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Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
UN ENSEIGNANT VÉTÉRINAIRE PARADOXAL,
LE NORMAND ANDRÉ DE CHAUMONTEL (1752-1814)
Par François VALLAT*
*Docteur Vétérinaire, Docteur en Histoire
10 rue Jean Pigeon, 94220 Charenton-le-Pont
[email protected]
Communication présentée le 15 novembre 2014
Sommaire :
André de Chaumontel, sous-officier des Gardes-du-Corps du roi, fut élève puis, après son retour
d’émigration, professeur de l’École vétérinaire d’Alfort. Il dut quitter cet établissement en 1805 pour
malversations. Des documents non exploités jusqu’ici éclairent les problèmes personnels qui ont conduit
le noble normand à commettre ces irrégularités.
Mots-clés : Chaumontel, Alfort, cavalerie, enseignement vétérinaire, Normandie
Title: A paradoxical veterinary teacher, the Norman André de Chaumontel (1752-1814)
Summary:
André de Chaumontel, NCO in the French King’s Household Cavalry, was first a student at Alfort Veterinary School and later a teacher – on his return to France after having escaped the French Revolution as
an “émigré”. He had to leave the institution in 1805 on account of embezzlement. Hitherto untapped documents shed some light on the personal problems which led this nobleman from Normandy to commit the
irregularities.
Key words: Chaumontel, Alfort, Cavalry, veterinary education, Normandy
Ce texte est une version étoffée de l’intervention prononcée au colloque Cheval et Normandie, histoire, patrimoine et héritages, Saint-Lô, 4-6 septembre 2014.
découverte d’un contrat de mariage et de deux
inventaires après décès éclaire d’un jour nouveau les aspects financiers qui ont sous-tendu
certaines décisions d’André de Chaumontel, et
qui lui ont valu de sévères critiques.
Les écoles vétérinaires étaient de création
récente lorsqu’un officier de cavalerie, personnage insolite dans cette institution encore modeste, y entra comme élève avant d’y revenir
enseigner sous le Directoire. Deux publications,
en 1890 et en 1903, ont épuisé maints aspects
de sa vie vétérinaire, faisant en particulier état
d’une notice d’un de ses petits-fils, l’abbé de
Chaumontel, ainsi que du dépouillement des
archives du Calvados et de l’École d’Alfort 1 .
Aussi se propose-t-on d’évoquer davantage la
personnalité d’André de Chaumontel, propriétaire terrien, éleveur, soldat, royaliste « intermittent », normand et homme de cheval. La
Garde-du-Corps de Louis XVI et élève
d’Alfort
Celui-ci est né à Caen – paroisse SaintGilles – le 5 avril 1752, de Louis André Hubert
de Chaumontel, ancien gendarme de la Garde
ordinaire du roi, et de Marie-Anne-CatherineJeanne de Fouques du Mesnil. La famille de
1
GOUBAUX, 1890 ; GALLIER, 1903 ; voir aussi :
RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 107, 112, 114-115,
117-118, 336, 351-353.
123
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Chaumontel, reconnue noble en 16682, justifiait
son titre d’écuyer depuis 1348. Troisième d’une
fratrie de onze enfants, il est l’aîné de six garçons vivants3. Les revenus de cette famille de
petite noblesse semblent suffisants à un gentilhomme de province, chef de famille nombreuse4.
tère de la Guerre8. Ce sera Chaumontel qui y
entrera à presque trente ans – l’âge limite – le
20 août 17829. Il ne sera pas admis, soulignonsle, en tant que capitaine, le grade honorifique
qui justifie sa solde, ni surtout en tant que
noble, puisque sa naissance devrait l’écarter,
selon le Reglemens de Bourgelat (1777) :
À dix-huit ans, André de Chaumontel embrasse la carrière des armes et parvient à se
faire admettre5 dans les Gardes-du-Corps du roi
(compagnie de Luxembourg) où, après avoir été
employé à l’instruction en 1776, il devient en
1782 sous-fourrier, avec l’épaulette de capitaine
de cavalerie 6 . Dans cette unité d’élite où les
charges d’officiers sont tenues par les grands
noms de l’aristocratie, les sous-officiers et les
hommes du rang, tous nobles, bénéficient d’une
solde et d’un grade très supérieurs7.
« Titre III, article VII - On manqueroit infailliblement le véritable but de l’institution, qui ne tend
qu’à former d’habiles maréchaux et des hommes
voués uniquement à cette profession, si l’on admettoit, même comme élèves, des particuliers gentilshommes ou autres, que quelques idées d’ambition
ou peut-être un désir réel de savoir, détermineroient
à se présenter, d’autant qu’insensiblement ils exigeroient des professeurs des attentions et des égards
qui nuiroient bientôt aux véritables élèves, seuls
destinés à remplir parfaitement un jour les vues
bienfaisantes de Sa Majesté. »
Comme d’autres régiments en manque de
« maréchaux-experts », les Gardes-du-Corps
désignent un sous-officier pour se former à
l’École vétérinaire d’Alfort aux frais du minis-
On se doute que pratiquer la maréchalerie,
base même de l’enseignement et activité manuelle s’il en est, revient à déroger. Pourtant
son intérêt de terrien pour le soin des animaux a
peut-être incité Chaumontel à postuler, puis à
demeurer à l’École un an de plus et à ses frais,
une fois accomplies les quatre années d’études
(soit jusqu’au 1er mars 1787). Il s’accommode
sans doute de conditions de vie bien subal-
2
Par Guy Chamillard, intendant de la généralité de
Caen, vérificateur des preuves de noblesses sur
ordre de Louis XIV.
3
Années de naissance de la fratrie : Aimée Marie
Anne, 1750 ; Léonor Pierre Hubert, 1751 (décédé
en bas âge) ; André Thomas Jean, 1752 (comte
en 1714) ; Catherine François Marguerite, 1753 ;
Julien Hildebert, 1754 ; Louis Boniface, 1755 ;
Jacques Pierre, 1756 (vicomte en 1714, † 1838) ;
Sophrone, 1758 ; Marguerite Honorée, 1759 ; Victor André Thomas Jean, 1762 ; Allyre, 1766.
4
En 1793, avant la saisie de ses biens, le père
d’André de Chaumontel bénéficie d’environ 6 500
francs de rente annuelle (GALLIER, 1903, p. 476).
5
Le 1er juillet 1770.
6
Service Historique de l’Armée de terre, GR 2YE
792. Fourrier : ce sous-officier « est l’écrivain de
la compagnie, le secrétaire du capitaine et
l’expéditionnaire du sergent-major. Chargé de
toutes les écritures, il tient les registres, dresse les
feuilles d’appel ainsi que les contrôles et rédige
tous les bons ». PIGEARD, 2002, p. 268. André de
Chaumontel n’est que sous-fourrier.
7
Deux frères d’André de Chaumontel entreront aux
Gardes-du-Corps de Louis XVI : Jacques Pierre
(plus jeune de quatre ans, avec lequel il sera très
lié, chez lequel il mourra à Versailles et qui sera le
tuteur de ses enfants) et Victor André Thomas Jean
(de dix ans plus jeune).
124
8
Rien n’indique, ainsi que l’avancent RAILLIET et
MOULÉ (1908, p. 107), que Chaumontel ait spécialement été envoyé à Alfort en vue de devenir officier des remontes (mission qu’il remplit effectivement ensuite). Sans doute ces auteurs considéraient-ils que le travail de maréchalerie exigé à
l’École ne convenait pas à un noble, ce qui les a
incités à lui appliquer rétroactivement la loi du 24
prairial an XI (13 juin 1803) laquelle déléguait à
l’École les élèves officiers des remontes pour y
suivre dix-huit mois un cours d’Hippiatrique. Ce
serait oublier que Chaumontel, en bon maréchal, a
enseigné lui-même la ferrure de 1797 à 1803. Aussi tout porte à croire qu’il a suivi le cursus ordinaire de quatre ans – selon les aptitudes des élèves,
les études duraient alors de trois à six ans (ibid.,
p. 284-286).
9
Deux vétérinaires intègrent à cette époque les
Gardes-du-Corps. De 1771 à 1790, Claude Doublet, élève d’Alfort, est détaché de l’École pour
servir dans la compagnie de Luxembourg, celle de
Chaumontel qui l’a donc certainement connu
(RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 41). En 1772, c’est le
tour de Déchaux qui entre dans la compagnie de
Beauveau (sic, pour « casernée à Beauvais », c’està-dire la 3e compagnie, dite de Noailles) (Ibid.,
p. 43).
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ternes. Depuis 1774, les élèves militaires, tous
maréchaux-des-logis 10 , sont casernés dans une
maison de Charenton sous la responsabilité
d’un chef d’escadron 11 . Ils réintègrent l’École
en 1785, où on les cantonne, à leur grand déplaisir, dans l’ancienne salle de dissection12.
Officier des remontes en Normandie et vétérinaire bénévole
Diplômé en 1787, Chaumontel est envoyé en
remonte dans sa Normandie natale, la plaine de
Caen étant déjà par excellence un pays
d’élevage équin. Il s’installe momentanément à
Bréville chez ses parents, dans le domaine
qu’ils tiennent de Madame sa mère15. Outre sa
mission, il y exerce la médecine vétérinaire en
dilettante et à titre gratuit, non sans un réel dévouement pour les malheureux. Sa formation le
fait commettre d’office comme expert dans un
litige concernant un cheval morveux16 ; il alerte
les pouvoirs publics sur une mortalité inquiétante des vaches laitières du canton en insistant
sur la nécessité d’accorder des secours aux éleveurs – ce qui sera fait17.
Civil ou militaire, l’élève Chaumontel accompagne le directeur dans plusieurs missions
effectuées sur ordre du roi pour se rendre sur les
lieux d’épizooties ou à des fins d’expertise. On
pourrait concevoir que Philibert Chabert préfère
comme compagnon de voyage un trentenaire à
des adolescents mal dégrossis, frais émoulus de
leur terroir. Une estime mutuelle a pu en résulter qui, le temps venu, servira Chaumontel. Plus
mûr et plus cultivé que la plupart, il mérite sans
difficultés « de tirer à tous les prix et en obtient
plusieurs13 ». Notons que la présence de Chaumontel à l’École coïncide avec une époque faste
de cette institution, dite « période académique »
(1782-1787), redevable aux prodigalités du
ministère de Calonne. Débordant la pathologie
vétérinaire, le programme s’étend à ce que nous
appellerions la biologie pour faire – en principe
– bénéficier les élèves des lumières de la
science contemporaine. Ainsi Chaumontel a-t-il
pu entendre Daubenton et Fourcroy – fort peu
au demeurant tant ils négligèrent leurs cours à
Alfort – et aucunement Vicq d’Azyr, enseignant
tout théorique qui omit de se déplacer14.
Il se fixe ensuite à trois kilomètres, à Ranville18, où un cultivateur marchand de chevaux
lui loue
« une maison de maître, le jardin de derrière, la
petite cour de devant, la basse-cour et, entretenant y
compris, le jardin nommé Le Vignoble ; la cour
d’entrée couchée en herbe et plantée en pommiers et
noyers, le pré de devant planté en partie en poiriers
et en pommiers, lesdites cour et pré portant quelques
bois d’émondes19 ».
Il reste là de juin 1789 à 1791, toujours
chargé de la remonte et du dressage des chevaux des quatre compagnies des Gardes-duCorps du Roi. À cet effet, une clause du bail
l’autorise à transformer « en manège découvert » la petite cour de devant et à installer
« autant de mangeoires et de râteliers que bon
10
11
BOURGELAT, 1777, p. 12 : « Voulant Sa Majesté
que les élèves militaires soient admis dans lesdits
régimens en qualité de maréchaux-des-logis, et
qu’ils jouissent de traitement réglé par les Ordonnances pour les Maréchaux-Experts… ». La hiérarchie des sous-officiers comprenait trois classes :
1° adjudant, sergent-major, maréchal-des-logis
chef ; 2° sergent, maréchal-des-logis, artistevétérinaire ; 3° caporal, brigadier, maître-ouvrier.
Chef d’escadron : grade de la cavalerie correspondant à celui de commandant dans des autres armes
de terre. Le chef d’escadron chargé des détails de
service était major.
12
RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 531-532.
13
Copie du certificat accordé à André Thomas Jean
Chaumontelle [sic], 5 vendémiaire an V, Arch.
dép. de Créteil, 1ETP270.
14
RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 60-61.
125
15
Thomas de Foucques, sieur du Mesnil, bourgeois
de Caen.
16
Le 8 mars 1788, Chaumontel est nommé tiersexpert par l’intendant de la généralité de Caen dans
un cas de suspicion de morve. Les experts en titre
sont deux maréchaux. DUPUY, 1817, p. 80-81.
17
GALLIER, 1903, p. 469-472.
18
Ranville, canton de Troarn, arrondissement de
Caen, Calvados.
19
Bois d’émondes, arbre d’émondes : arbre dont on
supprime toutes les branches latérales jusqu’à la
cime qu’on laisse intacte. (Bail en date du 28 juin
1789 entre M. de Chaumontel et Charles Simon,
Arch. dép. du Calvados, série Q, Émigrés, de
Chaumontel, in GALLIER, 1903, p. 473).
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lui semblerait […] dans les aîtres20 de la bassecour ». En plus de la pratique de la forge, il
continue à soigner le bétail, comme le suggère
l’inventaire de ses biens réquisitionnés (le 16
mars 1793) où figurent
Émigré et soldat héroïque
Il se décide à émigrer fin 1791 avec trois de
ses frères, Jacques, Victor et Allyre. Sa femme,
rejoignant sans doute sa famille, ne le suit pas.
Ses biens, vendus au profit de la Nation en mars
1793, produiront fort peu : 2 224 livres 6 sols 6
deniers, plus 101 livres 2 sols 6 deniers pour
trois porcs tonquins (peut-être Tonkins, c’est-àdire du Siam ou de Chine, races connues mais
rares) et un mouton blin (bélier). Au terme de la
loi du 12 frimaire an II26 et suite à l’émigration
des trois frères Chaumontel, les possessions de
leurs parents, restés à Bréville avec six enfants
et 6 500 francs de rente, sont mises sous séquestre. Ils sont contraints de demander des
provisions alimentaires pour subvenir à leur
existence27.
« une armoire remplie de médicaments pour les
bestiaux ; dans une forge, un soufflet, plusieurs
marteaux et différents outils propres au métier de
maréchal21 ».
En 1791, il épouse Madeleine-Elisabeth Pollin du Moncel originaire de Bailleul22. La même
année, il se fait porter sur la liste des otages de
Louis XVI 23 . La formulation de son vœu exprime un profond attachement au souverain :
« Je demande et réclame la liberté de mon Roi ;
mon sang, mes biens, ma vie sont à lui24. » Son
régiment, comme tous les corps privilégiés, est
licencié en septembre. Chaumontel habite encore Ranville le 11 novembre 1791. En témoignent certaines créances restées impayées à son
départ de France, et qui seront réclamées ensuite pour un total de 636 livres25.
André de Chaumontel est, « lors du rassemblement du corps à Coblenz, […] chargé des
remontes en Danemark et dans l’Électorat de
Cologne pour l’Armée des Princes28 ». Licencié
après la campagne de 1792, il s’engage dans le
régiment du prince de Hesse-Philipstat au service de la Hollande. Il est grièvement blessé en
s’emparant d’une pièce de canon pendant
l’affaire de Bousbeck, près de Menin (le 24 mai
1793, à la frontière avec les Pays-Bas autrichiens, une quinzaine de kilomètres au nord de
Tourcoing). Les années suivantes, il n’en participe pas moins aux opérations contre les armées
républicaines 29 . Démissionnaire en décembre
1795 « contraint par ses blessures et ses infirmités 30 », ses services sont récompensés en
1796 par la croix de chevalier de Saint-Louis. Il
vit alors à Altona, banlieue de Hambourg
(Fig. 1), privé de ressources comme beaucoup
d’émigrés, réduit pour survivre à confectionner
et à vendre des flûtes. La misère qu’il connaît
alors ne le dégoûtera pas de ce modeste artisanat au point de l’adopter comme passe-temps,
ainsi qu’en témoigne son inventaire après décès :
20
Aîtres : différentes parties de la distribution d’une
maison. Ici les bâtiments donnant sur la bassecour.
21
GALLIER, 1903, p. 468-472.
22
Bailleul, arrondissement d’Argentan, Orne. Il
s’agit sans doute d’une fille de Jacques JeanBaptiste Pollin du Moncel, officier des Mousquetaires du roi, chevalier de Saint-Louis.
23
« Après avoir été ramené de Varennes à Paris
[juin 1791], Louis XVI fut gardé à vue avec sa famille dans le château des Tuileries. Plus de mille
Français se présentèrent alors et demandèrent à
prendre les fers des augustes prisonniers en offrant leurs têtes pour garantie à ceux qui craignaient une nouvelle évasion. » BOULAGE, 1814,
p. I.
24
Ibid., p. 127.
25
Ces créanciers sont : à Caen, son pharmacien, son
tailleur et « un marchand » ; à Ranville, son boulanger (qui a livré pain et recoupes pour lui-même,
ses gens et ses bestiaux jusqu’au 11 novembre
1791), son boucher, son propriétaire (auquel il doit
le loyer de la Saint-Michel 1791 à la Saint-Michel
1792), une servante entrée à son service en septembre 1791 à raison de 80 livres par an, et un domestique employé depuis le 10 juillet 1791. Une
fois Chaumontel émigré, les serviteurs devenus
« gardiens des biens séquestrés » ont continué à
vivre sur place sur le crédit de leur maître jusqu’en
juillet 1793. GALLIER, 1903, p. 473-474 selon
Arch. dép. du Calvados.
Dans « une chambre servant de laboratoire au
défunt (…) nous avons trouvé et inventorié un tour
126
26
2 décembre 1793.
27
GALLIER, 1903, p. 474-476.
28
SHAT, GR 2YE 792. 29
OSSEVILLE d’–, 1871, p. 532-537, p. 533.
30
CHAUMONTEL Abbé de –, « Notice sur A. de
Chaumontel, son grand-père » in GOUBAUX, 1890,
p. 93-112, p. 94.
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38
avec quarante outils propres
p
à tourrner, estim
més trente franncs31 ».
Pour autant, à l’encontre
l
de
d
ses frèrees qui ne sontt qu’officierss,
sa formaation vétérinnaire lui perrmet d’eespérer rejoindre le so
ol
natal, oùù l’attend sonn épouse.
Retour een France : le diplôme
vétérinaaire plus utille que la
naissancce
Abanndonnant la particule, il
i
obtient uun passeportt du ministrre
de Francce à Hambouurg, et repassse
la frontière le 6 nivvôse an V (27
décembrre 1796). Au
A début de
d
l’année 1797, les difficultés
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fiinancièrees du Directooire profiten
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à la réaction rooyaliste qu
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s’organisse.
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l’oubli ddes erreurs et
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dans l’eespoir que l’opinion
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revenus en masse quoique tou
ujours soous la menace des loiis
Fig. 1 : Carrte d’Altona au
a début du XIXe siècle. Proche
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révolutioonnaires 32 , participen
nt
de Hambou
urg, la ville fa
aisait pourtaant partie du Daneactivemeent à sa prropagande. Ils
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mark. Les émigrés, mieux
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acceptéés qu’ailleurrs, s’y
doivent en principe se faire radier
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de la faameuse « lisste générale »
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mpte plus de
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mille noms. Près de dix-sept millle
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oreille aux deemandes d’uun homme uttile, fût-il
d’entre eeux ont tentéé cette délicate démarchhe –
ariistocrate. Ch
haumontel, qqui s’est faitt envoyer
avec seuulement quinnze cents su
uccès – maiss le
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n certificat trèès avantageuux par les professeurs
nombre effectif des retours est autrement pplus
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uel et Godinee en mémoirre de son
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d’apparttenance à dees métiers manuels.
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depuiis janvier 17
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meurant,, rien n’indiqque qu’Andrré de Chaum
mongarde de dévoiiler son activvité dans l’A
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tel ait ddû corrompree le ministree de l’Intériieur
Priinces qui le condamne à l’échafaud. D’autres
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Bénézech (17749 - 1802) pour
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l favorisentt. Non seulem
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ympathies rooyale corps enseignant de l ’École d’Allfort doit
listes – supposées ou
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passer pour très jeunee aux reg
gards de
l’aadministration, même si à cette époque
31
l’aarmée et la politique ffavorisent lees talents
Inventaaire après déccès du 26 janvier 1815. Arrch.
dép. du Calvados, 8E
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préécoces. Horm
mis le directteur Philibertt Chabert
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Il fut à son insu com
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Duvernne, Brothier ett La Villeheurrnoy, qui le ddésignèrentt pour être maaintenu dans ses
s fonctions ministérielles au cas oùù les royalistess reviendraientt au
pouvoir.
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Il putt prouver son innocence. COLLECTIF,
1826,
1
p. 11.
127
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professeurs de vingt-sept ans, Jean Girard (anatomie, physiologie) et Charles-Michel-François
Fromage 34 (maladies, jurisprudence) ; un de
vingt-quatre, Godine jeune (élevage des animaux domestiques sauf équidés) et un de vingtdeux, Alexis-Casimir Dupuy (botanique, chimie, pharmacie, matière médicale)35. Le directeur mis à part, la moyenne d’âge des enseignants n’atteint donc pas vingt-six ans. Le
choix d’un professeur de clinique et
d’opérations de quarante-cinq ans, habitué en
outre à diriger, ne peut qu’équilibrer le personnel.
caux, spécialement les graves affections du pied
des chevaux qui justifient encore la prépondérance de la maréchalerie. Il professe celle-ci six
ans, jusqu’à ce qu’en 1803 elle soit rendue à
son collègue C.M.F. Fromage 38 . Un texte de
1805 décrit le travail clinique :
« Tous les matins, à six heures et demie dans le
semestre d’été, à sept heures dans le semestre
d’hiver, les élèves d’une section du cours de clinique
sont réunis au son de la cloche des hôpitaux ; là,
rassemblés, le professeur fait l’appel et les interroge
tour à tour sur l’état des animaux malades confiés à
un ou deux élèves du cours ; on discute de la maladie, on propose les moyens diététiques et les médicaments dont elle nécessite l’emploi, ainsi que les
opérations, si elle en exige ; tous les avis sont discutés, pesés, modifiés s’il y a lieu, par celui du professeur ; la visite finie, on procède aux pansements et
aux opérations.
La situation d’André de Chaumontel vis-àvis de la loi sur l’immigration n’est pas réglée
pour autant. Il enseigne depuis deux ans lorsqu’il apprend que l’Administration centrale du
Calvados vient de l’inscrire sur la 4e liste supplémentaire des émigrés. En dépit de ses récriminations, un arrêté le considère définitivement
comme émigré le 5 messidor an VII (25 juin
1799). À vrai dire, la transmission du document
à la capitale inquiète peu l’intéressé qui reste à
son poste. Le coup d’État du 18 brumaire
an VIII (9 novembre 1799) balaiera cette menace, lorsque les préfets succèderont aux administrations à la tête des départements. Le 11
floréal (1er mai 1800), celui du Calvados prend
un arrêté annulant la décision de l’administration précédente. Fouché, ministre de la police générale de la République, est intervenu
lui-même eu égard, semble-t-il, aux services
rendus par le professeur36.
Ce cours s’étend hors de l’École ; les particuliers ayant des malades viennent requérir les secours du professeur qui envoie deux élèves qui, à
leur retour, sont tenus de donner le détail exact de
ce qu’ils ont observé39. »
Il publie un certain nombre d’observations
dans les Comptes rendus annuels de l’École. Le
directeur Philibert Chabert lui confie en 1800,
ainsi qu’à C.M.F. Fromage, le soin d’expérimenter par inoculation la transmission de la
morve. Les résultats ont l’effet désastreux
d’étayer la non-contagiosité de la maladie et
d’instaurer durablement à Alfort le dogme des
causes environnementales 40 . Les contacts que
garde Chaumontel avec sa ville d’origine le font
élire membre de la Société d’agriculture et correspondant de l’Académie de Caen en 1801 et
1802. Pour le reste, son activité vétérinaire est
suffisamment détaillée par Armand Goubaux
pour qu’il soit utile d’y revenir41. Notons seulement sa collaboration au Cours complet
d’agriculture pratique, d’économie rurale et
domestique et de médecine vétérinaire de feu
l’abbé Rozier (1781-1805) dont il rédige les
articles « cabane de berger », « claveau, clavelée », « contagion », « javart », « lampas,
fève », « morve » (en commun avec Chabert,
P.-É. Lafosse et Fromage), « pieds, ulcères aux
pieds des moutons », « tournis », « vache »,
34
Professeur des hôpitaux d’Alfort
Chaumontel est arrivé à Alfort le 1er germinal an V (21 mars 1797) en remplacement de
Barruel, démissionnaire. Les archives le mentionnent successivement comme « professeur
des hôpitaux », « professeur de pratique des
maladies et des opérations », « professeur de
clinique » 37 . Lui seul enseigne donc l’aspect
pratique du métier. Il traite avec les élèves les
animaux amenés à l’École de Paris et des alentours pour des motifs médicaux ou chirurgiDit ensuite « Fromage-Defeugré » ou « Fromage
de Feugré » (Lisieux, 1770 – mort près de Vilnius,
Lituanie, 1812, au cours de la retraite de Russie).
38
Ibid., p. 336.
39
LANGLOIS N.-G., LÉVESQUE J.-F.-O., an XIII
(1805), cité par GOUBAUX, 1890, p. 105.
35
RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 112.
36
GALLIER, 1903, p. 476-481.
40
GODINE jeune, 1815, p. 158.
37
RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 107.
41
GOUBAUX, 1890, p. 95-99, 107-111.
128
Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
« veau », « vers ». Enfin, avec Chabert et Fromage, il publie : De l’importance de l’amélioration des chevaux en France, et Projet économique d’un système d’encouragement perpétuel
des haras (1805).
vant de « l’art », les succès ne sauraient être
systématiques en ces temps où presque aucun
remède n’a d’efficacité. On pourrait même penser que l’expérience incite Chaumontel à éviter
les traitements onéreux autant que l’acharnement thérapeutique, ce que ne peuvent comprendre de jeunes praticiens impatients de tout
tenter. Collaine ne se vantera-t-il pas en 1810
de guérir la morve par le soufre43 ? Ces attaques
ne sont toutefois pas dénuées de fondement.
Elles annoncent les déboires qu’affrontera bientôt Chaumontel et qui, à terme, le conduiront à
démissionner.
Depuis la fondation des écoles vétérinaires,
les hôpitaux fonctionnaient au compte de
l’établissement qui en tirait un bénéfice appréciable. En 1798, l’année qui suit son arrivée,
Chaumontel s’en fait attribuer la régie. L’ancien
militaire n’a en face de lui, on s’en souviendra,
que de jeunes collègues. Quant à Philibert Chabert, directeur vieillissant, sans doute lui importe-t-il peu d’entrer en conflit avec l’ancien
élève qu’il appréciait autrefois. Chaumontel
bénéficie dès lors d’une parfaite indépendance.
Outre ses appointements de professeur, il encaisse le prix de la pension des animaux malades, à charge de les soigner, de les nourrir et
d’assurer la fourniture des médicaments à la
pharmacie. Il fait par ailleurs l’avance des frais
de nourriture des chevaux de dissection et des
animaux employés au service de la pompe.
La même année, en germinal an XI (avril
1803), le ministre de l’Intérieur Chaptal, les
membres du Conseil d’Agriculture Boufflers et
Huzard (celui-ci commissaire du gouvernement
près les Écoles vétérinaires de France), ainsi
que le chef de la Division de l’Agriculture Lancel visitent l’École. Ils s’intéressent de près à la
gestion du service44. Sans doute J.-B. Huzard, le
plus concerné, suggère-t-il de mettre un terme
aux abus : le ministre
« s’est fait rendre compte de la situation des hôpitaux destinés aux animaux malades, et a ordonné
une nouvelle organisation de cette partie si importante de l’étude de l’art vétérinaire qui, depuis longtemps, ne remplissait pas le but de son
tion45 ».
L’administration juge aussitôt ce traité trop
avantageux.
Chaumontel
reçoit
l’ordre
d’entretenir : 1° l’étalon de la République Le
Conquérant ; 2° un cheval pour le service de la
pompe ; 3° deux baudets de Toscane ; 4° quatre
chevaux d’expérience.
Le directeur Chabert réclame aussitôt que
« le service des hôpitaux se fasse et soit entretenu aux frais du gouvernement », mesure
qu’approuve Chaptal le 27 vendémiaire an XII
(20 octobre 1803). Ce retour à l’état antérieur,
préférable à tous égards, est un démenti cuisant
pour Chaumontel46.
Une gestion controversée du service des hôpitaux
Dans un ouvrage polémique sur l’École
d’Alfort paru en 1803, deux vétérinaires fraîchement diplômés attaquent Chaumontel, non
sans égratigner ses collègues42. En élèves pressés de régler des comptes avec leurs maîtres
d’hier et de dénoncer les défauts de l’institution,
Hérouard fils et Louis-Victor Collaine rapportent une foule d’anecdotes malveillantes. Ils
accusent le professeur de clinique de s’attribuer
le profit du traitement des animaux et de prolonger à dessein les hospitalisations ; son inexpérience et son incurie seraient la cause d’une
foule de décès ; quant aux traitements, son esprit de lucre – on verra qu’en l’occurrence ils
approchent la vérité – lui ferait prescrire les
médicaments à des doses insuffisantes, utiliser
l’eau tiède en toutes circonstances et abuser des
saignées. Certes, la médecine vétérinaire rele-
Toujours en 1803, Rudolphi, médecin de
Prusse47 de passage à Alfort pendant sa tournée
42
HÉROUARD, COLLAINE, an XI (1803).
129
43
NEUMANN, 1896, p. 72-73 ; COLLAINE, 1810.
44
RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 115 et 117-118.
45
Annales de l’Agriculture française, an XI, p. 248.
46
RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 353.
47
Karl-Asmund RUDOLPHI, Bemerkungen aus dem
Gebiet der Naturgeschichte, Medicin und Thierarzneykunde, auf einer Reise durch einen Theile
von Deutschland, Holland end Frank Reich [Remarques sur des sujets d’histoire naturelle, de médecine et de vétérinaire, pendant un voyage à travers une partie de l’Allemagne, de la Hollande et
de la France], Berlin, Zweiter Theil, 1805, p. 15-80
(cité par RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 114-115).
Rudolphi, Suédois de naissance, enseignait
Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
des écoles vétérinaires européennes, rapporte
qu’outre ses qualités d’enseignant Chaumontel
« est un homme estimable, très zélé dans son
service et très compatissant pour les propriétaires pauvres ». À la distribution des prix, le
jeune professeur Dupuy – sans doute la circonstance l’exige-t-elle – ne ménage pas ses éloges :
permettent d’y épouser Marie Amédée de Bonnet de Meautry52, union financièrement avantageuse pour un homme de quarante-huit ans,
dénué de tout capital. La « jeune » fille, âgée de
trente-trois ans et « vivant de son bien 53 », a
hérité de ses parents en 1794, au décès de son
père dernier vivant. Si certains membres de la
famille de Bonnet de Meautry ont dû émigrer,
ce n’est pas le cas de Marie Amédée. Sans
doute a-t-elle bénéficié du patronage de son
oncle Pierre Louis (1743-1807). Important notable normand, élu maire de Caen en 1789,
député à la Législative et à la Convention, il a
voté la mort du roi avant de devenir commissaire du Directoire exécutif dans le Calvados.
Une aussi encombrante protection ne semble
pas rebuter l’ancien otage de Louis XVI. Le
couple, installé dans les locaux de l’École
d’Alfort, y verra naître ses trois premiers enfants : Louis en 1801, Amédée en 1803, Félicité
Désirée en 1804. De l’an VI (1798) à 1805, le
traitement annuel des professeurs est de 4 000
francs (celui du directeur, à titre de comparaison, s’élève à 6 000 francs)54. Mais, durant les
années VII et VIII (1799 – 1800 environ), les
appointements du personnel et des professeurs
restent impayés des mois entiers. Ils ne seront
débités qu’en 181155. De tels revenus suffisentils au train de vie du nouveau ménage ?
« Enfin, M. de Chaumontel s’est livré avec zèle au
traitement des animaux malades, soit hors de
l’École, soit dans le sein de l’École, où la bienveillance du gouvernement offrira sans doute, par la
suite, plus de moyens pour cette importante partie48. »
Il n’empêche que la clientèle des hôpitaux
périclite. À ce sujet, malgré la sympathie qu’il
porte au professeur, Rudolphi rejoint Hérouard
et Collaine. Les écuries, dit-il, sont assez vastes,
mais le prix de la pension excessif. Comme
dans les hôpitaux des petites villes, on n’y voit
que des maladies chroniques sans intérêt. Lors
de sa visite, à peine y a-t-il quelques chevaux et
un chien, et certains élèves en viennent à acheter des rosses malades pour s’exercer à les guérir. Aussi est-il heureux que, dans le semestre
d’été, la clinique ambulatoire permette aux
élèves de voir et de soigner quelques affections
aigües49.
Comment s’étonner qu’en 1803 l’enseignement de la maréchalerie soit ôté à Chaumontel
pour le rendre à C.M.F. Fromage50, tandis que
s’alourdissent les soupçons financiers sur le
professeur de clinique ?
S’il est hasardeux d’affirmer que la charge
de famille incite le professeur à se montrer intéressé ou indélicat, c’est à cette période que remontent les irrégularités comptables dont l’accuse l’administration. Chaumontel s’aventure à
L’installation de Chaumontel à l’École a
coïncidé avec un moment douloureux de sa vie.
Fin 1798, il perd sa première épouse qui meurt
en couches. Il ne reste pas longtemps veuf. En
1800, les relations qu’il entretient à Caen51 lui
(Geneanet), contact qui a pu amorcer le remariage
du veuf.
52
Marie Amédée de Bonnet de Meautry (17661828), domiciliée rue Vilaine à Caen, est née à
Coarches, près de Bernay (Eure). Elle est la fille de
Pierre Grégoire (1744-1794) et de Marie Anne Élisabeth de Foucques (ou de Fouques) de Beauchamp († 1789). Le manoir de Meautry se situe à
Touques (Calvados).
53
Extrait des registres des actes de mariages de
l’État civil de la ville de Caen, Registe 107, an
VIII (SHAT, GR 2YE 792).
54
Plus modestement et malgré l’écart des dates, le
« gain moyen d’une famille de journaliers agricoles composée du père, de la mère, d’un enfant en
âge de travailler et de deux enfants en bas âge »
est de 400 francs en 1813 (CHEVALLIER, 1887,
p. 32).
55
RAILLIET, MOULÉ, 1903, p. 732.
l’anatomie à l’université de Greifswald où il fut
directeur de l’École vétérinaire (actuellement dans
le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale). Surtout connu comme parasitologue, il fonda
en 1810 le Musée zoologique de Berlin (DUNLOP,
WILLIAMS, 1996, p. 538).
48
Procès-verbal…, an XII.
49
GOUBAUX, 1890, p. 95-96.
50
RAILLIET, MOULÉ, 1908, p. 336.
51
Son inventaire après décès mentionne qu’il a reçu
le 2 avril 1800 la somme de 5 000 francs des mains
de « André Pierre Foulque (sic) », pour des raisons
qui nous sont inconnues. Sans doute s’agit-il de
Pierre André de Foucques de Beauchamp, l’oncle
maternel de Marie Amédée sa seconde femme
130
Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
entretenir dans l’École des animaux qui lui
appartiennent en propre, notamment des moutons et des chèvres. Ne trouvant pas son compte
à l’exploitation de la pharmacie, il cesse de
l’approvisionner et, en 1802, on n’y prépare et
on n’y conserve plus, toujours selon Rudolphi,
que les médicaments destinés à l’enseignement.
couple, y naît en décembre 1806. L’ancien professeur garde son intérêt pour l’économie rurale. Il élève en particulier une race de vaches
sans cornes à laquelle il consacre un mémoire
en 181060. Il participe au journal de Fromage –
enseignant évincé comme lui, mais promu, sous
le nom de Fromage de Feugré, vétérinaire en
chef de la Gendarmerie de la Garde Impériale61.
La Société d’Agriculture de Paris (future Académie d’Agriculture), à laquelle il envoie plusieurs observations cliniques, le nomme
membre titulaire62.
Le ministère, après examen attentif des
comptes, met en demeure Chaumontel de rembourser les sommes indûment perçues pendant
les années XII et XIII56. L’intéressé s’y refuse57.
Le 27 thermidor an XIII (15 août 1805) il écrit à
Chabert que, ne pouvant se séparer des animaux
qu’il entretient à l’École, il le prie de recevoir
sa démission, laquelle est acceptée par le ministre le 5 fructidor (23 août). Une lettre de J.B. Huzard nous apprend qu’en réalité Chaumontel a démissionné « pour éviter sa destitution 58 ». La liquidation de la somme dont est
resté débiteur Chaumontel envers l’École se
réalisera avec un considérable retard en janvier
1814. Elle établit, déduction faite de ses arriérés
de traitement pour les années VII et VIII, une
dette de 5 102 francs59.
En juin 1813, André de Chaumontel vend sa
ferme de Créteil, ce qui le dégagera de sa dette
envers l’École. Le 24 mars 1814, un notaire
avertit celle-ci de l’imminence du règlement :
« J’ai l’honneur de vous prévenir que
l’acquéreur de la maison de Créteil de M. de Chaumontel m’a chargé de verser le 15 avril prochain
entre vos mains la somme de 5102,24 francs, montant du débet de M. de Chaumontel envers l’École
d’Alfort d’après le bordereau de décompte arrêté
par Son Excellence le Ministre de l’Intérieur en date
du 29 janvier 181463. »
La famille part s’établir dans le Calvados, à
Montpinçon (canton de Saint-Pierre-sur-Dive,
arrondissement de Lisieux). L’inventaire après
décès du nouveau propriétaire révèle que l’état
des bâtiments contraint d’entreprendre des travaux de réfection. La maison se compose au
rez-de-chaussée d’un salon – en travaux – d’une
salle à manger et de pièces utilitaires (office,
cuisine, laverie, laiterie). Au premier étage se
trouvent sept chambres desservies par un corridor : celle destinée à Madame – en travaux – ;
celle de Monsieur munie d’une alcôve ; celle
actuellement occupée par Madame et par deux
enfants ; une autre avec un lit d’adulte et un lit
d’enfant ; trois autres chambres, plus le « laboratoire » (l’atelier) de Monsieur. On y trouve sa
pauvre bibliothèque, composée essentiellement
d’ouvrages dépareillés concernant le jardinage
et l’agriculture, entassés dans les malles qui ont
servi à leur transport (voir en Annexe).
Puisqu’à ce chiffre s’ajoutent les deux années – ou presque – de salaires impayés, soit
7 000 à 8 000 francs, le détournement de fonds
commis par Chaumontel s’élèverait environ à
12 000 francs durant les années XII et XIII.
Encore passe-t-on sous silence les abus des
années précédentes. Il est probable qu’avec
l’aide financière de Madame de Chaumontel,
cette somme ait permis d’acquérir leur ferme de
Créteil, proche d’Alfort.
Gentleman-farmer impécunieux
À son départ, c’est là que se retire Chaumontel pour se livrer à l’agriculture. Auguste
Emmanuel, le quatrième et dernier enfant du
56
Ibid.
57
Le 17 janvier 1803, Madame de Chaumontel
donne procuration pour la vente d’un bien personnel, la ferme de Malicorne (Calvados), propriété de
sa grand-mère paternelle, bien national racheté de
ses deniers avant son mariage. Le 28 janvier 1806,
André de Chaumontel vend sa terre de Merville
(Calvados), part probable de son héritage (Arch.
Nat., minutier central, MC/ET/VI/951, 27 nivose
an XI).
58
59
Lettre du 7 mars 1811.
Ibid.
131
60
CHAUMONTEL de –, « Sur les vaches et taureaux
sans cornes », in FROMAGE-DEFEUGRÉ, t. 1, 1810,
p. 110-113.
61
FROMAGE-DEFEUGRÉ, 1810-1811.
62
GOUBAUX, 1890, p. 107-109.
63
Arch. dép. du Val-de-Marne, 1ETP270,
Me Delacroix, notaire à Paris, 13, rue du Mail.
Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
Fig. 2 : Uniforme et surtout des Gardes-du-Corps du roi Louis XVIII. cidre 65 » (244 francs) représentent, avec la bibliothèque (226 francs), les seuls lots à retenir.
Deux bâtiments agricoles jouxtent la maison. Ils contiennent pour l’un : bûcher, étable,
boulangerie, écurie, chambre de palefrenier,
cave et grenier ; et pour l’autre : serre (où dort
un domestique), bergerie, porcherie, pressoir,
charreterie, cave et grenier. L’indigence du
mobilier et du matériel agricole n’augurent rien
de bon. Madame de Chaumontel possède en
propre les seuls meubles dignes de ce nom, qui
constituent sa « chambre garnie ».
Le décès sous la première Restauration
Au retour des Bourbons, André de Chaumontel adresse dès le mois de mars 1814 ses
états de service à Louis XVIII pour solliciter sa
L’écurie abrite trois chevaux sans valeur. Le
reste du cheptel se compose de « onze béliers
mérinos grands et petits », de trente-trois
agneaux de même race, et d’une truie maigre.
L’argenterie (864 francs)64 et les fûts de « petit
marc, forme la somme de huit cent soixante-quatre
francs. » 1 marc = 244,8 g. 18 marcs = 4406 g.
65
64
« 7° dans le même buffet, dix-huit couverts, quatre
cuillers en argent, une soupière et douze cuillers à
café, dix dessous de sallière ( ?). Le tout, en argent, y compris un gobelet en argent, pesant ensemble dix-huit marcs à quarante-huit francs le
132
« Nous nous sommes transporté dans un appartement à usage de cave dans lequel nous avons trouvé et inventorié six fûts de tonneau (sic) dont
quatre seulement sont pleins de très petit cidre, et
le cinquième seulement au tiers plein, le tout estimé, fûts et jus, à la somme de deux cent quarante
francs. »
Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
réincorporation
(Fig. 2) :
aux
Gardes-du-Corps
66
À Paris, c’est là que réside le vieux souslieutenant. Bientôt frappé d’une grave maladie
« suite de ses fatigues et de son zèle72 », il est
soigné à Versailles dans l’appartement de son
frère le vicomte, « rue d’Anjou, en face de la
grille du jardin de l’Orangerie73 ». Une lettre
de sa femme le confirme, adressée le 18 octobre
1814 à Jean Girard, nouveau directeur d’Alfort
pour tenter de récupérer l’arriéré de salaire des
années VII et VIII. En principe cette démarche
est vaine puisque celui-ci a été déduit de la
dette remboursée. Mais, alléguant une promesse
qu’aurait faite Jean Girard à son mari, elle escompte que le directeur se souvienne des liens
entre leurs familles, du temps où elle habitait
l’École.
« Quoique âgé de soixante ans, je me sens la
force et le courage de trente ans pour servir Votre
Majesté. Signé Chaumontel Ier [sic, probablement
pour le distinguer de ses frères]. »
Toutefois les années l’ont marqué. On trouvera dans ses effets un bandage herniaire, témoin d’une incommodité fort gênante pour un
cavalier67. Il réintègre officiellement le 17 avril
1814 la compagnie de Luxembourg comme
sous-lieutenant porte-étendard avec le grade de
colonel 68 et le titre de comte 69 . Son frère
Jacques (1756-1823) est fait vicomte, lui aussi
porte-étendard, sous-lieutenant avec le grade de
major dans la compagnie de Wagram70.
« Monsieur, L’on ne m’a point laissé ignorer
l’intérest que vous prené à la maladie de Mr. de
Chaumontel. Je me fais un devoir de vous en remercier et à même temps de vous donner de ses nouvelles qui ne sont pas aussi satisfaisantes que je le
désire, il est toujours bien malade, la fièvre ne cede
point malgré le grand emploi du [illisible, casse ?] et
du quinquina74. »
En ce qui concerne André de Chaumontel, la
compagnie de Luxembourg est cantonnée à
Senlis, sauf lorsqu’elle assure son service à la
cour. Elle occupe alors un quartier situé quai
d’Orsay71.
66
Les Gardes-du-Corps du Roi furent reconstitués
par Louis XVIII lors de la Première Restauration.
Unité d’élite de la royauté française, ils comprenaient six compagnies au lieu de quatre sous l’Ancien Régime : compagnie Écossaise (d’Havré), de
Gramont, de Noailles, de Luxembourg, de Wagram, de Raguse. (Ordonnance du 25 mai 1814,
in : TITEUX, 1890, t. 1, p. 24.)
67
Inventaire après décès de Paris.
68
Brevets décrits dans l’inventaire après décès de
Montpinçon, SHAT, GR 2YE 792. Les porteétendards, dans chaque compagnie, sont derniers
sous-lieutenants, et sont commandés par tous les
sous-lieutenants. Ils ont le grade officiel de chef
d’escadron (ou de major) (RONDONNEAU, 1819,
t. 13, p. 82-85). Chaumontel, nommé major, est
promu aussitôt colonel, en raison de son ancienneté, car on considère qu’il a appartenu à l’armée de
Condé de 1793 à 1800.
69
Le malade décède cinq jours plus tard, au
petit matin du dimanche 23 octobre. Ses effets
militaires et civils réunis dans une malle, seuls
objets décrits par l’inventaire après décès parisien, sont expertisés quai d’Orsay 75 . Il laisse
quatre jeunes enfants de 13, 11, 10 et 8 ans,
dont son frère Jacques vicomte de Chaumontel
(1756-1823) devient le tuteur. L’inventaire de
l’occupèrent jusqu’en 1898 (HILLAIRET, 1963, t. 1,
p. 81). Ce quartier était donc situé en tête du pont
Royal qui desservait de l’autre côté de la Seine, sur
la rive droite, le palais des Tuileries. De nos jours,
la Caisse des Dépôts et Consignations occupe à cet
endroit le terrain qui jouxte le Musée d’Orsay.
Brevet décrit dans l’inventaire après décès de
Montpinçon.
70
OSSEVILLE, 1871, loc. cit., p. 534.
71
Les numéros 5 et 7 de l’actuel quai AnatoleFrance, anciennement début du quai d’Orsay, furent occupés par une grande caserne affectée à la
Légion de police en 1795 et aux Guides de la garde
consulaire en 1800. Ce fut alors le quartier Eugène, du nom d’Eugène de Beauharnais, commandant du régiment des Guides. La caserne fut
agrandie en 1805 ; cet agrandissement constitua le
quartier Bonaparte puis, en 1810, le quartier Napoléon. Différentes formations de cavalerie
133
72
SHAT, GR 2YE 792.
73
Acte de décès d’André de Chaumontel, Arch.
départ. des Yvelines.
74
Arch. dép. du Val-de-Marne, 1ETP270. La correspondance de Madame de Chaumontel souffre
d’un choquant contraste entre son écriture formée,
élégante, volontaire et une prodigieuse ignorance
de l’orthographe et de la syntaxe – laquelle incidemment n’apparaît pas ici. Son inculture coexistait sans doute avec un réel bon sens et un certain
esprit de décision. La situation assurée à ses enfants témoigne en ce sens. Sa fille – madame Lentaigne de Logivière – contractera un mariage conforme à ses origines et ses garçons deviendront officiers.
75
Arch. Nat., Minutier central. Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
Montpinçon montre, une fois soustraits les apports inaliénables de Madame de Chaumontel,
un passif de 63 500 francs, car le domaine récemment acquis est loin d’être payé. On comprend l’empressement du noble normand toujours désargenté à rejoindre les Gardes-duCorps où son grade de colonel lui assurait une
solde annuelle de 10 000 francs 76 . Espérait-il
qu’avec les revenus de la terre de Montpinçon,
ses affaires finiraient par s’améliorer ? C’était
compter sur une santé et une résistance qu’il
n’avait plus.
même à travailler le bois et à tourner des instruments à vent, autant d’activités manuelles
déplacées chez un homme de sa caste. Loin de
toute morgue, sa simplicité l’inclinait à
s’intéresser aux malheurs des pauvres et à les
faire bénéficier de sa formation vétérinaire.
L’unité d’honneur des Gardes-du-Corps du
roi à laquelle ses origines familiales lui permirent d’appartenir nous semble plus vouée au
décorum qu’à la guerre. Mais lorsqu’il lui fallut
défendre ses convictions antirépublicaines,
Chaumontel sut se battre sans démériter. Une
fois déposées les armes et abandonnés tous les
espoirs, il supporta mal le dénuement de
l’émigration. Pour lui, la partie était perdue,
l’obstination stérile. Il oublia un temps la sainte
fidélité. Un ralliement apparent à la République
lui permit d’enseigner à Alfort. Avec une insouciance d’aristocrate, il géra mal le service
qu’on lui avait confié, en tira des profits prématurés au point d’encourir le désaveu de l’administration.
L’inventaire après décès montre enfin
l’oubli intentionnel de l’épisode vétérinaire.
Aucun des documents officiels, pourtant énumérés et décrits avec soin, ne concerne l’École
d’Alfort, qu’il s’agisse de diplômes, de prix ou
de certificats. Dans sa bibliothèque (voir en
Annexe), à l’exception d’un seul livre de Bourgelat77, Chaumontel s’est défait de tous les ouvrages vétérinaires qu’il a forcément possédés.
En outre, pas un instrument de chirurgie ou de
maréchalerie ne laisse soupçonner le métier qui
fut le sien, si ce n’est quelques bouteilles de
pharmacie. L’ancien professeur s’est appliqué à
effacer la moindre trace de son regrettable passage à Alfort.
Emporté comme bien d’autres dans la tourmente révolutionnaire, Chaumontel, noble condamné à des activités roturières, a pu passer
pour un personnage socialement hybride, de
quoi déranger certains. Ainsi la corporation
vétérinaire l’a-t-elle banni de sa mémoire.
Quand il a fallu graver les plaques commémoratives des grands anciens, chacun s’est empressé
de refuser son nom car rien n’était conforme en
lui à ce que glorifiaient ses confrères du
e
XIX siècle. Bourgelat, initiateur des écoles,
avait voulu ces derniers modestes, besogneux,
issus du peuple. Ils furent bonapartistes, républicains, puis radicaux-socialistes, mais toujours nationalistes et libéraux, autant de raisons
d’en vouloir à André de Chaumontel qui, outre
ses ennuis comptables, s’était illustré en combattant la République. Il faut lire les excuses
qu’Armand Goubaux et Alfred Gallier croient
devoir présenter à leurs lecteurs lorsqu’ils publient la première documentation sur le cidevant normand78.
Conclusion : cavalier et soldat-laboureur
Homme de tradition très attaché à son roi
dans sa jeunesse, André de Chaumontel s’est
passionné pour la médecine vétérinaire par goût
du cheval et de l’élevage. Cavalier, il le fut
assurément, lui qui choisissait et débourrait les
poulains destinés à chacun des corps dans lesquels il a servi. Sans doute était-il plus pragmatique qu’intellectuel. Il s’est plu à forger, à ferrer, à opérer les animaux, à cultiver les champs,
76
77
SHAT, GR 2YE 792. Le foin destiné à ses chevaux lui était réglé en plus. « Sa Majesté accorde
à chacun des officiers de Gardes-du-Corps des six
compagnies (...) deux places de fourrage, sous
l’obligation par eux d’avoir à leur compagnie
deux chevaux d’escadron. Les fourrages ne seront
fournis que pour les chevaux présents. » RONDONNEAU, 1819, p. 85. Une pension de 750 francs sera
attribuée à madame de Chaumontel par décision du
7 août 1814 (SHAT, ibid.).
En bref, on peut dire que sa formation vétérinaire a servi Chaumontel autant qu’elle a entraîné la faillite de sa réputation. Ses frères,
exclusivement soldats, n’eurent aucune raison
de se compromettre en revenant prématurément
d’émigration. Bourgelat, visionnaire une fois de
plus, avait prévu le cas de Chaumontel. Noble
Encore est-il possible qu’il s’agisse d’un exemplaire du Traité de la conformation extérieure du
cheval, dont le sujet ne relève pas de la médecine
vétérinaire.
78
134
GOUBAUX, 1890, p. 112 ; GALLIER, 1903, p. 474. Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
FROMAGE-DEFEUGRÉ Charles-Michel-François, Vétérinaire en chef de la Gendarmerie de la Garde de
S. M. l’Empereur et Roi, Membre de la Légion
d’Honneur, Docteur en Médecine de l’Université
de Leipsick, ancien Professeur à l’École vétérinaire d’Alfort, auteur de beaucoup d’articles sur
l’Art vétérinaire imprimés dans le Cours complet
d’Agriculture pratique, Correspondance sur la
conservation et l’amélioration des Animaux domestiques, P., F. Buisson, 1810-1811, 4 vol.
lui-même, il avait interdit en connaissance de
cause l’accès de la profession vétérinaire aux
« hommes de qualité », comme on disait alors.
Remerciements
Cet article doit beaucoup à Hugues Plaideux
qui en a proposé le sujet et qui nous a mis sur la
piste des sources décisives.
GALLIER Alfred, « Complément de la notice historique de M. Armand Goubaux sur la vie et les travaux de André-Thomas-Jean de Chaumontel, ancien professeur de clinique à l’École vétérinaire
d’Alfort », Bulletin de la Société Centrale de Médecine vétérinaire, 1903, p. 467-482.
BIBLIOGRAPHIE
Archives
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Chaumontel, Versailles, 23 octobre 1814, en ligne.
GODINE jeune, cultivateur-propriétaire, membre de
plusieurs sociétés savantes, et ex-professeur vétérinaire à l’École d’Alfort, Élémens d’hygiène vétérinaire, suivis de recherches sur la morve, le cornage, la pousse et la cautérisation, P., L’Huillier,
1815, XI-294 p.
Arch. dép. du Calvados, 8E22677, Me Dufresne,
inventaire après décès d’André de Chaumontel, 26
janvier 1815.
Arch. dép. du Val-de-Marne, 1ETP270.
Arch. Nat., Minutier central, cote MC/ET/VI/951, 25
novembre 1814, Me François Delacroix, Inventaire
après décès de M. de Chaumontel.
GOUBAUX Armand, « Notice historique sur la vie et
les œuvres de André-Thomas-Jean de Chaumontel,
ancien professeur de clinique à l’École vétérinaire
d’Alfort », Bulletin de la Société Centrale de Médecine vétérinaire, 1890, p. 93-112.
Service Historique de l’Armée de terre (SHAT), GR
2YE 792.
Annales de l’Agriculture française, an XI.
HÉROUARD fils T., COLLAINE L.V., vétérinaires et
ci-devant répétiteurs à cette École, Notice sur l’état
actuel de l’École nationale d’économie rurale et
vétérinaire d’Alfort, P., an XI (1803), 40 p.
BOULAGE Thomas-Pascal, Les otages de Louis XVI
et de sa famille, P., Pillet, 1814, XVI-160 p.
HILLAIRET Jacques, Dictionnaire historique des rues
de Paris, 4e éd., P., éd. de Minuit, 1963, 2 vol.
BOURGELAT Claude, Reglemens pour les écoles
royales vétérinaires de France, P., Impr. royale,
1777.
LANGLOIS N.-G., LÉVESQUE J.-F.-O., Notice descriptive de l’École vétérinaire d’Alfort […], P., vendémiaire an XIII (1805) ; Id. in FROMAGEDEFEUGRÉ C.M.F., Correspondance sur la conservation et l’amélioration des animaux domestiques,
P., F. Buisson, 1810-1811, 4 vol.
Sources imprimées
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Arthur Rousseau, 1887, VIII-291 p.
e
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siècle, P.,
COLLAINE Louis-Victor, professeur à l’École royale
vétérinaire de Milan, Compte rendu à la Société
d’agriculture du département de la Seine d’une
expérience tentée avec succès obtenus contre la
morve et le farcin, qui infectoient depuis dix-huit
mois les chevaux du 23e régiment de Dragons […],
P., Mme Huzard, 1810, 47 p.
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P., Asselin et Houzeau, 1896, IX-443 p.
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maire de Beuville, chevalier de Saint-Louis et de la
Légion d’Honneur, membre de l’Association normande », Association normande pour les progrès
de l’agriculture, de l’industrie, des sciences et des
arts – Annuaire des cinq départements de la Normandie, 1871, p. 532-537.
COLLECTIF (Plusieurs hommes de lettres…), Biographie des ministres français depuis 1789 jusqu’à
nos jours […], Bruxelles, H. Tarlier, Grignon,
1826, 316 p.
PIGEARD Alain, Dictionnaire de la Grande Armée,
P., Tallandier, 2002, 815 p.
DUNLOP Robert H, WILLIAMS David J., Veterinary
medicine, an illustrated History, Mosby, 1996,
XXVI-692 p.
Procès-verbal de la session du Jury d’instruction
pour les examens des élèves de l’École vétérinaire
d’Alfort, la distribution des prix, et la nomination
des Répétiteurs, ainsi que les artistes reconnus en
état d’exercer, P., Impr. de la République, an XII.
DUPUY, De l’affection tuberculeuse, P., Crochard,
Gabon, 1817, XII-479 p.- 1 tableau dépl.
135
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RAILLIET Alcide, MOULÉ Léon, Histoire de l’École
d’Alfort, P., Asselin et Houzeau, 1908, XX-829 p.
TEYSSEIRE Daniel, De l’Encyclopédie méthodique
(1782-1832),
P.,
Versailles,
[email protected], 2013, 50 p.-1 f.
RONDONNEAU Louis, Collection complète des lois,
décrets, arrêtés, senatus-consultes, avis du conseil
d’État, règlements d’administration publiés depuis
1789 jusqu’à 1819, P., Rondonneau et Dècle,
1819, t. 13.
TITEUX Eugène, Histoire de la Maison militaire du
Roi de 1814 à 1830, P., Baudry et Cie, 1890, 2 vol.
ANNEXE
La bibliothèque de feu M. le comte André de Chaumontel
Arch. dép. du Calvados, 8E22677, Notariat de Saint-Martin-de-Fresnay (Me Dufresne). Extrait de
l’inventaire après décès d’André de Chaumontel, terminé à Montpinçon, le 26 janvier 1815.
3° trois volumes grand in-octavo intitulés
Cours complet d’Agriculture pratique et de
Médecine vétérinaire82,
6 francs
« 14° : trois malles estimées quatre francs cinquante centimes
4,50 francs
Ouverture faite des dites malles 79 , nous y
avons (trouvé) les livres composant la bibliothèque de feu Monsieur le comte de Chaumontel et, après les avoir classés, nous les avons
décrits et ils ont été évalués ainsi qu’il suit :
4° quatre volumes grand in-octavo intitulés
Elémens d’Histoire naturelle et Chimie 83 , le
quatrième volume de l’ouvrage manquant,
estimé trois francs, cy
3 francs
1° dix volumes in-quarto de l’Encyclopédie
méthodique des Arts et Métiers mécaniques80
estimés quinze francs, vu qu’il y a interruption
entre l’ordre des volumes, cy
15 francs
5° deux volumes du même format, intitulés
l’Art des Accouchements par M. Baudelocque 84 , estimés et prisés comme dessus
quatre francs, cy
4 francs
2° neuf volumes des Œuvres d’Histoire naturelle et philosophiques de Charles Bonnet 81 ,
aussi in-quarto, le volume deux manquant à
l’ouvrage estimé onze francs, cy
11 francs
6° onze volumes in-quarto intitulés Dictionnaire universel d’Agriculture, par M. l’Abbé
82
Il s’agit de 3 vol. de l’ouvrage auquel a contribué
Chaumontel : L'abbé ROZIER, Cours complet
d'agriculture théorique, pratique, économique, et
de médecine rurale et vétérinaire, suivi d'une Méthode pour étudier l'agriculture par principes, ou
Dictionnaire universel d'agriculture, par une société d'agriculteurs, P., Delalain fils (t. VIII), puis
chez Moutardier (t. IX-X), 1781-1800, 10 vol.
in-4° (et non in-8°) ; les tomes 9 et 10 paraissent
après la mort de Rozier ; en 1805, 2 vol. de supplément (P., Marchant), soit en tout 12 vol.
83
Antoine-François FOURCROY, Élémens d'histoire
naturelle et de chimie, seconde édition des leçons
élémentaires sur ces deux sciences publiées en
1782, P., Cuchet, 1786-1789, 5 vol. in-8°.
84
Jean-Louis BAUDELOCQUE, L’Art des accouchements, P., Méquignon, 1781, 2 vol. in-8°, plusieurs fois réimprimé.
79
Les livres sont restés depuis un an dans les malles
qui ont servi à les convoyer de Créteil à Montpinçon.
80
Dans l’Encyclopédie Panckoucke (210 vol. parus
de 1782 à 1832), les Arts et Métiers mécaniques
occupent 8 t. de texte (1792-1790) et 4 vol. de
planches (1785-1828), dont seul le dernier restait
à paraître au moment de l’inventaire. En 1814, la
collection complète comportait donc 11 vol. Il en
manquait un à la bibliothèque du défunt (TEYSSEIRE, 2013, p. 23 et 29).
81
Charles BONNET, Œuvres d’Histoire naturelle et
de Philosophie, Neuchâtel, Samuel Fauche, 17791783, 8 vol. (le t. 2 est en 2 parties susceptibles de
reliures séparées, ce qui explique les 9 vol. décrits
ici).
136
Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
Rozier 85 , le neuvième volume manquant à
l’ouvrage, estimé comme ci-dessus à la somme
de vingt-deux francs, cy
22 francs
14° trois volumes brochés contenant un Traité
sur la pépinière90 (…)
4,5 francs
15° neuf volumes du Dictionnaire du Jardinier
12 francs
par Philippe Miller91 (…)
7° deux volumes brochés in-quarto intitulés
Théâtre d’agriculture, par M. Olivier de Serres
(…)
8 francs
16° trois autres volumes, Médecine domes9 francs
tique92 (…)
8° deux volumes intitulés Musée des monu20 francs
ments français86,
17° quatre volumes reliés intitulés Diction4 francs
naire d’Hippiatrique93 (…)
9° un volume in-octavo intitulé Vocabulaire
portatif d’Agriculture87, deux francs 2 francs
18° un volume intitulé Le Bon Jardinier94 (…)
1 franc
10° sept volumes in-octavo des Lettres de M.
de Voltaire, ouvrage dépareillé estimé sept
francs, cy
7 francs
19° un volume intitulé Élémens de Pharmacie
2 francs
par M. de Beaumé95 (…)
20° un Dictionnaire Français-Latin (…)
2 francs
11° deux brochures contenant les Œuvres de
M. Ducouve de Savy [ ?] estimées deux francs
2 francs
21° un volume intitulé École de Cavalerie 96
(…)
1 franc
12° le Traité d’Histoire naturelle88 en six volumes in-octavo brochés, huit francs 8 francs
22° quatre volumes du Dictionnaire des ar4 francs
tistes97 (…)
13° trois volumes dépareillés du Dictionnaire
raisonné d’Histoire naturelle89 (…)
3 francs
90
Peut-être : M. du HAMEL du MONCEAU, Traité
des arbres fruitiers contenant leur figure, leur
description, leur culture, &c., P., 1782, 3 vol.
in-8°.
91
Dictionnaire des jardiniers, 1785, traduit sur la
8e éd. anglaise. Le Gardener's Dictionary (1724)
de Philip MILLER – « prince des jardiniers » selon
Linné – fut considéré en Angleterre comme le
meilleur manuel d’horticulture jamais publié.
Traduit en plusieurs langues, il connut de nombreuses rééditions.
92
Les différentes éd. (la 1ère de 1775) de la traduction de la Médecine domestique de William BUCHAN comportent 5 vol. et non 3. Il s’agit encore
d’un exemplaire dépareillé.
93
Philippe Étienne LAFOSSE, Dictionnaire raisonné
d'hippiatrique, cavalerie, manège et maréchallerie, P., Boudet, 1775, 4 vol. in-8°.
94
Pons-Augustin ALLETZ, Le Bon Jardinier, almanach annuel publié par cet auteur de 1755 à 1781,
puis par Thomas-François de Grace jusqu’en
1796, et par d’autres jusqu’en 1962.
95
Première édition 1762, 8e éd. 1797.
96
François ROBICHON de La GUÉRINIÈRE, École de
Cavalerie (1ère éd. 1733) peut-être ici : P., Magimel ; Metz, Collignon, An XI, 1802, en 2 vol.,
alors qu’un seul a été mentionné. L’éd en un vol.,
luxueusement illustrée, n’aurait pas été estimée si
peu. L’ex. est une fois encore dépareillé.
97
Abbé de FONTENAY, Dictionnaire des artistes ou
notice historique et raisonnée des architectes,
85
Recopiant ici une autre partie du titre, c’est un
autre ex. du Cours complet d’Agriculture pratique
décrit plus haut, n° 3. Rappelons qu’il faut 12 vol.
86
Alexandre LENOIR, Musée des monuments français, recueil de portraits inédits des hommes et
des femmes qui ont illustré la France sous différents règnes, dont les orignaux sont conservés
dans ledit musée, P., l’auteur, Hacquart, Treuttel
et Wurst, 1809.
87
Charles-Nicolas-Sigisbert SONNINI de MANONCOURT, Eugène VEILLARD, Étienne CHEVALIER,
Vocabulaire portatif d'agriculture, d'économie
rurale et domestique, de médecine de l'homme et
des animaux, de botanique, de chimie, de chasse,
de pêche [...] ouvrage utile aux cultivateurs, aux
habitans de la campagne, et à tous ceux qui n'ont
pas fait une étude particulière des sciences et des
arts, P, François Buisson, 1810, 1 vol. in-8°.
88
S’il s’agit de celui de BUFFON, l’ouvrage complet
compte une quarantaine de vol.
89
VALMONT de BOMARE, Dictionnaire raisonné
universel
d’Histoire
naturelle,
contenant
l’histoire des animaux, des végétaux et des minéraux, et celle des corps célestes, des météores, et
des autres principaux phénomènes de la nature ;
Avec l'histoire des trois règnes, et le détail des
usages de leurs productions dans la médecine,
dans l'Economie domestique et champêtre, et
dans les Arts et Métiers, Lyon, Bruyset Frères,
1791, 15 vol.
137
Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2014, 14 : 123-138
23° Traité du voisinage 98 en deux volumes
brochés (…)
2 francs
31° La Henriade travestie105 et les Confessions
de J.-J. Rousseau, trois petits volumes
2 francs
24° trois volumes contenant l’Histoire naturelle de l’Homme et de la Femme [ ?] 3 francs
32° Deux volumes brochés intitulés L’Ami du
Cultivateur106
4 francs
25° un volume contenant une Instruction pour
1 franc
les bergers99 (…)
33° Un volume in-quarto, Le Parfait Maré3 francs
chal107
26° quatre volumes Dictionnaire de Méde10 francs
cine100 (…)
34° Un volume in-octavo, Art vétérinaire 108
1 franc
27° deux volumes reliés intitulés Œuvres ba1,50 franc
dines et morales101 (…)
35° environ cent volumes d’ouvrages divers
dont partie sont dépareillés qui, par leurs titres,
n’ont pas paru mériter une description particulière et surtout été considérés n’être que dans la
classe des bouquins ou livres de peu de valeur,
estimés ensemble à la valeur de cinquante
francs, cy cinquante francs
50 francs. »
28° Manuel du jeune chirurgien 102 en deux
petits volumes (…)
3 francs
29° La fille mendiante ou Rosa103 en sept volumes reliés
5 francs
30° L’école du jardin fruitier104
3 francs
peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens, acteurs
et danseurs ; imprimeurs, horlogers et méchaniciens, P., Vincent, 1776, 4 vol.
98
Jean-François FOURNEL, Traité du voisinage
considéré dans l’ordre judiciaire et administratif,
1ère éd. : P., Rondonneau, 1800, 2 vol. in-12°.
99
Louis-Jean-Marie DAUBENTON, Instruction pour
les bergers et pour les propriétaires de troupeaux…, 1ère éd. : P., Philippe-Denis Pierres,
1782.
100
Peut-être 4 vol. dépareillés de : Pierre François
NICOLAS, DEMARQUE, Pierre de LA SERVOLLE,
Nouveau dictionnaire universel et raisonné de
médecine, de chirurgie, et de l'art vétérinaire;
contenant des connoissances étendues sur toutes
ces parties, des détails exacts & précis sur les
plantes usuelles, & le traitement des maladies des
bestiaux. Ouvrage utile à toutes les classes de citoyens, surtout aux habitans de la campagne, &
mis à leur portée, P., Hérissant, 1772, 6 vol.
peut donner aux arbres fruitiers, l'ébourgeonnement, leurs maladies et accidents, etc., enfin la
culture de chaque espèce d'arbres fruitiers, leurs
propriétés et le journal de tous les ouvrages qui
se font dans le jardin fruitier pendant le cours de
l'année, ouvrage fait pour servir de suite à l'Ecole
du jardin potager, P., Eugène Onfroy, 1784,
1 vol. in-12.
105
Cette parodie facile de la Henriade par Fougeret
de Monbron ne parut que 22 ans après le poème
de Voltaire, c’est-à-dire en 1745, et fut souvent
réimprimée.
101
Jacques CAZOTTE, Œuvres badines et morales,
1ère éd., Cazin, 1788, 4 vol. in-8°, 1798, 3 vol.
102
Jean NICOLAS, Manuel du jeune chirurgien. On
a joint à cet ouvrage un Précis de pharmacie chirurgicale, quelques Formules ... des remèdes internes et les doses des médicamens simples et
composés, P., Hérissant et fils, 1770.
106
P.G. POINSOT, L’ami des cultivateurs, ou
moyens mis à la portée de tous les propriétaires,
fermiers, laboureurs, vignerons, etc., de tirer le
meilleur parti des biens de campagne de toute espèce (…), P., l’auteur, Levrault, Schœll et Cie, Lenormant, 1805-1806, 2 vol.
103
Mrs BENNET, Rosa ou la fille mendiante et ses
bienfaiteurs, trad. de l’anglais par Louis BrayerSt-Léon, P., Charles Pougens, an VI, 1798.
107
De SOLLEYSEL, Le parfait mareschal qui enseigne à connoistre la beauté, la bonté et les deffauts des chevaux…, nombreuses éd. après 1664.
104
De LA BRETONNERIE, L'école du jardin fruitier,
qui comprend l'origine des arbres fruitiers, les
terres qui leur conviennent et les moyens de corriger et améliorer les plus mauvaises, le choix des
arbres, leur plantation et transplantation, les pépinières, les greffes, la taille et les formes qu'on
108
Probablement un des ouvrages de Claude
BOURGELAT – extérieur, ferrure ou bandages, etc.
– portant le surtitre d’Elémens de l’Art vétérinaire. 138