Quand les objets se mettent à témoigner…. Dans le cadre du projet
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Quand les objets se mettent à témoigner…. Dans le cadre du projet
Quand les objets se mettent à témoigner…. Dans le cadre du projet « Visiter les musées. À la recherche des grands hommes », la classe de 4 7 s’est rendue au château de la Malmaison, découvrir l’une des demeures de Napoléon Ier. Cette « campagne », la Malmaison (« Mala Domus », mauvaise maison) est acquise par Joséphine de Beauharnais, (Marie Josèphe Rose Tascher de la Pagerie, dite Joséphine) épouse de Bonaparte, le 21 avril 1799, pour 325 000 francs. e La visite avait pour thème « De Bonaparte à Napoléon : l’histoire en marche à la Malmaison », sujet faisant écho aux leçons d’histoire. Une large place a été donnée à l’histoire des arts puisque les élèves ont pu découvrir le « style empire » et prendre conscience que l’objet, même celui qui semble le plus banal, renseigne l’historien sur les modes de vie passés. La production artistique est abondante sous le Premier Empire. Napoléon Ier souhaite que l’art contribue à la grandeur de son règne et à sa renommée future. Sur une idée originale de Mme Bouillère, les élèves présentent leurs résumés de visite en se mettant dans la « peau » d’un objet ayant particulièrement retenu leur attention. Cet exercice laisse libre cour à leur créativité mais nécessite de la rigueur dans le choix des éléments historiques. Les décors de la Malmaison rappellent l’anticomanie (goût pour l’Antiquité grécoromaine) et annonce le préromantisme. Le vestibule imite l’atrium des maisons romaines. C’est un petit bâtiment en forme de tente militaire, ajouté à l’entrée du château en 1801. Sa structure, sa décoration, signifient aux visiteurs les fonctions militaires de leur hôte. Bonaparte fut peu enthousiaste lors de sa création et affirma que cette tente ressemblait à une « loge d’animaux à montrer à la foire ». La salle à manger de l’empereur nous transporte à Pompéi et à Herculanum. Les représentations murales de huit danseuses, réalisées par le peinte Louis Lafitte( 1770-1828) sont inspirées des motifs des fresques pompéiennes. Leurs pas gracieux invitent à se laisser envoûter par les parfums de l’Antiquité. L’empereur, travailleur acharné, profitait peu des charmes de cette pièce. Si les repas ne duraient que vingt minutes, le poulet Marengo, l’omelette au thon à la Brillat-Savarin, la Chartreuse de pomme (un dessert) étaient toujours accompagnés de vins fins comme le Chambertin. Située au rez-de-chaussée, la salle de billard, dallée comme le vestibule, était affectée au jeu du même nom depuis 1703. La couleur verte, prédominante, est relevée par des filets amarante. Le décor originel a été conçu en 1800 par Percier et Fontaine, puis remplacé, en 1812, par des panneaux surmontés d’arcades dessinés par Louis Martin Berthault (architecte de la Malmaison à partir de 1805). On y trouve aussi quatre table à jeu. La bonne société aime participer aux parties de bouillotte, plus rarement au whist (deux jeux de cartes). Le jeu de bouillotte est un jeu de mise. Mme Tallien, lors de ses soirées rue de Babylone, parvenait à gagner 50 louis d’or en une nuit. Charles Percier (1764-1838) et Pierre François Léonard Fontaine (1762-1853) sont deux élèves de l’architecte Peyre le Jeune. Ils se lient d’amitié lors d’un séjour à Rome de 1786 à 1791, et constituent dès lors un véritable tandem professionnel. En décembre 1792, ils sont nommés conjointement directeurs des décors du théâtre de l’Opéra et se livrent à des travaux d’aménagement chez des particuliers. Ils sont présentés à Joséphine par David et Isabey, et nommés architectes de la Malmaison en 1800. En 1801, ils sont architectes du gouvernement. Le billard, par Théo BEURTON : « On m’appelle le billard. Je vis dans le château qui est devenu un musée. Je passe des jours heureux dans cette grande pièce car de nombreuses personnes s’arrêtent devant moi quand elles visitent les lieux. Je suis admiré, on me trouve grand et je suis le centre de leurs conversations. Je suis en bois précieux, l’acajou. Rectangulaire, j’en impose avec mes ornements de bronze doré. Beaucoup de personnages illustres ont joué sur moi, tapant les boules à tour de rôle en les faisant tomber dans des trous répartis à mes quatre coins. Les boules tombaient dans mon ventre et provoquaient chez moi des fous rires incontrôlables. J’étais au centre des compétions, je pouvais déclencher des disputes ou faire naître de nouvelles amitiés. Je vous dévoile un secret : Napoléon Ier était mauvais joueur et ne croyait pas au hasard. Aussi, n’hésitait-il pas à tricher. Il voulait aussi impressionner Joséphine, qui participait volontiers au jeu, au moment du dîner. » Le salon de musique prend la forme d’une galerie, de 13 mètres sur 5 mètres, réalisée par Percier et Fontaine, à partir de 1800, et achevée en 1808. Une aquarelle d’Auguste Garnerey, de 1812, le représente. L’objectif des architectes est d’en faire une galerie de tableaux réservés aux peintres modernes dont l’Impératrice était le mécène. Pour faire plaisir à Napoléon Ier, Joséphine expose des sujets héroïques (comme l’Apothéose des héros français morts pour la patrie pendant la guerre de la liberté, par Girodet). Elle apprécie particulièrement les maîtres du courant anecdotique appelé de nos jours « peinture troubadour ». Joséphine est la première à lancer la mode des sujets médiévaux, chevaleresques et sentimentaux. La galerie est dotée d’un éclairage zénithal, comme les musées les plus modernes. Joséphine charge Guillaume-Jean Constantin de prendre soin de sa collection. Il en dresse un catalogue, publié en 1811. Une harpe réalisée par Cousineau, occupe le centre de la pièce, alors qu’un piano-forte en occupe l’extrémité droite. Lors des concerts, on pouvait entendre des romances accompagnées à la harpe ou à la guitare, les compositions d'Hortense, fille de Joséphine. Elle publie Le Beau Dunois ou Partant pour la Syrie, (dont elle composa la mélodie en 1807) avec d’autres romances, toutes illustrées par des aquarelles de sa main, dans un ouvrage recueil Huit romances nouvelles, paru chez l’éditeur parisien Paccini. Sa musique est simple, facile à mémoriser. La mélodie reprend le rythme de la marche militaire. Véritable succès, cette pièce musicale est reprise dans les salons mais aussi dans les rues. Les paroles du Beau Dunois sont du comte Alexandre de Laborde (1774-1842), grand amateur d’archéologie. Il s’agit de l’histoire du croisé Dunois, qui prie la Vierge de le bénir avant son départ à la croisade en Syrie. Victorieux, il est récompensé par son seigneur, qui lui accorde la main de sa fille Isabelle. C’est la composition la plus populaire d’Hortense, adoptée pour hymne par les Bonapartistes. Lorsque, après la mort d’Hortense son fils, Charles Louis Napoléon Bonaparte, devint empereur sous le nom Napoléon III, différents compositeurs adaptent cette romance pour qu’elle devienne l’Hymne Impérial. En 1853, l’éditeur de musique Heugel fait paraître une édition de six de ces romances, ornées de planches lithographiées d’après les dessins d’Hortense, sous le titre Album artistique de la Reine Hortense. Le lancement de l’édition est l’occasion d’un concert au mois d’avril, donné à la salle Herz, au profit des sociétés de charité maternelle, et présidé par l’impératrice Eugénie (comme le rappelle Laure Schnapper dans son article, « Chanter la Romance », Napoléonica, n°7, 2010/1) Extrait des paroles de la romance Le Beau Dunois ou Partant pour la Syrie, d’Alexandre de Laborde : « Partant pour la Syrie, Le jeune et beau Dunois, Venait prier Marie De bénir ses exploits Faites, Reine immortelle, Lui dit-il en partant, Que j'aime la plus belle Et sois le plus vaillant. On lui doit la Victoire. Vraiment, dit le seigneur ; Puisque tu fais ma gloire Je ferai ton bonheur. De ma fille Isabelle, Sois l'Époux à l'instant, Car elle est la plus belle, Et toi le plus vaillant». Possibilité d’entendre cette romance, en suivant ce lien : http://www.youtube.com/watch?v=ORvTZMXV_ok Moi, le piano-forte d’Hortense par Henri WAMBERGUE « Je suis en très bonne compagnie, aux côtés de mon amie la harpe. Beaucoup de visiteurs viennent nous admirer pendant la journée. J’ai même vu passer, l’autre jour, une classe entière de jeunes collégiens du Chesnay. Ils étaient sympathiques et prirent beaucoup de photographies. L’un d’eux s’attarda devant moi, ce qui me fit un très grand plaisir. Mais, je me sens malgré tout inutile car plus personne ne fait courir ses doigts sur mon clavier et ne joue avec moi de belles symphonies. Pourtant, je suis un piano Erard, l’une des marques les plus renommées à la fin du XVIIIe siècle. Tout en hauteur et de petite largueur. Ma caisse est ornée de dorures : je suis vraiment le plus beau. La princesse Hortense tomba sous mon charme en 1795. Hortense était une artiste passionnée. Elle et moi étions inséparables. Nous remportions ensemble de grands concours musicaux. Je ne passais jamais plus d’une heure sans sa compagnie. Mais, un jour, Hortense devient reine de Hollande et dut quitter la France. Elle voulut m’emmener au palais de La Haye. Napoléon Ier fit tout pour la convaincre de me laisser à la Malmaison. La famille devait se consacrer à ses nouvelles fonctions. La nouvelle reine devait se résigner à jouer sur un piano hollandais. Je restai donc en France. Lorsqu’il fut question de créer un musée dans le château de la Malmaison, les historiens firent la liste des objets qui avait marqué l’histoire des Bonaparte. Après avoir été mêle à une véritable affaire diplomatique, je fus retenu comme l’une des pièces devant absolument figurer dans les collections du château. Le public devait savoir à quel point j’avais compté pour Hortense ». La Harpe de Joséphine, par Agnès Prats : « Je suis une harpe à huit pédales et 39 cordes, en acajou, nacre et bronze ciselé et doré, mesurant un mètre 92 de haut, née dans les ateliers des Cousineau Père et Fils Luthiers vers 1805. Le père et le fils Cousineau furent d’abord facteurs de Marie Antoinette, qui avait lancé la mode de la harpe à la Cour. Mon décor est raffiné. Sur ma console, figurent des abeilles et des étoiles, mais aussi des instruments antiques. Apollon, mon dieu, tient une lyre. Sous un aigle apparaît une représentation de Minerve, la déesse guerrière de la mythologie romaine. A son bras, elle arbore un bouclier, sur lequel on lit le « J» de Joséphine. Celle-ci aimait frotter mes cordes d’où sortaient des notes mélodieuses ». Les symboles napoléoniens sont empruntés à l’Antiquité. L’aigle (qui est en fait « une » aigle) est l’oiseau de Jupiter, le symbole de Jules César, l’emblème de la Rome Impériale. Bonaparte n’apprécie guère le symbole du coq. S’il le tolère jusqu’en 1804, il décide de le remplacer par l’aigle, nouvelle incarnation de Nation française mais aussi du corps de l’empereur sur le champ de bataille. Il figure au-dessus de la hampe de tous les drapeaux des armées napoléonienne. L’abeille est symbole d’immortalité et de résurrection. C’est le plus ancien emblème des rois de France puisque des abeilles d’or (en réalité des cigales) avaient été découvertes en 1653, à Tournai, dans le tombeau de Childéric Ier, fondateur en 457, de la dynastie Mérovingienne. La visite de la bibliothèque, dans le pavillon d'angle au midi, reste un moment clef. Près de 4500 ouvrages, portant les initiales « B-P » (Bonaparte), sont conservés (en 1814, on en comptait 13 000). Le style roman adopté par les architectes Ch. Percier et P. Fr. L. Fontaine fit dire à son illustre propriétaire que « [cette pièce] ressemblait à une sacristie d’église ». Au plafond, on peut voir des portraits de grands écrivains antiques et classiques encadrant Apollon et Minerve. Les colonnes individualisent de petits espaces de travail. Une large porte-fenêtre ouvre la bibliothèque sur le parc. Le boudoir est une des pièces préférées de Joséphine. De forme octogonale, elle est entièrement drapée de mousseline, avec un plafond surbaissé, ce qui permet de la chauffer plus facilement. Joséphine y retenait parfois à déjeuner une ou deux personnes. Le serre-papiers d’acajou de Biennais a particulièrement intrigué les élèves. Un serre–papiers bien bavard, par Clément Grindel « Depuis 1906, je suis de retour à la Malmaison. […] Depuis plus d’un siècle que je suis dans ce musée, je m’ennuie. Au XIX siècle, je partage les secrets de Joséphine, puis ceux d’Hortense et même de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. Tous me confient leurs correspondances, y compris les plus intimes. Maintenant, je ne vois plus qu’un petit nombre de visiteurs si mystérieux, si intrigants qui ne me confient rien, même pas quelques mots ! Je les regarde d’un air implorant. Ils me contemplent comme un objet ancien et précieux dont on ne doit plus se servir. Je suis né entre 1805 et 1810, je ne sais plus exactement, grâce à la magnifique personne qu’est Martin Guillaume Biennais. Je mesure 58 centimètres de haut pour 52,5 centimètres de largeur et 45.5 centimètres de profondeur. Je suis en acajou avec des décorations de cuivre doré aux armes de l’Impératrice. Mon auteur était un grand maître tabletier de Paris, orfèvre attitré de Napoléon Ier à partir de 1804. La légende raconte que ce maître a vendu à crédit un nécessaire de voyage de Bonaparte et que ce dernier l’a emporté avec lui lors de la campagne d’Égypte. J’ai la forme d’un bouclier antique même si je n’en suis pas un. Je ne protège pas un guerrier mais le courrier impérial. Autrefois, je ne donnais les lettres qu’au propriétaire de ma clef. Mais, je ne me livre pas si facilement. Il fallait d’abord trouver la serrure que je dissimule avec soin dans mon décor de cuivre. La mort de mon illustre maîtresse Joséphine m’a beaucoup affecté. Je ne m’en suis toujours pas remis. Une pneumonie l’a emportée un 29 mai 1814. Elle avait pris froid en montrant son jardin au tsar Alexandre Ier. L’entendre tousser me déchirait le cœur. Après sa mort, on m’envoya en Suisse chez Hortense tandis que mon frère allait chez le prince Eugène, à Munich. Je suis de retour au musée car j’ai appartenu à la propriétaire de la Malmaison. Je suis le témoin d’une partie de sa vie. Objet de valeur, j’ai été fabriqué par un maître. Grâce à moi, les visiteurs peuvent mieux se représenter la vie sous l’Empire ». Martin Guillaume Biennais (1764-1843) est orfèvre et tabletier. Originaire de Normandie, il est reçu maître tabletier à Paris en 1788 et s'installe rue Saint-Honoré, « Au Singe Violet ». Selon les Tablettes de la Renommée, le tabletier est celui qui maîtrise l’art « de faire toutes sortes de pièces délicates au tour et autres menus ouvrages en ivoire, écaille et bois précieux tels que jeux de trictrac, dames, échecs, tabatières, peignes… ». Il devient l’orfèvre de l’Empereur, et prend le titre d’« Orfèvre de Leurs Majestés impériales et royales, de Leurs Majestés le roi de Hollande et de Westphalie ». Il fabrique des décorations (colliers de la Légion d’honneur), des armes blanches (épées ou sabres d’apparat). Pour le sacre, il réalise les insignes impériaux (couronne, globe, main de justice, sceptre). Biennais fabrique le service à thé livré pour le mariage de Napoléon Ier et de Marie Louise en 1810. À l’exception de cette pièce, toute l’orfèvrerie de table de Biennais est fondue sous le Second Empire pour financer la confection d’un nouveau service par Christofle. Biennais fournit la reine Hortense, Eugène de Beauharnais, la Cour de Russie. Un objet évoque tout particulièrement la carrière militaire de l’empereur, la « Table d’Austerlitz ou des maréchaux », un biscuit en porcelaine dure et bronze doré de 1808/1810. Ce meuble rappelle la bataille de 1805. C’est une commande de Napoléon Ier, à la manufacture de Sèvres. Percier en donna le dessin général, Gérard celui des reliefs de la colonne, JeanBaptiste Isabey peignit les portraits du plateau et Pierre-Philippe Thomire fut chargé des bronzes. Le pied est orné de victoires portant des symboles guerriers. Le plateau se présente sous la forme d’un disque solaire à la gloire des vainqueurs. Du médaillon central figurant Napoléon trônant en costume de sacre, partent treize rayons dans lesquels sont inscrites les principales victoires de la campagne. Entre ces rayons, figurent les portraits en buste des officiers de l’État major de l’Empereur le jour de la bataille d’Austerlitz comme Ney, duc d'Elchingen, Daulaincourt, duc de Vicence, grand écuyer, … Les portraits sont ceints de couronnes de lauriers. La conférence fut très riche. Nous n’avons pas eu l’occasion de visiter le parc. Dès 1799, Joséphine acquiert des plantes et se constitue une collection botanique exceptionnelle. Elle fait construire une serre tiède longue de 50 mètres et dotée d’une monumentale verrière. Elle fonctionne grâce aux techniques modernes : ventilation, chauffage, inclinaison des verrières selon les heures de la journée… Ce lieu de sociabilité et de distraction, dont Joséphine était particulièrement fière, invite à la visite… Une idée de sortie pour les vacances d’été !