MA PASSION - Jean Troillet
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MA PASSION - Jean Troillet
24heures | Samedi-dimanche 23-24 avril 2011 44 MA PASSION Jean Troillet devant son chalet, à La Fouly, accroché à son énorme ours de mélèze. Dans sa main, le drapeau du pays cher à son cœur. Jean Troillet et le Canada, une idylle qui dure Le célèbre alpiniste a plein de souvenirs et de rêves encore à réaliser dans son pays d’adoption Philippe Dumartheray Textes Chantal Dervey Photos Bio express J uste à côté du chalet de Jean Troillet, à La Fouly, trône un gigantesque ours sculpté dans un tronc de mélèze. C’est l’œuvre de William Besse, l’ancien champion de ski et roi de la tronçonneuse, un autre «fou» du Canada – il y possède un chalet au bord d’un lac où il va se ressourcer. Cet ours a également une histoire. «Il y a quelques années, au Comptoir de Lausanne, le pays invité, c’était le Canada. J’étais là, bien sûr. William Besse aussi. Dans son coin, il sculptait une chouette. Je lui ai simplement dit, tu me fais un ours?» – «Pas de problème, dès que j’ai un gros bois de 800 kilos!» Une longue histoire L’histoire d’amour de Jean Troillet pour le Canada remonte à sa jeunesse. Une longue aventure avec des coups de cœur et des rencontres. «Il y a d’abord deux films, Peuples chasseurs de l’Arctique, de Frison Roche. Et Jeremiah Johnson, avec Robert Redford. J’ai aussi lu des livres sur les Inuits, sur les Indiens. Ces deux peuples sont les plus grands protecteurs de la nature. Je voulais absolument retrouver cet esprit.» Pour réaliser son rêve, le jeune Jean Troillet décide d’apprendre l’anglais. Et là, le destin va lui donner un coup de pouce. VC6 Contrôle qualité 1948 Naissance, le 10 mars, à Martigny. 1986 Le sommet de l’Everest avec Erhard Loretan. Les deux alpinistes détiennent le record de vitesse aller-retour: 43 heures. 1998, le 2 juillet Mariage au Québec avec Mireille, une Gruérienne. «On est parti sans rien dire.» Le navigateur Laurent Bourgnon et le montagnard, Raymond Burril ont été les témoins de mariage. 2000 (le 15 octobre) et 2004 (le 24 juillet) Naissance de Justine, puis des jumeaux, Jules et Alice. 2010, le 24 mars Décès de sa mère. «Une toute belle mort. Je lui ai dit au revoir, puis elle s’est endormie.» Avant de partir en Angleterre, il rencontre à la cabane du Trient un guide d’Andermatt, établi au Canada. «Très vite, il m’a parlé des Rocheuses, de ski héliporté, de poudreuse. Et il m’a demandé si cela m’intéressait. J’ai dit oui tout de suite. L’affaire s’est ensuite concrétisée, à Genève, avec Hans Moser, l’homme qui a lancé l’héliski au Canada.» La suite, Jean Troillet en parle avec émotion, comme si le temps n’avait pas eu de prise. «Pendant dix ans, j’ai vécu quelque chose d’extraordinaire. La zone où on skiait était grande comme la Suisse. Je travaillais tout l’hiver, l’été je revenais faire le guide en Suisse. En automne et au printemps, je dépensais tout mon argent dans des grands voyages. J’ai rapidement demandé la nationalité canadienne. J’ai passé un examen, j’ai déboursé 15 dollars.» Après dix ans à crapahuter dans les Rocheuses, Jean Troillet a pourtant eu envie de tourner la page, de vivre une autre grande aventure, celle de l’Himalaya. «Mais ma passion pour le Canada ne s’est jamais estompée. L’année dernière, j’ai fait découvrir le pays à mes jumeaux, Jules et Alice, en camping-car. On est allé au bord du lac Saint-Jean, on a visité le parc Saint-Félicien. Là-bas, les animaux sont en liberté et les hommes en cage! J’ai revu mon copain Raymond, on a pêché, fait du quad. J’ai plein d’amis là-bas. J’ai participé à l’émission Salut Bonjour, avec Benoît Johnson. Une ambiance incroyable. J’aime aussi les expressions typiquement québécoises. L’équipement de plongée par exemple: le tuba, c’est la pipette, le masque, c’est le hublot et les palmes, les barbotines. C’est extraordinaire, tu as l’image devant toi.» Vivre près d’un lac… Cet été, Jean Troillet quittera provisoirement sa femme, ses trois enfants et son ours pour retrouver l’Annapurna avec ses grands amis Jean-Yves Blutch Frederiksen et Sébastien Devrient. «On avait essayé en 2008 mais c’était trop dangereux par la face sud. Cette année, on va tenter la face ouest, c’est la ligne la plus sûr, la plus élégante. Je ne suis pas obsédé par les quatre derniers 8000 (ndlr, il a déjà vaincu dix des quatorze sommets de 8000 mètres de l’Himalaya). J’ai le temps, jusqu’à 80 ans.» D’ici là, Jean Troillet repartira sans doute souvent pour le Canada. Peut-être même y trouvera-t-il un bel endroit pour s’établir avec sa famille… Près du lac à l’Eau-Claire? A moins que cela soit au bord du lac Sept-Iles? «Ce sont des paradis. S’il y a une opportunité, je ne dis pas non.» L’alpiniste a aussi un objectif, qu’il compte bien concrétiser un jour. Au Canada bien sûr. «Tourner un film avec Jean Daisi, un docteur québécois qui monte en motoneige dans le Nord pour soigner les Inuits. Il faut que je trouve les fonds. J’en rêve…» Ma phobie Jean Troillet est un homme calme. Mais, très rarement, il peut avoir la dent extrêmement dure. Contre les politiciens notamment. «Je les mets tous dans le même paquet. Je n’aime pas le monde politique, je déteste l’hypocrisie des politiciens. En Suisse, on te met des étiquettes et les étiquettes bloquent tout. Je vote quand même, mais, si j’ai un doute, je m’abstiens. Pour un montagnard, les politiciens mettent des barrières, des frontières, des visas. Au sommet du Mont-Blanc, il n’y a pas de frontières. La politique, c’est seulement un truc de basse altitude, de basse attitude.»