacé par un autre
vieux routier de la politique, Benyoucef Benkhedda, qui, lui non
plus, n’a pas su tirer son épingle
du jeu devant les tiraillements et
les conflits larvés entre différents
centres de décisions.
En froid avec le GPRA, il résista
un temps à la tentation de rallier
«l’autre camp», conduit par Ben Bella, mais finira par y céder, quelques
jours après la création du Bureau
politique présidé par un autre ténor
politique, Mohamed Khider, le 11
juillet 1962. Ce premier «bureau
politique» mis sur pied pour parer à
l’urgence, a même réussi le pari de
créer une percée au sein même des
états-majors de certaines wilayas de
( 22 )
l’intérieur, dont une partie était restée loyale au GPRA, du moins aux
chefs historiques de l’ALN qui y
étaient représentés.
Au nom de l’unité des rangs et du
consensus, il appuya la démarche du
nouveau pouvoir, qui avait pourtant
neutralisé ses anciens compagnons
du GPRA, mais, tout en contestant
publiquement le principe de parti
unique adopté au congrès de Tripoli. Il eut ensuite le privilège de présider la première Assemblée nationale
constituante, le 20 septembre 1962,
avec 155 voix contre 36 blancs ou
nuls, et celui de proclamer, le 25
septembre 1962, la naissance de la
République algérienne démocratique et populaire. Il a usé de tout
son art de diplomate et de tout son
poids d’historique pour aplanir les
différends qui éclataient au grand
jour, et qui menaçaient d’une guerre
civile, mais ce fut peine perdue. .
Adel Fathi
Supplément N°45 - Avril 2016.
Ferhat Abbas
le dernier testament
Par Adel Fathi
Guerre de libération
Histoire
Demain se lèvera le jour est le dernier texte écrit par Ferhat Abbas, publié à titre posthume par Alger- Livres Editions en 2010.
Selon son fils, Abdelhamid, auteur de la préface, l’ouvrage a été
rédigé durant la période où son illustre père était en résidence
surveillée sous le régime de Boumediene, et revu dans les dernières années de sa vie. «Je suis au soir de ma vie. Ce livre est
le dernier acte de ma vie politique. C’est un adieu à l’Algérie, à
mes amis du Maghreb et à tous ceux que j’ai aimés et servis durant ma longue carrière. Et aussi un adieu à mes amis français
de France et d’Algérie, et particulièrement à ceux qui ont vécu à
nos côtés durant notre terrible guerre de Libération, souvent au
péril de leur vie», écrit Ferhat Abbas en préambule.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 24 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
S
e voulant la synthèse
de tout un parcours
militant, s’étalant sur
plus d’un demi-siècle,
l’ouvrage se lit surtout
comme un testament laissé aux générations montantes, avec des vœux
d’espoir et des interrogations. « Que
nous réserve l’an 2000 ? Où va notre civilisation ? se demande-t-il d’entrée. Gardons-nous d’émettre la moindre opinion.
L’avenir appartient à Dieu et à ceux qui
le feront.» Loin de toute rancœur ou
esprit de vengeance qu’auraient pu
engendrer chez lui tant d’années de
brimade et d’ostracisme, depuis sa
mise à l’écart en 1962, il s’astreint à
une analyse objective et désintéressée : « Nous avons pris un retard mortel.
Arriverons- nous en bonne santé à la fin
de ce siècle ? Ne confondons pas démocratie, liberté avec intolérance et désordre
public. Il est temps qu’un pouvoir fort et
juste en même temps s’arme de lois, mobilise à nouveau le pays et nous contraigne à
balayer devant nos portes.»
Inquiet pour son pays, sa cohésion et sa stabilité, face à la montée de la violence après les attentats terroristes commis au début
des années 1980 au centre du pays,
vraisemblablement par le groupe
Bouyali, il ne manque pas d’alerter
l’opinion et d’appeler à la vigilance.
Visionnaire, il écrit : « Or voici
qu’apparaît aux portes d’Alger le terrorisme politique, qui n’hésite pas à tuer, à
frapper des innocents (…). La tuerie de
Larbaâ est grave. Nous sommes gagnés
par le démon individualiste et la course
vers le pouvoir qui veut s’imposer par la
terreur (…). Nous sommes tous concernés
par ce drame. Il ne relève pas uniquement
du gendarme, mais de la vigilance et de
la cohésion du peuple lui-même. En par-
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Histoire
Ferhat Abbas et hassani inspectant la base Didouche
Habib Bourguiba à gauche et Ferhat Abbas
ticulier, les anciens moudjahidine doivent
réagir. Par leurs sacrifices, ils nous ont
restitué le pays de nos ancêtres. Une fois
de plus, leur devoir est de sauvegarder son
unité nationale.»
Dans ce testament, le premier
président du GPRA revient sur sa
venue au mouvement national et
corrige, au passage, certaines idées
reçues sur ses origines sociales. Il
écrit à ce propos : « J’ai vécu un demisiècle sous le régime colonial. J’en ai subi
( 25 )
les contrecoups autant sinon plus que mes
autres compatriotes. Je n’appartiens pas
à la chevalerie arabe, ni à la noblesse
maraboutique, pas même à la bourgeoisie.» Abordant, avec le recul nécessaire, la question de l’assimilation
qu’il avait défendue pendant de
longues années avant son adhésion
à la révolution du 1er Novembre
1954, il dira : « Le racisme des Français
d’Algérie n’était pas identique à celui de
l’Afrique du Sud. Ce que les colons n’ont
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Guerre de libération
Histoire
jamais admis est le fait que nous revendiquions pour échapper aux lois d’exception et nous élever à leur niveau. Cette
revendication les rendait haineux et méchants, car ils avaient conservé de l’arabe
une peur viscérale venue du Moyen-âge,
peur attisée par la crainte de nous voir
bénéficier des mêmes droits qu’eux.»
Impitoyable dans son analyse
de la situation de l’Algérie postindépendance, Ferhat Abbas critique
les choix politiques et idéologiques
adoptés au lendemain du recouvrement de la souveraineté : « En
juillet 1962, l’indépendance acquise,
nous nous sommes comportés comme un
peuple sous-développé et primitif. Nous
nous sommes disputé les places et nous
avons tourné le dos aux valeurs et aux
vertus qui nous ont conduits à la victoire.
J’ai vu nos mœurs dégénérer en traumatisant l’Algérie musulmane comme elle ne
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
l’avait jamais été durant la guerre. Notre
République algérienne a été affublée d’un
appendice, celui de « démocratie populaire
», ce qui veut dire, en clair, qu’elle n’est
ni démocratique ni populaire », écrit-il
avec regret.
Dans le même esprit, il en veut
aux dirigeants d’avoir cultivé le
désespoir qui a, selon lui, freiné
l’essor du pays, et les accuse d’un
certain révisionnisme : « Tout ce qui
a motivé notre insurrection a été saboté
: le respect des droits de l’homme, celui
des libertés individuelles et de la dignité
du citoyen, le retour du fellah à la terre,
le respect de la propriété privée. Nous
sommes installés dans le provisoire et la
médiocrité et nous avons cessé de travailler. Dans leur majorité, les Algériens
ont confondu indépendance et Etat-providence. Tout un chacun se mit à attendre
les pétrodollars », s’indigne-t-il.
( 26 )
Il clôt son testament avec une
note d’optimisme qui a, en fait, toujours caractérisé son engagement
depuis son jeune âge, depuis la
création du Mouvement des jeunes
algériens dans les années 1930 :
«Peut-être le lecteur permettra-til à mon âge d’exprimer un souhait : celui de voir les générations
de demain vivre de leur travail,
s’entourer de bien-être et vivre en
paix. C’est mon vœu le plus cher.»
Il croyait fermement, avec tout ce
qu’il a enduré et l’amertume qu’il
a dû ressentir, que l’Algérie allait
surmonter toutes ses épreuves : «
La nuit coloniale est morte. Le Moyenâge et sa violence se meurent. Les guerres
religieuses s’achèvent. Demain se lèvera le
jour» .
Adel Fathi
Supplément N°45 - Avril 2016.
Mostefa Benboulaid
Colonel Si el Haoues
Mars, le mois
chouhada
Colonel Amirouche
des
Ali Boumendjel
Larbi Ben M'hidi
Colonel Lotfi
Ali Mellah
Mohamed Ferradj
Si Lakhdar
Par Boualem Touarigt
Guerre de libération
Histoire
Les Algériens considèrent le
mois de mars comme le mois
des chouhada. Ils ont été en
effet nombreux à tomber au
champ d’honneur dans une
journée de mars.
L
M
ostefa Ben Boulaïd, le premier chef de la wilaya des
Aurès est mort le 22 mars
1956 dans l’explosion d’un
poste radio piégé qui avait été parachuté
par l’armée française.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
arbi Ben M’hidi a été assassiné par
Aussaresses dans la nuit du 3 au 4
mars 1957, pendu dans une ferme
situéeau bord de la route nationale
1 reliant Alger à Blida, exécuté sur ordre du
général Massu, commandant des parachutistes chargés de la répression dans Alger, qui
ne voulait pas d’un procès qui aurait tourné
à l’avantage du chahid. Bien après l’indépendance, Aussaresses confirma l’avoir pendu sur
ordre et avoir maquillé l’exécution en suicide,
avec l’accord des magistrats civils. D’autres
témoins, notamment l’ancien lieutenant Allaire
qui l’avait emprisonné et interrogé rendirent
hommage à la stature du chahid, sa sérénité
et au respect qu’il leur avait imposé. Les officiers parachutistes reconnurent l’avoir remis
sur ordre à Aussaresses et qu’ils lui présentèrent les honneurs militaires, ayant compris
qu’il devait être exécuté par Aussaresses. Tous
rendirent hommage à sa grandeur morale et à
la sérénité dont il fit preuve quand il comprit
le sort qui lui avait été réservé. Ils affirmèrent
qu’il n’avait pas fait l’objet de tortures.
( 28 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
A
li Boumendjel a été exécuté trois
semaines plus tard, le 23 mars
1957 par Aussaresses qui le
précipita du haut de l’immeuble,
alors en construction qui servait de centre
de tortures pour les parachutistes et situé
à l’actuel numéro 89 du boulevard Ali Khodja à El Biar. Dans cette construction fut
également torturé Henri Alleg qui témoignera plus tard y avoir rencontré le chahid
Maurice Audin qui y avait été torturé.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
L
e 5 mars 1958 tombait au champ
d’honneur le commandant Si Lakhdar
(Rabah Mokrani) au Djebel Boulegroune suite à un accrochage avec
l’armée française. Il fut enterré sur place au
douar Zenine. Originaire du village de Guergour, le commandant Si Lakhdar, chef militaire de la wilaya 4 aux côtés du colonel Si
M’hamed Bougara contribua avec Ali Khodja
à constituer les commandos d’élite de l’ALN,
bien équipés, bien armés et soumis à une
stricte discipline. Son nom a été donné au
village colonial de Palestro.
( 29 )
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Guerre de libération
Histoire
U
ne année plus tard, le 29
mars 1959, tombaient au
champ d’honneur le colonel
Amirouche, commandant de
la wilaya3 et le colonel Ben Abderzak,
dit Si El Haoues dans un accrochage au
djebel Thameur, au sud de Boussaâda,
alors qu’ils étaient en route vers Tunis
pour y rencontrer le GPRA.
L
e colonel Lotfi (de son vrai nom Benali
Boudghène) est tombé au champ d’honneur le 27 mars 1960 dans le Djebel
Béchar, près de la frontière marocaine.
Il avait décidé de rentrer en Algérie pour diriger
directement sur le terrain la wilaya 5 au milieu de
ses moudjahidine. Accompagné de son adjoint,
le commandant Farradj et de deux moudjahidine, de déplaçant à dos de chameau, le petit
groupe fut repéré par des indicateurs et attaqué
par l’aviation de l’armée française. Cet action fut
l’occasion pour des officiers français de l’action
psychologique de mener une véritable intoxication affirmant que la mort des combattants
de l’ALN avait été cachée et qu’ils avaient saisi
l’occasion pour envoyer par radio des messages
truqués aux combattants de la wilaya 5 en utilisant le poste radio que transportait le colonel
Lotfi en se faisant passer pour lui., jouant sur le
fait que la mort du chef de la wilaya avait été
tenue secrète. Or, le décès du colonel Lotfi avait
été rapporté » par la presse publique française
et l’ALN était au courant. (voir Mémoria , édition
de juin 2015).
Boualem Touarigt
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 30 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Le martyre
de Larbi
Ben M’hidi
Par Boualem Touarigt
Guerre de libération
Histoire
Larbi Ben M’hidi est une figure emblématique de la Révolution
algérienne qui a marqué ses compagnons et ses adversaires par
sa grandeur d’âme, sa passion, sa vision de l’avenir de l’Algérie. Ses tortionnaires, en particulier ceux qui l’ont arrêté, côtoyé
puis exécuté lui ont rendu hommage, impressionnés par la sérénité qu’il dégageait.
1
2
3
1-Abdelhafid Boussouf. 2- Larbi Ben M'hidi. 3- Houari Boumediene
L
e lieutenant parachutiste Allaire qui
l’avait arrêté, apporta
son témoignage une
trentaine
d’années
après l’indépendance : «j’aurais
aimé avoir un patron comme ça
de mon côté. Ben Mhidi, c’était un
seigneur ! »
Il a été arrêté par les parachutistes au cours d’une perquisition
de routine dans un appartement
que les parachutistes soupçonnaient être loué pour le compte
du FLN. Situé à côté du lieu de
réunion du CCE, à la maison du
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
1
3
2
1-Abdelhafid Boussouf. 2- Larbi Ben M'hidi. 3- Houari Boumediene
( 32 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
chahid AMARA au boulevard du
Télémly, ce studio de l’ancien quartier Débussy faisait partie des nombreux lieux d’hébergement clandestins utilisés par les dirigeants du
FLN qui s’y rendaient d’une façon
inopinée, sans prévenir personne.
Ben M’hidi fut reconnu lorsqu’il fut
amené au centre de tri.
Les témoignages concordaient
sur un point : Il n’a pas été torturé, les soldats de l’armée française
avaient compris que cela n’aurait
servi à rien. Sa personnalité exceptionnelle a été encore grandie par
les éloges particuliers des militaires
de l’armée française et les témoignages de ses compagnons de combat. Le colonel Bigeard remit son
prisonnier à une équipe de militaires dirigée par le commandant
Aussaresses, sur injonction de son
supérieur le général Massu qui avait
décidé de l’exécuter afin d’éviter
son jugement par un tribunal, ce
qui qui aurait, d’après lui, servi la
cause du FLN.
Sur les circonstances de sa mort,
les témoignages divergent. Yacef
Saadi aurait affirmé que sur sa dépouille exhumée après l’indépendance, on aurait trouvé des traces
de balles. Un militant du FLN a raconté qu’il avait trouvé le corps du
martyr à la morgue et qu’il portait
des traces de strangulation. Dans
son livre de témoignages, le général Aussaresses raconte l’exécution
de Larbi Ben M’hidi. Il parle d’une
ferme appartenant à un colon, située sur la route Alger Blida, à peu
près à une quinzaine de kilomètres
avant Boufarik. Ce lieu n’a pas été
depuis retrouvé. L’équipe emmenée
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Larbi Ben M'hidi
( 33 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
par Aussaresses aurait procédé à
l’exécution par pendaison.
Le colonel Bigeard révéla plus
tard avoir été volontairement absent lorsque son prisonnier fut
remis à Aussaresses et qu’il avait
demandé à ses soldats de lui présenter les armes, une manière de
lui rendre hommage une dernière
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
fois, sachant le sort qui lui avait été
réservé.
De sa biographie, on retiendra
qu’il était né à Aïn Mlila, qu’il s’était
engagé très tôt dans le mouvement
national, et que recherché par la police, il avait vécu comme clandestin
dans différentes régions du pays. Il
a été notamment cadre de l’Orga-
( 34 )
nisation Spéciale dans la Région
d’Oran, qu’il sera chargé ensuite de
diriger à la veille du déclenchement
du 1er novembre. C’est à ce titre,
que l’Histoire l’a retenu comme
membre fondateur du FLN dans le
groupe des « six ». Les témoignages
de ses compagnons de combat dans
la clandestinité révèlent qu’il fut
d’abord un politique, proche des
combattants à qui il essayait de faire
comprendre la portée éminemment
politique de chacun de leurs actes.
Il prit une part essentielle dans l’organisation et le déclenchement de la
grève des huit jours qu’il avait marquée de son empreinte.
On raconte que s’étant rendu
clandestinement en Egypte, il aurait rejoint le pays en déclarant : »
je préfère rentrer mourir en Algérie
et ne pas voir l’indépendance. s’il
le faut. Ces propos et bien d’autres,
gravés dans la mémoire populaire
témoignent de l’image qu’a retenue
de lui la conscience populaire. Parlant de la torture exercée par l’armée
française sur les Algériens, il disait
en se pinçant le bras : « et toi, vieille
carcasse, comment vas-tu réagir ?
Seras-tu capable de tenir ? »
Il est difficile de parler de Ben
M’hidi de façon neutre et détachée,
tant son image dans la conscience
populaire est forte et empreinte
d’une auréole toute particulière.
C’était le chef politique proche du
combat quotidien, capable d’entraîner par sa grandeur morale, capable
aussi d’imposer le respect à ses ennemis qui décidèrent de l’exécuter
pour ne pas avoir à le juger.
Boualem Touarigt
Supplément N°45 - Avril 2016.
Ali Mellah
Par Boualem Touarigt
Guerre de libération
Histoire
Le 31 mars 1957, au djebel Chaoun, sur le territoire de l’actuelle
commune de Tarek Ben Ziad, tombait au champ d’honneur le
colonel Si Chérif, de son vrai nom Ali Mellah, alors commandant
de la Wilaya VI, depuis sa nomination à la suite du Congrès de la
Soummam,
Originaire de la région de Draa el Mizan, il est né le 14 février
1924 dans le village de Taka, relevant de la commune de M’kira.
Il reçut de son père qui était imam une éducation traditionnelle
religieuse. Il rejoint très tôt le mouvement national en adhérant
au MTLD juste après la Seconde Guerre mondiale.
M
embre de l’Organisation Spéciale, il aurait
participé
au
congrès
de
cette structure qui s’est tenu en
1947. Avant le déclenchement de
la guerre de libération nationale,
il occupe différentes fonctions au
sein de l’organisation clandestine
du Mouvement national à Dellys et
Tigzirt. Il mena des actions armées
bien avant le 1er novembre 1954
et se fit remarquer au début de la
guerre de libération nationale par
l’attaque du poste militaire du village de Michelet. Nommé membre
du CNRA et colonel de l’ALN, il
est chargé par le congrès de la Soumam de diriger la vaste région du
Sud du pays, où l’implantation de
l’ALN avait été relativement faible.
Il se retrouva confronté à l’opposition armée de membres du mouvement messaliste, le MNA qui
s’accrochèrent aux moudjahidine,
prenant position ouvertement
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Le colonel Ali Mellah à gauche
( 36 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
De g. à dr. : Ali Mellah, M'hamed Bougara, Ali Zamoum, Amar Ouamrane, Sadek Déhiles et Omar Oussedik
contre la revendication d’indépendance et devenant de fait sur
le terrain les alliés actifs du régime colonial et de l’armée française. En 1956, au moment où Ali
Mellah est désigné comme chef
de la Wilaya VI par le congrès de
la Soummam, cette vaste zone
connait des difficultés particulières. Le mouvement national y
avait été peu implanté et l’activité
militante s’était concentrée sur les
centres urbains importants : Biskra, Bousaâda, Djelfa, Laghouat.
Surtout, c’était sur son territoire
que s’étaient implantés les groupes
militaires messalistes, dont les
chefs avaient fui les régions du
nord et des Hauts Plateaux, pourchassés par les combattants de
l’ALN des Wilayas III et IV où
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
ils n’avaient pu obtenir un soutien des populations. A l’instar
de Bellounis qui avait constitué
des bandes armées opposées par
la violence aux troupes de l’ALN,
plusieurs chefs militaires locaux
s’étaient constitué des troupes
indépendantes au service de leurs
chefs et vivant sur le dos des populations qu’ils soumettaient par
la terreur. Certains, pour obtenir
une adhésion des populations,
firent croire qu’ils faisaient la
guerre contre l’armée française
pour obtenir l’indépendance. Bellounis, auto-proclamé « général »,
adopta le drapeau du FLN et ses
bandes se proclamaient ouvertement « Armée de libération nationale
algérienne ». Harcelé par les combattants de l’ALN, Bellounis ral-
( 37 )
lia ouvertement l’armée française
qui finira par s’en débarrasser en
l’exécutant. Le colonel Ali Mellah
constitua les premiers groupes de
combattants de sa wilaya et accepta des hommes peu sûrs qui cherchaient plus à vivre sur le dos de
la population. Il avait pris comme
adjoint un certain Amer, appelé
« Rouget » qui causa beaucoup de
tort à l’ALN. Celui-ci prit luimême comme adjoint un ancien
sous-officier de l’armée française, Chérif Ben Saïdi et en fit
son homme de main. Celui-ci,
s’appuyant sur quelques hommes
choisis par ses soins, résolut de
prendre en mains la wilaya et d’en
faire un fief personnel.
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Guerre de libération
Histoire
1-Chikhi Amar. 2- Aissa Blindi . 3- Ali Mellah
1
3
2
Il exécuta le colonel Ali Mellah ainsi que l’adjoint
de celui-ci, « Rouget » celui-là même qui l’avait recruté. Pour rétablir la situation, l’ALN envoya des
forces dirigées par le chef politique de la Wilaya
IV, le futur colonel Si M’hamed assisté du chef
militaire Si Lakhdar et du commandant Azzedine,
avec son commando Ali Khodja. Acculé, Chérif,
l’ancien sergent de l’armée française, devenu lieutenant de l’ALN fut confondu et préféra rejoindre
l’armée française qui lui donna le commandement
de la zone d’Aïn Bouaf près de Maginot (actuelle
Chellalat El Adhaoura). Il aurait été promu colonel
au sein de l’armée messaliste. Il avait été rapatrié en
France avant l’indépendance.
Boualem Touarigt
Ali Mellah
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 38 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Le secteur 1 de la zone 4
des Aurès-Nememcha
Ain M’lila,
de 1954 à 1962
Par Zoubir Khélaifia
Guerre de libération
Histoire
Le 1er novembre 1954, la France coloniale est ébranlée par
des actions armées synchronisées et bien menées dans
toutes les régions du pays. Dans les Aurès, Batna, Khenchela, Biskra, Tighanimine et bien d’autres localités ont
été simultanément assiégées par les hommes de Mostefa
Benboulaïd, l’architecte de ces attaques, secondé dans
sa tâche par Chihani Bachir, Abbas Laghrour et Adjal Adjoul. D’autres villes et villages également ciblées, ont été
épargnés, soit en raison de l’absence de communication
ou tout simplement d’une défaillance de dernière minute,
comme c’est le cas d’Arris, Barika et Ain M’lila.
A
hmed
Nouaoura,
futur chef des Aurès-Nememcha, initialement désigné
pour attaquer Arris
ne s’est pas présenté au rendez-vous.
A Barika, Mohamed Chérif Soulimani a également fait défection et à
Ain M’lila, le groupe de combattants, à leur tête Hadj Moussa
Torche, a vainement attendu les directives de Hadji pour passer à l’action. Ce dernier était investi de la
double-mission d’attaquer le Khroub
et Ain M’lila. Quelques jours plus
tard, tous les éléments de ce groupe,
victimes d’une délation, ont été arrêtés. Les premiers combattants de
cette ville, Hadj Moussa Torche,
Kassa Torche, Allaoua Harkat,
Sigha Saïd dit Zadi, Hammadi Rebaï, Mosbah Benabid, Mellah Kassa,
Ghenam Abdelhamid et d’autres
moudjahidines étaient réunis à
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
De g. à dr. : Ghadbane Brahim, Kherchouch Rachid, Boughrara Allaoua
( 40 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
Fezguia, à quelques kilomètres seulement
d’Ain M’lila mais ils ont été surpris par
l’ennemi qui est venu les cueillir à la suite
de cette dénonciation. Dans son rapport
sur les attaques du 1er novembre, Mostefa Benboulaïd mentionne clairement
l’échec de la mission dans cette ville, située à une soixantaine de kilomètres au
nord de Batna. L’histoire d’Ain M’lila, la
ville qui a enfanté Larbi Ben M’hidi, dans
la révolution, ne s’arrête pas bien évidemment au 1er novembre 1954, mais bien
au-delà comme d’ailleurs toutes les villes
et villages des Aurès-Nememcha. Une
fois, le déclenchement de la guerre réussi,
Mostefa Benboulaïd et ses adjoints ont
fait de son extension leur cheval de bataille. Le chef de la zone 1, devenue la
Wilaya I historique à l’issue du congrès de
la Soummam, arrêté en Tunisie au mois
de février 1955, Chihani Bachir prend le
relais avec la ferme intention d’organiser
cette immense région et étendre la guerre
jusqu’à la frontière tunisienne. Une mission difficile mais pas impossible pour un
chef déterminé et résolu à suivre le chemin tracé par Benboulaïd. Dès le début
de l’année 1955, les tentacules de la révolution se sont étalés au-delà des espérances de ses chefs et les rangs de l’ALN
se sont massivement renforcés grâce notamment à un travail de fourmi des combattants de novembre, investis de cette
lourde charge. Le PC des Aurès a ainsi
réparti les groupes des moudjahidines
ayant pour seul objectif de propager la
guerre. Ainsi, les Nememcha sont orientés vers Ain Beida, Oum El Bouaghi,
Meskiana, Tébessa, Souk-Ahras et jusqu’à
Guelma alors que les Aurèsiens, communément appelés Djebaïlia (Montagnards),
sont, à leur tour, chargés d’organiser les
villes de Sétif, Barika et Ain M’lila. Ces
émissaires, aguerris et convaincus, se
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( 41 )
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Guerre de libération
Histoire
Chahid Mellah Aboud 1926-1962
sont attelés à réussir leur pari d’autant que les échos parvenus de toute
la région étaient encourageants.
Pour que la Révolution prenne de
l’ampleur et que les zones de combats s’agrandissent, il fallait à tout
prix mettre le paquet. Ainsi, Abdelhafid Torèche et son groupe ont
pris la direction de Barika, Magra et
djebel Boutaleb alors que Mostefa
Réaïli est mandaté pour organiser la
région de Sétif et enfin Tahar
Nouichi, accompagné d’Abdellah
Oumeziti, Si Khouthir Lemred,
Nour Laâmouri, Chaouchi Tayeb
et d’un nombre important de moudjahidine, s’est, quant à lui, dirigé
vers Ain M’lila et les localités avoisinantes. Au déclenchement de la
guerre, Ain M’lila dépendait plutôt
de Batna et elle n’a été rattachée à la
zone 4 de la Wilaya I qu’au lendemain du congrès de la Soummam
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Chahid Chaïb Aïnou Lakhdar 1926-1959
en août 1956. Les Djebaïlia (Aurèsiens) n’ont pas mis beaucoup de
temps pour ramener la population
locale à épouser la cause. Certes,
leur mission n’était pas du tout une
simple sinécure mais leur volonté et
leur courage ont fait que la révolution s’implante en un temps record
et s’enracine même dans les esprits.
L’enrôlement de nouveaux moudjahidine dans les rangs de l’ALN dépasse toutes les prévisions et les attaques contre l’ennemi se font de
plus en plus nombreuses. L’ébullition gagne de plus en plus le terrain
jusqu’au mois de septembre 1955 où
la région d’Oum El Bouaghi va
connaître sa première grande bataille, menée par Chaâbane Laghrour, frère du charismatique chef
Abbas, au lieu dit Djehfa au cours
de laquelle 60 combattants sont
tombés au champ d’honneur. Cette
( 42 )
bataille ouvrira le bal à plusieurs
autres, notamment dans la région
d’Ain M’ lila où les opérations des
fidayine font trembler l’ennemi. Les
émissaires des Aurès continuent
leur travail de sensibilisation et de
recrutement qui portera ses fruits
dans la mesure où les rangs de
l’ALN se sont élargis. Dès le début
de l’année 1955, les effectifs connaîtront un bond considérable. De la
ville d’Ain M’lila, l’appel de la patrie
y a fait un large écho. On citera
entre autres Gouadjlia Messaoud,
Gouadjlia Abdellah, Nezzar Amar,
Maâtouki Slimane, Boulehlaïs Abderrahmane, Kheznadji Layachi,
Garbsi Saâdi , Gharbi Ali, Kouachi
Salah et la liste n’est pas exhaustive
de tous les éléments ayant rejoint le
maquis à l’aube de la révolution. Les
autres localités, Ain Fakroun, Ain
Kercha, Ouled Hamla, Souk Naâ-
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
Chahid Lakhdar Sator 1918-1960
mane et Sigus ont, à l’image d’Ain
M’lila, participé activement à l’élargissement des rangs de l’ALN. La
famille Bougadi de Ain Fakroun, a
elle seule, a donné une dizaine de
combattants. On citera également
Ghenaï Amor, Kerrouche Bélaïd,
Boumerdaci Messaoud, Djeffal
Amara, Boughrara Saoudi, Sofiane
Chaâbane, tous natifs de la région
de Ain Fakroun et qui ont très tôt
répondu à l’appel de la partie comme
leurs homologues de Ain Kercha
dont Kaouche Amara, Kezaout Mohamed ou encore Srradj Mostefa et
Tebbani Baâtouche de Souk Naâmane et enfin Ghrab Ramdane de
Ouled Hamla. Il y en a eu également
à Sigus comme Laïb Hannachi et
Serarda Tahar qui n’ont pas hésité
un seul instant à rejoindre le maquis
aux premiers appels lancés par
l’ALN. Bien évidemment, la liste est
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Chahid Zidane el-Ouahem Messabeh 1924-1955
longue et il est impossible d’énumérer tous les combattants de la première heure de la région d’Ain M’lila. Une fois, la mission des Aurèsiens
accomplies, le congrès de la Soummam a établi un nouveau découpage
géographique de la Wilaya I dans
lequel Ain M’lila sera désormais rattachée à la zone 4 qui, en plus du
secteur 1, englobe le secteur 2 (Oum
El Bouaghi), le secteur 3 (Ain Beida)
et enfin le secteur 4 (Meskiana). A
l’issue de ce découpage, le vaillant
combattant, Boughrar Saoudi, est
nommé chef du secteur 1, en plus de
la Kasma d’Ain M’lila, réunit celles
d’Ain Kercha, Ouled Messaâd et
Sigus, Ain Fakroun et Ain Bordj.
Boughrara Saoudi mènera la vie
dure à l’ennemi. Il organisera plusieurs
embuscades
causant
d’énormes pertes dans les rangs de
l’armée française. Plusieurs grandes
( 43 )
batailles sont aussi à mettre à son
actif. En octobre 1957, il dirigera
d’une main de maître la bataille
d’El-Fedjoudj dans laquelle 45 moudjahidine ont donné une leçon de
bravoure et de courage à l’ennemi.
Sa vaillance lui a valu d’être nommé
chef militaire de la zone 4. Il participera également dans différentes bataille comme celles de djebel Guerioun, Oued Charef et Ouled
Khaled dans la région de Sigus. A la
fin de l’année 1958, il est convoqué à
Kimmel, PC des Aurès-Nememcha.
Il ne reviendra plus de son voyage.
A cette époque, la guerre battait son
plein et les batailles se multipliaient,
dans la zone 4, autant que les embuscades et les actions armées accomplies par les fidayine. Boughrara
Saoudi tombé au champ d’honneur
dans la Wilaya VI, en 1961, Bouhali,
dit Hamdane, lui succède à la tête du
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Guerre de libération
Histoire
secteur 1. Ce dernier, monté au maquis en 1956,
a vite gravi les échelons pour devenir le chef incontesté de cette région, devenu un enfer pour
les soldats français. Comme son prédécesseur, il
mènera plusieurs combats et se distinguera par
un courage hors-pair. Une année après sa désignation à la tête de ce secteur, c’est-à-dire en
1959, il s’accrochera avec l’ennemi à côté d’Ain
Fakroun où tout son groupe sera décimé. La fin
de la guerre approche mais les combats montent
en intensité. Derga Abderrahmane dit Maouche,
l’un des premiers combattants de cette région,
est, à son tour, promu chef du secteur 1. Il ne
mettra pas longtemps pour tomber au champ
d’honneur à El-Fedjoudj dans une grande bataille en 1960. Mohamed Hadjar est alors appelé
à la rescousse où, en plus qu’il soit désigné chef
du secteur 1, il sera promu chef de la zone 4
jusqu’à l’indépendance de l’Algérie.
Zoubir Khélaifia
Mohamed Hadjar en médailon
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 44 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Le Moudjahid Bahri Rabah
Le Fidaï
d’Ain M’lila
Par Zoubir Khélaifia
Guerre de libération
Histoire
Des hommes et des femmes ont tout sacrifié pour que l’Algérie
recouvre son indépendance. Certains sont tombés au champ
d’honneur, d’autres, en revanche, ont survécu à toutes les péripéties de la guerre. Le Fidaï Bahri Rabah fait partie de cette
dernière catégorie malgré les souffrances qu’il a endurées dans
les geôles coloniales pendant de longues années. Son histoire
commence à Souk Naâmane, dans la wilaya d’Oum El Bouaghi, où il a vu le jour le 23 février 1936.
I
l fréquente la seule école de
cette bourgade, située non
loin de la ville d’Ain M’lila.
Son enfance sera marquée
par la dureté de la vie sous
le joug colonial dans cette région
des Aurès où les indigènes travaillaient inlassablement pour subvenir aux besoins de leurs familles.
Son père se déplaçait dans les différentes localités avoisinantes pour
faire de petits commerces et pouvoir ainsi nourrir sa progéniture.
C’était le cas de pratiquement la
quasi-totalité des Algériens, soumis à l’asservissement d’un colonialisme des plus cruels. Rabah ne
met pas longtemps pour rejoindre
Ain M’lila, la commune mixte, en
quête de savoir, ignorant que sa
vie allait basculer définitivement.
Dans cette ville où sa famille s’est
installée, la vie n’est pas non plus
facile puisqu’en plus des études
qu’il poursuit à l’école des garçons
où il rejoint son cousin Ahmed, il
se rend utile en aidant son père,
notamment durant les week-ends.
Etant l’aîné de la famille, il se
trouve dans l’obligation de voler
de ses propres ailes en vendant des
cigarettes. Ses trois frères, Abdelhamid, Rachid et Daoud et sa sœur
Chérifa, tous en bas âge, n’étaient
pas en mesure de contribuer activement à cette œuvre familiale. Le
père parti en France, Rabah quitte
l’école et prend à lui seul en charge
les membres de sa famille ainsi que
En 1961 à Lambese, Bahri Rabah à gauche
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 46 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
1
3
2
4
5
1- Hamani.- 2-Cheikh Sadek Makhlouf. 3- Hocine Bahri (condamné à mort). 4- Cheikh Bouzid
ses cousins paternels, orphelins de
père. Cette situation durera jusqu'à
jour où d’un commun accord avec
son cousin Lahcène, il décide de rejoindre les rangs de l’ALN. Rabah
doit d’abord commettre un attentat
s’il veut que son vœu soit exaucé.
Une première tentative d’éliminer le
colon Gilbert, en 1955, avortée, Rabah ne lâche pour autant pas prise,
car il sait que sans cet attentat, il lui
est pratiquement impossible d’intégrer les rangs du groupe dirigé par
Si Nour Laâmouri. Il prend son
mal en patience en attendant d’accomplir son baptême du feu. Une
autre rencontre avec le moudjahid
Touhami et Si Khouthir Lemred
allait être la bonne. Ils se fixèrent
rendez-vous à la ferme appartenant
à Hadj Mebarek Bouti où il reçoit la
grenade qui servira plus tard à l’accomplissement de l’attentat. Le 23
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
juillet 1956, Bahri passe à l’action
en plein centre-ville d’Ain M’lila.
Il lance la grenade sur une jeep
atteignant mortellement un officier
français et blessant un autre. Luimême a failli laisser sa peau quand
l’officier en question lui renvoi la
grenade dans un ultime geste de
survie. Une fois ses esprits retrouvés, le fidaï prend ses jambes à son
cou sans même connaître les dégâts
causés par la déflagration. La gendarmerie locale, certainement mise
au parfum par des indicateurs,
ne tarde pas à mettre la main sur
Rabah Bahri, son frère et son père.
Ils subiront les pires sévices sans
jamais fléchir ni lâcher la moindre
information compromettante pour
les commanditaires de cet attentat
à la grenade qui a coûté la vie à un
officier français et blessé un autre.
Le fidaï a, tout au long des interro-
( 47 )
gatoires musclés, nié les faits qui lui
sont reprochés, y compris quand
un témoin, du nom de Zerdar,
avoue l’avoir formellement identifié. Il a résisté à toutes les formes
de brutalité mais, en homme résolu, il tient le coup et ne plie pas
malgré les menaces de mort proférées à son encontre par ses tortionnaires. Du 24 juillet 1956, date
de son arrestation, il n’est pas passé
un seul jour sans que Rabah soit
torturé jusqu’à ce que ce qu’il soit
présenté devant la chambre d’accusation du tribunal d’Ain M’lila.
Bien évidemment, cette dernière
a été expéditive en ordonnant l’incarcération du fidaï. « J’ai remercié
Dieu de m’avoir donné du courage
et d’être sorti indemne des mains
de mes tortionnaires » écrit ce fidaï
dans ses Mémoires intitulés, Mémoires du Moudjahid Bahri Rabah.
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Guerre de libération
Histoire
1
2
1- Abdellah Fadel. 2- Jacques (15 ans)
Durant son incarcération, il ne se
fie à personne ni ne donne aucun
détail sur l’attentat. Il garde jalousement le secret en attendant son
passage devant le tribunal. Et coup
de théâtre, le seul témoin à charge,
Zerdar, est éliminé par l’ALN. Une
confidence tenue du gardien de prison, Mohamed Zekkari qui a vite
informé le fidaï. Une bonne nouvelle qui ne tarde pas à se traduire
sur le terrain. Faute de preuves, Rabah Bahri est élargi, mais une autre
épreuve non moins désagréable
l’attend à sa sortie de prison. Il est
appelé sous les drapeaux français et
doit sous la contrainte rejoindre la
caserne de Téléghema. Il fait bon
cœur contre mauvaise fortune et
en son for intérieur, il garde le désir sacré de rejoindre une seconde
fois les rangs de l’ALN. L’idée de se
faire la belle lui trotte dans la tête.
Il ne pense qu’à s’évader et échafaude un plan qui s’avérera plus
tard fort judicieux. En compagnie
de Kaddour Abdelkader, lui aussi
appelé sous les drapeaux français,
il met son plan en action et réus-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
sit à s’évader de la caserne. Sur
leur chemin menant au maquis,
les deux fuyards rencontrent plusieurs obstacles mais leur détermination est plus forte au point qu’ils
les remontent un à un jusqu’à leur
arrivée à bon port, à djebel Tarbat,
aux environs de Souk Naâmane.
Le groupe de moudjahidine que
Rabah a rejoints, était dirigé par
Mahmoud Ghediri. Le 24 avril
1954, le groupe en question, réparti en deux sections, va être pris en
étau à djebel Annouda. Encerclé,
et malgré une résistance héroïque,
le moudjahid Chouchène Ahmed
tombe au champ d’honneur alors
que Guerfa Boulaâras est blessé à
la jambe. Les forces étant inégales,
le reste de la section à laquelle
appartient Rabah Kadri est arrêté
dans la grotte où il s’est réfugié.
Ahmed Bendâas sera lâchement
exécuté alors que Rabah, son cousin Lahcène, Mahmoud Ghediri,
Guerfa Boulaâras et Benmedouar
Mostefa passeront tous par la cour
militaire de Constantine. Défendus
par une pléthore d’avocats, dont
( 48 )
Vergès et Giselle Halimi, les cinq
moudjahidine seront respectivement condamnés à de très lourdes
peines. Bahri Lahcène écopera de
la peine capitale ; Bahri Rabah,
quant à lui, est condamné à une
double réclusion. Une condamnation à mort par contumace prononcée par le tribunal de Téleghma
et une autre à 15 de travaux forcés.
La cour militaire de Constantine a
également prononcé la perpétuité
à l’encontre de Mahmoud Ghediri,
20 ans pour Guerfa Boulaâras et 10
pour Benmedouar Mostefa. La vie
carcérale commence alors pour les
cinq détenus. Dans la prison militaire de la Casbah, à Constantine,
le fidaï Rabah y passera 15 mois
avant d’être transféré à Coudiat où
il est placé dans la cellule 7, dite la
blindée, celle-là même où était détenu Mostefa Benboulaïd avant son
évasion en novembre 1955. Dans
ses Mémoires, Rabah raconte avec
force détail son incarcération et
bien évidemment ce qu’il a vécu à
Constantine et à Lambèse, à Batna,
où il a été transféré. Il raconte également les hommes qu’il a côtoyés
dans ses pérégrinations carcérales.
La vie dans les prisons coloniales
est pire que la liberté sous le même
joug. Rabah Kadri est libéré en mai
1962 et vit aujourd’hui à Ain M’lila
où il sillonne toute la région pour
« déterrer » l’histoire des valeureux
combattants qui se sont sacrifiés
pour que l’Algérie recouvre son
indépendance.
Zoubir Khélaifia
Supplément N°45 - Avril 2016.
Le chahid Belgat Messaoud
Le martyr du
20 août 1955
Par Saci Belgat, fils du Chahid Messaoud
Guerre de libération
Histoire
Le chahid Belgat Messaoud est mort au combat les armes à la
main, le 20 août 1955, à la rue de Paris, à Skikda, en compagnie
de quatorze de ses compagnons. Cette bataille qui a marqué le
20 août 1955 a été amplement commentée dans les journaux de
l’époque et par les historiens de la guerre de libération.
Après l’attaque de la prison civile et de la gendarmerie par
quatre-vingt résistants, quatorze se sont repliés dans la maison
dite Dar Boumendjel. Cernés par un détachement de l’armée
française, ils ont été tous éliminés à l’arme lourde après une
âpre résistance qui a duré plus de cinq heures.
Dar Boumendjel, ex-villa Albine, est située non loin de la prison civile et de la gendarmerie sur les hauteurs de la ville dans
un quartier européen de l’ex-rue de Paris, actuellement rue des
frères Halhaz. Elle est composée de deux maisons mitoyennes
appartenant à deux familles musulmanes Daiboune Sahel
Moussa et Ramdane Boumendjel.
B
elgat Messaoud est
le benjamin d’une
fratrie de cinq enfants. Il est né à Ain
Zouit, le 3 juin 1922,
de Mohamed et d’Aïcha Yazli. Son
père quitta avec ses quatre frères
le douar Medjajda, pour s’installer
à Ain Zouit afin de scolariser ses
enfants. Il fit ses études primaires à
l’ancienne école mixte de Ain Zouit.
Sa famille, des paysans moyens,
a prospéré dans le commerce des
fruits et légumes. Elle s’est installée à Ain Zouit sur les hauteurs des
monts de Skikda. Faute d’école au
douar Medjajda, son père, Mohamed, acheta deux fermes de 33 hectares appartenant à deux colons à
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Ain Zouit pour s’y installer et faire
profiter ses enfants de l’enseignement.
La famille descend directement
de la tribu des « Béni Ben Naim »
branche du nom du quatrième enfant de M’henna, Naimi. Cette tribu
a toujours été en guerre contre les
occupants. A la conquête de la vallée de Skikda par l’armée coloniale
française, dépossédée et déplacée
de ses terres fertiles de la vallée de
Safsaf, elle s’est installée en 1863
au douar Medjajda sur 10194 ha de
terres forestières, à 20 km au sud de
Philippeville (Skikda).
Dans Mémoria du 30 octobre
2013, Hassina Amrouni a écrit à
propos des tribus montagnardes : «
( 50 )
Les tribus montagnardes (djebaylias), favorisées par le relief de leur
territoire, croisaient régulièrement
le fer avec les troupes coloniales,
contrairement aux tribus des
plaines (souhaylias) qui, défavorisées par leur position géographique
mais aussi par le manque de moyens
de guerre, comparés aux Français,
n’avaient d’autre choix que de se
soumettre. »
Michel Levallois rapporte qu’en
1864 une pétition a été signée par la
tribu des Medjajda. A ce propos, il
écrit : « La tribu les Medjajda du cercle
de Collo, installée sur 10194 ha forestiers,
sollicita l’autorisation exceptionnelle de
s’imposer pour une somme de 6000 francs
destinée à créer une école pour l’enseigne-
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
Mme Daiboune Sahel Zakia devant la villa Albine
ment de l’arabe et du français suite à une
pétition réunissant 4639 signatures sur les
6200 membres de la famille. »
La bataille de la rue de Paris est
considérée par de nombreux témoins de l’époque et auteurs comme
la plus grande bataille intramuros
du 20 août 1955 à Skikda.
Dans le journal de la ville, l’Echo
de Philippeville, Gilbert Attard,
un témoin de l’époque, relate cette
bataille en ces termes: « 13h40 : une
bande de 80 rebelles s’infiltre entre l’hospice et la gendarmerie. Quatorze rebelles se
retranchent, rue de Paris, dans une maison
occupée par des musulmans. Les youyous
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
des femmes stimulent l’ardeur des hors-laloi. Les militaires et les gardiens de la paix
en font le siège pendant plus de 4 heures,
faisant usage de gaz lacrymogènes et de grenades, un militaire est blessé, l’adjudantchef Maurice Giraud de l’état-major de la
41e DPB. Tous les rebelles sont abattus. »
Autre témoignage anonyme sur
la toile intitulé « Déchainement à
Philippeville » : « La fureur exacerbée,
une quinzaine d’hommes se sont enfermés
dans une maison de la rue de Paris d’où ils
tirent sur tous les Européens. Les parachutistes donnent l’assaut il dure cinq heures.
A la grenade, au gaz lacrymogènes, à la
mitraillette, au mortier. »
( 51 )
Le colonel Vismes relève leur «
mordant ». Il écrit encore : « Non seulement ils sont très décidés à résister sur place
jusqu’à la destruction, mais ils le font. »
Un autre document militaire précise que
des armes lourdes (lance-roquettes antichar et automitrailleuses) ont été utilisées
pour les réduire. Mais ils ont tenu et leur
dernier combat ne s’est pas conclu avant 18
h 20. »
Benjamin Stora, historien, spécialiste du Maghreb, dans Historical
références 2010, rapporte : « Dans
la rue de Paris, aussi, il faudra cinq
heures aux parachutistes de l’armée
française pour anéantir un com-
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Guerre de libération
Histoire
Impact de balle
mando d’une quinzaine d’hommes
qui, réfugiés dans une maison, tirent
sur tout ce qui bouge et refusent de
se rendre. »
Mme Daiboune Sahel Zakia, la
fille de Daiboune Moussa copropriétaire de la villa Albine, témoin
de premier plan, avait seize ans à
l’époque des faits, me dit dans un
entretien personnel avoir soigné
mon père. « Il avait une blessure profonde au front, je lui ai mis du café pour
coaguler le sang, il a continué à résister,
jusqu’au bout, ils l’ont achevé à la grenade
avec ses trois compagnons. »
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Les corps étaient méconnaissables déchiquetés par les éclats
de grenades et les tirs de bazooka.
Parlant de sa famille, elle continue
: « Nous avons été évacués, alignés pour
être fusillés. Notre salut nous le devons à
un brigadier de police qui a intercédé en
notre faveur et heureusement que mon père
était dans son commerce. C’est ce qui nous
a sauvés sinon, on aurait été fusillés. La
maison fut réquisitionnée et fermée plusieurs mois. Nous n’avons pu la réoccuper
que longtemps après, et puis nous on a rien
demandé sauf que l’Etat fasse de cette maison un musée pour la mémoire.»
( 52 )
L’éveil au nationalisme et
la participation du chahid
Belgat Messaoud à la
préparation et à l’offensive
du 20 août 1955
Très tôt, il était acquis aux idées
nationalistes du PPA/MTLD. Il
refusa d’accomplir son service militaire sous le drapeau français.
C’est à son frère garde-champêtre, Tahar, bien introduit dans
l’administration française qu’il dit :
« Tahar, tu te débrouilles avec l’administration, mais moi je ne ferai pas mon
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
Impact de balle
service militaire sous le drapeau de la
France.»
Dès 1952, Belgat Messaoud est
en pleine activité au PPA/MTLD
et en 1954, il est en charge de
l’organisation armée de toutes les
communes et douars d’Ain Zouit
et de ses environs.
En novembre-décembre 1954,
il organisa et conduisit le sabotage
des fermes des colons et incendia
le dépôt de liège de la région de
Collo. Ces activités de sabotage
lui valurent à lui et à ses cousins,
suite à une dénonciation, une arrestation et un emprisonnement
de quelques jours.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
En effet au mois de mars 1955,
ils ont été arrêtés et héliportés
d’Ain Zouit à Philippeville dans
une caserne pour y être interrogés.
Dès son élargissement, il est
chargé par Zighoud Youcef de
préparer un groupe à l’action armée. Sous le couvert de ses activités de sociétaire d’une compagnie
de chasseurs, il constitue un arsenal de guerre.
C’est un de mes cousins (Moussa) qui me rapporte ce témoignage
: « Il me chargea dès 1954 de lui ramasser les restes de plomb que je pouvais. Il
passait, parlant de mon père, ses nuits à
préparer des cartouches. »
( 53 )
Il profitait des battues en forêt
pour organiser des rencontres
avec les dirigeants. C’est ce même
cousin « Moussa » qui me rapporta
cette anecdote : « Comme j’étais toujours dans ses jambes, un jour en pleine
battue, il s’en échappa, je l’ai suivi sans
me faire remarquer, il était, parlant de
mon père, accroupi en train de dicter son
rapport à un jeune homme qui tapait au
dactylo. »
La pression familiale sur lui
est tellement forte, notamment de
son frère Tahar qui a tout fait pour
l’empêcher de constituer le premier embryon de la lutte armée.
On peut même dire qu’une certaine hostilité s’est installée entre
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Guerre de libération
Histoire
Villa Albine
lui et son frère. Tous les arguments
et les pressions de toutes sortes ont
été utilisés, y compris, nous, ses
enfants : « Mais qui s’en occupera de tes
enfants, as-tu pensé à eux ? », il répondit : « Mais toi mon frère Tahar, tu sauras le faire mieux que moi. »
Sa détermination, sa haine du
colonialisme étaient très fortes
pour infléchir sa position.
Ces mots que me rapporta ma
défunte mère sonnent encore dans
ma tête : « Au mois de juin, c’est le
début de la fenaison. On rentrait le foin,
sa belle-sœur l’interpella, « pourquoi
fais-tu tout ça Messaoud ? ». Un avion
à réaction passait en ce moment, il
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
leva sa tête au ciel, pour que Dib
(moi, son fils ainé) puisse piloter
un jour cet avion. »
Comme de nombreux ses compagnons martyrs de la première
heure, il partit avec ses secrets et
son serment de fidélité, d’ailleurs
serment gravé sur son avant-bras.
A ce sujet, l’historienne Claire
Mauss-Copeaux rapporte dans
son ouvrage Algérie 20 août 1955,
p. 88, parlant de Zighoud Youcef :
« Afin d’engager définitivement les combattants de la ville, il instaure un rituel
qui sacralise leur cause et lie les conjurés. Dans le style qui lui est particulier,
Ahmed Boudjeriou, le jeune frère de
( 54 )
Messaoud, décrit la scène : « Il demande
à cheikh Belkacem Kerris de réciter
certains versets du coran. Zighoud et si
Messaoud Boudjeriou, alors responsable
du secteur de Constantine, appellent un
à un les combattants pour leur faire prêter serment ».
Ce rituel ne s’est pas limité à
la seule région de Constantine. Il
s’est tenu partout – là où il y avait
des combats et des combattants à
engager.
Comment je le sais et d’où je
tiens cette information. Ma mère
dans ses colères combien légitimes, ravalant ses larmes, étouffant mal ses sanglots, me dit :
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
« Quand je l’ai imploré de rester
auprès de vous, vous étiez très jeunes, ta
sœur ainée, née en 1947, n’avait que 7
ans, toi, né en 1951, 3 ans, et ton jeune
frère né en mai 1954. Parlant de mon
père : « Il me fixa des yeux, remonta
sa chemise et me montra un signe sur
son avant-bras, j’ai prêté serment et je
ne peux reculer. » Ce serment gravé
sur son corps, il ne le montra qu’à
sa femme.
La préparation du
20 aout 1955
Selon ma mère, il quitta le domicile familial fin juin début juillet
1955, pour ne revenir qu’en début
août. Il a été présent à toutes les
réunions de préparation de l’offensive du 20 août 1955. Lors de la
première réunion à Zamane dans
la presqu’île de Collo au début du
mois de juillet 1955. La seconde
réunion celle du douar Medjajda,
la logistique a été de sa préparation, car il était le seul à connaitre
le douar, ses habitants et ses terres.
A la veille du 20 août 1955, c’est
dans notre ferme à Ain Zouit qu’il
réunira pour les dernières préparations les djounoud chargés de
l’attaque de Philippeville.
Ma mère me disait qu’il a disparu tout le mois de juillet, il est
réapparu au mois d’août affaibli et
je m’en inquiétais. C’est là où ma
mère l’implora de rester auprès de
nous.
Claire Mauss-Copeaux, rapporte en page 102 de son livre
(Algérie, 20 août 1955…) : « En
Algérie, aujourd’hui, les mémorialistes
affirment que « le secret était total ».
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Seul Zighoud Youssef et ses très proches
collaborateurs étaient « au courant de la
date, de l’heure et des lieux […]. Les
militaires et les services de renseignements
français de l’époque ignoraient eux aussi
ce qui se préparait. » Mais cette présentation des faits, qui confirme
à leurs yeux la force des conjurés
et l’unanimité du commandement
FLN, est inexacte. Effectivement,
la date de l’insurrection avait bien
été révélée l’avant-veille à Brahim,
l’un des chefs de groupe, mais ce
dernier observe également que
la préparation de la « Révolution »
avait commencé un mois auparavant, au lendemain de la réunion
de Zamane. Parmi ceux qui participaient, tous n’ont pas forcément
respecté le secret.
Une semaine avant l’insurrection, il rencontra devant le café
maure du quartier arabe le jeune
Younes Drif qui était en soin à
l’hôpital civil de Philippeville. Fou
de rage, il intima l’ordre à ce jeune
de rejoindre l’hôpital et de ne plus
le quitter. Ce n’est qu’après que ce
jeune cousin de Younes chez qui la
première réunion de Zamane eut
lieu a compris.
Aussi, l’avant-veille du jour fatidique, mon père avertit son frère «
Tahar garde-champêtre de la commune de
Stora de ne pas se rendre à Philippeville,
le jour du samedi 20 août, il lui dit qu’il
va se passer des événements violents. Pris
de colère son frère lui intima l’ordre de se
retirer. De l’avis de la famille qui écouta
cette violente altercation entre le benjamin
et son frère, jamais, on ne les a vu rentrer
dans une telle colère, d’autant qu’il vouait
(Messaoud, mon père) un immense respect
à son grand frère. Il lui résista et s’en alla
( 55 )
sans lui faire les adieux. »
Claire Mauss-Copeaux déjà
citée, écrit à ce propos : « Mais la
légende des chefs luttant au milieu des
insurgés n’est pas corroborée par Ali
Kafi, qui se présente comme l’adjoint de
Zighoud. Dans sa brève relation du 20
août, il observe un silence prudent à propos de son rôle et de celui du responsable
du Constantinois.»
Je garde enfouie en moi l’image
du père armé et moi en pleurs accroché à son pantalon. Il en a fallu
de la patience à ma sœur pour me
ramener à la raison.
La nuit, me dit ma mère, tu n’as
pas fermé l’œil tu as veillé toute la
nuit sur ton père. Tu savais qu’il se
préparait à partir pour ne plus revenir.
La figure tutélaire du père fut
de tout temps omniprésente et protectrice. C’est dire aussi que le deuil
ne se fera, au grand dam, jamais.
Nous apprenons à vivre avec et
continuons de faire de l’absent le
premier compagnon de notre vie.
C’est peut-être ce deuil impossible et l’absence en héritage du
père, qui me conduisirent en ce
premier été de l’an un « I » de l’indépendance en compagnie de mon
jeune cousin, Madjid, à la recherche
des moindres recoins où séjournèrent les moudjahidine.
Que de chemins escarpés, que
de ronces, de forêts denses, de ruisseaux, d’oueds et de gueltas traversés. Je ne savais pas pourquoi je le
faisais, c’était je m’en souviens une
aimantation plus puissante que
les coups de gueule de ma pauvre
mère.
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Guerre de libération
Histoire
Belgat Messaoud
En un mot ce n’était ni des illuminés, encore moins des assassins
comme un certain documentaire de
J.-P. Liedo les présenta. « Ils étaient
des hommes aux rêves qui surpassaient
ceux qui ont eu la charge de conduire les
affaires de la nation à sa libération. »
Que dire, quand à l’âge de six ans
« Raz », un sanguinaire de la SAS,
me rabroua sèchement à l’occasion
de la remise des cadeaux de Noël : «
Toi, fils de fellaga tu n’auras pas droit au
cadeau. »
Que dire encore quand ma sœur
durant sa scolarité était systématiquement agressée par le préposé à
la SAS, toujours ce sinistre Raz : «
Fille du chef des fellagas, et tu oses encore
venir étudier. »
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Il est vrai aussi que pendant la
guerre de libération, l’ALN était
à nos petits soins.« J’ai en mémoire
ce responsable politique de l’A LN, de
1960 à l’indépendance, quand j’accompagnai ma mère au djebel, pour recevoir
sa solde. Il était aussi précautionneux et
attentif à ma scolarité que ma mère. »
Le Déroulement
de la bataille
Son groupe fort de plus de
quatre-vingt personnes aborda la
ville à partir des Beni Malek. Mu
et porté par une ardente conviction nationale et religieuse, il tint
avec son groupe de moudjahidine
avant d’aborder la ville de Philip-
( 56 )
peville aux premières heures matinales de la journée du samedi 20
août 1955 une prière sur les hauteurs de la ville à Sidi Abdallah. Il
demanda aux uns et aux autres de
se pardonner.
Encore, avec toute la ferveur
imposée par le djihad, là où il
passa à la tête de sa section, il demanda le pardon aux populations
riveraines ; en attestent tous les
témoins, encore en vie, des BeniMalek. « C’est Messaoud Ben Achour,
à la tête des combattants qui sont rentrés
par Beni-Malek, qui nous demandait de
le pardonner. »
Après l’échec de la tentative
de la libération des prisonniers
et l’attaque de la gendarmerie, un
groupe de moudjahidine s’est retranché dans la maison Boumendjel pour échapper aux tirs des gendarmes et des colons.
Le choix de la maison n’est pas
fortuit, l’un des moudjahidine,
Ramdane, faisait partie du groupe
des quatorze et sa maison tenait
de lieu de rendez-vous aux dirigeants de l’ALN/FLN dont mon
défunt père.
La maison qui tenait lieu de
rencontres des dirigeants du PPA/
MTLD est située à côté de la prison et de la Gendarmerie qui venaient d’être attaquées.
Suite à une alerte donnée par
une femme de colon, une armada de parachutistes du 1er RCP
du colonel Ducournau a cerné le
quartier. Elle est venue à bout des
résistants après cinq heures d’un
dur combat.
Saci Belgat, fils du Chahid Messaoud
Supplément N°45 - Avril 2016.
Fatima Zohra Dridi
Ancienne Moudjahida et sportive
La mémoire enfouie
Par Samir D.
Guerre de libération
Histoire
A 19 ans à peine, elle sera la première femme à brandir à Skikda
l’emblème national, lors des manifestations spontanément déclenchée en soutien des manifestations
du 11 Décembre 1960 de Belcourt.
Fatima-Zohra Dridi, c’est d’elle
qu’il s’agit, qui avait à ses côtés et
en première ligne du cortège Fella
Oudjani et Mouloud Belhadj (dit
Derder), venait de braver l’interdit
et le risque et prouver le militantisme et la cause nationale qu’elle
avait dans le sang.
I
ssue d’une famille de
sportifs et ainée de
quatre frères et trois
sœurs, dont le père
n’était autre que Belkacem Dridi dit « Chéri »,
membre fondateur et numéro
10 de l’ASA M’lila et de l’Etoile
sportive Philippeville (Skikda)
des années 1950, Fatima-Zohra
Dridi, était jeune, belle rayonnante et était à peine sortie de
son adolescence, lorsqu’avec
dévouement et esprit de sacrifice, elle décida de prendre part
à la plus glorieuse des causes et
des révolutions. Avec un courage exceptionnel et un goût
prononcé de la liberté, elle
adhère au FLN et rejoint les
rangs des moudjahidine, chez
qui elle force le respect et l’ad-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
miration. Activant clandestinement comme agent de collecte
et de renseignements sous la
responsabilité de Mohamed
Boukhdenna, elle ne baissera
jamais les bras et fera face avec
une certaine bravoure à tous
les dangers aux côtés de Rabah
Djeffal, comme responsable
dès le lendemain de la souveraineté nationale. Femme de
caractère et de conviction, elle
était en avance sur son temps,
son émancipation et son franc
parler lui ont valu beaucoup
d’inimitié de la part de la communauté Pieds-noirs. D’une
grande culture (arabe et Française), titulaire du baccalauréat
au Lycée Emile-Maupas (aujourd’hui Ennahda) avec brio,
Fatima-Zohra Dridi commen-
( 58 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
Fatima Zohra Dridi tenant le drapeau
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 59 )
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Guerre de libération
Histoire
Fatima Zohra Dridi en médaillon
cera sa carrière de la jeunesse et des sports à Skikda
que dirige une figure de proue du mouvement sportif
national, l’ancien DTN de football à la FAF, Youcef El
Kenz. Animée d’un mental d’acier et n’éprouvant pas
la moindre usure, elle poursuivra sa carrière professionnelle à Alger et plus précisément à la SN Répal, qui
deviendra Sonatrach. Recrutée en tant que cadre supérieur, elle travaillera aux côtés d’illustres personnalités
telles que Slimane Amirat et Ahmed Ghozali pour ne
citer que ceux-là. Avec ses grandes compétences et son
esprit vif, Fatima-Zohra Dridi communique positivement son engagement professionnel et son dynamisme
à ses collègues qui le lui rendent bien. Mariée à Hadj
Zennadi, ex-DG de la DNC, ERCA et autre OMRC, et
par obligation familiale, elle mettra une terme à sa carrière professionnelle en 1971. Egalement sportive dans
le sang, Fatima-Zohra Dridi, était une basketteuse de
talent et d’une grande classe. Elle évoluera au sien du
Sporting Club Philippeville devenu Widad Athlétique
de Philippeville, avec lequel elle décrochera en 1963 en
tant que capitaine d’équipe le premier titre de champion
d’Algérie dans la discipline. Elle prendra part au tour-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
noi international de Dakkar avec le Widad en tant que
représentant de l’Algérie. C’est à l’USM Alger où elle
deviendra entraineur joueuse qu’elle mettra définitivement fin sa carrière de basketteuse, fin des années 1960,
non sans donner le meilleur d’elle-même et transférer sa
ferveur à ses joueuses. Ayant plusieurs cordes à son arc,
elle sera la première Algérienne à traverser à la nage la
rade de Skikda, du phare rouge au phare vert aux côtés
des frères Sid, Siafa…. Une fois l’indépendance acquise,
elle se mettra également au théâtre, où elle étalera là
aussi un réel talent de comédienne. Longtemps malade
et digne dans la douleur, Fatima-Zohra Dridi décédera
à Alger en octobre 1992. Elle avait tout juste 51 ans,
laissant derrière elle quatre enfants et un vide incommensurable. En somme, la regrettée Fatima-Zohra Dridi fut une femme exceptionnelle de l’avis de tous ceux
qui l’ont connue. C’était la mère, la sœur, la conseillère,
c’était l’asile le plus sûr pour ceux qui se tournaient vers
elle qui pour un conseil ou dans le besoin. Son nom
mérite d’être mieux connu et conservé.
Samir D.
( 60 )
Supplément N°45 - Avril 2016.
Décès de
Mohand-Saïd
Mazouzi
L’Algérie pleure son
« Mandela »
Par Hassina Amrouni
Guerre de libération
Histoire
Figure de proue du militantisme algérien, Mohand Saïd Mazouzi a tiré sa révérence le 5 avril dernier, à l’âge de 92 ans.
Ali Haroun disait de ce valeureux moudjahid : « Si l’Afrique du
Sud est fière de Nelson Mandela qui représente la lutte contre
l’apartheid, nous Algériens, nous sommes fiers de MohandSaïd Mazouzi, le symbole du militantisme contre le colonialisme au sein même des geôles réservées aux révolutionnaires
et aux épris de justice.»
Considéré comme le plus vieux prisonnier de guerre algérien,
Mohand-Saïd Mazouzi a passé 17 années dans les geôles coloniales. Ce qui avait pour but de taire toute voix de révolte en lui
n’a fait que renforcer son engagement militant et sa conscience
nationaliste. Jusqu’à sa mort, il est resté cet homme pétri de
valeurs et épris de liberté.
Parcours d’un enfant
de la Casbah
Natif de la Casbah, MohandSaïd Mazouzi a vu le jour le 29
juin 1924. Bien que son père ait
été caïd à Makouda, commune
mixte de Tigzirt-sur-Mer, le jeune
homme grandit entre Dellys et
Alger. Il raconte : « Mon père était
sollicité par son paternel, selon
la volonté du douar, pour devenir caïd à sa place. Il n’en a pas
voulu car il n’était pas fait pour
ça. Il a fait le lycée Bugeaud, travaillé dans les domaines et a eu
une jeunesse studieuse. Ainsi, il
a emmené son épouse chez son
beau-père, à l’époque muphti d’Al-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
ger, Bennacer cheikh Arezki, afin
de se soustraire au desiderata du
arch. Mais il a fini par accéder au
vu des siens. Je suis né donc à Alger, mais, comme mon grand-père
maternel s’est installé à Dellys, je
l’ai rejoint pour y décrocher mon
certificat d’études en 1937, avant
de rejoindre le lycée Bugeaud d’Alger, puis le lycée de Ben Aknoun.
Mais, au bout de deux années, on
nous a renvoyés dans nos douars.
La Deuxième Guerre mondiale
venait d’éclater et le lycée occupé
par la 19e Région militaire. »
Le jeune adolescent poursuit
ses études au collège moderne
de Tizi-Ouzou mais s’il n’y termine pas son année scolaire, il y
fait, néanmoins, des rencontres,
( 62 )
en l’occurrence celles de Omar
Oussedik, Ali Laïmèche, Mohamed Lamrani et d’autres qui vont
changer sa façon de voir et d’envisager l’avenir.
Les idées évoluent et les
consciences s’éveillent
A l’instar d’un grand nombre
de jeunes de son âge, MohandSaïd rejoint le mouvement des
Scouts musulmans algériens,
école du nationalisme algérien,
avant d’établir des liens avec des
figures politiques de l’époque dont
Salah Louanchi. Le jeune homme
adhère ensuite au Parti du peuple
algérien, il est chargé de l’organisation des cellules des militants du
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
Mohand Saïd Mazouzi
PPA mais en tant que fils de caïd,
il lui fallait être vigilent et discret
pour ne pas attirer l’attention sur
lui, d’abord celle de son père mais
aussi celle des autorités coloniales.
Il parvient ainsi à étendre les cellules jusqu’à Makouda, Sidi Naâmane et Tigzirt.
Après les massacres sanglants
du 8 mai 1945, des actions militantes sont organisées, comme
le boycott des élections etc. Mohand-Saïd Mazouzi est arrêté le
15 septembre 1945, ainsi que plusieurs autres militants et incarcéré
à Barberousse.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Alors que la loi d’amnistie
concernant les événements d’Algérie est promulguée par la justice
française pour les délits d’opinion
avec une grâce amnistiante pour
les crimes et les délits de droit
commun, Mazouzi et les autres
prisonniers attendront plusieurs
années avant d’être jugés. « Ils ont
mis 7 ans pour nous faire passer
en justice. Nous n’avons été jugés
qu’en 1952, à Blida, avec les éléments de l’OS, puis renvoyés au
tribunal de Tizi-Ouzou. Il y a eu
conflit de juridiction ». Condamné
à 20 ans d’emprisonnement,
( 63 )
Mazouzi est transféré en France
(Baumettes, la Santé, Melun, Clervaux, Chaumont, Marseille) puis
à Oran, après cassation. Rejugé
en 1953, la peine est à nouveau
confirmée. Après le déclenchement de la guerre de libération, le
prisonnier est envoyé à la prison
d’El Harrach. « Au mois de mars
1955, un détenu me jette un bout
de papier. J’ai lu que Ramdane me
demande à la cour des douches.
J’étais curieux. A 10 h, j’ai vu arriver quelqu’un dont j’ai entendu
parler mais que je n’avais jamais
vu. C’était Abane Ramdane. Il m’a
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Guerre de libération
Histoire
Mohand Saïd Mazouzi
demandé mon avis sur le déclenchement, sur nos connaissances
communes. Comme il allait sortir de prison, je lui ai conseillé de
rejoindre son village Azzouza.
J’ai eu le bonheur de connaître
ce grand monsieur », confie-t-il
encore
En 1955, Mazouzi est rejugé,
cette fois, le verdict est plus lourd
: perpétuité. Il est transféré à la
prison d’El Asnam, revient ensuite à El Harrach en 1959 pour y
rester jusqu’en 1962, après 17 ans
d’enfermement.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Au lendemain de l’indépendance, il est nommé coordinateur
de la fédération FLN de Tizi- Ouzou. Deux ans plus tard, il est élu
membre du FLN et membre du
bureau du congrès, avant d’être
désigné président de la commission des organisations de masse.
De 1966 à 1968, il est wali de
Tizi-Ouzou, prend ensuite en
charge deux portefeuilles ministériels : celui du Travail de 1968 à
1977 puis celui des Moudjahidine.
Responsable au sein du FLN puis
membre du parti, il démissionne
en 1988, rejoint le CCN en 1992, à
( 64 )
la demande de feu Boudiaf, avant
de se retirer définitivement de la
vie politique.
Mohand-Saïd Mazouzi a tiré
sa révérence le 5 avril dernier,
laissant derrière lui un parcours
exemplaire, raconté dans ses Mémoires intitulés J'ai vécu le pire
et le meilleur , parus en 2015 aux
éditions Casbah et légués à la postérité comme un précieux héritage.
Hassina Amrouni
Sources :
*Hamid Tahri, El Watan-31/05/2007
* Articles de la presse quotidienne
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre d’Algérie
« Mémoire vive »
de Rachid Benzema
Témoigner
contre
l’oubli
Par Hassina Amrouni
Guerre de libération
Histoire
Moudjahid de la
première heure,
Rachid Benzema
a rejoint, très
tôt, les rangs du
FLN pour y jouer
un rôle prépondérant, notamment en participant à la mise
en place de l’organisation FLN
dans la région
de Saint-Etienne
où il résidait.
R
achid
Benzema
connaîtra, en raison
de son engagement
sans failles, la prison, la torture, les
camps…
Aujourd’hui, âgé de 83 ans, il
nous livre ce témoignage sur sa
part d’engagement pour l’indépendance du pays, rendant, au passage
un hommage sincère à ceux qui,
à ses côtés, ont combattu pour
l’idéal de la liberté.
Une enfance rude
au village
Natif de Tighzert, douar Ihadjadjène, rattaché à la commune
d’Ath Djellil, dans la wilaya de
Bejaïa, Rachid Benzema voit le
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
jour le 22 décembre 1932. Alors
qu’il n’a que 4 ans, son père décède d’une hémorragie cérébrale.
C’est le début d’une descente aux
enfers pour le jeune orphelin et
sa jeune mère qui refuse de se
remarier malgré les pressions familiales pour ne pas perdre son
fils. Refusant également de quitter le domicile conjugal, elle finit
par être dépossédée des maigres
biens hérités de son défunt père,
ancien combattant de la Première
Guerre mondiale et sera pendant
longtemps le souffre-douleur de
toute la famille, jusqu’au jour où
elle décide de partir, de fuir. Son
baluchon sur le dos et son enfant
sous le bras, elle prend la direction
de l’Aâzib Ben Ali Cherif où se
trouvait « une grande maison dans
( 66 )
laquelle vivaient des propriétaires
terriens. Ces gens offraient le gîte
et le couvert à de pauvres femmes
en détresse en échange de travaux
domestiques ou de garde d’enfants
». Mais le destin fera que Djida, la
jeune maman, descendra du train
à Ighzer Amokrane. La pauvre
malheureuse et son fils seront finalement hébergés par une famille
originaire du même village. Elle
y restera un temps, travaillant la
laine et tissant des burnous que
le chef de famille, Ammi Kaça,
vendait dans les villes et villages
de la région. Au bout d’une année,
les rapports avec la maîtresse de
maison devenant tendus, Djida et
son fils décide de s’en aller mais
Ammi Kaça refuse et lui propose
de se remarier avec Da Saïd, un
veuf habitant le village. Il était
certes âgé mais Djida dût céder.
C’était un homme bon. Elle aura
avec lui un garçon : Madjid. Mais
très vite la famille sera rattrapée
par la misère, Da Saïd se retrouvant sans emploi. Du haut de ses
11 ans, Rachid ira faire quelques
menus tâches pour rapporter de
quoi aider à nourrir la famille.
Un soir, en rentrant à la maison, il retrouve sa mère très
malade. Elle lui demande de se
rendre à Tagma, son village natal,
et de revenir avec sa grand-mère
Zina, elle lui fait également promettre que si elle mourait, il devait retourner chez son grand-père
paternel. A son retour, sa tendre
mère n’était plus de ce monde.
L’enfant est dévasté par la douleur,
mais il doit tenir la promesse faite
à sa mère. Le retour à Ighzer sera
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
de courte durée car, ne supportant pas les reproches et les mauvais traitements de la part de son
grand-père, sa tante et le reste de
la famille, il décide de partir.
Direction Alger…
Pieds nus, une gandoura tout
élimée sur le dos et ne parlant pas
un seul mot d’arabe, Rachid débarque à Alger. Tout lui est étranger, c’est alors qu’il se trouve « sur
une grande place où trônait un cavalier
sur son cheval » qu’il est abordé par
de jeunes gamins qui avaient à
peu près le même âge que lui. L’un
d’eux, Idir, parlait kabyle, c’est lui
qui l’introduira dans la bande. Rachid apprend auprès de ces gamins
des rues « la solidarité, la générosité et
la force de la résistance quand elle est
collective ». Mais convaincu que son
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
destin est ailleurs, il fait part à ses
amis de son désir d’aller trouver
un véritable travail.
Allant d’Alger, vers Fort-del’eau, en passant par Cinq-Maisons, il s’arrêtera à l’entrée de
chaque domaine agricole mais
à chaque fois, il en sera chassé.
Pourtant, après une journée harassante, il parvient à trouver un
lieu de travail comme garçon bon
à tout faire, au sein de la ferme
de Raphaelo, des exploitants agricoles d’origine espagnole. Rachid
deviendra très vite pour Mme Raphaelo, ce fils de substitution qui
allait remplacer son jeune garçon
mort dans un tragique accident.
Une disparition qu’elle n’a jamais
acceptée. Elle appelait Rachid
« Raphael ». Au bout de quelques
mois, Rachid rejoint les bancs de
l’école. « Après la fin de ma scolarité,
( 67 )
je passais deux ans et demi dans le domaine sans grand enthousiasme, en proie
à des questionnements perpétuels sur ce
qu’était mon existence de faux fils de
roumi, de bicot méprisé par les siens, de
Kabyle loin de sa montagne de misère ».
Nouveaux départs…
Rachid reprend la route vers
l’inconnu. Ses pas le mènent vers
Larbaâ Beni Moussa dans la Mitidja. Il y trouve du travail et un
lieu où dormir. Les jours coulent
dans une certaine routine. Puis,
nouveau départ vers Fouka, pour
travailler chez un colon du nom
d’Artiguès Joseph « un homme de
la pire espèce ». Au bout d’un mois,
il quitte cette ferme pour aller
s’établir entre Cap Matifou et Aïn
Taya. « J’étais embauché comme jardinier chez Raoul Zivaco, propriétaire
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Guerre de libération
Histoire
Engagement militant
terrien et également pharmacien. La propriété était située au bord de la mer. Mon
patron y possédait en plus d’un château
et des terres à perte de vue, une plage
privée et un immense champ de multiples variétés de fleurs. Le cadre était
paradisiaque. Ca sentait bon les fleurs
et la mer, mais j’avais le sentiment que
l’air que respiraient Zivaco et ses acolytes
colons n’était pas le même air que nous
respirions, nous, fils, de cette terre occupée. La révolte et la colère contre cet état
de fait profondément injuste grondaient
en moi et me faisaient souvent serrer les
poings et grincer des dents ».
Il quitte alors Zivaco pour aller
travailler chez Ammi Messaoud
à Reghaïa dans sa gargote. C’est
auprès des habitués du lieu qu’il
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
entend pour la première fois parler
de Messali Hadj et Ferhat Abbas.
Il sait désormais que l’engagement
nationaliste est la seule voie de salut pour le pays.
Après un bref retour au village
natal, il se marie avec sa cousine
Dahbia puis, à l’hiver 1951, à tout
juste 19 ans, il embarque destination de Marseille.
Après une courte escale dans la
cité phocéenne, où il travaille aux
aciéries, il s’établit à Saint-Etienne
et Lyon avant d’être appelé sous les
drapeaux mais il en sera réformé
quelques mois plus tard suite à une
mauvaise chute. A l’été 1955, il fait
venir en France sa femme et son
fils Mahfoud.
( 68 )
En janvier 1956, deux responsables du FLN, en l’occurrence Omar
Harraigue et Sayad Belkacem entrent
en contact avec Rachid Benzema lui
demandant de participer à l’implantation de l’organisation dans la région
de Saint-Etienne. Il n’hésite pas une
seconde car c’est pour lui l’occasion
de prendre une part active à la libération du pays. « Sous la direction de
Omar Harraigue, nous avions entrepris
de mettre en place les cellules de la Fédération de France du FLN de la région de
Saint-Etienne. Sayad Belkacem, mineur et
responsable syndical SGT, Belaala Aissa,
Hamoudi Akli, Chaâbane Amar, Khenous Kaça, Badaoui Arezki, Kheireddine et
moi-même avons constitué le premier noyau
de l’organisation FLN qui allait rayonner dans toute la région ». D’abord chef
de cellule, Rachid Benzema devient
chef de secteur de l’Organisation
politique et armée. Rallier les messalistes à la cause du FLN créait de
vives tensions parmi les militants. « Je
devenais pour le MNA l’homme à abattre.
J’ai été victime de deux tentatives d’assassinat auxquelles j’échappais miraculeusement.
Cependant, Kadri Makhlouf, originaire de
Timezrit et fils du propriétaire du café qui
nous servait de quartier général, ne s’en est
pas sorti, lui ». Grâce à une organisation rigoureuse, le FLN parvient à
contrôler la région de Saint-Etienne.
L’organisation accomplit un travail
remarquable auprès des Algériens
de Saint-Etienne, tous s’impliquent,
y compris Rachid Makhloufi, la star
de l’AS Saint-Etienne qui remet une
« contribution substantielle pour soutenir la
Révolution » et assure qu’il était « disponible corps et âme pour toute mission que le
FLN lui confierait ».
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
Soutien d’anticolonialistes
français
Outre les Stéphanois d’origine
algérienne, le FLN reçoit également
l’aide et le soutien de militants anticolonialistes français, sans qui, le combat du FLN sur le sol français n’aurait
jamais pu être mené avec autant d’efficacité. Fournissant les militants en
armes, récoltant pour eux de l’argent,
leur offrant le gîte au risque de se faire
prendre mais aussi soignant les blessés, ils n’ont jamais reculé face au danger, assumant leur engagement pour
la révolution algérienne.
Alors que l’organisation fomente
les premiers attentats sur le territoire
de Saint-Etienne, la répression policière se fait de plus en plus féroce.
Au cours d’une rafle, Saïfi Loucif,
dit Saïd, chef du groupe de choc, est
arrêté et inculpé pour plusieurs assassinats. Il encourt la peine de mort. Ses
compagnons décident alors d’organiser son évasion de la prison de Fort
Montluc à Lyon. Ils y parviennent et
le sauvent de la guillotine.
Arrestation de « Si Djamel »
Le 21 décembre 1957, Rachid Benzema « Si Djamel » voit son domicile
violemment investi par un groupe de
policiers. Malmené devant sa femme
et ses enfants, il est embarqué. Au
commissariat, il est soumis aux pires
tortures, aux plus abjectes humiliations, suite à quoi, il sera transféré à la
prison de Fort Montluc à Lyon, « lieu
de détention et d’exécution des frères condamnés à mort ». Jugé par un tribunal militaire, il est emprisonné et transféré
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 69 )
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Guerre de libération
Histoire
en compagnie de centaines d’autres
détenus vers les prisons algériennes
: Maison Carré où il est maltraité et
torturé par une administration pénitentiaire coloniale, qui n’hésitait pas
à bafouer toutes les conventions internationales relatives au traitement
des prisonniers de guerre comme la
convention de Genève etc.
A la fin du mois d’août 1958,
les prisonniers sont transférés vers
le centre de tri à Beni Messous. «
C’était en fait un vaste camp installé au
milieu de casernes militaires qui « hébergeaient » des centaines de militants prisonniers. Nous étions logés sous des tentes et
dormions à même le sol. » Les détenus
étaient soumis à toutes sortes de
tortures morales et physiques mais
Rachid Benzema se souvient aussi
que, dans ce même camp, il a rencontré des hommes de conviction et
de courage. En octobre de la même
année, nouveau transfert, cette
fois vers le camp d’internement de
Saint Leu à Oran. Une fois installés et sous la direction du capitaine
Saidi « officier de l’armée française à la
retraite, ardent nationaliste, homme courageux et de grande droiture », des actions
de sensibilisations sont entamées,
auprès des autres prisonniers afin
de leur expliquer que seule l’union
autour de cette cause juste qu’est la
libération du pays peut conduire à
la victoire. Le 1er novembre 1958,
les prisonniers hissent dans la
cour du camp, le drapeau algérien,
confectionné clandestinement et
entonnent Kassaman. La riposte du
chef de camp, le colonel Gentelle se
fait cinglante. Les prisonniers sont
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
battus sauvagement mais aucun ne
ploie face à cette injustice. C’est une
première victoire qui en appellera
beaucoup d’autres.
Transférés au camp disciplinaire
de Bossuet, situé au sud de Sidi Bel
Abbès, ils sont accueillis sur place
avec des coups de matraque. Malgré les souffrances au quotidien,
« Si Djamel » se souvient que là encore, il a rencontré des militants nationalistes « d’une grande force morale,
d’une grande culture et dont l’esprit de résistance a donné, que de fois, du fil à retordre
aux geôliers et à leurs chefs. Je pense en
particulier à Boualem Bourouiba, Abdelkader Zaïbek, Saïd Amrani, Omar Bentoumi, Rabah Trodi, les frères Boulkarma
Messaoud et Saïd, Zague Hannachi et son
frère Ali, Nadir Kassak qui fut le premier
wali d’Alger à l’indépendance et tellement
d’autres frères encore ».
Retour en France
Libéré dans le cadre d’un échange
de prisonniers malades ou blessés
entre l’ALN et l’armée française,
Rachid Benzema embarque le 5 novembre 1959, pour Marseille puis, il
prend la direction de Saint-Etienne
où il retrouve sa famille. Bien qu’assigné à résidence, il savoure cette
relative liberté et profite pleinement
de ces moments bénis auprès de sa
femme et de ses enfants.
En mars 1961, il reprend ses activités politiques et renoue avec ses
responsabilités au sein de l’organisation à la demande de la Fédération
du FLN. Mais le 11 mai 1961, il est
à nouveau arrêté et détenu pendant
( 70 )
40 jours. La famille est encore une
fois écartelée durant de longs mois,
les retrouvailles n’ont lieu que le 15
février 1962.
Après la signature des Accords
d’Evian, le 18 mars 1962, Rachid
Benzema est désigné le 15 avril par
le FLN pour présider la commission
de justice de l’organisation.
Retour au pays
Quelques jours avant l’indépendance, il rentre au pays. Bien que
loin de sa famille, il retrouve avec
bonheur sa terre natale. Il y renoue
avec quelques amis perdus de vues,
des codétenus dont il n’avait plus de
nouvelles depuis des années.
A la proclamation de l’indépendance, Rachid Benzema cesse toute
activité politique. Il est temps pour
lui de s’occuper de sa famille qui a,
elle aussi, été meurtrie par ces années de guerre, de séparation et de
privations. Il s’en va également à la
recherche de son frère Madjid dont
il n’a plus eu de nouvelles depuis le
décès de leur mère et ce n’est que
15 ans après l’indépendance que
les deux frères se retrouvent enfin.
Il retourne aussi sur les lieux de ses
blessures, pour exorciser les vieux
démons et prendre définitivement
conscience que ceux qui lui ont fait
du mal font désormais partie du
passé.
Hassina Amrouni
Rachid Benzema, « Mémoire vive.
Le long combat d’un enfant de la Soummam pour la liberté et la dignité », éd. Dar
El Othmania, Alger 2015, 133 pages
Supplément N°45 - Avril 2016.
Témoignage de la résistance au système
colonial durant les Années 1930
Le Moudjahid
Mohamed Kadid Témoigne
De la plume au fusil ;
la Révolution en marche
Entretien réalisé par Boudjema Haïchour,
chercheur universitaire, ancien ministre
Guerre de libération
Histoire
Celui qui fut un des compagnons de Didouche Mourad et un des
proches de Zighoud youcef. Le moudjahid Mohamed Kadid est
né le 30 novembre 1930 à El Harrouch. Son engagement patriotique
s’est concrétisé, comme beaucoup d’autres militants, dans la lutte
pour l’affirmation de l’appartenance culturelle et identitaire, dans le
rejet de l’assimilation culturelle. C’est une dimension importance
de la résistance du peuple algérien qu’on doit au Mouvement National depuis l’étoile nord africain le PPA –MTLD jusqu’au mouvement
réformiste dirigé par le cheikh Ibn Badis alors que nous fêtons la
journée de Youm el Ilm 2016 il est normal de rappeler l’objectif de
ces oulémas qui était de développer au sein de la population algérienne le sentiment d’appartenance à une communauté spécifique
distincte et opposée à l’idéologie coloniale.
C
ette volonté d’affirmer l’existence d’une
identité algérienne
s’est construite autour
de l’appartenance à
l’Islam, rejetant l’attachement étroit
et sectaire à des personnalités religieuses et à des croyances locales
considérées par Ibn Badis et ses
compagnons comme incompatibles
avec le sentiment d’appartenance à
un monde spirituel à la dimension
universelle, à une Histoire et à un
monde de valeurs et de croyances,
avec des pratiques culturelles qui
font la spécificité de la population.
C’est ainsi que le développement des pratiques culturelles affirmant l’identité particulière des
populations algériennes se sont
développées autour du mouvement
des oulémas réformistes. Elles ont
fait partie du mouvement général de
résistance des Algériens à l’idéologie coloniale. C’est l’éclairage que le
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Zighoud Youcef
témoignage du Moudjahid Mohamed Kadid nous apporte.
L’apprentissage de la langue
arabe, l’enseignement de l’histoire
d’un monde arabo islamique porteur de valeurs et d’une histoire glorifiée, distincte de celle de la France,
( 72 )
Didouche Morad
rejoignaient le refus de l’engagement
dans l’armée française, le rejet de la
soumission à l’autorité coloniale et
les premiers actes de révolte armée
qui allaient s’accélérer avec la préparation de la guerre de libération
nationale. Notre témoin fait le lien
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
Cheikh Ibn Badis
Association des Oulémas Algériens
entre tous ces actes de résistances
qu’il estime faisant partie d’un tout.
Notre héros, a eu la chance de suivre
très jeune, en brandissant la plume et
le fusil à la veille du déclenchement
de la révolution du novembre 1954
lui qui fut militant du PPA-MTLD.
Tout en faisant de l’enseignement arabe une des premières
écoles d’apprentissage du Coran et
de la langue arabe : « l’école a ouvert
pendant l’année scolaire 1936/1937.
« L’instituteur était un militant du mouvement national, notre professeur Amar
Berredjem, nous a raconté que son frère
Ahmed a été condamné pour insoumission
en 1922. Il avait alors refusé de rejoindre
son affectation au Maroc où avait éclaté
une rébellion contre l’armée française. Il
s’était ouvertement révolté en prenant le
maquis après avoir abattu un caïd et un
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
garde champêtre. Suite à une trahison, il
a été capturé et envoyé en déportation en
nouvelle Calédonie. Il reviendra en 1947
après la promulgation de la loi d’amnistie
de 1946.
Le moudjahid Mohamed Kadid
se rappelle du fort sentiment national qui a marqué cette période. «
Nous étions très attentifs aux revendications qui étaient portées par différents mouvements politiques : je me souviens de l’activité des Amis du Manifeste de la Liberté,
de l’Association des Oulamas et bien sûr
du Parti du Peuple Algérien. Nous trouvions en ville des publications de ces mouvements politiques qui se vendaient dans les
boutiques. Nous étions à peine adolescents,
et trop jeunes pour comprendre les discours
des militants de ces mouvements et saisir la
portée et le sens de leurs messages. Nous
retenions le fort rejet de la colonisation qui
( 73 )
s’était généralisé au sein de la population.
Plusieurs personnalités politiques nous
avaient marqués. Je peux citer Messaoud
Boukadoum qui était à l’époque étudiant
en France, je crois c’était dans la branche
électronique. Les idées nationalistes nous
parvenaient avec les militants qui arrivaient de France par bateau au port de
Skikda. Plusieurs personnalités nous
avaient influencés…
Le 1er mai 1945, des manifestations
populaires se sont déroulées, sans violences.
Le 8 mai, nous avions eu écho des manifestations de Guelma, par le biais des
familles d’El Arrouch qui avaient des
parents à Guelma. La période avait été
marquée par les hésitations des dirigeants
du mouvement national qui étaient partagés sur la conduite à adopter et avaient
manqué de fermeté. Il y avait eu alors une
indécision dans l’attitude à avoir vis-à-vis
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Guerre de libération
Histoire
Le Moudjahid Mohamed Kedid
Messaoud Boukadoum
Ali Karbouâ. Celui-ci avait remplacé le
cheikh Amar Mehri qui enseignait à
Khroub. Je voudrais souligner que c’est cet
enseignant qui avait alors accueilli Tewfik El Madani dans ce village lorsque ce
dernier avait été interdit de séjour par
l’administration coloniale. J’ai également
le souvenir d’un militant enrôlé de force
pendant la deuxième guerre mondiale,
qui fut emprisonné après ..je veux parler
de , Lakhdar Bouzid qui était notre
responsable politique ainsi que le cheikh
Amar Mehri dont les deux fils étaient
des militants du mouvement national. »
du déclenchement d’une guerre de libération. Les massacres de mai 1945 ont été
suivis d’une période de grande activité de la
résistance nationale, à la fois sur les plans
culturels, religieux et politique. L’Association des Oulamas avait décidé de relancer
ses activités d’enseignement et ses actions
culturelles qui avaient été suspendues durant la 2ème guerre mondiale…
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Notre groupe d’étudiants a rejoint
l’école « El Kitania » de Constantine
qui était proche du PPA -MTLD ,
dans la proximité de la Rahmania
où nous avions décidé de continuer nos
études dans cette école que dirigeait alors
Cheikh Amar Belhamlaoui.
Notre admission à cette école nous a
révélé qu’auparavant il y avait cheikh
( 74 )
Il est attendu que le moudjahid
Mohamed Kadid devrait témoigner
de son engagement militant et révolutionnaire au coté de Didouche
Mourad et Zighoud Youcef et a promis de revenir avec plus de détails
sur les divers événements qui ont
caractérisé les premières années de
la révolution.
Entretien réalisé par :
Boudjema Haïchour,
chercheur universitaire,
ancien ministre
Supplément N°45 - Avril 2016.
Dr Boudjemâa HAICHOUR.
Chercheur universitaire,
ancien ministre
Sur les traces de
Sidi Boumediene
SPIRITUALITE AU PAYS
DES OUZBEKS
Guerre de libération
Histoire
Tlemcen et Constantine, deux villes jumelles, furent les capitales islamique et arabe de la culture. Toutes deux vont faire un
pèlerinage spirituel et scientifique au pays des Ouzbeks. Toute
l’Asie centrale fut le cadre de rayonnement culturel où d’ailleurs
Djalâl ad-Dîn Rûmi institua le fameux concert spirituel, le samâ’
comme union liturgique avec le divin.
E
Djalâl ad Dîn Rûmi
n épousant à l’âge de
dix neuf ans Gauher
Khâtum, fille de
Hodja de Samarkand, Djalâl ad Dîn
Rûmi fera la rencontre à Damas de
Mohieddine Ibn al Arabi et sera affilié à l’ordre Kubbrawyya avant de
revenir à Konya, capitale des Seldjoukides pour enseigner la loi canonique. C’est dans le sillage de cette
atmosphère, que j’ai voulu mettre
en communion ces deux cités de la
science et de la culture.
Je me souviens du voyage culturel au pays des Ouzbeks à l’occasion d’un Festival des « Mélodies
d’Orient » organisé par l’Unesco
au mois d’août 2001, où l’Algérie
fut représentée par l’orchestre du
maestro hadj Mohamed-Tahar Fer-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Mohieddine Ibn al Arabi
gani, accompagnant la délégation
algérienne. Pour moi, après dix
ans, je revenais pour voir de visu
le développement d’un pays devenu
indépendant et qui sortait de l’exURSS.
Et voilà que Djoul Travel de
Tlemcen organise du 28 mars
au 8 avril 2016 une « Rahla » sur
les traces de Sidi Boumediene de
Tlemcen à Samarkand dans une
découverte du mausolée de Sidi
Boukhari, lieu saint où la culture
soufie donne toute une spiritualité
ancestrale dans cette République
asiatique de l’Islam et des sciences
présidée par Islam Karimov. Mes
amis le Pr Sari Hikmet et Rachid
Benmansour m’avaient demandé de faire publier mes notes de
voyages écrites il y a quinze ans.
( 76 )
Nous prîmes place dans l’avion
dénommé « Fergana », un Airbus
de la compagnie ouzbek avec l'orchestre de hadj Mohamed-Tahar
Fergani pour se rendre à Tachkent.
Dans une traversée de sept
heures et demie de Paris-Roissy,
après une courte escale à Amsterdam, c’est la première fois que
dans le cadre des relations culturelles une présence algérienne
est enregistrée au Festival international des « Mélodies d'Orient
» qui se tient tous les deux ans à
Samarkand en collaboration avec
l'Unesco représentée par le maître
incontesté du malouf hadj Mohamed Tahar Fergani et les cinq
membres de son orchestre.
Accompagnée par le docteur
Boudjemaâ Haichour, chercheur
en patrimoine, la délégation a été
accueillie par les membres de l'ambassade d'Algérie en Ouzbékistan
dont la personne de Son Exvellence Hacène Laskri, notre ambassadeur à Tachkent qui a déployé
tous les efforts pour que l'Algérie
participe à cette rencontre internationale des musiques traditionnelles.
Le ministre de la Culture et
de la Communication a facilité le
départ de l'orchestre de Hadj Mo-
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
Samarkand
hamed-Tahar Fergani alors que
les billets de transport de Paris Tachkent et retour, l’hébergement
et la restauration de la délégation
furent pris en charge comme pour
l'ensemble des invités par le ministère ouzbek de la Culture.
Samarkand ou le festival
des mélodies d'Orient
Dès l'arrivée à l'aéroport les
délégations furent acheminées par
bus vers Samarkand, distante de la
capitale d'environ 400 kilomètres,
et hébergées à l'hôtel Afrosiab. Le
décalage horaire était de 4 heures
et la fatigue du voyage se lisait sur
les visages.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
La cérémonie d'ouverture à
laquelle étaient conviés les ambassadeurs fut grandiose et féerique
sur l'esplanade Registant Square
de Samarkand où couleurs et mélodies donnaient l'air de fête.
C'est dans Samarkand que l'Algérie renoue avec la tradition musicale dont les sons et la lumière
reflètent un passé d’une civilisation de grande portée universelle.
C'était le coucher du soleil et des
voix multiples dans une mosaïque
de costumes dans un ciel recouvert de feux d'artifices illuminaient l'ouverture du festival.
Samarkand, ville riche de vingt
siècles, constitue un des berceaux
de la civilisation musulmane. Elle
( 77 )
connut un éclat particulier sur la
Rive Sud Zarafshan à une altitude
comparable à celle de Constantine.
Avec le même climat, Samarkand partage la même gastronomie et la même musique. Samarkand est l’un des plus beaux sites
du monde. « Samarkand, disait
Amin Maalouf, est la plus belle face que
la terre ait jamais tournée vers le soleil. »
Ouzbekistan foyer des arts
et des sciences
Moi qui avais déjà visité cette
belle cité de savants lorsqu'elle était
sous domination Russe dans l’exURSS, je la retrouvais plus belle
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Guerre de libération
Histoire
encore. Et lorsque Amin Malouf
fait parler Omar Khayyam qui
avait onze ans après la mort d’Ibn
Sina, il disait : « Lorsqu’un lettré, à
Boukhara, à Cordoue, à Balkh ou à
Baghdad, évoque Abou Ali Ibn Sina,
célèbre en Occident sous le nom d’Avicenne, celui-ci le mentionne sur un ton
de familière déférence et le vénère comme
le maître indisputé de sa génération, le
détenteur de toutes les sciences, l’apôtre
de la raison ».
Samarkand un lieu de rêve
qui vous renvoie à une sorte de
contemplation. Le peuple décide
de recouvrer sa personnalité et
son identité, les lieux et les héros du peuple ouzbek ainsi que
la langue sont réhabilités comme
pour exprimer une certaine fierté
d'un passé florissant de sciences
et d'art. Oui Samarkand est située
dans une vaste oasis, elle signifie
de par son nom ville de la rencontre Samarya = rencontre et
kand en iranien = ville.
Il faut dire au début du VIIIe
siècle, Samarkand était aux mains
du califat omeyyade et en 732 les
troupes de Qouteyba ibn Muslim
occupa la ville lors du démembrement du califa Abbasside du
IXe siècle, le pouvoir passa en
Transoxiane à la dynastie locale
des Tâhirides puis aux Safarides
qu’ Ismail Ibn Ahmed renverse
pour fonder le royaume Samanide
où commence la renaissance de
Samarkand .
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Restauration des vestiges
depuis Tamerlan
Mais c’est sous le règne de
l'émir Timour (Tamerlan 13691405) que Samarkand devient la
capitale d'un immense empire
qui va de Lind de l'Inde jusqu’en
Égypte. Elle connaîtra alors un
développement architectural des
plus remarquables dont elle garde
les vestiges d’ailleurs restaurés
dans les normes.
Samarkand échoit ensuite à
son petit-fils Ulug beg astronome,
poète et musicien qui règne durant
quarante ans de 1409 à 1449 et fait
construire l'une des deux madrasas qui bordent le fameux Régistan ou place des sables.
Mais ce retour aux grands
hommes de l'histoire ouzbek,
ceux de la Résistance comme pour
nous l'Emir Abdelkader, C’est
l’Emir Timour appelé en Occident Tamerlan (1336-1405) qui
va être la référence de la lutte du
peuple ouzbek contre la domination étrangère. Il fut l’un des plus
grands conquérants de son temps.
De la Volga à Damas, de
Smyrne à Gange, l’Emir Timour
a marqué son époque. Timour
(homme de fer) ou Tamerlan est
né le 8 avril 1336 à Kesh au sud
de Samarkand, associé au Gengiskhanides par son mariage en 1397
avec la fille du dernier Khan de
Djaghatai Khizir khodja.
La Transoxiane constituait
alors une sorte de Confédération
turque dans laquelle Taragai père
de Timour régnait à Kesh de 1370
( 78 )
à 1405 ; l’Emir Timour conduit
dans toutes les directions d’incessantes expéditions de Khawarazm au Turkestan, de Delhi en
Afghanistan, de Perse en Irak,
Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie,
Anatolie, Alep. Damas est sur la
route de la soie. Son père meurt le
19 janvier 1405, mais sera enterré
dans son somptueux mausolée à
Samarkand.
Samarkand est une ville à visiter par ses vestiges comme d’ailleurs Boukhara et Fergana qui sont
des musés à ciel ouvert. L’occupation russe de Samarkand remonte
au XIXe siècle, le 02 mars 1868,
et fut menée par le général Kaufmann. Mais c’est le 2 décembre
1917 que l’armée rouge dirigée par
le général Frounzé l’occupe et sera
la capitale ouzbek de 1924 à 1930.
C’était un centre intellectuel
vivant par son opéra, son théâtre,
son université et ses divers instituts. Elle garde à ce jour son statut
de ville des sciences et de l’art.
Une spatialité urbaine
verdoyante
Vingt-cinq ans après son indépendance, l'Ouzbékistan est un
pays qui réhabilite sa mémoire
collective et la civilisation Timouride. La mise en relief de son
aménagement spatial donne à la
grande avenue une vue sur le parc
fleuri.
L'eau coule à merveille dans
une ville verdoyante où l'écosystème est le plus sauvegardé. En
Ouzbékistan vivent plus de cent
ethnies qui cohabitent en bonne
Supplément N°45 - Avril 2016.
Guerre de libération
Histoire
intelligence. Le président ouzbek
Islam Karimov, ancien ministre
des Finances et secrétaire du Parti
du temps de l'Ex-URSS, président
de la République depuis la proclamation de l'indépendance le
31 avril 1991, essaie de redonner
une certaine libéralisation économique à son pays exportateur du
coton dont il se place au deuxième
rang mondial après celui des USA.
L'Ouzbékistan venait il y a
quinze ans de célébrer le dixième
anniversaire de son indépendance
à laquelle assista une délégation algérienne devant plus de cinq mille
invités présents à la cérémonie
conviés à suivre une grande chorégraphie retraçant les épopées
glorieuses de l'histoire ouzbek.
Une nation au cent ethnies
Fantastique cette mosaïque
des couleurs et des voix superbes
qui se sont succédé sur le podium
dressé pour l'occasion. On observe une nation qui se compose
de plus de cent ethnies, des Tadjiks, des Tatars, des Coréens, des
Turkmènes, des Russes en nombre
réduit depuis que l'Ouzbékistan
a recouvert sa liberté. Il y a aussi
des Ukrainiens, des Kazakhs, des
Azerbaidjanaism des Azéries, des
Turcs, des Juifs, des Kirzghizs,
etc. Le brassage des populations a
fait naître un type d'homme ouzbek dont en se garde aujourd'hui
de sauvegarder l'identité car les alliances et les mariages mixtes ont
scellé une sorte d'osmose communautaire. Le passage de l'orchestre
hadj Mohamed-Tahar Fergani lors
du festival a laissé les gens sur leur
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
faim d'autant qu'il était demandé
à chaque troupe de ne pas dépasser les 15 minutes contenues du
nombre important des groupes
qui se sont produits dans cette
rencontre des mélodies d'Orient.
Une économie ouzbek de
marché en transition
Du point de vue démographie, l'Ouzbékistan, qui compte
environ 25 millions d'habitants au
moment où nous le visitions, est
à 71 % d'ethnie ouzbek sauf dans
la capitale Tachkent où la situation
économique montre au-delà de
l’auto suffisance alimentaire une
certaine morosité.
Après le départ des Russes, le
gouvernement ouzbek est sortie de la zone rouble, en créant
sa propre monnaie le Sum dont
un dollar équivaut 2.857 UZS et
un euro se change officiellement
à 3.135,9 UZS en ce moment. Le
passage à l'économie de marché a
créé de nouveaux riches. Le PIB/
habitant en PPA équivaut à 2200
dollars US. Le taux de croissance
est de 7%.
Il développe une politique volontariste. Les réserves de change
atteignent 16 mois d’importations
pour un pays riche en gaz naturel, en uranium et en pétrole. Sa
réforme économique graduelle le
place en cinquième position de
production de coton et quatrième
en réserves d’or dans le monde.
Réélu depuis mars 2015, le Président âgé de 77 ans préside les destinées de son pays avec un pouvoir législatif bicaméral constitué
d’un Sénat de cent sièges dont 84
( 79 )
élus par les Conseils régionaux et
16 nommés par le Président, tous
pour une durée de cinq ans. La
chambre basse est composée de
120 députés élus pour cinq ans
dont quatre Partis occupent les
150 sièges de la chambre législative.
Évocation de Dieu devant
le sanctuaire de
l'imam Boukhari
A souligner l'effort de reconstruction dans un style architectural qui reflète la richesse de ses
décors de style perse. A voir ces
mausolées remarquables et surtout
la nécropole où se trouve la sépulture de l'imam Boukhari, docteur
en théologie, dont l'enceinte a été
totalement restaurée depuis l’indépendance du pays démontre l'attachement de ce peuple à l'Islam.
C’est en ce lieu que nous nous
sommes recueillis, après avoir récité la Fatiha, évoqué Dieu devant
la tombe de Sidi El Boukhari et
visité la mosquée y afférente, passage obligé pour les futurs pèlerins ouzbeks. La construction du
Parlement, du théâtre et surtout
de l’un des plus beaux métros du
monde dans une harmonie avec
les grandes avenues fait de Tachkent une cité dont l'aménagement
du territoire respecte l’espace environnemental urbain avec toute sa
végétation verdoyante. A Samarkand, capitale de Tamerlan et de
son petit-fils Ulug Beg astronome,
on construisit l'Observatoire dont
les travaux permirent de découvrir
la durée de rotation de Saturne en
1447.
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Guerre de libération
Histoire
Ibn Sina le prince des
savants
Hadj Mohamed-Tahar
Fergani aux envolées
mélodiques
On ne peut oublier dans ce
pays le fils de Boukhara Ibn Sina,
Avicenne, qui, à dix ans, récita par
cœur le Coran. Philosophe, poète,
médecin infatigable, quêteur de
savoir qui a préféré les idées au
pouvoir, Ibn sina fut le plus grand
génie de son temps.
Dans cette source de splendeurs, Ibn Sina expliqua les finesses du système astronomique
de Ptolémée, la logique d'Aristote,
approfondit l'algèbre, la géométrie
et l’art. Son appétit du savoir est
insatiable, sa curiosité sans limite,
sa mémoire fabuleuse, on le surnomma le prince des savants. Plus
qu’Hippocrate, il exposa toutes
les pathologies des maladies majeures.
C'est donc dans cette route
de la soie où toutes la richesses
du monde transitaient en Asie
centrale que hadj Mohamed-Tahar Fergani et son fils Salim ont
chanté les plus beaux morceaux
du malouf constantinois accompagnés de Mohamed Bouchareb dit
Faty à la derbouka, Nasreddine et
Riad Fergani à la mandoline et à la
guitare, Ayachi Mohamed Tahar,
dit Minou à la flûte, l'orchestre a
interprété des extraits de nouba
zidane considéré parmi les plus
anciennes dont Ziryab avait composé la mélodie et les paroles .
Par sa voix chaude, Hadj Mohamed-Tahar Fergani, soutenu
par le jeu émérite de luth de son
fils Salim, a subjugué son public.
Une poésie impétueuse de brûlante frénésie qui a fait vibrer les
âmes au rythme d'une mélodie
transcendantale par sa musicalité et le duo en harmonie père et
fils. L'orchestre Fergani a laissé
en éveil les rêves embaumés où la
langue des passions, des symboles
et des métaphores dans l'ordre des
sonorités andalousiennes a exprimé un message d'amitié au peuple
ouzbek dans l'alternance des solos
musicaux au violon le luth arbi, la
flûte, la mandoline, la guitare et les
percussions.
Hadj Mohamed-Tahar Fergani,
maitre majestueux, a conquis la
plénitude des ouzbèks en répandant à Samarkand l’écho d’un rituel d'une chanson éternelle, avec
les envols mélodiques. Salim a
ajouté un bémol à l'interprétation
harmonieuse de la nouba dans l'esplanade des Régistan square sous
un clair de lune resplendissant.
L'Algérie a été honorée par un
diplôme décerné à l'orchestre Hadj
Mohamed-Tahar Fergani par le
président du Festival international
des mélodies d'Orient de Samarkand. C'est lors de la rencontre
avec Son Excellence l'ambassadeur qui a échangé des points de
vue avec la communauté algé-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 80 )
rienne résidente à Tachkent que
prend fin notre voyage.
L'occasion fut donnée à Salim
et surtout à leur père Hadj Mohamed-Tahar Fergani d’interpréter
des morceaux du recueil andalouconstantinois pour les étudiants et
leurs familles venues écouter les
airs du pays dans la ville de Samarkand, ville princière devenue
patrimoine universel qui séduit incontestablement tout visiteur par
son architecture au raffinement
sans égal remplie d’harmonies que
nous ont léguées cette civilisation
musulmane et la fascination de
l’Islam dans cette contrée.
La musique s'exécute dans cette
nostalgie loin du pays. Complainte
et murmure, rime et mesure animent la soirée d’adieu où l'âme et
le cœur s’en vont voyager dans
l'imaginaire d'une rêverie qui n'a
duré qu'un instant, une tranche de
vie. C’est sans doute sur les traces
du malouf que Tlemcen à travers
le voyage spirituel de « Djoul Travel » fera de la rencontre avec la
culture soufie, un autre souffle
de la vie dans les odes mystiques.
Car celui qui « connait l’errance et
la guidance, la distance n’est pas
longue pour lui. Il sait que Dieu
n’abandonne pas ses créatures en
pure perte, pas plus qu’Il ne les a
délaissées lors de la création originelle », rappelle Ibn Al‘Arabi dans
les illuminations mécquoises.
Dr Boudjemaâ HAICHOUR
Chercheur, Universitaire
Ancien Ministre
Supplément N°45 - Avril 2016.
Par Hassina Amrouni
Histoire
d'une
ville
N'Gaous
N'Gaous, la rue principale (photo ancienne)
Al Bakri
D
Ptolemee
e par sa position au
cœur d’une région montagneuse,
N’Gaous
a toujours favorisé la
présence
humaine.
Les premières fouilles archéologiques
effectuées, il y a plusieurs décennies, ont
permis la découverte de traces de huttes
préhistoriques de quelques mètres de
diamètre ainsi que des vestiges acheuléens (Paléolithique inférieur).
N’Gaous la Numide était connue
sous le nom de Nicivibus. Mais les différents historiens qui en parleront dans
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 82 )
leurs ouvrages la désigneront sous divers noms. Ainsi, elle sera Nicives selon Gsell et Pline, Necaus, Nicosium,
Nicivibus, Nicius ou Castra à l’époque
romaine, Nakaous, selon Ibn Hawkal,
Nigaous, pour Al Bakri ou encore Nicaous, d’après Al Idrissi.
Durant la période numide, on découvrira dans la région plusieurs stèles
africaines autour du rite du sacrifice
(Molchornor « sacrifice d'un agneau »
ou stèles de Saturne avec mention d'un
sacrifice particulier).
Supplément N° 45 - Avril 2016.
Histoire
d'une
ville
N'Gaous
Située à quelque 80 km de Batna, le
chef-lieu de wilaya, N’Gaous culmine
à 770 m d’altitude.
D’après Ptolémée, la région des Nicives
était sous le règne de l’empereur Trajan largement christianisée. D’ailleurs, les ruines
d’une chapelle chrétienne, retrouvées sur
le site archéologique de Henchir Akhrib, à
un peu plus d’une dizaine de kilomètres au
nord de la ville, l’attestent.
Période arabo-berbère
Durant le moyen-âge, ce sont principalement des tribus berbères, en l’occurrence
les Banou Ifren, les Ouled Soltane et les
Ouled Soufiane qui occupent la région et
fondent la ville. Les premiers, qui y ont des
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
parcelles de terre, cultivent toutes sortes
de graines : du blé, de l’orge et même de
l’abricot, cultivé jusqu’à ce jour (voir encadré).
Après les foutouhate islamiques, la ville
de N’Gaous est prise par les Hammadites.
Al Nasir, qui est nommé gouverneur, règne
sur la région entre 1062 et 1088. Elle passera ensuite dès le XIe siècle sous la domination des tribus hilaliennes. Il est à noter
que c’est durant l’ère musulmane que les
deux célèbres mosquées, en l’occurrence
Sidi Kassam ben Djennan et les Sept dormants, seront érigées par Sidi Kessam. La
première verra le jour au début du XVIIe
( 83 )
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N'Gaous
Histoire
d'une
ville
siècle, elle fait aujourd’hui partie du patrimoine cultuel national. Saint homme très
respecté dans la région, Sidi Kessam, originaire du Hodna, a vécu dans la région
de N’Gaous jusqu’à sa mort survenue en
1628. Il est enterré près de la mosquée.
Avènement de
l’occupant ottoman
Léon l’Africain décrira N’Gaous
comme une région aux terres fertiles,
quant aux habitants de la ville, ils parleront de leur cité comme de la ville des
cents centaines. Pourtant, selon Marmol,
chroniqueur espagnol, ayant vécu de nombreuses années dans les régions berbères
d’Afrique du nord durant le XVIe siècle,
N’Gaous connaîtra un déclin avec l’arrivée des Ottomans qui ne tarderont pas à
déchoir les autochtones de leur ville. C’est
d’ailleurs dans la région qu’Ahmed Bey
trouvera refuge lorsqu’il sera traqué par
l’armée coloniale française et c’est encore à
N’Gaous que sera enterrée sa mère.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 84 )
Après 1830 et l’occupation de plusieurs
régions d’Algérie, les troupes françaises
prennent possession de la ville et des Aurès. Les Ouled Soltane et d’autres tribus
vivant dans cette contrée, vont se soulever
pour tenter de faire face à cet envahisseur
mais ce sera peine perdue. Plus tard, en
1916, une révolte sanglante aura lieu, déclenchée toujours par les chefs de tribus, à
partir d’appels à la rébellion lancés depuis
la mosquée de N’Gaous, mais ce soulèvement populaire s’avèrera une nouvelle fois
un échec car l’inégalité des moyens fera la
différence. Mais lorsqu’éclate la guerre de
libération nationale à partir des Aurès, le
1er novembre 1954, l’engagement et le sacrifice du peuple pour sa liberté ne connaîtront d’épilogue qu’à la libération du pays,
sept ans plus tard.
Hassina Amrouni
Source :
sites.google.com
Supplément N° 45 - Avril 2016.
Par Hassina Amrouni
N'Gaous
Histoire
d'une
ville
Fruit-roi de la région de N’Gaous, l’abricot possède
sa fête annuelle.
M
ême si ces dernières années, l’engouement n’est
plus tout à fait le même,
en raison d’une baisse
de la production, il n’en
demeure pas moins que, dans la région,
on maintient la tradition, à savoir célébrer
ce fruit à chaque nouvelle récolte. Pour les
femmes de N’Gaous, transformer ce fruit
goûteux, de différentes façons, afin de pouvoir en consommer tout au long de l’année,
même en dehors de la saison de la récolte,
connaît encore de beaux jours.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 86 )
Confiture, jus, fruit séché, pâte sucrée,
eau fruitée, toutes les recettes sont bonnes
pour tirer le meilleur de l’abricot. Chacune y
allant de sa recette, les femmes de N’Gaous
se transmettent souvent leurs petites astuces
de mère en fille.
Au cours de la fête annuelle de l’abricot,
célébrée chaque 19 juin, différentes expositions de ce fruit et de ses dérivés sont présentées au public, ainsi que d’autres produits
agricoles de la région.
Hassina Amrouni
Supplément N° 45 - Avril 2016.
Par Hassina Amrouni
La grotte des Sept dormants, djamaâ
Sebaâ Rgoud ou encore H’khalweth
n Sebaa R’goud, en chaoui, est
un lieu de culte autour duquel est
tissée une légende ancienne.
N'Gaous
Histoire
d'une
ville
S
ituée dans la région d’Imi n
Tob (Foum Toub), près de l’ancienne ville numide d’Ichouqan, au flanc d’Akhanneq n
Sebaa r’goud (le ravin des Sept
dormants), cette grotte est depuis des
siècles un lieu de pèlerinage, visité par des
processions de fidèles qui viennent y faire
des vœux, accomplir des prières, allumer
des cierges et faire des offrandes.
Plusieurs histoires sont rapportées autour de cette grotte. Dans son Atlas géographique, Stephane Gsell écrit que le roi
de l’Aurès Iabdas y a trouvé refuge lorsqu’il
était en guerre contre les Vandales. De son
côté, Emile Masqueray raconte que Salo-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 88 )
mon, le chef vandale, y serait resté trois
jours avant d’en être chassé. Masqueray,
qui a visité la grotte en 1876, en fait cette
description : « J’ai pénétré jusqu’au fond de la
caverne des Sebaâ R’goud en rampant sur le ventre et
en m’éclairant de mon mieux avec une bougie, malgré
les instances des Châwi qui craignent d’y rencontrer
des djinn, des ogres ou des panthères. Je n’y ai rien vu
d’intéressant. Quant au nom de Sebaâ R’goud, une
légende veut que les Sept dormants, que l’on retrouve
un peu partout en Algérie, sommeillent au fond de
cette caverne pratiquée par les eaux dans la muraille
qui surplombe la rive gauche de l’oued. Les indigènes
viennent former et accomplir des vœux à l’entrée de
cette caverne, et ils y ont laissé une quantité considérable de vieux plats. »
Supplément N° 45 - Avril 2016.
N'Gaous
Histoire
d'une
ville
Concernant les Sept dormants (Sebaâ
R’goud), le colonel Delartigue rapporte dans
sa monographie de l’Aurès intitulée Les
Chaouis des Aurès, le récit de cette légende
telle que contée par un vieillard d’Ichamoul. Il écrit : « Autrefois sept jeunes gens suivis
d’une chienne venant de l’occident se mirent en route
pour aller vers l’orient accomplir le pèlerinage de
la Mecque. Arrivés à la grotte de Foum Toub ils
s’y introduisirent pour se reposer et s’endormirent
d’un sommeil si profond qu’ils dorment encore aujourd’hui. De ce fait, ils sont devenus saints. Cette
grotte était longue et s’avançait profondément sous
la montagne ; dès l’entrée des sept jeunes gens, elle
s’est brusquement refermée et n’est pas ouverte pour
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 89 )
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N'Gaous
Histoire
d'une
ville
d’autres depuis cette époque. Les habitants déclarent qu’ils entendent même maintenant la chienne
qui les surveille, aboyant lorsqu’on séjourne trop
longtemps devant l’emplacement où était l’orifice
de la caverne ».
Mosquée de Sidi Kacem et la
légende des Sebaâ R’goud
Dans la région de N’Gaous, c’est une
légende presque similaire qui est répandue, autour de la mosquée de Sidi Kacem. Selon Delartigue : « Si Kacem était
un homme pieux et savant ne s’occupant
jamais des choses de ce monde. Il s’en allait de tente en tente, de gourbi en gourbi
stimulant le zèle des musulmans pour les
œuvres pieuses. Quelques années avant la
visite de ce saint homme, sept jeunes gens
de la ville de N’Gaous, jouissant d’une réputation parfaite, disparurent tout à coup
sans qu’on en eut depuis la moindre nouvelle. Un jour, Sidi Kacem arriva et après
s’être promené dans la localité, il alla chez
un des notables et s’engagea à le suivre.
Après avoir marché quelques instants, il
lui montra un petit monticule formé par
les décombres et lui dit : « Comment souffrez-vous que l’on jette des immondices
en cet endroit. Fouillez et vous verrez ce
que cette terre recouvre. » Aussitôt, on se
mit à déblayer le terrain et l’on y trouva les
sept jeunes gens dont la disparition avait
causé tant d’étonnement, étendus la face
au soleil et paraissant dormir d’un profond sommeil. Le miracle fit comme on
le pense très grand bruit et de ce jour, Sidi
Kacem fut considéré comme un saint et
vénéré comme tel. »
Après ce fait miraculeux, les habitants
firent ériger une mosquée sur le site même
de cette découverte. Les corps des jeunes
hommes furent mis dans des cercueils et
la mosquée fut baptisée Djamaâ Sebaâ
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( 90 )
Rgoud (mosquée des Sept dormants). A
la mort de Sidi Kacem en 1623 (l’an 1033
de l’Hégire), il fut lui aussi enterré dans la
mosquée, aux côtés des sept dormants.
Une mosquée quatre
fois centenaire
Véritable patrimoine historique et
cultuel, la mosquée Sidi Kacem ou Sebaâ
R’goud a aujourd’hui 400 ans. Ce modeste
lieu de prière d’environ 20 m sur 10 m,
recouvert de tuiles est, à l’intérieur, constitué de trois rangées de cinq colonnes chacune dont certaines comportent des transcriptions latines, quant au vieux Minbar, il
est encore intact. Etant un bien des wakfs,
ce monument a, récemment, fait l’objet
d’une visite d’inspection afin de relever les
dommages et envisager un plan de sauvegarde et de réhabilitation.
Hassina Amrouni
Source :
Jugurtha Hanachi in http://www.inumiden.com/
*Divers articles de la presse nationale quotidienne
Supplément N° 45 - Avril 2016.
Par Hassina Amrouni
Histoire
d'une
ville
N'Gaous
Meriem Bouatoura à gauche
Elle était jeune et nourrissait des rêves de liberté pour ce pays –
le sien – demeuré trop longtemps sous le joug colonial.
E
mmenée par cet idéal, elle se
battra avec courage, n’hésitant
pas à offrir sa vie en sacrifice.
Aujourd’hui, plus d’un demisiècle après sa disparition, on se
souvient encore de cette jeune martyre dont le
nom est étroitement lié à la ville de N’Gaous
où elle est née.
Meriem Bouattoura dite Yasmina a vu
le jour le 17 janvier 1938 à N’Gaous, dans la
wilaya de Batna. Cadette d’une nombreuse fratrie, Meriem est scolarisée à l’école des filles du
village, encouragée par son père Abdelkader,
paysan de son état mais néanmoins conscient
que l’instruction – y compris pour les filles, à
cette époque – peut être la voie du salut.
Lorsque la petite atteint l’âge de 10 ans, son
père décide de quitter N’Gaous et d’emmener
sa famille vivre à Sétif où la vie est moins rude.
Les Bouattoura s’installent dans le quartier,
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 92 )
jadis appelé « Chouminou » (Cheminaux) et le
père se lance dans le commerce de vêtements
d’importation pour subvenir aux besoins de sa
femme et de ses sept enfants (Lila Hanifa, Houria, Janina, Noureddine, Salah-Eddine, Mohamed
El-Aïd et Meriem). Les affaires qui deviennent
florissantes permettent à la famille Bouattoura
d’accéder à un meilleur niveau social, en comparaison aux autres familles indigènes.
Élève assidue, Meriem est admise au lycée
« Eugène Albertini » de Sétif où elle suit une
brillante scolarité, jalonnée de succès. Mais
son confort et sa réussite scolaire sont loin de
lui faire oublier les dures conditions de vie de
ses proches, restés dans les Aurès mais aussi
celles de tout le peuple algérien, maintenu
sous domination coloniale. Révoltée par cette
situation inique, la jeune fille ne rêve que d’une
chose : rejoindre le maquis pour vivre la révolution de l’intérieur.
Supplément N° 45 - Avril 2016.
Aussi, lorsqu’elle atteint l’âge de se
marier, elle refuse tous les prétendants
qui frappent à la porte de ses parents,
préférant épouser la cause nationale. Sa
sœur Houria raconte un jour à propos
de Meriem : « Elle disait, je ne vais pas
me marier... Je vais rejoindre la guerre de
libération...pour protéger mon pays ! »
Alors qu’elle n’a que 18 ans, elle rejoint les structures sanitaires de la Wilaya II. D’abord mourchida (assistance
sociale) durant quatre ans, aux côtés de
Ziza Massika, Aïcha Guenifi et Yamina
Cherrad, elle devient ensuite infirmière
à la clinique Khneg-Mayou où elle travaille aux côtés du Dr Lamine Khene.
A sa demande, elle rallie les fidayine de
Ultime mission
En juin 1960, Meriem est appelée à
prendre part à une nouvelle action armée, avec son compagnon d’armes Slimane Daoudi dit Boualem Hamlaoui.
Malheureusement, ce sera la dernière
opération armée pour les deux fidayine
qui seront dénoncés.
N'Gaous
Epouser la cause
révolutionnaire
Constantine en 1960. Affichant un courage exemplaire et un grand sens du sacrifice, les responsables de l’organisation
n’hésitent pas à l’enrôler dans plusieurs
opérations de commandos. C’est ainsi
qu’elle prend part à des attentats avec
les groupes de Rouag et de Bourghoud.
Selon la moudjahida, Khadra Belhami
Mekkidèche, Meriem Bouattoura « ne
cachait pas son désir de participer directement
à l’action ».
Histoire
d'une
ville
Meriem Bouatoura
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 93 )
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N'Gaous
Histoire
d'une
ville
Le moudjahid Bachir Bourghoud affirme : « Il était environ cinq heures du matin
quand Hamlaoui est venu me réveiller et m’avertir que l’armée nous encerclait. Je suis allé réveiller Meriem, il faisait encore sombre. De nos
fenêtres, on voyait le déploiement des soldats. J’ai
demandé à Hamlaoui, qui avait une meilleure
connaissance des lieux, s’il y avait une issue possible pour sortir, il m’avait répondu que non. Il
ne nous restait plus qu’à résister. Les soldats ont
lancé trois bombes lacrymogènes, Meriem nous
avait donné des chiffons mouillés pour nous protéger. Puis, ils ont balancé les obus. La première à
avoir été touchée par les éclats fut Meriem. Quand
j’ai entendu son cri, je me suis dirigé vers elle, elle
avait la jambe sectionnée et perdait beaucoup de
sang. Je lui ai fait un garrot de fortune avec mon
chiffon, elle m’a demandé de l’achever. Hamlaoui
fut touché à la poitrine. Moi, j’avais reçu des
éclats dans la tête avant de perdre conscience. Au
réveil, nous étions à la cité Ameziane. J’entendais
Hamlaoui, il était encore en vie. Meriem était
étendue, elle était morte »..
Hassina Amrouni
Sources :
Mémoria (nov 2012)
*Divers articles de la presse nationale quotidienne
Meriem Bouatoura et Massika Ziza au maquis
Yamina Bouatoura, mère de Meriem
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
La moudjahida Fatima-Zohra Boudjeriou affirme, de son côté, que Meriem
était encore vivante, elle criait avant de
mourir : « Vive l’Algérie libre et indépendante,
à bas le colonialisme ! » Elle aurait été, selon
elle, achevée à l’hôpital avec une injection.
Meriem Bouattoura et son compagnon
d’arme Daoudi Slimane sont morts en
martyrs le 8 juin 1960.
Meriem, la martyre de N’Gaous, avait
22 ans, l’âge de tous les rêves et de tous
les espoirs mais elle n’a pas hésité à sacrifier sa jeunesse pour offrir la liberté à son
pays.
Aujourd’hui, plusieurs institutions
portent son nom, dont la maternité (EHS)
de Batna, un collège à N’Gaous, un institut à Constantine ou un lycée (ex-lycée
Félix Gautier) à El-Biar, pérennisant ainsi
le sacrifice de cette jeune combattante,
morte pour l’Algérie.
( 94 )
Supplément N° 45 - Avril 2016.
Salima Souakri
Abdelkader Houamel
Djahida Houadef
Hassane Amraoui
Par Hassina Amrouni
N'Gaous
Histoire
d'une
ville
Djahida Houadef, Abdelkader Houamel, Salima
Souakri, Hassane Amraoui et on en oublie encore,
sont quelques-uns des meilleurs ambassadeurs de
l’Algérie. Ils ont pour point commun, N’Gaous, la
ville qui les a vu naître.
A
rtistes, intellectuels, sportifs
de performance, hommes
politiques ou encore martyrs sacrifiés sur l’autel de la
liberté, ils sont aujourd’hui,
la fierté de toute une région, voire du pays.
Des artistes-peintres de renom
Abdelkader Houamel, Amraoui Hassane, Djahida Houadef font partie des
artistes phares de la scène plastique algérienne.
Oeuvre de Hassane Amraoui
Hassane Amraoui
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Doyen des artistes-peintres de N’Gaous,
Abdelkader Houamel a un parcours exceptionnel. Né le 17 août 1936, cet ancien moudjahid a rejoint les rangs de l’ALN, entre
1955 et 1960. Son parcours plastique a été
entamé très jeune, alors qu’il n’avait que 17
ans. Son don et sa passion lui permettront
de décrocher une bourse d’études de l’Académie des beaux-arts de Rome, où il décide
de rester pour être, ensuite, élu au sein de
l’Académie de Tiberine de Rome. Houamel fait partie des artistes peintres qui ont
influencé l’Ecole supérieure des beaux-arts
d’Alger. Considéré comme l’un des pionniers du courant moderniste algérien, il a,
grâce à l’une de ses œuvres exposée en 1960
à Tunis, contribué à exposer la question de
la révolution algérienne à l’extérieur. Après
( 96 )
Supplément N° 45 - Avril 2016.
Abdelkader Houamel
N'Gaous
Oeuvre Abdelkader Houamel
Histoire
d'une
ville
l’indépendance, il participe à plusieurs
expositions en Algérie et à l’étranger. Il
est récipiendaire de plusieurs prix, notamment le 1er Prix San Vito Romano (1962),
le 2e prix à l’Exposition internationale de
l’aquarelle à Cannes (1981) ou la médaille
de bronze de l’Académie européenne de
Calvatone etc.
Né à Tifrene, dans la daïra de N’Gaous
en 1969, Hassane Amraoui est peintre et
photographe. Diplômé de l’Ecole régionale des beaux-arts de Batna et de l’Ecole
supérieure des beaux-arts d’Alger, il obtient ensuite un diplôme de photographie.
Fort de ce bagage académique artistique,
il réalise un certain nombre d’œuvres et
commence à exposer en Algérie, en Tunisie et en France. En 2007, il prend part à
une exposition collective à Libreville, la
capitale gabonaise, avant d’aller s’installer
au Canada où il a vite trouvé ses repères
(il est membre actif de Diversité artistique
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 97 )
Montréal, membre du Regroupement des
artistes en arts visuels du Québec).
Faisant partie de la même génération
que Hassane Amraoui, Nadi Bouguechal
est né en 1971. Diplômé de l’Ecole régionale des beaux-arts de Batna, il a depuis,
pris part à plusieurs expositions en Algérie et à l’étranger. En 2014, il a participé à
un projet visant la promotion de la culture
berbère intitulé « La grande fresque de
l’histoire des Berbères ».
Grand nom de la scène plastique algérienne, Djahida Houadef, née le 1er avril
1963, compte un très riche parcours artistique derrière elle. Diplômée de l’Ecole nationale des beaux-arts d’Alger et de l’Ecole
supérieure des beaux-arts d’Alger, elle a,
dès 1986, multiplié les expositions tant en
Algérie (salle Ibn Khaldoun, Centre culturel soviétique, centre culturel de la wilaya
d’Alger, Biennale des arts plastiques d’Alger, Salon d’automne des arts plastiques
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N'Gaous
Histoire
d'une
ville
d’Alger, etc.) qu’à l’étranger (Biennale internationale des arts plastiques de Sharjah –EAU,
Couleurs d’Algérie, Toulouse, Salon du Printemps à Masseret, Limoges, La Méditerranée
qui nous unit, Barcelone etc.)
Sa carrière est auréolée de plusieurs prix,
notamment le 2e Prix au Salon de la femme
peintre (Alger-1992), 3e Grand Prix de la
peinture algérienne (Alger-1993), 2e Prix à
l’hommage de Aïcha Haddad (Alger-2002),
2e Prix « El Guentas » (Djelfa-2007) etc.
N’Gaous, terre de chouhada
Connue pour son engagement sans faille
et sa fin héroïque, Meriem Bouattoura (voir
portrait) fait partie des icônes de la Révolution
algérienne, aux côtés d’autres martyrs également originaires de la région de N’Gaous, en
l’occurrence Lakhdar Kouhil. Un martyr dont
le nom a été attribué à plusieurs rues, sites et
établissements mais dont il n’existe, malheureusement, aucune note biographique pour
pouvoir faire connaître son parcours révolutionnaire à la génération postindépendance.
Idem pour le chahid Maamir Belkacem
dont on sait seulement qu’il a racheté la socié-
Djahida Houadef
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
té de Mustapha Benboulaïd et qu’il a contribué, avec ses biens personnels au financement
de la révolution algérienne, en fournissant les
premières armes aux moudjahidine.
Quant à Omar Berkane, qui a rejoint très
tôt les rangs de l’Armée de libération nationale, il est le premier chahid de N’Gaous.
Souakri, une digne ambassadrice
Née à Alger en 1974, Salima Souakri est
originaire de N’Gaous. Sportive de haut
niveau, elle a battu sur les tatamis les plus
grandes judokates de sa catégorie. Après une
carrière sportive bien remplie, en tant qu’athlète (elle a été quinze fois championne d’Algérie et douze fois championne d’Afrique) puis
en tant qu’entraîneur, elle a décidé d’utiliser
sa notoriété pour sensibiliser la société au sort
des enfants. Elue, en 2007, présidente de l’association Wafa, elle apporte, une aide considérable aux enfants handicapés. Mais depuis
2011, elle s’investit également dans des actions
de promotion des droits de l’enfant en Algérie, en tant qu’ambassadrice d’Unicef Algérie.
Hassina Amrouni
Salima Souakri
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Supplément N° 45 - Avril 2016.