A Tahiti, la fleur de tiaré donne le tournis

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A Tahiti, la fleur de tiaré donne le tournis
A Tahiti, la fleur de tiaré donne le tournis
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A Tahiti, la fleur de tiaré donne le tournis
LE MONDE | 12.12.2012 à 15h56 • Mis à jour le 12.12.2012 à 15h59 | Par Simon
Roger - Tahiti (Polynésie française)
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Les fleurs de tiaré vont parfumer l'huile de coco pour former le monoï. |
Gregory Boissy pour "Le Monde"
N'en déplaise aux géographes sourcilleux, Tahiti partage une certaine
proximité avec l'Islande. Le caillou verdoyant semé au milieu du Pacifique
sud est, certes, cent fois plus petit que la terre de glace balayée par
l'Atlantique nord, mais l'insularité ne se résume pas au calcul d'une
superficie ni au détail d'une latitude. Nées toutes deux d'un heureux
événement volcanique, l'île polynésienne et sa lointaine cousine sont deux
natures sauvages. Pour les apprivoiser, rien de tel que la route, l'unique
route circulaire - autre trait commun - qui suit les contours de leur littoral.
Depuis 2010, la voie goudronnée d'une centaine de kilomètres qui ceinture Tahiti Nui
(la "grande Tahiti") et se prolonge sur une partie de Tahiti Iti (la "petite Tahiti",
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/12/12/a-tahiti-la-fleur-de-tiare-donne-le-tournis_1805134_3246.html
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presqu'île orientale) répond au doux nom de "route du Monoï". C'est plus engageant
que l'obscur "PK" (pour "points kilométriques"), utilisé jusqu'alors pour désigner tel
ou tel tronçon de la boucle ; c'est aussi une invitation à découvrir le patrimoine
botanique de la plus célèbre des îles de Polynésie française.
Les principaux composants du monoï, l'huile de soin qui est la spécialité locale,
proviennent de deux espèces typiques de ces terres du bout du monde, le tiaré et le
cocotier. Plongez des fleurs de Gardenia tahitensis dans de l'huile de coco, faites
macérer la préparation à l'air libre, filtrez l'ensemble. Vous obtiendrez l'onguent
mentionné dans les récits de voyage de Thomas Cook et prisé des amateurs de
farniente.
Avant de quitter Papeete en voiture, on peut s'attarder au marché municipal, arrêt n°
1 sur la route du Monoï, qui en compte 22. Au rez-de-chaussée du bâtiment se mêlent
les odeurs de fruits exotiques, de poissons qui le sont tout autant et de fleurs
fraîchement coupées. Le tiaré est reconnaissable entre toutes : ses coroles blanches en
forme d'étoile et au parfum entêtant servent à la confection de couronnes que l'on
retrouvera ensuite autour du cou des touristes ou lors des cérémonies traditionnelles.
Une fabrique fondée en 1942
La deuxième halte, à l'arrêt n° 6, permet d'éclairer l'autre usage fait des fleurs de tiaré.
Derrière la façade verte délavée par les orages de mousson se niche la plus vieille
fabrique de monoï de l'île. Fondée en 1942, Tiki Parfumerie a modernisé ses
techniques de fabrication et de conditionnement. Lentement d'abord, puis à vitesse
accélérée lorsque "les années soleil [1970-1980]ont fait exploser la consommation de monoï
aux Etats-Unis et en Europe, explique Sandra Langy, l'une des deux responsables de
l'enseigne. A l'étranger, le monoï a souvent été considéré, à tort, comme une huile solaire.
Or, ce qui fait son intérêt, ce sont ses vertus hydratantes pour la peau et réparatrices pour la
fibre capillaire, corrige-t-elle. On l'utilise aussi pour se protéger du froid".
Le froid ? Une notion toute relative dans une région où le thermomètre descend
rarement sous les 25 degrés en juillet-août, les mois d'hiver dans l'hémisphère Sud.
Une promenade dans le jardin du Musée de Tahiti, près de Punaauia, permet de
mesurer les effets bénéfiques de la chaleur et de l'humidité sur la nature
environnante. "La Polynésie est un pays de cocagne où tout pousse", résume Eric
Vaxelaire, directeur de l'Institut du monoï de Papeete, qui joue pour nous les
éclaireurs. Bancoulier, banian, noyer d'Océanie, arbre à pain, morindier, pandanus,
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taro, hibiscus, bambou, cordyline, cocotier... La végétation tropicale ne semble jamais
à court d'imagination !
Dans les familles tahitiennes, on confectionne encore le monoï de manière
traditionnelle. | Gregory Boissy pour "Le Monde"
Deux paysages défilent désormais depuis la route plongeant vers la pointe sud de
Tahiti Nui. Côté conducteur, une forêt touffue tapisse les flancs du cratère qui trône
au centre de l'île. Côté passager, la plage impose ses nuances de sable blanc ou noir
selon la nature du sol. Au loin, la barrière de corail sert d'ultime rempart aux assauts
de l'océan.
Une appellation d'origine
Nouvel arrêt, près du village de Papara. L'aire de stationnement improvisée a des
allures de marché ambulant. Vente de "mape chaud" (amandes de l'arbre mape
bouillies), de chapelets de poissons ou de monoï dans de petites bouteilles recyclées.
En marge des méthodes "industrielles" qui permettent à Tahiti d'exporter près de 90
% de sa production et de garantir à ses clients, depuis 1992, une appellation d'origine
pour son huile de beauté subsiste une production artisanale. Robert Peretia n'a pas
oublié les gestes appris dès l'enfance. "Ça a toujours été une punition de râper la coco",
sourit l'homme de 55 ans, avant de malaxer son mélange de fleurs de tiaré et de coco
germé auquel il a ajouté un abdomen de bernard-l'hermite pour accélérer
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l'exsudation. La fabrication du monoï s'est imposée à lui après cinq années de
bourlingue chez les parachutistes. "Plutôt que d'aller chercher du monoï à la pharmacie
pour masser mes quatre enfants, je me suis mis à le fabriquer comme je l'avais vu faire par
mes parents !"
A quelques encablures de la maison de Robert Peretia s'étire le champ de tiarés de
Taharu'u Fleurs. Une plantation de 300 arbustes (certaines exploitations comptent
plus de 10 000 pieds) dont on récolte les boutons tôt le matin, avant que la rosée ne
risque d'altérer les principes actifs du végétal. Pour répondre aux besoins de la
production de monoï, les champs s'étendent aujourd'hui jusque dans les plaines et
sur les îles voisines, Moorea notamment.
Plus loin encore, dans l'archipel des îles Sous-le-Vent, une autre route reste à explorer
: celle qui mène au tiaré apetahi, une variété endémique qui ne pousse que sur le
plateau difficile d'accès de l'île de Raiatea. Une voie ni asphaltée ni circulaire, mais
incontournable pour percer tout à fait le mystère de la fleur blanche de Tahiti.
Simon Roger - Tahiti (Polynésie française)
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