La réception des émissions culinaires de type - LR-expérience-74

Transcription

La réception des émissions culinaires de type - LR-expérience-74
BONHOMME Camille
JALLOH Oury
ROCHE Léa
WECK Caroline
La réception des émissions culinaires de type « Télé Réalité »
Dans le carde de l'UE 402 B « Analyse des discours B »
et du TD « Analyse des usages et de la réception »
avec l'enseignant Jamil DAHKLIA
_
Licence Culture et Communication, 2ème année, Université Nancy 2
_
Année Scolaire 2011 – 2012
_
1
BONHOMME Camille
JALLOH Oury
ROCHE Léa
WECK Caroline
La réception des émissions culinaires de type « Télé Réalité »
Dans le carde de l'UE 402 B « Analyse des discours B »
et du TD « Analyse des usages et de la réception »
avec l'enseignant Jamil DAHKLIA
_
Licence Culture et Communication, 2ème année, Université Nancy 2
_
Année Scolaire 2011 – 2012
_
2
Au Menu
Introduction..........................................................................................................................................4
1) De la cuisine du terroir à la cuisine moléculaire : l'évolution des émissions culinaires..............5
1.2) L'apparition d'un nouveau genre : retour sur le concept de télé-réalité.............................6
2) Une Enquête Plus que Parfaite .................................................................................................8
2.1) Une popularité pimentée....................................................................................................8
2.2) Menu pour les 20-30 ans ..................................................................................................9
2.3) Autour de la table : Seul ou à plusieurs...........................................................................10
2.4) À vos marques, Prêts, Assaisonnez ..................................................................................11
2.5) Les candidats : de nouveaux idoles ?................................................................................13
3) La cuisine chez les grands chefs : enquête complémentaire.................................................16
3.1) La grande bataille des émissions culinaires......................................................................16
3.2) Top Chef, Masterchef, Un Diner Presque Parfait : utopie culinaire ?.............................17
3.3) Un peu plus près des étoiles..............................................................................................19
3.4) Orientation scolaire et culinaire.......................................................................................20
Conclusion..........................................................................................................................................21
Bibliographie......................................................................................................................................22
Webographie ............................................................................................................................22
Annexes.....................................................................................................................................23
3
Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, les émissions culinaires sont à la mode en
France. En l'espace de cinquante-six ans, nous avons pu en répertorier plus de deux cents, toutes
plus différentes selon l'époque, la chaîne, les objectifs de production, et les goûts. Il faut dire que
la France jouit d'un patrimoine culinaire vaste et reconnu dans le monde entier : tout récemment, la
gastronomie française a même été proclamée « chef d'œuvre » immatériel par l'UNESCO
(Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture).
Mais depuis 2008, nous assistons surtout à l'apparition d'un nouveau type d'émissions culinaires
où il ne s'agit plus de réaliser des recettes en temps réel, mais de s'affronter dans une compétition
culinaire afin d'être désigné le meilleur des cuisiniers. Ce nouveau genre télévisé est devenu un
met favori pour les téléspectateurs. Dès lors, sont apparus des émissions tels que TopChef et Un
Diner Presque Parfait diffusées sur M6, ou encore Masterchef, émission diffusée sur TF1. Basées
sur des programmes étrangers et innovants dans la forme, elles sont appréciées et développées
sur le sol français.
Néanmoins, étant donné qu'il s'agit là d'une toute nouvelle conception, et qu'aucune enquête n'a
encore été réalisée sur le sujet, nous nous sommes demandés de quelle manière était
réceptionnées ces émissions culinaires nouvelles et quel impact avaient-elles eu sur la télévision
en France ? En employant les techniques d'enquête enseignées à l'Université de Lorraine, ainsi
que des sources bibliographiques fiables et notre propre savoir-faire, nous avons tenté de
répondre à un certain nombre de questions concernant les émissions culinaires « nouvelle
génération ». Il s'agissait ici de décrypter la réception de ces émissions au sein du monde de la
cuisine professionnelle, notamment par rapport à la crédibilité du métier ; au sein des productions,
pour tenter de comprendre leurs objectifs premiers à la mise en place de ces programmes ; et
surtout au sein même des téléspectateurs, pour découvrir les causes et conséquences de cet
engouement important vis à vis de ces nouvelles émissions télévisées.
Après une réflexion sur l'évolution des émissions culinaires, nous développerons l'enquête
générale proprement dite, avant de se déporter vers l'enquête professionnelle qui nous a permise
de rester objectifs et de compléter nos recherches.
4
1) De la cuisine du terroir à la cuisine moléculaire : l'évolution
des émissions culinaires
Selon Catherine DUMAS1, ancienne sénatrice française, la cuisine est une « passion qui a
suivi les évolutions de l'histoire de notre pays, des traditions et des goûts des hommes. Elle s'est
peu à peu imprégnée dans nos modes de vie, aux points de trouver des expressions multiples. ».
Et en effet, si la cuisine a eu sa place de tout temps dans les foyers français, la vision que nous
en avons évolue depuis presque soixante ans.
1.1) Un engouement culinaire présent depuis soixante ans
En 1956, il n'existait qu'une seule chaîne de télévision en France, ainsi qu'une seule
émission culinaire : Art et Magie de la cuisine, présentée par le Chef Raymond Oliver et produite
par Pierre Sabbagh. Si elle était très populaire, nous ne pouvons pas dire que cette émission
déjouait toute concurrence. Malgré tout, entre 1963 et 1967, l'émission se développa quelque peu,
s'ajusta et prit d'autres noms au fil du temps : La Cuisine puis Cuisine à quatre mains. Mais toutes
trois avaient le même but : expliquer clairement des tours de main pratiques à toutes les
ménagères de France, encore nombreuses dans les années soixante.
Cet engouement pour les recettes du Chef Oliver s'estompe pourtant au début des années
soixante-dix, lorsque la femme commence à s'émanciper et lorsque de nouvelles préoccupations
sociales envahissent le pays : après un succès qui aura duré une décennie, les émissions
culinaires se font rares. De plus, même si la spectatrice-cuisinière tend à réaliser des plats à
domicile « comme au restaurant », la rapidité des plats à réaliser dans ce type d'émissions pouvait
cacher de nombreuses difficultés.
Mais après un passage à vide, le développement de la télévision et l'apparition de nouvelles
chaînes entraînent avec un eux un renouveau des émissions culinaires. Et en 1983, nous
assistons à l'apparition d'un nouveau type d'émission culinaire : une nouvelle cuisine pour le
grand public et un type de cuisine familiale avec pour relève assurée : Micheline et Maïté dans La
cuisine des mousquetaires : « Elles pérennisent le style de la cuisine de ménage, ou de bistrot,
par leurs recettes - (...) - le décor chaleureux et simple...2 ». Leur duo aura un grand succès auprès
des téléspectateurs et durera de nombreuses années avant de laisser place à d'autres émissions
du même genre.
Depuis 1996, les émissions culinaires sont à la mode. Chaque chaîne a sa propre émission : la
télévision française n'a jamais connu une telle abondance. Selon Odile Blächer, ce nouvel
engouement soudain « s'explique par la mode du loisir manuel à domicile – un autre exemple en
est le jardinage -, mais aussi par le succès du restaurant. (…) Il s'agit dans les deux cas d'un gain
de plaisir et d'une maîtrise du temps de loisir. La recette télévisée s'y conforme : plaisir des sens
dès la réception du programme, puis lors de la préparation, dont celui du toucher que procure le
travail manuel. Plaisir des sens dont celui de la vue et de la dégustation, au restaurant. ». Dès lors,
nous pouvons faire la distinction entre deux grands styles d'émissions et deux types de cuisine : la
cuisine dite de ménage, de terroir, de bistrot, à la bonne franquette, et la cuisine de chefs, tout de
même moins importante à la télévision.
Après le succès de ces émissions d'apprentissage de la cuisine, nous nous sommes pourtant
aperçus que, depuis quatre ans, elles avaient laissé la place à de nouveaux programmes dédiés à
la cuisine, innovants dans la forme, où il s'agit désormais de s'affronter dans des défis entre
particuliers ou entre professionnels. Aujourd’hui, les émissions culinaires ont bien changé et
tendent à être intégrées dans la catégorie des émissions de type télé-réalité.
1 DUMAS, Catherine. Les arts culinaires : patrimoine culturel de la France. 2008. Rapport
d'information N°440. 9-12p
2 BÄLCHER, Odile. Les émissions culinaires à la télévision française (p121)
5
1.2) L'apparition d'un nouveau genre : retour sur le
concept de télé-réalité
Aujourd'hui, les émissions culinaires sont citées dans de nombreux travaux en rapport avec
la télé-réalité. Pour François Jost 3 (auteur de nombreux livres sur la télé réalité), celle-ci est
parvenue au fil du temps à contaminer le monde de la télévision, et même ceux qui étaient
réticents. L’un des exemples de cette idée est le groupe de chaîne France Télévisions qui, après
avoir dit que la téléréalité ne viendrait jamais sur ses chaînes, est venu à en produire. Une
émission centrée sur 5 personnes anonymes va même apparaître sur France 2 : Cinq touristes,
adaptée d’un format américain Celebrity five to go. L’émission Repas de famille montre également
le basculement opéré par France 3 dans le monde de la télé-réalité :
« Deux familles qui ne se connaissent pas et que tout oppose vont partager un dîner. Elles
ont décidé, à tour de rôle, d’ouvrir leur maison pour passer à table, échanger mets, réflexions et
manières de vivre. Comment vont se dérouler ces deux repas ? Nos deux familles vont-elles
s’accepter ? Vont-elles réussir à dépasser leurs préjugés ? La cuisine adoucit-elle les mœurs ? »
Le principal élément qui regroupe ces différentes émission, c'est que l’on cherche à mettre en
scène ceux que l’on appelle « les anonymes » parfois aussi appelés « public populaire ». La
cuisine se retrouve au centre de ces émissions parce qu’elle constitue une préoccupation
quotidienne des français. La télé-réalité a aujourd’hui cassé les murs qui faisaient son identité. On
fait disparaître le regard neutre presque froid de l’objectif de la caméra. Par exemple, dans
l’émission Un Diner Presque Parfait : la personne qui cuisine semble seule dans la pièce. On
retrouve dans toutes ces nouvelles émissions une importance de la scénarisation : chaque
semaine dans Un Dîner Presque Parfait, les anonymes sont les acteurs de l’émission et sont
garants de son succès, notamment ceux aux caractères uniques. Le producteur du programme se
retrouve mis de côté, et n’apparaît qu’à la fin de l’émission dans un bandeau : c'est le cas pour les
trois émissions que nous étudions. La télé réalité attire majoritairement la population des 15-24
ans, voir des 15- 34 ans pour certaines. Les études sont néanmoins souvent biaisées puisque le
terme de « ménagères de moins de 50 ans » regroupe des femmes mais aussi désormais des
hommes qui s’occupent du ménage dans leur foyer et dont l’âge va de 15 à 50 ans.
Ce public se regroupe devant les émissions culinaires nouvelles qui nous intéressent. On retrouve
dans les auditeurs de nombreuses femmes car la cuisine amateur reste encore aujourd’hui liée à
un public féminin. Néanmoins elles révèlent aussi un véritable engouement chez les hommes,
majoritaire dans la profession elle-même : l’homme aussi se sert maintenant des fourneaux. Dans
le Guide Michelin de 2011, on retrouve 18 femmes en tant que chefs étoilées contre 558 hommes4.
Cela s'expliquerait par le fait que ce métier implique une omniprésence de travail dans la vie privée
et dans la vie professionnelle, repoussant celles qui désirent garder une vie de famille.
Aujourd'hui, ces nouvelles émissions culinaires montrent l’envers du décor dans la profession,
souvent peu connue des spectateurs, le travail mais aussi la convivialité. La cuisine est liée au
patrimoine français, et attirent les téléspectateurs. Chacune des émissions est adaptée d’un format
étranger mais elles diffèrent d’un pays à l’autre. L’émission américaine Top Chef aura des enjeux
différents de celle diffusée en France, même si les graphiques et l’idée de départ sont les mêmes.
0n retrouve dans les deux versions un concours centré autour de professionnels de la cuisine.
Pour François Jost, ces émissions nouvelle génération sont éphémères mais renvoient aussi à une
volonté de mettre en avant le banal. Pour lui, la télé-réalité est directement lié à la Factory d’Andy
Warhol. Les émissions de télé-réalité se rattachent aussi au mouvement appelé le « ready-made »
: on transfigure des objets du quotidien (l’œuvre emblématique est Fountain de Richard Mutt).
La télé-réalité transfigure des discussions, des actes rejetés par la fiction qui joue sur des
3 JOST François, Le culte du banal, CNRS Eds, 2007
4 • MEREUZE, Didier. Le long chemin des femmes vers les étoiles de la gastronomie. 3 mars 2011
(page consultée le 7 mai 2012) <http://www.la-croix.com/Culture-Loisirs/Culture/Actualite/Le-longchemin-des-femmes-vers-les-etoiles-de-la-gastronomie-_NG_-2011-03-03-564384>
6
évènements plus spectaculaires, plus marquants. Loft Story a été considéré dans une étude sur le
cinéma comme l’un des 10 meilleurs films de l’année. L’anonyme s’est ainsi propagé dans tous les
genres de la télévision dont les émissions culinaires qui étaient ancrées dans le paysage
audiovisuel français.
7
2) Une Enquête Plus que Parfaite
Cette enquête généralisée a été réalisée grâce à la participation de cent cinquante
personnes anonymes interrogées à l'aide d'un questionnaire publié sur internet 5, dans le but
d'atteindre un échantillon vaste et hétérogène. Dans une étude basée sur la télévision, il semblait
nécessaire d'obtenir un panel diversifié pour éviter la généralisation et le faussement de nos
résultats.
2.1) Une popularité pimentée
Si depuis l'époque de Art et magie de la cuisine les émissions culinaires n'ont jamais cessé
de se décupler, elles n'ont pas toujours connu un succès fulgurent. Notamment dans les années
1970, lorsque la femme s'émancipe et que la révolution sexuelle se met en marche, les émissions
de cuisine connaissent un passage à vide. Mais aujourd'hui, avec ces émissions relookées et
transformées, il est possible que l'engouement pour ces dernières refasse surface. Si nous
prenons l'exemple de l'émission Un Diner Presque Parfait, nous pouvons en avoir un aperçu : en
effet, lorsque M6 décide de mettre en place le programme en février 2008, et sans qu'il y ait une
véritable publicité, la chaîne a récolté six cents soixante-dix candidatures spontanées pour
participer à l'émission. De plus, pour sa première diffusion, la chaîne a obtenu une audience de 1,4
millions de téléspectateurs : avec cela, difficile de ne pas dire que la mise en place de cette
émission culinaire a été d'un franc succès. Nous nous sommes donc interrogé sur l'importance de
ces émissions auprès du panel de cent cinquante personnes anonymes interrogées. Il s'agissait ici
de déterminer si les émissions étaient ou non regardées avec entrain. Nous avons donc interroger
les anonymes, tout d'abord, en fonction des émissions :
Avez vous déjà regardé Top Chef ?
A quelle Fréquence ?
29,00%
33,00%
41,00%
Oui
Toutes les
Semaines
De Temps
en Temps
Non
Rarement
59,00%
38,00%
A quelle Fréquence ?
Avez vous déjà regardé Masterchef ?
25,00%
34,00%
42,00%
Oui
Non
Toute s le s
s em aines
De te m ps
e n te m ps
Rare m ent
66,00%
33,00%
5 Voir Annexes
8
Ave z-vous dé jà re gardé Un Dîne r Pre sque Parfait ?
A quelle Fréquence ?
5,00%
6,00%
30,00%
Oui
Toutes les
Semaines
De Temps
en Temps
Non
Rarement
64,00%
95,00%
Nous constatons que plus de la moitié des personnes interrogées regardent ces émissions
culinaires nouvelle génération. A l'évidence, il y a un véritable engouement pour celles-ci. Le seul
problème rencontré pour cette hypothèse généralisée est les questions sur la fréquence. Nous
avions, en effet, présenté aux personnes interrogées trois solutions : Toutes les semaines, de
temps en temps, rarement. Or, nous nous sommes aperçus que ces réponses proposées « De
temps en temps » et « rarement » étaient peu claires, peu explicites car, pour chacun, la
signification ne sera jamais la même. Ainsi, nous n'avons pas pu étudier au maximum ces
réponses, mais nous pouvons tout de même confirmer notre hypothèse de départ selon laquelle
les émissions culinaires nouvelle génération et de type télé-réalité sont très populaires à l'heure
actuelle.
2.2) Menu pour les 20-30 ans
Les candidats de ces émissions sont jeunes, pour la plupart,et cela nous a amené à nous
dire que le public visé, lors de la production des programmes étudiés, par ces chaînes était
principalement celui des 20 à 30 ans, des gens qui sont encore étudiants ou qui commencent leur
vie active. Chez cette population, mes habitudes alimentaires ne sont pas encore prises et elle
représente la cible préférée des émissions de télé-réalité. De plus, les émissions comme Master
Chef et Top Chef sont longues et se déroulent le soir, un moment de calme, de se pauser après
une longue journée. L’émission Un Dîner Presque Parfait est plus courte mais cible aussi des
jeunes, public représenté par de nombreux candidats de différentes villes. On retrouve les mêmes
idées que dans les autres émissions avec des candidats surprenants, aux caractères forts, qui
vont être là pour assurer le spectacle, assurer l’émission. Dans notre questionnaire, nous avions
demandé l'âge des participants, et voici les résultats obtenus :
Quel âge avez vous ?
80,00%
75,00%
70,00%
60,00%
50,00%
40,00%
30,00%
19,00%
20,00%
10,00%
0,00%
4,00%
0,00%
5-15 ans
2,00%
15-25 ans 25-45 ans 45-60 ans 60 ans e t +
9
L’étude de ces chiffres nuance nos propos. En effet, ces émissions sont très liées à la téléréalité qui touche les 15 à 34 ans mais aussi les ménagères de moins de 50 ans. Le public est
donc très hétéroclite et a différentes attentes : la cuisine n’étant pas forcément la principale.
L’engouement des téléspectateurs est d’ailleurs en train de retomber et c’est une des principales
idées qui ressort des différents communiqués de presse. France Inter s’interroge après le flop de
Carré VIP sur l’existence de l’avenir de la télé-réalité. Il est dont très dur de trouver un réel public
spécifique à ces émissions puisque celui-ci est très variable. Les audiences d’Un dîner presque
parfait ont baissé d’1,4 millions de téléspectateurs en un an. François Jost s'est exprimé sur
France Inter et il a mis en avant le fait que « l’ennui au bout d’un temps chez les téléspectateurs
est récurrent, il faut sans cesse trouver de nouveau support et cette idée est prépondérante sur le
territoire français. »
On retrouve toutefois le même phénomène aux États-Unis, où les audiences passent entre 2008 et
2010 de 2,7 millions à 1,7 million selon l’article de France Soir :Émissions culinaires - On frôle
l’indigestion….6 Contrairement à la France, le programme est diffusé sur une chaîne câblée et
privée Bravo gérée par la NBC Universal. La chaîne Bravo est disponible dans environ 88 millions
de foyers aux États-Unis. Les chiffres de Top Chef sont donc faibles si l’on les compare au volume
total d’abonnés. C'est pourquoi, nous ne pouvons ni réfuter, ni confirmer notre hypothèse selon
laquelle les 20 à 30 ans sont les téléspectateurs qui regardent le plus les émissions culinaires
nouvelle génération et de type télé-réalité.
2.3) Autour de la table : Seul ou à plusieurs
Aujourd'hui, notre société est en proie à un individualisme croissant. Depuis
toujours, selon Bourdieu, un individu est intégré à la société grâce à l’inculcation de certaines
normes et valeurs par les instances primaires de socialisation soit majoritairement la famille qui
garde une place prépondérante dans la vie de l'individu. En effet, elle demeure un lieu où
s'exercent des solidarités sous des formes diverses (aides matérielles, en temps) et en capital
social. Cette entraide protège les membres de la famille contre les aléas de la vie et facilite leur
intégration. Les instances comme l'école, les groupes de paires et le travail viennent compléter
cette socialisation et permettent de créer du lien social et donc de la cohésion sociale.
Or aujourd'hui on assiste à un éclatement de ces instances de socialisation. La nouvelle
socialisation familiale, moins normative, est fondée davantage sur la négociation et la flexibilité dû
à l'allongement des études qui éloignent les individus, à des familles recomposées,
monoparentales ou non mariées. Le travail ne remplit plus cette fonction d'intégration car l'avenir
professionnel est de plus en plus instable, de plus en plus compétitif ce qui pousse les individus à
s 'affronter. De nos jours, nous rencontrons des difficultés croissantes à construire le lien social
dans notre société, qui conduit à s'interroger sur la possibilité d'une « explosion sociale », un
délitement de la société faute de cohésion entre ses membres.
De par ce constat, nous nous sommes intéressés à ce que la cuisine représente dans les
mentalités des individus socialisés. En France, la cuisine fait partie d'un capital culturel, d'un
patrimoine qui se transmet de génération en génération or aujourd'hui cette transmission de savoir
et de passion semble être en décalage avec l'évolution des mentalités. Ces nouvelles émissions
de cuisine basées sur le principe de la télé-réalité semblent être un bon compromis entre ces
valeurs culturelles et la volonté de moderniser la transmission de ces connaissances. De plus le
fait que ces émissions passent à la télévision, elles permettent aux individus de se retrouver
devant un programme qui plaît de par son dynamisme, de par la compétition et autour de la
cuisine.
6 GUITARD, Gaëlle. Émissions culinaires - On frôle l’indigestion… 9 septembre 2010 (page
consultée le 15 avril 2012) <http://www.francesoir.fr/people-tv/television-media/emissionsculinaires-frole-l%E2%80%99indigestion%E2%80%A6-56718.html>
10
Une nouvelle hypothèse a pu naître de ces constats : ces émissions de télé-réalité culinaires
permettent de lutter contre l'individualisme en France en rassemblant les individus autour d'une
même passion remis au goût du jour. De cette supposions ont découlé des interrogations pour
notre questionnaire :
Vous regardez ces émissions :
15,00% 3,00% 0,70% 6,00%
Entre Amis
Seul
En famille
En couple
53,00%
Avec quelqu'un qui
regarde l'émission
Pas du tout
58,00%
Après lecture de ce graphique on constate que majoritairement, on regarde ces émissions seul(e)
ou en famille. Plus modérément on se retrouve aussi entre amis et en couple. Toutefois, nous
avons recueillis énormément de réponses d'étudiants ce qui ne nous permet de tirer que des
suppositions concernant le visionnage de ces émissions. En effet les étudiants sont souvent
éloignés de leur famille et donc se retrouvent la plupart du temps seul devant des programmes
diffusés en soirée, la semaine. Mais on peut penser, au vue des résultats, que lorsque les
étudiants retournent chez eux ces programmes sont suivis par toute la famille. On peut donc dire
que la plupart du temps les étudiants vont regardés ces émissions seul(e) en dépit de
l'éloignement du cocon familial. Ces émission nous paraissent être des programmes familiaux qui
plaisent à tout âge et rassemblent.
2.4) À vos marques, Prêts, Assaisonnez
Ces émissions de cuisine nous l'avons vu ne correspondent plus au modèles traditionnels
de leurs débuts, elles se sont modernisées pour attirer toujours plus d'audience et pour la
rentabilité. Cette modernisation passe notamment par l'utilisation d'un principe similaire à la téléréalité : on suit des candidats semaine après semaine, nous les voyons s'affronter et surtout nous
sommes les témoins des difficultés qu'ils peuvent rencontrer. C'est d'ailleurs sur ce dernier point
que nous nous sommes interrogés. Le fait que ces émissions mettent en scène des individus
luttant les uns contre les autres semblerait être apprécié des spectateurs. On peut alors se
demander si justement ce côté compétition est apprécié car les individus aiment voir ce genre de
« spectacle » rappelant symboliquement les combats de gladiateurs dans les arènes, ou si ces
émissions sont attirantes de par la cuisine et les défis qu'elles proposent. Selon nous, ces
émissions font ressortir des comportements cachés, des tabous de voyeurisme et de jouissance
quant à la vu d'un affrontement. Deux questions nous sont apparues comme pertinentes pour
répondre à notre hypothèse :
11
Vous regardez ces émissions :
26,00%
Pour la cuisine
Pour la compétition
Par curiosité
60,00%
14,00%
Nous pouvons constater qu'en majorité les spectateurs suivent l'émission de part le concept même
du programme, la cuisine. Toutefois on remarque que la curiosité et la compétition sont les deux
raisons qui poussent le spectateur à s'y intéresser. La curiosité montre bien une envie chez
l'individu d'augmenter son savoir, d'être « au courant » des derniers programme à la mode. Nous
ne nous trouvons plus dans le voyeurisme mais dans le commérage.
Le côté "Compétition" vous attire-t-il ?
Oui
46,00%
Non
54,00%
Nous pouvons remarquer que les sondés sont partagés toutefois on observe que 46% de ces
derniers aiment la compétition mise en scène dans ces émissions. Nous ne pouvons pas répondre
exclusivement à notre hypothèse mais une grande partie des individus sont attirés par le fait de
voir des candidats s'affronter et surtout de pouvoir en parler avec d'autres individus ayant
visionnés l'émission. Notre hypothèse ne s'avère pas totalement fausse mais plutôt incomplète
puisque cette curiosité et cette jouissance à voir s'affronter des candidats permettent de nourrir le
commérage. Cette questions nous aurait été d'une plus grande utilité si à la réponse « Oui » nous
avions demandé pourquoi le côté compétition attire les spectateur concernés. Le seul fait d'aimer
la compétition ne peut pas venir à lui seul confirmé entièrement notre hypothèse voyeuriste.
12
2.5) Les candidats : de nouveaux idoles ?
Une des autres idées que nous avons eue, partait du principe que les cuisiniers
professionnels ou amateurs de ces émission présentent des profils très divers. Dans Master Chef,
nous ne retrouvons que des anonymes, et la gagnante de la dernière saison était une mère de
famille dont l’emploi était infirmière, et qui vivait très loin du monde de la cuisine. Lors de la
première émission, les téléspectateurs ont tendance à choisir un ou des candidats qui seront ceux
qu'ils voudront voir réussir. Les autres candidats seront mis de côté au profit des « candidats
préférés ». Ils cherchent à se trouver des liens ou des passés qui se correspondent. Si nous
prenons l'exemple de Top Chef, et les avis des trois filles de notre groupe, nous remarquons que
nous avons choisi spontanément la candidate Noémie, une jeune femme de vingt-deux ans parce
que nous nous sentions proche d’elles. Autre exemple, lors de l’élimination de Tabata : sur les
réseaux sociaux, les principales critiques qui circulaient la définissaient comme hautaine et
égocentrique. Il y avait un réel désamour des téléspectateurs envers cette candidate et les
critiques renvoyaient rarement à ces capacités culinaires. Nous avons interrogé nos anonymes sur
leur possible identification à ces candidats, voici nos résultats :
Suivez vous un candidat en particulier ?
13,00%
Vous reconnaissez vous en lui ?
26,00%
Oui
Oui
Non
Non
74,00%
87,00%
Rares sont les personnes qui s'identifient aux candidats dans notre panel et pour cause : la
cuisine, qui était au départ une préoccupation mise en retrait, est mise en avant et les candidats
non professionnels qui ne vont pas avoir peur de montrer leurs capacités. C’est d’ailleurs cette
idée qui ressort aussi de notre entretien avec M. Cédric 7, sous-chef aux Petits Gobelins . Pour lui,
ce qui importe le plus dans ce métier est la passion et non les capacités même si pour lui, Top
Chef est l’émission la plus professionnelle. Il pense que l’émission la plus utile et la plus
enrichissante pour les téléspectateurs est Master Chef.
Mais les candidats de ses émissions sont très divers et représentent le côté cosmopolite de la
population française. Ce sont des gens ordinaires qui font des choses « ordinaires », et les
éléments deviennent transfigurés et plus importants. Le franc-parler de Norbert Tarayre de Top
Chef, candidat de Top Chef, lui a valu un engouement réel de la part des téléspectateurs. On met
en avant le candidat et c’est d’ailleurs souvent son nom que l’on retient. Les finalistes de cette
émission ont été invités dans le Grand Journal et ils assuraient que les gens qui venaient dans
leurs restaurants voulaient avant tout les voir eux et la cuisine devenait secondaire.
Par cette réflexion, nous ne pouvons pas confirmer ou réfuter complètement notre hypothèse selon
laquelle les téléspectateurs s'identifieraient aux candidats de ces émissions culinaires. Toutefois,
nous pouvons dire qu'il existe une possibilité d'identification auprès de ces candidats ordinaires
mais touchants.
7 Voir Annexes
13
2.6) Les Recettes pour les Nuls
Selon Catherine Dumas8, notre cuisine française est un « phare » de la cuisine
mondiale, une référence en matière d’excellence et de rigueur. Elle est une rencontre entre un
patrimoine et un savoir faire, l’expression d’une créativité humaine qui se traduit dans des
alliances, des assemblages ou une sublimation des saveurs. Néanmoins, nous avons longuement
supposé que les recettes réalisées dans ces émissions culinaires ne sont pas reproduites par les
téléspectateurs à leur domicile, et la principale cause serait la complexité de celles-ci.
En effet, si auparavant les émissions culinaires étaient basées sur l'envie de partager un savoirfaire, aujourd'hui, le concept est tout à fait différent puisqu'il s'agit désormais de mettre en avant la
compétition. Dans des émissions comme Masterchef ou Top Chef, diffusées depuis 2010 en
France, il n'y a plus de place pour les consignes, les conseils ou encore les astuces utiles au
téléspectateur, pour qu'il puisse réaliser à son tour les recettes proposées. Seule l'émission Un
Diner Presque Parfait laisse quelques minutes de son programme aux savoirs-faire. Néanmoins,
nous supposons que, depuis l'apparition de ce nouveau genre de programme culinaire, les
téléspectateurs n'ont plus le cœur à reproduire les recettes réalisées, malgré le fait que ces
dernières soient postées sur les sites officiels des émissions.
Pour vérifier cette hypothèse rejoignant notre questionnement sur les conséquences de ces
nouvelles programmation, nous avons inséré dans notre questionnaire les questions suivantes :
Reproduisez-vous les recettes proposées dans ces émissions ? Si non, pourquoi ?
Voici les réponses que nous avons obtenu sur cent cinquante réponses :
Reproduisez vous les recettes proposées ?
33,00%
Oui
Non
67,00%
Plus de la moitié des personnes interrogées affirment ne pas reproduire les recettes proposées
dans les émissions culinaires d'aujourd'hui. Cela confirme en partie notre hypothèse, mais il nous
fallait aussi comprendre pourquoi. Voici les réponses obtenues pour la seconde question :
8 DUMAS, Catherine. Les arts culinaires : patrimoine culturel de la France. 2008. Rapport
d'information N°440. 9-12p
14
Si non, pourquoi ?
5,00%
10,00%
Difficiles/Compliquées
29,00%
5,00%
2,00%
Pas le temps
Je me débrouille
Pas envie
Pas le budget
Pas les
ustensiles/aliments
15,00%
Je ne cuisine pas
Je ne prends pas de
notes
3,00%
31,00%
Les réponses qui reviennent en majorité sont les suivantes : les recettes sont trop compliquées et
trop longues à réaliser. Cette seconde partie de réponse confirme notre hypothèse dans sa totalité,
mais elle nous a également permis de nous apercevoir que la complexité des recettes n'était pas
la seule et unique raison de la non reproduction des recettes.
Il faut aussi préciser qu'étant donné que le questionnaire a été diffusé sur le net, via les réseaux
sociaux (Facebook et Twitter), nos résultats peuvent être légèrement déformés car, sur les 150
réponses reçues, 75,00 % des réponses ont été données par la tranche d'âge des 15-25 ans. Or,
avec cette tranche d'âge en majorité, il faut être conscient du fait qu'il s'agit notamment d'étudiants,
généralement dans l'impossibilité de pouvoir financer la réalisation de ces recettes, d'où les
nombreuses réponses suivantes : le manque de temps, le budget inexistant, le manque
d'ustensiles ou encore l'absence de pratiques culinaires. Mais cela n'empêche pas à notre
hypothèse d'être confirmée : les téléspectateurs ne reproduisent pas les recettes proposées dans
les nouvelles émissions culinaires, et cela est dû principalement à une forte complexité.
15
3) La cuisine chez les grands chefs : enquête complémentaire
Cette enquête complémentaire nous a permis de compléter notre enquête notamment
grâce à des entretiens auprès de chefs importants dans le domaine de la cuisine, mais aussi grâce
à un questionnaire plus spécifique confié à une classe de Bac Professionnel dans l'hôtellerie. Il
s'agissait ici de découvrir l'envers du décor, de comprendre l'impact de ces émissions dans le
monde culinaire et dans l'orientation des jeunes. Nous voulions aussi comprendre pourquoi ces
émissions ont-elles été produites en France, à la suite de leur diffusion dans d'autres pays.
3.1) La grande bataille des émissions culinaires
Un Dîner Presque Parfait est la première de ces émissions à être diffusée en
France, par M6, en Février 2008. Cette émission est basée sur une émission anglaise : Come Dine
With Me (2005). Il s'agit ici de mettre en compétition cinq candidats amateurs de cuisine tout au
long de la semaine, chacun invitant les autres à venir dîner chez lui. Deux ans plus tard, l'émission
Top Chef est aussi adaptée d'une émission étrangère : Top Chef US qui en est déjà à sa septième
saison aux États-Unis. Elle vise à découvrir le grand chef de demain : pour cela, on propose à de
jeunes cuisiniers de s'affronter lors de défis culinaires sous l'œil d'experts.
Enfin, Masterchef est diffusée en France sur TF1 depuis août 2010, donc peu de temps après Top
Chef et est, elle aussi, basée sur un format à succès du Royaume-Uni. Cette émission,
contrairement à Top Chef, s'inscrit dans la démesure : 100 participants, 10 000 m² de cuisine, et 6
types d'épreuves différentes. Elle oppose non pas de jeunes cuisiniers mais des amateurs dans
une compétition intense.
Nous observons que ces trois émissions ont été programmées en France les unes à la suite des
autres et nous nous sommes demandées si la principale raison de ces productions était la
concurrence des chaînes nationales. Nous avions donc pris l'initiative de contacter ces chaînes, à
savoir M6 et TF1, afin de leur poser quelques questions sur le but de production.
Malheureusement, nous sommes dans l'incapacité de proposer nos résultats, car nous n'avons
obtenu aucune réponse de la part de ces chaînes, malgré un entêtement de notre part. Nous
avons donc décidé de chercher nous même des explications fiables.
Selon l'encyclopédie Wikipédia, Come Dine With Me, la version anglaise d'Un Diner Presque
Parfait (il existe en tout 32 versions de l'émission), est diffusée sur Channel 4, une chaîne
britannique du service public. Et encore aujourd'hui, selon le site barb.co.uk , l'émission a un
succès très important et apparaît dans le top 10 des émissions de la chaîne avec une moyenne de
1,7 millions de téléspectateurs par épisode. Masterchef Usa quant à elle est diffusée sur la chaîne
Fox aux États-Unis, un chaîne privée, mais connaît un succès impressionnant et récolte 6 millions
de téléspectateurs. Enfin, Top Chef Usa, la version américaine de Top Chef est diffusée sur la
chaîne Bravo, une chaîne privée, et récolte de 1,7 à 2 millions de téléspectateurs par épisode. Ces
premières informations tendent à montrer que le succès de ces émissions à l'étranger a attiré les
productions françaises. Mais est-il question de « concurrence » ?
Dans son article parut dans Libération en 2008, Raphaël GARRIGOS 9 écrit : « Un Diner Presque
Parfait place M6 quasi systématiquement en tête des audiences de la tranche horaire 18-19
heures, a même déjà fait une victime : le jeu 1 contre 100, qu'animait Benjamin Castaldi, a été
déprogrammé en urgence par TF1 qui l'a remplacé par une série américaine, laquelle ne devrait
pas faire long feu. ». Dans un autre article, écrit par Julie OKLAUS, nous pouvons lire 10: « Ces
derniers temps, la télé met la cuisine à toutes les sauces, et c'est TF1 et M6 qui se partagent la
part du lion avec Master Chef d'un côté et Top Chef de l'autre. Pour la deuxième saison de son
concours culinaire (...) M6 souhaite absolument se différencier de l'émission concurrente en
9• GARRIGOS, Raphaël. ROBERTS Isabelle. Bouffe Story. 10 mai 2008. (page consultée le 16
avril 2012) <http://www.liberation.fr/medias/010125139-bouffe-story>
10•OKLAUS, Julie. Top Chef a un plan pour battre Master Chef. 01 novembre 2010. (page
consultée le 16 avril 2012). <http://www.staragora.com/news/top-chef-a-un-plan-pour-battremaster-chef/407995>
16
mettant l'accent sur la cuisine, rien que la cuisine ».
À en croire les médias, qui répète ces propos au fil des articles, ces émissions culinaires ont été
produites l'une pou battre l'autre : il y a donc bien un besoin d'éliminer la concurrence venant de la
part des productions. Malheureusement, cela ne peut pas nous permettre de confirmer notre
hypothèse et nous devons la laisser en suspend. Elle aurait pu être confirmée si nous avions
obtenu des résultats de nos contacts avec les productions.
3.2) Top Chef, Masterchef, Un Diner Presque Parfait : utopie
culinaire ?
Ces émissions de télé-réalité sont un moyen pour alimenter le désir d'innovation des
français en ce qui concerne les programmes télévisés mais aussi une méthode qui permet de
redonner goût aux individus de bien manger (« manger, bouger » ; « 5 fruits et légumes par
jours ») et de populariser le monde de la cuisine et les métiers lui permettant d'exister. Des
émissions comme Top Chef présentent réellement les métiers puisque des professionnels
s'affrontent. Toutefois, des émissions comme Un Dîner presque parfait et notamment Master Chef
nous montrent des passionnés de cuisine, des non-professionnels qui se font face. Le fait de
permettre à n'importe quel individu, maîtrisant la cuisine mais sans formation, de participer, nous
dépeint un univers dans lequel n'importe qui peu entrer. De même, permettre aux candidats
d'utiliser tous ces produits frais, tout ce matériel dans des environnements aussi exceptionnels
nous paraît fausser la vraie réalité du métier et des conditions de travail des cuisiniers. Bien que
du point de vue du novice/spectateur ce métier fait rêver, fait naître des passions voir entraîne des
changements de carrière, du point de vue des professionnels cela n'est pas aussi facile et
abordable. C'est pourquoi nous supposons que ces émissions popularisant le milieu de la cuisine
et ses métiers auprès du public, dévalorisent et abaissent la dureté du métier en le rendant
accessible à n'importe qui. Du point de vue des professionnels ces programmes, selon nous, font
perdre ses lettres de noblesse aux métiers culinaires. Pour vérifier nos dires, nous nous sommes
adressés avec un questionnaire spécifique à des jeunes étudiants d'un lycée hôtelier 11. Nous nous
sommes aussi entretenu avec un chef cuisinier afin d'être nos résultats soient plus pertinents.
→ Selon vous, quelle image ces émissions donnent-elles du monde de la cuisine ? Pourquoi ?
30%
40%
Positive
Négative
Mitigée
30%
Positive
- faire des découvertes
- propose de bonnes recettes
- fait connaître le monde de la cuisine
Mitigée
Négative
- c'est plus du cinéma que de la cuisine
- trop proche de la télé-réalité et non de la réalité
du métier
- trop médiatisé
- trop de stress
11 Voir Annexes
17
On constate, à lecture des résultats, que les avis sont très équilibrés et majoritairement mitigés.
Les étudiants sondés y voient certes un bon moyen de mettre en lumière la cuisine et ses qualités,
toutefois on remarque que ces émissions sont trop extrêmes et quelque peu surréalistes quand à
la réalité du métier. De même à la suite de l'entretien, on comprend bien que ces émissions ont
des avantages quant à la popularité et à la prévention santé de la cuisine mais que la cuisine y est
sublimée.
L'hypothèse d'une dévalorisation du métier est réfutée car elle semble trop forte. Les émissions de
télé-réalité culinaire popularise la cuisine mais l'enjolive. Notre hypothèse de départ est à
reformuler : ces émissions ont tendance à trop embellir la réalité des métiers de la cuisine.
→ Quelle(s) émission(s) correspond(ent) le plus au niveau demandé dans vos formations ?
10%
40%
30%
20%
Un dîner
presque parfait
Top Chef
Master Chef
Aucune
Seul l'émission Top chef regroupant des professionnels, semblent correspondre au niveau réel du
monde la cuisine ce qui paraît logique dans la mesure où les candidats ont suivi des formations, et
qu'ils sont déjà dans le monde du travail souvent dans des établissement à Macarons. Mis à part
ce programme, les autres émissions sur lesquelles nous nous sommes concentrés dans cette
enquête ne semblent pas convaincantes aux yeux des étudiants. Des résultats qui furent appuyés
par le témoignage du chef cuisiner .
→ Si le niveau ne correspond pas est-il :
44%
56%
Plus élevé
Moins élevé
Étonnement les avis se valent : en effet, on constate que même si une grande partie pensent que
des émissions comme Un Dîner presque parfait ou MasterChef demandent un niveau de cuisine
moins élevé, 44% ne sont pas de cet avis.
Par le fait que toutes les émissions ne correspondent pas réellement au niveau demandé chez les
professionnels, qu'il soit plus ou moins élevé, ces émissions faussent la vision qu'a le public du
milieu culinaire. On popularise une utopie culinaire, on promeut un univers qui n'est pas si parfait
et accessible. Même si le métier n'est pas dévalorisé, il n'est pas correctement définit.
Toutefois nos propos sont à relativiser car cette dernière question a été très mal posée : nous ne
sommes pas en mesure de distinguer les avis en fonction des émissions. Nous aurions dû diviser
cette question en deux, l'une concernant le niveau d'Un Dîner Presque Parfait et l'autre sur Master
18
Chef. Par supposition, on peut lire ces résultat comme ceci : les 44% de sondés ayant répondu
que le niveau était moins élevé se sont prononcés concernant Un Dîner Presque parfait puisque le
concept ne se base que sur des particuliers. 56% correspondrait alors à MasterChef dont le niveau
serait plus élevé du fait qu'il allie particuliers passionnés à un jury de grands chefs. De même, le
chef cuisinier Bernard Cédric nous à fait part de son avis : « Je préfère travailler avec des
passionnés qui cuisine parce qu'ils aiment ça plutôt qu'avec des jeunes formés dans des lycéens
hôteliers qui ont choisis la cuisine par obligation ».
3.3) Un peu plus près des étoiles
Thierry Marx, Ghislaine Arabian, Jean-François Piege, Christian Constant, Cyril Lignac,
Frédéric Anton, Yves Candeborde... Ces noms n'ont plus de secret pour personne : il s'agit des
jurés et grands chefs des émissions Top Chef et MasterChef. Ce sont eux qui désignent les
meilleurs plats et les meilleurs cuisiniers, ils sont en quelque sorte les arbitres de la compétition.
Mais nous nous apercevons que depuis leur participation, ces grands chefs tendent à ne plus être
considérés simplement comme des chefs cuisiniers, mais comme des stars du petit écran. Ils font
désormais la Une des magazines et sont réquisitionnés dans de grandes émissions pour parler
cuisine. Tout cet engouement pour ces chefs « pas comme les autres » nous a poussé à nous
poser la question de savoir si le fait de faire partie de ces émissions ne permettaient pas à ces
chefs d'avoir des privilèges, étant donné que cette année, deux d'entre-eux ont été étoilés. C'est le
cas de Thierry Markx, avec trois étoiles, et de Cyril Lignac, considéré comme un des petits
nouveaux du Guide Michelin. Nous avons donc décidé d'insérer une question au sujet de la
popularité des chefs jurés à notre groupe d'étudiants, afin d'observer si oui ou non, la renommée
de ces derniers est due à leur nouvelle notoriété :
Connaissiez-vous les chefs des jury avant leur passage à la télévision ?
33%
Oui
Non
67%
À la vue des résultats, nous pouvons constater que plus de la moitié de cette classe hôtelière
connaissaient les chefs bien avant qu'ils ne prennent leur poste de juré dans les nouvelles
émissions culinaires. Et en effet, ils étaient déjà reconnus dans la profession bien avant l'apparition
de ces nouveaux concepts. Le chef Cédric des Petits Gobelins, avec qui nous avons obtenu un
entretien a tenu à préciser que ces grands chefs « n'ont plus rien à prouver. Ils sont à la tête d'une
brigade de trente cuisiniers, dans de très grands établissements. Ils sont là plus spécialement pour
représenter le monde de la cuisine, pour valoriser leur image, l’image de leurs établissements.
Après, c'est vrai qu'ils sont absents de la cuisine mais les seconds sont là : il y a toujours des
chefs exécutifs et toute la brigade est mise en place à l'avance. Donc, je pense que justement, ils
ont la chance de pouvoir faire ce genre d'expérience. Tout le monde n’a pas cette chance. Moi je
le ferai volontiers je pense. Ça me paraît sympathique. Cela permet de voyager, de sortir un peu
de l'ordinaire de la cuisine. ».
Nous pouvons donc en conclure, sans grande hésitation, que les chefs de ces émissions ont été
choisi pour leurs compétences, leur expérience, et leur savoir-faire pour présider les compétitions
culinaires. En aucun cas, ces nouvelles personnalités appréciées des français n'obtiennent de
favoritisme et de privilèges grâce à leur notoriété : ils sont récompensés en fonction de leur travail
19
qui est, la plupart du temps, le résultat d'un acharnement, d'une vigueur et d'une rigueur
exemplaires.
3.4) Orientation scolaire et culinaire
Nous avons pu constater que ces émissions culinaires sublimaient le monde de la cuisine.
Elles le rendent plus attractif, plus accessible et surtout ces programmes permettent au métier de
cuisinier d'être reconnu socialement et professionnellement. Cet éloge de la cuisine peut faire
rêver plus d'un spectateur qui essai de se projeter dans ce milieu. Vu que ces émissions sont
souvent regardées en famille on peut penser que les individus les plus influencés sont d'abord les
enfants et notamment les collégiens ou encore les lycéens qui se trouvent dans une situation qui
leur permet encore de choisir leur orientation professionnelle. De ce constat, nous en avons tiré
une hypothèse : ces émissions de télé-réalité culinaires seraient un facteur important dans le choix
d'orientation des étudiants de formations hôtelière.
→ Ces émissions ont-elles influencées vos orientations professionnelles ?
1
Oui
Non
24
On constate que sur 25 élèves de première interrogés, une seule personne se dit avoir été
influencée par ces émissions : « Ça m'a donné envie de cuisiner et quand je voyais
l'enthousiasme des candidats, ça m'a fait persévérer dans mon choix d'orientation. » Ce
témoignage nous permet de réfuter notre hypothèse de départ : ces émissions ont plus vocation à
rassembler autour de la cuisine et n'ont pas de réel impact sur le choix de formation. Ces
programmes ont plus tendance à conforter les étudiants dans leur choix.
Nous avons aussi demandé si leurs professeurs leur avaient déjà parlé de ces émissions et la
réponse a été unanime : non. On voit encore ici une bon exemple qui illustre le fait que ces
émissions n'ont pas d'impact sur la demande de formation hôtelière.
Ces résultats toutefois, n'étant que le fruit d'une enquête sur 25 étudiants ne peuvent être
considérés comme représentatifs de tous les étudiants en cuisine.
20
Après avoir connu une évolution fulgurante entre 1956 et 2008, les émissions culinaires
connaissent aujourd'hui leur âge d'or sous la forme de programmes de télé-réalité et de
compétitivité. Elles ont alors provoqué un engouement encore inconnu et régénèrent une passion,
laissée longtemps de côté pour la cuisine.
Grâce à notre entretien dans le milieu culinaire et à nos deux questionnaires, mais malgré
quelques limites méthodologie, notamment de mauvaises formulations dans notre questionnaire,
nous avons pu déceler certains aspects de ces émissions nouvelle génération : certainement
mises en place pour effrayer la concurrence, elles sont devenue très populaires auprès des
téléspectateurs et les rassemblent, même si elles ne concernent pas un échantillon spécial de
personnes. Devant leurs écrans, les téléspectateurs n'apprécient pas plus que cela observer la
compétition en elle-même, mais ils se passionnent pour les techniques et les savoirs-faire
culinaires, et parfois pour les candidats eux-mêmes qu'ils trouvent attachants. Mais jamais ces
téléspectateurs ne reproduisent les recettes proposées à cause de leur complexité. Dans le milieu
de la cuisine elle-même, la présence de chefs étoilés de grande renommée dans ces émissions le
popularise : elles le subliment, le rendent plus attractif, plus accessible et surtout ces
programmes permettent au métier de cuisinier d'être reconnu socialement et professionnellement.
Mais dès cet instant, alors qu'elles viennent de parvenir au sommet de leur popularité, ces
émissions connaissent déjà une chute d'engouement :on observe une nouvelle lassitude courante
en France. En effet, les téléspectateurs français ne sont pas des gens qui s'attachent longuement
aux programmes proposés par les chaînes du câble. Et aujourd’hui il y a déjà de nouveaux
enjeux : trouver de nouveaux concepts satisfaisants à diffuser.
21
Bibliographie
• BLÄCHER, Odile. Les émissions culinaires à la télévision française. Éditions Nathan. Collection
Médias Recherches. 121p.
• BOURDON Jérôme ; JOST François. Penser la télévision : actes du colloque de Cerisy. éditions
Nathan . Collection Médias Recherches. 2005. 121p
• DUMAS, Catherine. Les arts culinaires : patrimoine culturel de la France. 2008. Rapport
d'information N°440. 9-12p
• DE KETELE, Jean-Marie, ROGIERS, Xavier, Méthodologie du recueil d'informations :
fondements des méthodes d'observations, de questionnaire, d'interviews et d'études de
documents, Bruxelles : de Boeck Université, 1993. 226p.
• JOST François, Le culte du banal, CNRS Eds, 2007
Webographie
• BERARD, Coline. La télé-réalité, la cuisine... et vous ? 22 février 2010. (page consultée le 22
avril 2012) <http://www.lexpress.fr/culture/tele/la-tele-realite-la-cuisine-et-vous_850437.html>
• DESNOS, Marie. La gastronomie française sacrée par l'Unesco, 16 novembre 2010. (page
consultée le 22 avril 2012) <http://www.parismatch.com/Conso-Match/Gastronomie/Actu/LUnesco-sacre-la-gastronomie-francaise-225562/>
• GARRIGOS, Raphaël. ROBERTS Isabelle. Bouffe Story. 10 mai 2008. (page consultée le 16 avril
2012) <http://www.liberation.fr/medias/010125139-bouffe-story>
• GUITARD, Gaëlle. Émissions culinaires - On frôle l’indigestion… 9 septembre 2010 (page
consultée le 15 avril 2012) <http://www.francesoir.fr/people-tv/television-media/emissionsculinaires-frole-l%E2%80%99indigestion%E2%80%A6-56718.html>
• JESS, Laura. Le Boom des émissions culinaires, 2012, (page consultée le 16 avril 2012)
<http://fr.locita.com/societe-2/le-boom-des-emissions-culinaires>
• MEREUZE, Didier. Le long chemin des femmes vers les étoiles de la gastronomie. 3 mars 2011
22
(page consultée le 7 mai 2012) <http://www.la-croix.com/Culture-Loisirs/Culture/Actualite/Lelong-chemin-des-femmes-vers-les-etoiles-de-la-gastronomie-_NG_-2011-03-03-564384>
•OKLAUS, Julie. Top Chef a un plan pour battre Master Chef. 01 novembre 2010. (page consultée
le 16 avril 2012). <http://www.staragora.com/news/top-chef-a-un-plan-pour-battre-masterchef/407995>
Annexes
Annexe 1 : Questionnaire pour les internautes anonymes............................................p. 24.
Annexe 2 : Questionnaire pour la classe hôtelière........................................................p. 25.
Annexe 3 : Entretien avec Bernard Cédric.....................................................................p. 26.
23
Questionnaire pour les internautes anonymes
1)
2)
3)
4)
Êtes-vous : Un homme ou Une Femme ?
Quel âge avez-vous ? 15-25 ans / 25-40 ans / 40 – 60 ans / 60 ans et plus ?
Quel est votre profession ?
Avez vous déjà regardé au moins un fois : Top Chef, Masterchef, Un Diner
Presque Parfait ?
5) Si oui, à quelle fréquence ? Toutes les semaines / De temps en temps /
Rarement
6) Regardez-vous ces émissions : En totalité / Partiellement / A la suite d'un
programme / Autre
7) Suivez-vous un candidat en particulier ? Oui ou Non
8) Si oui, vous reconnaissez-vous en lui ? Oui ou Non
9) Le côté ''compétition'' vous attire-t-il ? Oui ou Non
10) Laquelle de de ces émissions préférez-vous ? Un Diner Presque Parfait / Top
Chef / MasterChef
11) Que vous apportent ces émissions : de nouvelles connaissances culinaires /
des idées de recettes / rien
12) Reproduisez-vous les recettes proposées ? Oui ou Non
13) Si non, pourquoi ?
14) Ces émissions ont-elles révélé chez vous une passion ? Oui ou Non
15) Si oui, cela vous a-t-il poussé à changer de métier ? Oui ou Non
24
Questionnaire pour la classe hôtelière
Êtes-vous : Un homme ou Une Femme ?
Quel âge avez-vous ? 15-25 ans / 25-40 ans / 40 – 60 ans / 60 ans et plus ?
Quel est votre formation ? Bac Technique Hôtelier / Autres
Avez vous déjà regardé au moins un fois : Top Chef, Masterchef, Un Diner
Presque Parfait ?
5) Si oui, à quelle fréquence ? Toutes les semaines / De temps en temps /
Rarement
6) Regardez-vous ces émissions : En totalité / Partiellement / A la suite d'un
programme / Autre
7) Pourquoi regardez-vous ces émissions : Pour la cuisine / Pour la compétition /
par curiosité / Autres
8) Vous arrive-t-il de suivre un candidat ? Oui ou Non
9) Regardez-vous ces émissions : en famille / entre amis / seul
10) Que vous apportent ces émissions : de nouvelles connaissances culinaires /
des idées de recettes / rien
11) Reproduisez-vous les recettes de ces émissions : Oui ou Non
12)Si non, pourquoi ? Manque de motivation / manque de temps / pas de budget /
Autres
13)Selon vous, quelle image est donnée de la cuisine dans ces émissions ?
Pourquoi ? Positive / Négative / Mitigée
14) Quelle émission correspond le plus au niveau demandée dans les cuisines ?
Top Chef / Masterchef / Un Diner presque parfait / Aucune
15) Si le niveau ne correspond pas, est-il : plus élevé ou moins élevé ?
16)Ces émissions ont-elles influencé votre orientation professionnelle ? Oui ou
Non
17)Connaissiez vous les chefs jurés de ces émissions avant celles-ci ? Oui ou
Non
18)Vos professeurs vous perlent-ils des émissions ? Oui ou Non
1)
2)
3)
4)
25
Entretien avec Bernard Cédric, sous-chef aux « Petits Gobelins »
Léa : Nous travaillons sur la réception des émissions culinaires d'aujourd'hui et nous avons
des hypothèses à confirmer ou à réfuter. Une de nos premières hypothèses est qu’elles sont très
populaires auprès des gens en France. Nous voulions savoir si vous aviez déjà regardé ces
émissions ?
Bernard Cédric : Mes horaires m’en empêchent mais oui, ça m’est arrivé.
Léa : D’accord et qu’est ce que vous en pensez personnellement ?
Bernard Cédric : Il y a du bon et du mauvais. Par exemple, pour ce qui est du bon, cela
a développé pas mal de choses pour les particuliers : beaucoup de produits qui étaient destinés
aux professionnels sont désormais accessibles aux particuliers, ce qui est pour moi un plus. Le
côté négatif est l’amalgame que font les gens entre ce qu’ils voient et la réalité du métier.
Caroline : C’est vraiment éloigné de la réalité du métier alors ?
Bernard Cédric : On ne peut pas dire que c'est vraiment éloigné, mais il ne faut pas
faire l’amalgame de la facilité entre ce que les candidats possèdent pour réaliser leurs plats, la
beauté et la fraîcheur des produits. Ce n’est pas facile de toujours d'avoir cela quand on est un
particulier.
Léa : Dans un questionnaire destiné à des jeunes étudiants en cuisine, on voyait surtout
revenir des commentaires par rapport au fait que c'était plus du cinéma que de la cuisine...
Bernard Cédric : Il y a du bon quand même parce qu’il y a quand même pas mal de
techniques. Je prends l'exemple d'Un Diner Presque Parfait qui est vraiment accès sur le
particulier à particulier, ce sont vraiment des compétences. Sur du Master Chef, ce sont des trucs
un peu plus évolués. Et sur Top Chef, ce sont vraiment des professionnels. La plus belle émission
est sans doute celle-ci parce que ce sont que des professionnels, mais je pense que la plus
intéressante c’est Master Chef parce que cela donne vraiment envie aux gens de découvrir la
cuisine, de participer et de s’impliquer. Et ça leur donne permet, pendant leur participation, de
travailler avec des produits que l’on peut difficilement avoir dans la région Lorraine où il est
compliqué d’avoir des produits bien frais.
Caroline : Est-ce que vous seriez capable de participer à ces émissions ? Et quelles
images ont les autres de ces candidats quand ils sortent ces émissions, mis à part pour Un Diner
Presque Parfait qui où on participe juste pour le plaisir ? Quelle image y a-t-il pour des émissions
comme Top Chef où les candidats sont déjà professionnels : est-ce que les restaurants sont prêts
à les engager ? Est-ce que c’est positif pour eux de faire ces émissions ?
Léa : Quelle crédibilité ont-elles ?
Bernard Cédric : Généralement, ce sont des hommes et des femmes qui ont déjà un
très grand niveau. Généralement, ils font partis des restaurants étoilés Michelin, donc je ne pense
pas que cela puisse les discrédités. Je pense que c’est plutôt un plus pour eux. Après je n’ai
jamais été confronté à ce genre d’émissions.
26
Léa : Justement, nous savons que les jurés sont reconnus même si au début, nous ne les
connaissions pas quand nous regardions ces émissions...
Bernard Cédric : Ce sont des grands chefs dont vous voulez parler ?
Léa : Oui, nous voulons savoir si justement, ce type d'émissions n'a pas tendance à les
discréditer au sein du milieu professionnel ? Si le fait qu’ils participent à ce genre d’émission
ressemblant à de la télé réalité...
Bernard Cédric : Je ne pense pas parce qu’ils n'ont généralement plus rien à prouver.
Ils sont à la tête d'une brigade de trente cuisiniers, dans de très grands établissements. Ils sont là
plus spécialement pour représenter le monde de la cuisine, pour valoriser leur image, l’image de
leurs établissements. Après, c'est vrai qu'ils sont absents de la cuisine mais les seconds sont là : il
y a toujours des chefs exécutifs et toute la brigade est mise en place à l'avance. Donc, je pense
que justement, ils ont la chance de pouvoir faire ce genre d'expérience. Tout le monde n’a pas
cette chance. Moi je le ferai volontiers je pense. Ça me paraît sympathique. Cela permet de
voyager, de sortir un peu de l'ordinaire de la cuisine.
Caroline : Pouvez vous nous parler un peu votre parcours ? Cela nous intéresse parce
que nous avons découvert que des gens ont changé de parcours grâce à ces émissions.
Bernard Cédric : Moi, ma formation est hôtelière. J’ai commencé à travailler dans un
macaron Michelin dans les Vosges, puis à Marseille, en Suisse, à Chypre. Aujourd'hui je travaille
ici, mais pourquoi pas, dans quelques années, ouvrir mon établissement : je suis encore jeune
pour cela. Il ne faut pas se limiter. C'est à la portée de tous, mais chacun a ses préférences :
certains se sentiront très bien dans de grosses brasseries, à faire de la choucroute et du
cassoulet, d’autres auront envie de voir de plus en plus haut et de s’enrichir réellement auprès de
tous les chefs réputés. Et puis après, lorsque l’on monte dans des grands établissements, cela
reste une famille, tout le monde se connaît, tous les grands chefs…
Caroline : Donc vous pensez que ces émissions de cuisine agrandissent la famille ?
Bernard Cédric : Je pense que cela permet à cette famille de se retrouver un peu aussi,
et de se faire de la publicité les uns pour les autres. De toute façon, je ne pense pas que cela ait
un impact négatif dans le métier : lorsque l’on voit Frédéric Anton qui fait Master Chef, je pense
que les carnets de réservation se remplissent derrière et que ça permet aux curieux, à des gens
qui ne connaissent pas nécessairement la haute gastronomie, qui n'ont peut être pas les moyens
mais qui se disent : « Tiens, une fois dans ma vie, si je dois aller quelque part, autant aller chez un
chef reconnu » et ils préfèrent de loin les visages familiers plutôt que de tenter un restaurant tenu
par quelqu’un qu'ils ne connaissent pas ou peu.
Caroline : Vous croyez que cela a apporté de nouveaux clients à la haute gastronomie ?
Bernard Cédric : Je ne peux pas répondre parce qu'il faudrait connaître voir leurs
chiffres d’affaires, mais je pense que cela aide. Celui qui est amoureux de la bonne cuisine ira
manger dans un macaron Michelin pour comparer, ne serait-ce que pour comparer les différents
sites de restauration. Il n’y en a pas un qui est mieux qu’un autre : c’est varié, mais c’est au goût
de chacun. Je ne sais pas si vous… Quelle est votre style de nourriture ? Vous préférez plutôt les
McDonalds, les sandwichs ?
Léa : Moi personnellement pas du tout parce que j’ai la chance d’avoir un demi-frère à
l’école hôtelière et d’avoir des parents qui aiment bien manger. J’habite en Haute-Savoie, donc du
coup je suis allée chez Marc Veyrat ou d'autres. Moi, j’aime bien, bien manger.
Bernard Cédric : A votre âge, c’est déjà sympathique de pouvoir manger dans des trois
macarons !
Léa : C’est sûr.
Bernard Cédric : Je n’ai jamais eu cette chance et pourtant je suis un professionnel. J’y
ai travaillé mais je n’ai pas eu l’occasion d’aller y manger.
Léa : C’est vrai que d’avoir une personne qui est dans ce milieu. Cela m’a poussé à m’y
intéresser un peu plus aussi.
Caroline : Moi, c’est pareil, j’ai une sœur aussi en hôtellerie et qui a une formation
hôtelière mais je suis moins nourriture... Cela ne me dérange pas de manger de la salade ou dans
un grand restaurant, mais pour moi, cela ne fait pas une grande différence.
Léa : On a quand même des visions assez différentes.
Bernard Cédric : C’est bien, cela signifie que sur cette enquête là, vous allez pouvoir
27
vous complétez. Vous, Léa, aurez plus l’aspect technique et intéressé alors que vous, Caroline,
vpus serez plus dégagée par rapport aux autres.
Léa : Elle, ce serait une vision plus globale et un peu plus précise.
Bernard Cédric : Globale, je ne sais pas. En tout cas, si ces émissions permettent aux
gens de mieux manger, je pense que déjà c’est un but bien réussi. Par contre, il ne faudrait pas
qu’il y en ait de trop parce que ces dernières années, c'est devenu un peu lassant, et aujourd'hui
encore cela devient vite répétitif.
Léa : Oui, on a vu que des émissions comme Un Diner Presque Parfait ont une audience
qui commence à baisser et que malgré les innovations et les nouveaux concepts, ils n’ont plus
autant d’audiences qu’à leurs débuts.
Bernard Cédric : Je pense que c’est un effet de mode aussi.
Léa : on pense que ce genre d’émissions continuent avec de nouvelles saisons mais
comme en général la population française se lasse très vite des programmes…
Bernard Cédric : Ce sera peut être après sur les fringues, ça va durer cinq ans : « je
veux être une fashion star… »
Caroline : Oui mais ces émissions sont présentes depuis les années cinquante tout de
même...
Bernard Cédric : Oui mais c’était Maïté !
Caroline : Cela va peut être partir vers autre chose, pour l’instant c’est la téléréalité qui a
beaucoup influencé ces émissions.
Bernard Cédric : Je pense qu’il pourra rester des émissions comme celles-ci, même si
celle entre professionnels n’est pas très intéressante pour le particulier puisqu’il a du mal à
s’identifie. Ce sont des gens qui ont des très grands parcours et qui connaissent déjà, qui
maîtrisent les techniques. Tandis que sur un Master Chef, ce sont des gens qui ont une passion et
qui n'ont pas de techniques mais qui restent passionnés. Je vous prie de croire que je préférerais
avoir en cuisine certains de ces particuliers plutôt que des gens qui se croient cuisiniers et le
prétendent. Il y a parfois plus de sympathie avec un particulier qui en veut, que sur un jeune qui a
suivi une formation et qui a pris cela parce qu’il ne savait pas quelles études suivre. Cela fait
quinze ans que je fais ce métier, et j’en ai déjà vu beaucoup, des gens d’une cinquantaine
d’années qui restent sur des acquis et ne vont jamais voir plus loin et c'est dommage. C’est un
métier qui est très riche, et c’est très difficile parce qu'on ne peut pas tout savoir à propos des
techniques. On va démissionner à un endroit pour se faire embaucher ailleurs, pour avoir le même
résultat mais avec des techniques totalement différentes. C’est avant tout une question d’ambition
et de passion.
Léa : En parlant de passion, est ce que vous savez si dans votre entourage ou dans les
restaurants, s’il y a des gens qui, depuis ces émissions de télé réalité culinaires, ont vraiment
développé une passion pour la cuisine ?
Bernard Cédric : Moi je sais que j’ai quelques amis, qui aiment bien manger, qui ont
des horaires plus facile que les nôtres et sont au contact de ce genre d’émission, et ils deviennent
curieux : ils viennent me voir et demandent plus de choses : « Tiens j’ai vu ça dans l’émission de
télé, je ne savais pas, tu sais faire, tu pourrais nous montrer… » Il y a quand même un intérêt
certain mais il faut déjà un minimum d'amour pour la cuisine au départ, mais pour moi, ce qui est
important avant tout en cuisine est de bien manger. »
28