C`était au temps où Bruxelles bruxellait, c`est le temps où Brel jazze

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C`était au temps où Bruxelles bruxellait, c`est le temps où Brel jazze
Le Soir Jeudi 2 juillet 2015
34 LACULTURE
C’était au temps où Bruxelles bruxellait,
c’est le temps où Brel jazze
MUSIQUE David
Linx et le Brussels Jazz Orchestra chantent Jacques Brel
L’enregistrement s’est tenu
au Bijloke Studio de Gand
la semaine passée.
Des chansons superbes
magistralement réinventées.
L’album sortira
en janvier 2016.
U
ne valse à mille temps, une
valse a mis l’temps, de patienter vingt ans, pour que tu aies
vingt ans et pour que j’aie vingt ans… »
La voix chaude de David Linx égrène les
paroles de Jacques Brel, le réinterprète
sans le copier, sous la fanfare du Brussels Jazz Orchestra, le swing terrible de
la contrebasse et de la batterie, les arrangements sophistiqués du saxophoniste et leader du big band Frank Vaganée, les riffs des cuivres et l’ostinato léger du piano de Nathalie Loriers.
Le BJO, le meilleur big band du
monde selon le pianiste et compositeur
américain Kenny Werner, et David
Linx, le chanteur belge internationalement célébré, s’associent pour la troisième
PROGRAMME
fois. Après Changing
Faces en 2007 et A DifLes chansons
ferent Porgy & Another
enregistrées
Bess en 2012, voilà un
Mathilde
album Brel. Il s’enreLa chanson
gistre au Bijloke Studio,
des vieux amants
à Gand, près d’où se déLe plat pays
roule le Jazz Gent. Un
Amsterdam/Vesoul
petit studio mais le BJO
Quand on n’a que l’amour
l’aime bien. « Gyuiri
La valse à mille temps
Spies travaille ici. C’est
Ces gens-là
notre ingénieur du son
Isabelle
et il arrange aussi cerLa ville s’endormait
tains de nos morceaux,
Ne me quitte pas
dit Frank Vaganée, le
Bruxelles
directeur artistique du
BJO. Il connaît bien le
studio. Et puis le band
sonne bien ici, très acoustique. Tout le
monde s’y sent bien, relax. »
Dans le petit studio, les seize musiciens du band s’entassent un peu. Ce qui Entre David Linx et les musiciens du Brussels Jazz Orchestra, le courant passe, assurément. © BRUNO D’ALIMONTE.
ne les empêche pas de jouer, et bien.
Le choix de quelques chansons n’a pas morceaux. On ne fait pas Brel pour faire
Derrière la vitre de séparation, côté en plus insistants, comme une rivière
technique, Gyuri est aux machines. Da- qui se charge petit à petit de ses af- dû être facile. « David a fait le choix, ses tubes, mais les morceaux connus, ce
vid, lui, est devant le micro. Il chante fluents pour devenir un vrai fleuve, im- surtout par rapport aux paroles, ex- sont ceux qui sont extrêmement bien
avec sa voix et avec son corps, il se lève pressionnant. On arrête soudain, Frank plique Frank. Nous avons essayé de écrits. Et je n’ai pas peur des morceaux
sur les doigts de pied aux temps forts de explique quelques trucs à ses musiciens, trouver des chansons intéressantes mé- connus. Ils donnent aussi aux arran« La valse », il joue de ses bras, il inter- David attend, des coups de baguette de lodiquement, harmoniquement. Une geurs une grande liberté : le public y a
prète. Il ne sera pas enregistré en même Toni Vitacolonna et c’est reparti, l’or- chanson comme “Quand on n’a que plus de repères. »
« C’est de la chanson, reprend Frank.
temps que l’orchestre. Il chante là, pour chestre s’emballe, David aussi. Nouvel l’amour” est vraiment parfaite pour
Avec des textes. Il faut donc donner à
le feeling des musiciens. « Il enregistre- arrêt, nouvelle reprise. La valse à mille nous. »
David suffisamment de place. Trouver
ra par la suite, dans le même studio, temps, ça prend du temps.
une balance entre les mots et l’orchestra« Pour moi, ce n’est pas un hommage,
précise Frank. C’est meilleur pour le
tion. Et laisser de la liberté aux solistes.
son. » Pour les parties de flûtes et de cla- mais une célébration, dit David Linx. « C’est de la chanson.
Il faut chercher l’atmosphère des
rinettes, c’est le lendemain qu’on les L’œuvre de Brel n’a pas besoin d’un Avec des textes. Il faut donc
paroles, il faut que la musique serve les
gravera. Plus confortable : les musiciens hommage. Mais Brel est très proche de donner à David suffisamment
paroles. »
ne jouent pas tout le temps de ces moi. Il a dû quitter Bruxelles pour Paris de place » FRANK VAGANÉE
« Comment aborder Brel ? Simpleinstruments-là, alors ils se refroidissent pour se faire une carrière, moi aussi. Il a
« J’ai laissé un peu le chaos s’installer, ment, répond David. C’est à moi de faire
chanté Bruxelles, Amsterdam, Vesoul,
et cela altère le son.
La musique s’étale paresseusement au Paris, je suis né à Bruxelles, j’ai habité intervient David. Il y a tellement de l’unité entre les morceaux, de rendre cela
départ, façon orchestre swing des an- Amsterdam, j’ai chanté à Vesoul, je vis à morceaux. Puis, au piano, je vois ce qui personnel. Quand un texte est bien écrit,
nées 40. Puis les cuivres se font de plus Paris. Brel a toujours été là, avec moi. » me va. On a ainsi choisi dix ou onze comme ceux de Brel évidemment, ça ra-
conte l’histoire de celui qui chante. La
“Valse à mille temps”, c’est ma “Valse à
mille temps”. Je n’ai pas peur de l’ombre
de Brel, il suffit d’être respectueux. »
Avec ce projet Brel, le BJO sera en
tournée en Belgique et dans le monde.
Un programme comme Brel, ça peut
marcher partout.
Fin du break. Retour au petit studio.
C’est « Bruxelles » qu’on va enregistrer.
maintenant. La musique enfle, uptempo, rythme d’enfer, très bang bang
comme dit Frank Vaganée. Tout un couplet se fait en duo chant – contrebasse,
Frank prend un long solo, David scatte
en chorus. Très enlevé, fort réjouissant.
Brel jazze bien. ■
JEAN-CLAUDE VANTROYEN
www.brusselsjazzorchestra.com
Vrai procès pour un faussaire de Giacometti
MARCHÉ DE L’ART Une équipe efficace gravitait autour de lui : un intermédiaire, un commissaire-priseur et un marchand d’art
e procès du faussaire néerlandais Robert Driessen arL
rêté l’été dernier aux Pays-Bas
débute aujourd’hui à Stuttgart.
Spécialiste des imitations du très
renommé sculpteur italien Alberto Giacometti, l’accusé de 56
ans aurait engrangé entre 2003
et 2009 plus de huit millions
d’euros grâce à ses contrefaçons.
Si Robert Driessen s’est initié à
la technique de coulage du
bronze dans les années 80, il faudra toutefois attendre 1998 pour
voir sa première reproduction
d’un Giacometti émerger dans
les environs d’Arnhem. Au cours
de la décennie suivante, Robert
Driessen aurait façonné quelque
1.300 reproductions de Giacometti, soit deux fois plus de
Robert Driessen propose
toujours des sculptures
sur son site. © D.R.
pièces que ce que Giacometti a
lui-même produit tout au long
de sa carrière. Huit cents d’entre
elles ayant déjà été détruites, il
en resterait encore près de cinq
cents dans la nature dont une
majeure partie vendue par des
galeries, de l’aveu même de
Driessen. « Le monde de l’art est
totalement pourri. Celui qui
croit acheter un authentique
Giacometti pour 20.000 euros
mérite d’être dupé au fond »,
avait-il déclaré au journal allemand Der Spiegel il y a deux ans.
Comme souvent dans ces caslà, le faussaire n’a pu agir seul.
Une mécanique bien huilée gravitait autour de lui : un intermédiaire prénommé Lothar, ancien
chauffeur de train originaire
d’Allemagne de l’Est qui inondait le marché allemand en se
faisant passer pour le « comte
Von Waldstein » pour duper plus
facilement ses victimes ; un
commissaire-priseur et un marchand d’art.
Des œuvres toujours en vente
Il y a neuf ans, Robert Driessen s’était installé en Thaïlande.
Il y menait une vie plutôt tranquille, en gérant un petit restaurant et en vendant sur le côté ses
œuvres par le biais de son site
Internet. Il n’a pas dû choisir
cette destination totalement par
hasard puisque ce pays d’Asie du
sud-est ne possédant aucun traité d’extradition avec les PaysBas, le faussaire ne risquait alors
pas grand-chose.
Mais trois éléments ont précipité sa chute. Le premier a été la
prise en flagrant délit de ses
comparses en 2009 lors de la découverte par la police allemande
d’un hangar situé à Mainz renfermant 831 bronzes et 171
sculptures sur plâtre étrangement ressemblantes aux œuvres
de Giacometti. Le second a été la
fin de son permis de séjour l’obligeant à revenir en Europe. Et enfin le troisième : sa réelle identité révélée au grand jour grâce à
un cliché de l’une de ses œuvres
pris devant une fenêtre qui reflétait parfaitement son image. Arthur Brand, un consultant en art
néerlandais, bien décidé à jouer
les justiciers pour faire tomber le
faussaire est l’auteur du cliché.
L’originalité de la chose, si on
ose le terme, réside dans le fait
qu’en dépit de ses démêlés judiciaires Robert Driessen propose
toujours à l’heure actuelle via
son site Internet treize sculptures désignées en tant que « reproductions originales de Giacometti ». En ce début juillet, les
soldes battent également leur
plein sur ce site puisque tous les
modèles se situent dans une
fourchette allant de 750 à 2.250
euros. Ces réductions de prix seraient officiellement liées à l’arrivée imminente d’une nouvelle
collection mais gageons que l’ouverture du procès ne devrait pas
y être totalement étrangère. ■
LOÏC BUISSERET (St.)
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