Critique de Film

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Critique de Film
Critique de Film La Vie Est Belle – Roberto Benigni Céline MANDON Benigni nous offre un film original, unique et terriblement poétique. Pourtant, le sujet ne s’y prête apparemment pas et le titre La Vie Est Belle (Vita E Bella en version originale) s’accorde peu avec ces tragiques années de notre Histoire, la Shoah. L’auteur a décidé de nous faire vivre ces évènements grâce à un homme, Guido, profondément optimiste et qui, selon la volonté de son créateur, suit mot pour mot ce qu’écrivait Trotski ces années là : que malgré tout, la vie est belle et vaut d’être vécue. Cette histoire, en deux parties, nous la vivons à travers deux points de vue différents : celui du héros, Guido, puis nous devenons son fils, Giosué. Benigni a osé traiter un sujet aussi grave, si atroce de manière comique et naïve, enfantine et les réactions ont été vives. L’auteur n’est pas le premier à aborder ce sujet ainsi. Chaplin, lui aussi, avait décidé de nous faire rire avec Le Dictateur. Chaque fois qu’un artiste écrit, il faut qu’il trie, qu’il élimine certaines choses, qu’il fasse des choix et c’est déjà trahir la réalité et sur ces idées, Benigni rejoint Maupassant. On ne peut écrire la réalité puisque lorsqu’on écrit, on trahit déjà la réalité. Sans l’avoir vécu, on ne peut qu’imaginer les horreurs que les prisonniers des camps ont subies. Les images du film Nuits et Brouillards sont choquantes, bouleversantes mais ont‐elles réellement le pouvoir de nous faire imaginer les atrocités et l’enfer que tous ces déportés ont dû traverser ? Lorsque Giosué vient voir son père qui en train de faire son labeur quotidien, pour lui dire que les enfants doivent aller à la douche mais que lui ne veut pas et qu’il va se cacher. Rien n’est dit de plus, rien n’est montré. Pourtant le sens de cette scène n’échappe à personne et l’horreur a autant d’impact ainsi, si ce n’est plus. Chacun imagine alors les enfants dans la chambre à gaz, le moment où ils comprennent, leur effroi et leur agonie. Si Benigni avait montré cette scène, aurait‐il réussi à la rendre aussi effroyable que celle que l’on s’imagine ? Comme a dit Edgar Allan Poe, si, parvenu au bord du précipice, on ne regarde pas, l’horreur est incommensurable. Si on la montre, elle devient telle qu’on la montre. Toute cette histoire nous est racontée comme un conte. Le héros rencontre sa princesse puis l’enlève pour se marier avec elle et avoir un fils. Mais le mal est là et fait de plus en plus sentir sa présence jusqu’à détruire le bonheur trop grand de cette famille. Mais le héros combat ce mal et devient alors le guide et le narrateur de l’histoire par amour pour son fils. Il veut le protéger, à n’importe quel prix. Il veut préserver la pureté et l’innocence de cet enfant qu’il aime. Benigni a déclaré qu’il avait choisi l’âge auquel l’enfant comprend tout mais où il peut aussi croire que tout n’est qu’un jeu. Et Giosué montre qu’il a compris, lorsqu’il veut s’en aller. Ce n’est plus un jeu. Mais son père se bat pour qu’il y croit encore, afin qu’il survive. Comme dans un conte où l’enfant voit l’histoire à travers un héros, Giosué voit l’histoire à travers les yeux de son père. Le film a été entièrement tourné en studio et les décors ajoutent à cet aspect de conte. On voit clairement que le camp n’est pas réel mais il représente l’antre du mal de laquelle le héros doit sortir. Et, comme dans tout compte, l’amour y est présent et c’est par lui qu’il se termine, lorsque l’enfant retrouve sa mère. C’est par amour que Guido SRC2 – TD1 Communication Ecrite et Orale 2009‐2010 Critique de Film La Vie Est Belle – Roberto Benigni Céline MANDON a « écrit » cette histoire, ce jeu pour son fils. C’est grâce à l’amour de son père que l’enfant a pu survivre. « Comment montrer de façon réaliste ce que je n’ai même pas le courage de dire ? » C’est ce qu’a déclaré Benigni à propos de son film. La réalité, on peut l’avoir dans les livres d’histoires, dans les documentaires. C’est un conte et, comme tous les contes, il nous raconte la réalité, nous offre une morale dissimulées sous une histoire édulcorée et incroyable. En dissimulant toutes les atrocités, à travers les yeux de Guido, nous pouvons imaginer ces horreurs sans être limités par les images qu’il nous montre. Contrairement aux photos, aux films d’archives, les déportés et les rescapés gardent leur dignité. Les plus grands comprennent tout, imaginent ce que l’auteur ne montre pas et les plus petits verront leur point de vue évoluer à mesure qu’ils grandiront. Comme tous les contes qui nous paraissent plus cruels lorsqu’on grandit, lorsqu’on comprend. Et, comme tous les contes, il est intemporel et universel. « Il faut regarder le visage que prend aujourd’hui ce qu’on appelait autrefois le nazisme. » (citation de Roberto Benigni) SRC2 – TD1 Communication Ecrite et Orale 2009‐2010