La réception des émissions culinaires de type - LR-expérience-74
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La réception des émissions culinaires de type - LR-expérience-74
BONHOMME Camille JALLOH Oury ROCHE Léa WECK Caroline La réception des émissions culinaires de type « Télé Réalité » Dans le carde de l'UE 402 B « Analyse des discours B » et du TD « Analyse des usages et de la réception » avec l'enseignant Jamil DAHKLIA _ Licence Culture et Communication, 2ème année, Université Nancy 2 _ Année Scolaire 2011 – 2012 _ 1 BONHOMME Camille JALLOH Oury ROCHE Léa WECK Caroline La réception des émissions culinaires de type « Télé Réalité » Dans le carde de l'UE 402 B « Analyse des discours B » et du TD « Analyse des usages et de la réception » avec l'enseignant Jamil DAHKLIA _ Licence Culture et Communication, 2ème année, Université Nancy 2 _ Année Scolaire 2011 – 2012 _ 2 Au Menu Introduction..........................................................................................................................................4 1) De la cuisine du terroir à la cuisine moléculaire : l'évolution des émissions culinaires..............5 1.2) L'apparition d'un nouveau genre : retour sur le concept de télé-réalité.............................6 2) Une Enquête Plus que Parfaite .................................................................................................8 2.1) Une popularité pimentée....................................................................................................8 2.2) Menu pour les 20-30 ans ..................................................................................................9 2.3) Autour de la table : Seul ou à plusieurs...........................................................................10 2.4) À vos marques, Prêts, Assaisonnez ..................................................................................11 2.5) Les candidats : de nouveaux idoles ?................................................................................13 3) La cuisine chez les grands chefs : enquête complémentaire.................................................16 3.1) La grande bataille des émissions culinaires......................................................................16 3.2) Top Chef, Masterchef, Un Diner Presque Parfait : utopie culinaire ?.............................17 3.3) Un peu plus près des étoiles..............................................................................................19 3.4) Orientation scolaire et culinaire.......................................................................................20 Conclusion..........................................................................................................................................21 Bibliographie......................................................................................................................................22 Webographie ............................................................................................................................22 Annexes.....................................................................................................................................23 3 Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, les émissions culinaires sont à la mode en France. En l'espace de cinquante-six ans, nous avons pu en répertorier plus de deux cents, toutes plus différentes selon l'époque, la chaîne, les objectifs de production, et les goûts. Il faut dire que la France jouit d'un patrimoine culinaire vaste et reconnu dans le monde entier : tout récemment, la gastronomie française a même été proclamée « chef d'œuvre » immatériel par l'UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture). Mais depuis 2008, nous assistons surtout à l'apparition d'un nouveau type d'émissions culinaires où il ne s'agit plus de réaliser des recettes en temps réel, mais de s'affronter dans une compétition culinaire afin d'être désigné le meilleur des cuisiniers. Ce nouveau genre télévisé est devenu un met favori pour les téléspectateurs. Dès lors, sont apparus des émissions tels que TopChef et Un Diner Presque Parfait diffusées sur M6, ou encore Masterchef, émission diffusée sur TF1. Basées sur des programmes étrangers et innovants dans la forme, elles sont appréciées et développées sur le sol français. Néanmoins, étant donné qu'il s'agit là d'une toute nouvelle conception, et qu'aucune enquête n'a encore été réalisée sur le sujet, nous nous sommes demandés de quelle manière était réceptionnées ces émissions culinaires nouvelles et quel impact avaient-elles eu sur la télévision en France ? En employant les techniques d'enquête enseignées à l'Université de Lorraine, ainsi que des sources bibliographiques fiables et notre propre savoir-faire, nous avons tenté de répondre à un certain nombre de questions concernant les émissions culinaires « nouvelle génération ». Il s'agissait ici de décrypter la réception de ces émissions au sein du monde de la cuisine professionnelle, notamment par rapport à la crédibilité du métier ; au sein des productions, pour tenter de comprendre leurs objectifs premiers à la mise en place de ces programmes ; et surtout au sein même des téléspectateurs, pour découvrir les causes et conséquences de cet engouement important vis à vis de ces nouvelles émissions télévisées. Après une réflexion sur l'évolution des émissions culinaires, nous développerons l'enquête générale proprement dite, avant de se déporter vers l'enquête professionnelle qui nous a permise de rester objectifs et de compléter nos recherches. 4 1) De la cuisine du terroir à la cuisine moléculaire : l'évolution des émissions culinaires Selon Catherine DUMAS1, ancienne sénatrice française, la cuisine est une « passion qui a suivi les évolutions de l'histoire de notre pays, des traditions et des goûts des hommes. Elle s'est peu à peu imprégnée dans nos modes de vie, aux points de trouver des expressions multiples. ». Et en effet, si la cuisine a eu sa place de tout temps dans les foyers français, la vision que nous en avons évolue depuis presque soixante ans. 1.1) Un engouement culinaire présent depuis soixante ans En 1956, il n'existait qu'une seule chaîne de télévision en France, ainsi qu'une seule émission culinaire : Art et Magie de la cuisine, présentée par le Chef Raymond Oliver et produite par Pierre Sabbagh. Si elle était très populaire, nous ne pouvons pas dire que cette émission déjouait toute concurrence. Malgré tout, entre 1963 et 1967, l'émission se développa quelque peu, s'ajusta et prit d'autres noms au fil du temps : La Cuisine puis Cuisine à quatre mains. Mais toutes trois avaient le même but : expliquer clairement des tours de main pratiques à toutes les ménagères de France, encore nombreuses dans les années soixante. Cet engouement pour les recettes du Chef Oliver s'estompe pourtant au début des années soixante-dix, lorsque la femme commence à s'émanciper et lorsque de nouvelles préoccupations sociales envahissent le pays : après un succès qui aura duré une décennie, les émissions culinaires se font rares. De plus, même si la spectatrice-cuisinière tend à réaliser des plats à domicile « comme au restaurant », la rapidité des plats à réaliser dans ce type d'émissions pouvait cacher de nombreuses difficultés. Mais après un passage à vide, le développement de la télévision et l'apparition de nouvelles chaînes entraînent avec un eux un renouveau des émissions culinaires. Et en 1983, nous assistons à l'apparition d'un nouveau type d'émission culinaire : une nouvelle cuisine pour le grand public et un type de cuisine familiale avec pour relève assurée : Micheline et Maïté dans La cuisine des mousquetaires : « Elles pérennisent le style de la cuisine de ménage, ou de bistrot, par leurs recettes - (...) - le décor chaleureux et simple...2 ». Leur duo aura un grand succès auprès des téléspectateurs et durera de nombreuses années avant de laisser place à d'autres émissions du même genre. Depuis 1996, les émissions culinaires sont à la mode. Chaque chaîne a sa propre émission : la télévision française n'a jamais connu une telle abondance. Selon Odile Blächer, ce nouvel engouement soudain « s'explique par la mode du loisir manuel à domicile – un autre exemple en est le jardinage -, mais aussi par le succès du restaurant. (…) Il s'agit dans les deux cas d'un gain de plaisir et d'une maîtrise du temps de loisir. La recette télévisée s'y conforme : plaisir des sens dès la réception du programme, puis lors de la préparation, dont celui du toucher que procure le travail manuel. Plaisir des sens dont celui de la vue et de la dégustation, au restaurant. ». Dès lors, nous pouvons faire la distinction entre deux grands styles d'émissions et deux types de cuisine : la cuisine dite de ménage, de terroir, de bistrot, à la bonne franquette, et la cuisine de chefs, tout de même moins importante à la télévision. Après le succès de ces émissions d'apprentissage de la cuisine, nous nous sommes pourtant aperçus que, depuis quatre ans, elles avaient laissé la place à de nouveaux programmes dédiés à la cuisine, innovants dans la forme, où il s'agit désormais de s'affronter dans des défis entre particuliers ou entre professionnels. Aujourd’hui, les émissions culinaires ont bien changé et tendent à être intégrées dans la catégorie des émissions de type télé-réalité. 1 DUMAS, Catherine. Les arts culinaires : patrimoine culturel de la France. 2008. Rapport d'information N°440. 9-12p 2 BÄLCHER, Odile. Les émissions culinaires à la télévision française (p121) 5 1.2) L'apparition d'un nouveau genre : retour sur le concept de télé-réalité Aujourd'hui, les émissions culinaires sont citées dans de nombreux travaux en rapport avec la télé-réalité. Pour François Jost 3 (auteur de nombreux livres sur la télé réalité), celle-ci est parvenue au fil du temps à contaminer le monde de la télévision, et même ceux qui étaient réticents. L’un des exemples de cette idée est le groupe de chaîne France Télévisions qui, après avoir dit que la téléréalité ne viendrait jamais sur ses chaînes, est venu à en produire. Une émission centrée sur 5 personnes anonymes va même apparaître sur France 2 : Cinq touristes, adaptée d’un format américain Celebrity five to go. L’émission Repas de famille montre également le basculement opéré par France 3 dans le monde de la télé-réalité : « Deux familles qui ne se connaissent pas et que tout oppose vont partager un dîner. Elles ont décidé, à tour de rôle, d’ouvrir leur maison pour passer à table, échanger mets, réflexions et manières de vivre. Comment vont se dérouler ces deux repas ? Nos deux familles vont-elles s’accepter ? Vont-elles réussir à dépasser leurs préjugés ? La cuisine adoucit-elle les mœurs ? » Le principal élément qui regroupe ces différentes émission, c'est que l’on cherche à mettre en scène ceux que l’on appelle « les anonymes » parfois aussi appelés « public populaire ». La cuisine se retrouve au centre de ces émissions parce qu’elle constitue une préoccupation quotidienne des français. La télé-réalité a aujourd’hui cassé les murs qui faisaient son identité. On fait disparaître le regard neutre presque froid de l’objectif de la caméra. Par exemple, dans l’émission Un Diner Presque Parfait : la personne qui cuisine semble seule dans la pièce. On retrouve dans toutes ces nouvelles émissions une importance de la scénarisation : chaque semaine dans Un Dîner Presque Parfait, les anonymes sont les acteurs de l’émission et sont garants de son succès, notamment ceux aux caractères uniques. Le producteur du programme se retrouve mis de côté, et n’apparaît qu’à la fin de l’émission dans un bandeau : c'est le cas pour les trois émissions que nous étudions. La télé réalité attire majoritairement la population des 15-24 ans, voir des 15- 34 ans pour certaines. Les études sont néanmoins souvent biaisées puisque le terme de « ménagères de moins de 50 ans » regroupe des femmes mais aussi désormais des hommes qui s’occupent du ménage dans leur foyer et dont l’âge va de 15 à 50 ans. Ce public se regroupe devant les émissions culinaires nouvelles qui nous intéressent. On retrouve dans les auditeurs de nombreuses femmes car la cuisine amateur reste encore aujourd’hui liée à un public féminin. Néanmoins elles révèlent aussi un véritable engouement chez les hommes, majoritaire dans la profession elle-même : l’homme aussi se sert maintenant des fourneaux. Dans le Guide Michelin de 2011, on retrouve 18 femmes en tant que chefs étoilées contre 558 hommes4. Cela s'expliquerait par le fait que ce métier implique une omniprésence de travail dans la vie privée et dans la vie professionnelle, repoussant celles qui désirent garder une vie de famille. Aujourd'hui, ces nouvelles émissions culinaires montrent l’envers du décor dans la profession, souvent peu connue des spectateurs, le travail mais aussi la convivialité. La cuisine est liée au patrimoine français, et attirent les téléspectateurs. Chacune des émissions est adaptée d’un format étranger mais elles diffèrent d’un pays à l’autre. L’émission américaine Top Chef aura des enjeux différents de celle diffusée en France, même si les graphiques et l’idée de départ sont les mêmes. 0n retrouve dans les deux versions un concours centré autour de professionnels de la cuisine. Pour François Jost, ces émissions nouvelle génération sont éphémères mais renvoient aussi à une volonté de mettre en avant le banal. Pour lui, la télé-réalité est directement lié à la Factory d’Andy Warhol. Les émissions de télé-réalité se rattachent aussi au mouvement appelé le « ready-made » : on transfigure des objets du quotidien (l’œuvre emblématique est Fountain de Richard Mutt). La télé-réalité transfigure des discussions, des actes rejetés par la fiction qui joue sur des 3 JOST François, Le culte du banal, CNRS Eds, 2007 4 • MEREUZE, Didier. Le long chemin des femmes vers les étoiles de la gastronomie. 3 mars 2011 (page consultée le 7 mai 2012) <http://www.la-croix.com/Culture-Loisirs/Culture/Actualite/Le-longchemin-des-femmes-vers-les-etoiles-de-la-gastronomie-_NG_-2011-03-03-564384> 6 évènements plus spectaculaires, plus marquants. Loft Story a été considéré dans une étude sur le cinéma comme l’un des 10 meilleurs films de l’année. L’anonyme s’est ainsi propagé dans tous les genres de la télévision dont les émissions culinaires qui étaient ancrées dans le paysage audiovisuel français. 7 2) Une Enquête Plus que Parfaite Cette enquête généralisée a été réalisée grâce à la participation de cent cinquante personnes anonymes interrogées à l'aide d'un questionnaire publié sur internet 5, dans le but d'atteindre un échantillon vaste et hétérogène. Dans une étude basée sur la télévision, il semblait nécessaire d'obtenir un panel diversifié pour éviter la généralisation et le faussement de nos résultats. 2.1) Une popularité pimentée Si depuis l'époque de Art et magie de la cuisine les émissions culinaires n'ont jamais cessé de se décupler, elles n'ont pas toujours connu un succès fulgurent. Notamment dans les années 1970, lorsque la femme s'émancipe et que la révolution sexuelle se met en marche, les émissions de cuisine connaissent un passage à vide. Mais aujourd'hui, avec ces émissions relookées et transformées, il est possible que l'engouement pour ces dernières refasse surface. Si nous prenons l'exemple de l'émission Un Diner Presque Parfait, nous pouvons en avoir un aperçu : en effet, lorsque M6 décide de mettre en place le programme en février 2008, et sans qu'il y ait une véritable publicité, la chaîne a récolté six cents soixante-dix candidatures spontanées pour participer à l'émission. De plus, pour sa première diffusion, la chaîne a obtenu une audience de 1,4 millions de téléspectateurs : avec cela, difficile de ne pas dire que la mise en place de cette émission culinaire a été d'un franc succès. Nous nous sommes donc interrogé sur l'importance de ces émissions auprès du panel de cent cinquante personnes anonymes interrogées. Il s'agissait ici de déterminer si les émissions étaient ou non regardées avec entrain. Nous avons donc interroger les anonymes, tout d'abord, en fonction des émissions : Avez vous déjà regardé Top Chef ? A quelle Fréquence ? 29,00% 33,00% 41,00% Oui Toutes les Semaines De Temps en Temps Non Rarement 59,00% 38,00% A quelle Fréquence ? Avez vous déjà regardé Masterchef ? 25,00% 34,00% 42,00% Oui Non Toute s le s s em aines De te m ps e n te m ps Rare m ent 66,00% 33,00% 5 Voir Annexes 8 Ave z-vous dé jà re gardé Un Dîne r Pre sque Parfait ? A quelle Fréquence ? 5,00% 6,00% 30,00% Oui Toutes les Semaines De Temps en Temps Non Rarement 64,00% 95,00% Nous constatons que plus de la moitié des personnes interrogées regardent ces émissions culinaires nouvelle génération. A l'évidence, il y a un véritable engouement pour celles-ci. Le seul problème rencontré pour cette hypothèse généralisée est les questions sur la fréquence. Nous avions, en effet, présenté aux personnes interrogées trois solutions : Toutes les semaines, de temps en temps, rarement. Or, nous nous sommes aperçus que ces réponses proposées « De temps en temps » et « rarement » étaient peu claires, peu explicites car, pour chacun, la signification ne sera jamais la même. Ainsi, nous n'avons pas pu étudier au maximum ces réponses, mais nous pouvons tout de même confirmer notre hypothèse de départ selon laquelle les émissions culinaires nouvelle génération et de type télé-réalité sont très populaires à l'heure actuelle. 2.2) Menu pour les 20-30 ans Les candidats de ces émissions sont jeunes, pour la plupart,et cela nous a amené à nous dire que le public visé, lors de la production des programmes étudiés, par ces chaînes était principalement celui des 20 à 30 ans, des gens qui sont encore étudiants ou qui commencent leur vie active. Chez cette population, mes habitudes alimentaires ne sont pas encore prises et elle représente la cible préférée des émissions de télé-réalité. De plus, les émissions comme Master Chef et Top Chef sont longues et se déroulent le soir, un moment de calme, de se pauser après une longue journée. L’émission Un Dîner Presque Parfait est plus courte mais cible aussi des jeunes, public représenté par de nombreux candidats de différentes villes. On retrouve les mêmes idées que dans les autres émissions avec des candidats surprenants, aux caractères forts, qui vont être là pour assurer le spectacle, assurer l’émission. Dans notre questionnaire, nous avions demandé l'âge des participants, et voici les résultats obtenus : Quel âge avez vous ? 80,00% 75,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 19,00% 20,00% 10,00% 0,00% 4,00% 0,00% 5-15 ans 2,00% 15-25 ans 25-45 ans 45-60 ans 60 ans e t + 9 L’étude de ces chiffres nuance nos propos. En effet, ces émissions sont très liées à la téléréalité qui touche les 15 à 34 ans mais aussi les ménagères de moins de 50 ans. Le public est donc très hétéroclite et a différentes attentes : la cuisine n’étant pas forcément la principale. L’engouement des téléspectateurs est d’ailleurs en train de retomber et c’est une des principales idées qui ressort des différents communiqués de presse. France Inter s’interroge après le flop de Carré VIP sur l’existence de l’avenir de la télé-réalité. Il est dont très dur de trouver un réel public spécifique à ces émissions puisque celui-ci est très variable. Les audiences d’Un dîner presque parfait ont baissé d’1,4 millions de téléspectateurs en un an. François Jost s'est exprimé sur France Inter et il a mis en avant le fait que « l’ennui au bout d’un temps chez les téléspectateurs est récurrent, il faut sans cesse trouver de nouveau support et cette idée est prépondérante sur le territoire français. » On retrouve toutefois le même phénomène aux États-Unis, où les audiences passent entre 2008 et 2010 de 2,7 millions à 1,7 million selon l’article de France Soir :Émissions culinaires - On frôle l’indigestion….6 Contrairement à la France, le programme est diffusé sur une chaîne câblée et privée Bravo gérée par la NBC Universal. La chaîne Bravo est disponible dans environ 88 millions de foyers aux États-Unis. Les chiffres de Top Chef sont donc faibles si l’on les compare au volume total d’abonnés. C'est pourquoi, nous ne pouvons ni réfuter, ni confirmer notre hypothèse selon laquelle les 20 à 30 ans sont les téléspectateurs qui regardent le plus les émissions culinaires nouvelle génération et de type télé-réalité. 2.3) Autour de la table : Seul ou à plusieurs Aujourd'hui, notre société est en proie à un individualisme croissant. Depuis toujours, selon Bourdieu, un individu est intégré à la société grâce à l’inculcation de certaines normes et valeurs par les instances primaires de socialisation soit majoritairement la famille qui garde une place prépondérante dans la vie de l'individu. En effet, elle demeure un lieu où s'exercent des solidarités sous des formes diverses (aides matérielles, en temps) et en capital social. Cette entraide protège les membres de la famille contre les aléas de la vie et facilite leur intégration. Les instances comme l'école, les groupes de paires et le travail viennent compléter cette socialisation et permettent de créer du lien social et donc de la cohésion sociale. Or aujourd'hui on assiste à un éclatement de ces instances de socialisation. La nouvelle socialisation familiale, moins normative, est fondée davantage sur la négociation et la flexibilité dû à l'allongement des études qui éloignent les individus, à des familles recomposées, monoparentales ou non mariées. Le travail ne remplit plus cette fonction d'intégration car l'avenir professionnel est de plus en plus instable, de plus en plus compétitif ce qui pousse les individus à s 'affronter. De nos jours, nous rencontrons des difficultés croissantes à construire le lien social dans notre société, qui conduit à s'interroger sur la possibilité d'une « explosion sociale », un délitement de la société faute de cohésion entre ses membres. De par ce constat, nous nous sommes intéressés à ce que la cuisine représente dans les mentalités des individus socialisés. En France, la cuisine fait partie d'un capital culturel, d'un patrimoine qui se transmet de génération en génération or aujourd'hui cette transmission de savoir et de passion semble être en décalage avec l'évolution des mentalités. Ces nouvelles émissions de cuisine basées sur le principe de la télé-réalité semblent être un bon compromis entre ces valeurs culturelles et la volonté de moderniser la transmission de ces connaissances. De plus le fait que ces émissions passent à la télévision, elles permettent aux individus de se retrouver devant un programme qui plaît de par son dynamisme, de par la compétition et autour de la cuisine. 6 GUITARD, Gaëlle. Émissions culinaires - On frôle l’indigestion… 9 septembre 2010 (page consultée le 15 avril 2012) <http://www.francesoir.fr/people-tv/television-media/emissionsculinaires-frole-l%E2%80%99indigestion%E2%80%A6-56718.html> 10 Une nouvelle hypothèse a pu naître de ces constats : ces émissions de télé-réalité culinaires permettent de lutter contre l'individualisme en France en rassemblant les individus autour d'une même passion remis au goût du jour. De cette supposions ont découlé des interrogations pour notre questionnaire : Vous regardez ces émissions : 15,00% 3,00% 0,70% 6,00% Entre Amis Seul En famille En couple 53,00% Avec quelqu'un qui regarde l'émission Pas du tout 58,00% Après lecture de ce graphique on constate que majoritairement, on regarde ces émissions seul(e) ou en famille. Plus modérément on se retrouve aussi entre amis et en couple. Toutefois, nous avons recueillis énormément de réponses d'étudiants ce qui ne nous permet de tirer que des suppositions concernant le visionnage de ces émissions. En effet les étudiants sont souvent éloignés de leur famille et donc se retrouvent la plupart du temps seul devant des programmes diffusés en soirée, la semaine. Mais on peut penser, au vue des résultats, que lorsque les étudiants retournent chez eux ces programmes sont suivis par toute la famille. On peut donc dire que la plupart du temps les étudiants vont regardés ces émissions seul(e) en dépit de l'éloignement du cocon familial. Ces émission nous paraissent être des programmes familiaux qui plaisent à tout âge et rassemblent. 2.4) À vos marques, Prêts, Assaisonnez Ces émissions de cuisine nous l'avons vu ne correspondent plus au modèles traditionnels de leurs débuts, elles se sont modernisées pour attirer toujours plus d'audience et pour la rentabilité. Cette modernisation passe notamment par l'utilisation d'un principe similaire à la téléréalité : on suit des candidats semaine après semaine, nous les voyons s'affronter et surtout nous sommes les témoins des difficultés qu'ils peuvent rencontrer. C'est d'ailleurs sur ce dernier point que nous nous sommes interrogés. Le fait que ces émissions mettent en scène des individus luttant les uns contre les autres semblerait être apprécié des spectateurs. On peut alors se demander si justement ce côté compétition est apprécié car les individus aiment voir ce genre de « spectacle » rappelant symboliquement les combats de gladiateurs dans les arènes, ou si ces émissions sont attirantes de par la cuisine et les défis qu'elles proposent. Selon nous, ces émissions font ressortir des comportements cachés, des tabous de voyeurisme et de jouissance quant à la vu d'un affrontement. Deux questions nous sont apparues comme pertinentes pour répondre à notre hypothèse : 11 Vous regardez ces émissions : 26,00% Pour la cuisine Pour la compétition Par curiosité 60,00% 14,00% Nous pouvons constater qu'en majorité les spectateurs suivent l'émission de part le concept même du programme, la cuisine. Toutefois on remarque que la curiosité et la compétition sont les deux raisons qui poussent le spectateur à s'y intéresser. La curiosité montre bien une envie chez l'individu d'augmenter son savoir, d'être « au courant » des derniers programme à la mode. Nous ne nous trouvons plus dans le voyeurisme mais dans le commérage. Le côté "Compétition" vous attire-t-il ? Oui 46,00% Non 54,00% Nous pouvons remarquer que les sondés sont partagés toutefois on observe que 46% de ces derniers aiment la compétition mise en scène dans ces émissions. Nous ne pouvons pas répondre exclusivement à notre hypothèse mais une grande partie des individus sont attirés par le fait de voir des candidats s'affronter et surtout de pouvoir en parler avec d'autres individus ayant visionnés l'émission. Notre hypothèse ne s'avère pas totalement fausse mais plutôt incomplète puisque cette curiosité et cette jouissance à voir s'affronter des candidats permettent de nourrir le commérage. Cette questions nous aurait été d'une plus grande utilité si à la réponse « Oui » nous avions demandé pourquoi le côté compétition attire les spectateur concernés. Le seul fait d'aimer la compétition ne peut pas venir à lui seul confirmé entièrement notre hypothèse voyeuriste. 12 2.5) Les candidats : de nouveaux idoles ? Une des autres idées que nous avons eue, partait du principe que les cuisiniers professionnels ou amateurs de ces émission présentent des profils très divers. Dans Master Chef, nous ne retrouvons que des anonymes, et la gagnante de la dernière saison était une mère de famille dont l’emploi était infirmière, et qui vivait très loin du monde de la cuisine. Lors de la première émission, les téléspectateurs ont tendance à choisir un ou des candidats qui seront ceux qu'ils voudront voir réussir. Les autres candidats seront mis de côté au profit des « candidats préférés ». Ils cherchent à se trouver des liens ou des passés qui se correspondent. Si nous prenons l'exemple de Top Chef, et les avis des trois filles de notre groupe, nous remarquons que nous avons choisi spontanément la candidate Noémie, une jeune femme de vingt-deux ans parce que nous nous sentions proche d’elles. Autre exemple, lors de l’élimination de Tabata : sur les réseaux sociaux, les principales critiques qui circulaient la définissaient comme hautaine et égocentrique. Il y avait un réel désamour des téléspectateurs envers cette candidate et les critiques renvoyaient rarement à ces capacités culinaires. Nous avons interrogé nos anonymes sur leur possible identification à ces candidats, voici nos résultats : Suivez vous un candidat en particulier ? 13,00% Vous reconnaissez vous en lui ? 26,00% Oui Oui Non Non 74,00% 87,00% Rares sont les personnes qui s'identifient aux candidats dans notre panel et pour cause : la cuisine, qui était au départ une préoccupation mise en retrait, est mise en avant et les candidats non professionnels qui ne vont pas avoir peur de montrer leurs capacités. C’est d’ailleurs cette idée qui ressort aussi de notre entretien avec M. Cédric 7, sous-chef aux Petits Gobelins . Pour lui, ce qui importe le plus dans ce métier est la passion et non les capacités même si pour lui, Top Chef est l’émission la plus professionnelle. Il pense que l’émission la plus utile et la plus enrichissante pour les téléspectateurs est Master Chef. Mais les candidats de ses émissions sont très divers et représentent le côté cosmopolite de la population française. Ce sont des gens ordinaires qui font des choses « ordinaires », et les éléments deviennent transfigurés et plus importants. Le franc-parler de Norbert Tarayre de Top Chef, candidat de Top Chef, lui a valu un engouement réel de la part des téléspectateurs. On met en avant le candidat et c’est d’ailleurs souvent son nom que l’on retient. Les finalistes de cette émission ont été invités dans le Grand Journal et ils assuraient que les gens qui venaient dans leurs restaurants voulaient avant tout les voir eux et la cuisine devenait secondaire. Par cette réflexion, nous ne pouvons pas confirmer ou réfuter complètement notre hypothèse selon laquelle les téléspectateurs s'identifieraient aux candidats de ces émissions culinaires. Toutefois, nous pouvons dire qu'il existe une possibilité d'identification auprès de ces candidats ordinaires mais touchants. 7 Voir Annexes 13 2.6) Les Recettes pour les Nuls Selon Catherine Dumas8, notre cuisine française est un « phare » de la cuisine mondiale, une référence en matière d’excellence et de rigueur. Elle est une rencontre entre un patrimoine et un savoir faire, l’expression d’une créativité humaine qui se traduit dans des alliances, des assemblages ou une sublimation des saveurs. Néanmoins, nous avons longuement supposé que les recettes réalisées dans ces émissions culinaires ne sont pas reproduites par les téléspectateurs à leur domicile, et la principale cause serait la complexité de celles-ci. En effet, si auparavant les émissions culinaires étaient basées sur l'envie de partager un savoirfaire, aujourd'hui, le concept est tout à fait différent puisqu'il s'agit désormais de mettre en avant la compétition. Dans des émissions comme Masterchef ou Top Chef, diffusées depuis 2010 en France, il n'y a plus de place pour les consignes, les conseils ou encore les astuces utiles au téléspectateur, pour qu'il puisse réaliser à son tour les recettes proposées. Seule l'émission Un Diner Presque Parfait laisse quelques minutes de son programme aux savoirs-faire. Néanmoins, nous supposons que, depuis l'apparition de ce nouveau genre de programme culinaire, les téléspectateurs n'ont plus le cœur à reproduire les recettes réalisées, malgré le fait que ces dernières soient postées sur les sites officiels des émissions. Pour vérifier cette hypothèse rejoignant notre questionnement sur les conséquences de ces nouvelles programmation, nous avons inséré dans notre questionnaire les questions suivantes : Reproduisez-vous les recettes proposées dans ces émissions ? Si non, pourquoi ? Voici les réponses que nous avons obtenu sur cent cinquante réponses : Reproduisez vous les recettes proposées ? 33,00% Oui Non 67,00% Plus de la moitié des personnes interrogées affirment ne pas reproduire les recettes proposées dans les émissions culinaires d'aujourd'hui. Cela confirme en partie notre hypothèse, mais il nous fallait aussi comprendre pourquoi. Voici les réponses obtenues pour la seconde question : 8 DUMAS, Catherine. Les arts culinaires : patrimoine culturel de la France. 2008. Rapport d'information N°440. 9-12p 14 Si non, pourquoi ? 5,00% 10,00% Difficiles/Compliquées 29,00% 5,00% 2,00% Pas le temps Je me débrouille Pas envie Pas le budget Pas les ustensiles/aliments 15,00% Je ne cuisine pas Je ne prends pas de notes 3,00% 31,00% Les réponses qui reviennent en majorité sont les suivantes : les recettes sont trop compliquées et trop longues à réaliser. Cette seconde partie de réponse confirme notre hypothèse dans sa totalité, mais elle nous a également permis de nous apercevoir que la complexité des recettes n'était pas la seule et unique raison de la non reproduction des recettes. Il faut aussi préciser qu'étant donné que le questionnaire a été diffusé sur le net, via les réseaux sociaux (Facebook et Twitter), nos résultats peuvent être légèrement déformés car, sur les 150 réponses reçues, 75,00 % des réponses ont été données par la tranche d'âge des 15-25 ans. Or, avec cette tranche d'âge en majorité, il faut être conscient du fait qu'il s'agit notamment d'étudiants, généralement dans l'impossibilité de pouvoir financer la réalisation de ces recettes, d'où les nombreuses réponses suivantes : le manque de temps, le budget inexistant, le manque d'ustensiles ou encore l'absence de pratiques culinaires. Mais cela n'empêche pas à notre hypothèse d'être confirmée : les téléspectateurs ne reproduisent pas les recettes proposées dans les nouvelles émissions culinaires, et cela est dû principalement à une forte complexité. 15 3) La cuisine chez les grands chefs : enquête complémentaire Cette enquête complémentaire nous a permis de compléter notre enquête notamment grâce à des entretiens auprès de chefs importants dans le domaine de la cuisine, mais aussi grâce à un questionnaire plus spécifique confié à une classe de Bac Professionnel dans l'hôtellerie. Il s'agissait ici de découvrir l'envers du décor, de comprendre l'impact de ces émissions dans le monde culinaire et dans l'orientation des jeunes. Nous voulions aussi comprendre pourquoi ces émissions ont-elles été produites en France, à la suite de leur diffusion dans d'autres pays. 3.1) La grande bataille des émissions culinaires Un Dîner Presque Parfait est la première de ces émissions à être diffusée en France, par M6, en Février 2008. Cette émission est basée sur une émission anglaise : Come Dine With Me (2005). Il s'agit ici de mettre en compétition cinq candidats amateurs de cuisine tout au long de la semaine, chacun invitant les autres à venir dîner chez lui. Deux ans plus tard, l'émission Top Chef est aussi adaptée d'une émission étrangère : Top Chef US qui en est déjà à sa septième saison aux États-Unis. Elle vise à découvrir le grand chef de demain : pour cela, on propose à de jeunes cuisiniers de s'affronter lors de défis culinaires sous l'œil d'experts. Enfin, Masterchef est diffusée en France sur TF1 depuis août 2010, donc peu de temps après Top Chef et est, elle aussi, basée sur un format à succès du Royaume-Uni. Cette émission, contrairement à Top Chef, s'inscrit dans la démesure : 100 participants, 10 000 m² de cuisine, et 6 types d'épreuves différentes. Elle oppose non pas de jeunes cuisiniers mais des amateurs dans une compétition intense. Nous observons que ces trois émissions ont été programmées en France les unes à la suite des autres et nous nous sommes demandées si la principale raison de ces productions était la concurrence des chaînes nationales. Nous avions donc pris l'initiative de contacter ces chaînes, à savoir M6 et TF1, afin de leur poser quelques questions sur le but de production. Malheureusement, nous sommes dans l'incapacité de proposer nos résultats, car nous n'avons obtenu aucune réponse de la part de ces chaînes, malgré un entêtement de notre part. Nous avons donc décidé de chercher nous même des explications fiables. Selon l'encyclopédie Wikipédia, Come Dine With Me, la version anglaise d'Un Diner Presque Parfait (il existe en tout 32 versions de l'émission), est diffusée sur Channel 4, une chaîne britannique du service public. Et encore aujourd'hui, selon le site barb.co.uk , l'émission a un succès très important et apparaît dans le top 10 des émissions de la chaîne avec une moyenne de 1,7 millions de téléspectateurs par épisode. Masterchef Usa quant à elle est diffusée sur la chaîne Fox aux États-Unis, un chaîne privée, mais connaît un succès impressionnant et récolte 6 millions de téléspectateurs. Enfin, Top Chef Usa, la version américaine de Top Chef est diffusée sur la chaîne Bravo, une chaîne privée, et récolte de 1,7 à 2 millions de téléspectateurs par épisode. Ces premières informations tendent à montrer que le succès de ces émissions à l'étranger a attiré les productions françaises. Mais est-il question de « concurrence » ? Dans son article parut dans Libération en 2008, Raphaël GARRIGOS 9 écrit : « Un Diner Presque Parfait place M6 quasi systématiquement en tête des audiences de la tranche horaire 18-19 heures, a même déjà fait une victime : le jeu 1 contre 100, qu'animait Benjamin Castaldi, a été déprogrammé en urgence par TF1 qui l'a remplacé par une série américaine, laquelle ne devrait pas faire long feu. ». Dans un autre article, écrit par Julie OKLAUS, nous pouvons lire 10: « Ces derniers temps, la télé met la cuisine à toutes les sauces, et c'est TF1 et M6 qui se partagent la part du lion avec Master Chef d'un côté et Top Chef de l'autre. Pour la deuxième saison de son concours culinaire (...) M6 souhaite absolument se différencier de l'émission concurrente en 9• GARRIGOS, Raphaël. ROBERTS Isabelle. Bouffe Story. 10 mai 2008. (page consultée le 16 avril 2012) <http://www.liberation.fr/medias/010125139-bouffe-story> 10•OKLAUS, Julie. Top Chef a un plan pour battre Master Chef. 01 novembre 2010. (page consultée le 16 avril 2012). <http://www.staragora.com/news/top-chef-a-un-plan-pour-battremaster-chef/407995> 16 mettant l'accent sur la cuisine, rien que la cuisine ». À en croire les médias, qui répète ces propos au fil des articles, ces émissions culinaires ont été produites l'une pou battre l'autre : il y a donc bien un besoin d'éliminer la concurrence venant de la part des productions. Malheureusement, cela ne peut pas nous permettre de confirmer notre hypothèse et nous devons la laisser en suspend. Elle aurait pu être confirmée si nous avions obtenu des résultats de nos contacts avec les productions. 3.2) Top Chef, Masterchef, Un Diner Presque Parfait : utopie culinaire ? Ces émissions de télé-réalité sont un moyen pour alimenter le désir d'innovation des français en ce qui concerne les programmes télévisés mais aussi une méthode qui permet de redonner goût aux individus de bien manger (« manger, bouger » ; « 5 fruits et légumes par jours ») et de populariser le monde de la cuisine et les métiers lui permettant d'exister. Des émissions comme Top Chef présentent réellement les métiers puisque des professionnels s'affrontent. Toutefois, des émissions comme Un Dîner presque parfait et notamment Master Chef nous montrent des passionnés de cuisine, des non-professionnels qui se font face. Le fait de permettre à n'importe quel individu, maîtrisant la cuisine mais sans formation, de participer, nous dépeint un univers dans lequel n'importe qui peu entrer. De même, permettre aux candidats d'utiliser tous ces produits frais, tout ce matériel dans des environnements aussi exceptionnels nous paraît fausser la vraie réalité du métier et des conditions de travail des cuisiniers. Bien que du point de vue du novice/spectateur ce métier fait rêver, fait naître des passions voir entraîne des changements de carrière, du point de vue des professionnels cela n'est pas aussi facile et abordable. C'est pourquoi nous supposons que ces émissions popularisant le milieu de la cuisine et ses métiers auprès du public, dévalorisent et abaissent la dureté du métier en le rendant accessible à n'importe qui. Du point de vue des professionnels ces programmes, selon nous, font perdre ses lettres de noblesse aux métiers culinaires. Pour vérifier nos dires, nous nous sommes adressés avec un questionnaire spécifique à des jeunes étudiants d'un lycée hôtelier 11. Nous nous sommes aussi entretenu avec un chef cuisinier afin d'être nos résultats soient plus pertinents. → Selon vous, quelle image ces émissions donnent-elles du monde de la cuisine ? Pourquoi ? 30% 40% Positive Négative Mitigée 30% Positive - faire des découvertes - propose de bonnes recettes - fait connaître le monde de la cuisine Mitigée Négative - c'est plus du cinéma que de la cuisine - trop proche de la télé-réalité et non de la réalité du métier - trop médiatisé - trop de stress 11 Voir Annexes 17 On constate, à lecture des résultats, que les avis sont très équilibrés et majoritairement mitigés. Les étudiants sondés y voient certes un bon moyen de mettre en lumière la cuisine et ses qualités, toutefois on remarque que ces émissions sont trop extrêmes et quelque peu surréalistes quand à la réalité du métier. De même à la suite de l'entretien, on comprend bien que ces émissions ont des avantages quant à la popularité et à la prévention santé de la cuisine mais que la cuisine y est sublimée. L'hypothèse d'une dévalorisation du métier est réfutée car elle semble trop forte. Les émissions de télé-réalité culinaire popularise la cuisine mais l'enjolive. Notre hypothèse de départ est à reformuler : ces émissions ont tendance à trop embellir la réalité des métiers de la cuisine. → Quelle(s) émission(s) correspond(ent) le plus au niveau demandé dans vos formations ? 10% 40% 30% 20% Un dîner presque parfait Top Chef Master Chef Aucune Seul l'émission Top chef regroupant des professionnels, semblent correspondre au niveau réel du monde la cuisine ce qui paraît logique dans la mesure où les candidats ont suivi des formations, et qu'ils sont déjà dans le monde du travail souvent dans des établissement à Macarons. Mis à part ce programme, les autres émissions sur lesquelles nous nous sommes concentrés dans cette enquête ne semblent pas convaincantes aux yeux des étudiants. Des résultats qui furent appuyés par le témoignage du chef cuisiner . → Si le niveau ne correspond pas est-il : 44% 56% Plus élevé Moins élevé Étonnement les avis se valent : en effet, on constate que même si une grande partie pensent que des émissions comme Un Dîner presque parfait ou MasterChef demandent un niveau de cuisine moins élevé, 44% ne sont pas de cet avis. Par le fait que toutes les émissions ne correspondent pas réellement au niveau demandé chez les professionnels, qu'il soit plus ou moins élevé, ces émissions faussent la vision qu'a le public du milieu culinaire. On popularise une utopie culinaire, on promeut un univers qui n'est pas si parfait et accessible. Même si le métier n'est pas dévalorisé, il n'est pas correctement définit. Toutefois nos propos sont à relativiser car cette dernière question a été très mal posée : nous ne sommes pas en mesure de distinguer les avis en fonction des émissions. Nous aurions dû diviser cette question en deux, l'une concernant le niveau d'Un Dîner Presque Parfait et l'autre sur Master 18 Chef. Par supposition, on peut lire ces résultat comme ceci : les 44% de sondés ayant répondu que le niveau était moins élevé se sont prononcés concernant Un Dîner Presque parfait puisque le concept ne se base que sur des particuliers. 56% correspondrait alors à MasterChef dont le niveau serait plus élevé du fait qu'il allie particuliers passionnés à un jury de grands chefs. De même, le chef cuisinier Bernard Cédric nous à fait part de son avis : « Je préfère travailler avec des passionnés qui cuisine parce qu'ils aiment ça plutôt qu'avec des jeunes formés dans des lycéens hôteliers qui ont choisis la cuisine par obligation ». 3.3) Un peu plus près des étoiles Thierry Marx, Ghislaine Arabian, Jean-François Piege, Christian Constant, Cyril Lignac, Frédéric Anton, Yves Candeborde... Ces noms n'ont plus de secret pour personne : il s'agit des jurés et grands chefs des émissions Top Chef et MasterChef. Ce sont eux qui désignent les meilleurs plats et les meilleurs cuisiniers, ils sont en quelque sorte les arbitres de la compétition. Mais nous nous apercevons que depuis leur participation, ces grands chefs tendent à ne plus être considérés simplement comme des chefs cuisiniers, mais comme des stars du petit écran. Ils font désormais la Une des magazines et sont réquisitionnés dans de grandes émissions pour parler cuisine. Tout cet engouement pour ces chefs « pas comme les autres » nous a poussé à nous poser la question de savoir si le fait de faire partie de ces émissions ne permettaient pas à ces chefs d'avoir des privilèges, étant donné que cette année, deux d'entre-eux ont été étoilés. C'est le cas de Thierry Markx, avec trois étoiles, et de Cyril Lignac, considéré comme un des petits nouveaux du Guide Michelin. Nous avons donc décidé d'insérer une question au sujet de la popularité des chefs jurés à notre groupe d'étudiants, afin d'observer si oui ou non, la renommée de ces derniers est due à leur nouvelle notoriété : Connaissiez-vous les chefs des jury avant leur passage à la télévision ? 33% Oui Non 67% À la vue des résultats, nous pouvons constater que plus de la moitié de cette classe hôtelière connaissaient les chefs bien avant qu'ils ne prennent leur poste de juré dans les nouvelles émissions culinaires. Et en effet, ils étaient déjà reconnus dans la profession bien avant l'apparition de ces nouveaux concepts. Le chef Cédric des Petits Gobelins, avec qui nous avons obtenu un entretien a tenu à préciser que ces grands chefs « n'ont plus rien à prouver. Ils sont à la tête d'une brigade de trente cuisiniers, dans de très grands établissements. Ils sont là plus spécialement pour représenter le monde de la cuisine, pour valoriser leur image, l’image de leurs établissements. Après, c'est vrai qu'ils sont absents de la cuisine mais les seconds sont là : il y a toujours des chefs exécutifs et toute la brigade est mise en place à l'avance. Donc, je pense que justement, ils ont la chance de pouvoir faire ce genre d'expérience. Tout le monde n’a pas cette chance. Moi je le ferai volontiers je pense. Ça me paraît sympathique. Cela permet de voyager, de sortir un peu de l'ordinaire de la cuisine. ». Nous pouvons donc en conclure, sans grande hésitation, que les chefs de ces émissions ont été choisi pour leurs compétences, leur expérience, et leur savoir-faire pour présider les compétitions culinaires. En aucun cas, ces nouvelles personnalités appréciées des français n'obtiennent de favoritisme et de privilèges grâce à leur notoriété : ils sont récompensés en fonction de leur travail 19 qui est, la plupart du temps, le résultat d'un acharnement, d'une vigueur et d'une rigueur exemplaires. 3.4) Orientation scolaire et culinaire Nous avons pu constater que ces émissions culinaires sublimaient le monde de la cuisine. Elles le rendent plus attractif, plus accessible et surtout ces programmes permettent au métier de cuisinier d'être reconnu socialement et professionnellement. Cet éloge de la cuisine peut faire rêver plus d'un spectateur qui essai de se projeter dans ce milieu. Vu que ces émissions sont souvent regardées en famille on peut penser que les individus les plus influencés sont d'abord les enfants et notamment les collégiens ou encore les lycéens qui se trouvent dans une situation qui leur permet encore de choisir leur orientation professionnelle. De ce constat, nous en avons tiré une hypothèse : ces émissions de télé-réalité culinaires seraient un facteur important dans le choix d'orientation des étudiants de formations hôtelière. → Ces émissions ont-elles influencées vos orientations professionnelles ? 1 Oui Non 24 On constate que sur 25 élèves de première interrogés, une seule personne se dit avoir été influencée par ces émissions : « Ça m'a donné envie de cuisiner et quand je voyais l'enthousiasme des candidats, ça m'a fait persévérer dans mon choix d'orientation. » Ce témoignage nous permet de réfuter notre hypothèse de départ : ces émissions ont plus vocation à rassembler autour de la cuisine et n'ont pas de réel impact sur le choix de formation. Ces programmes ont plus tendance à conforter les étudiants dans leur choix. Nous avons aussi demandé si leurs professeurs leur avaient déjà parlé de ces émissions et la réponse a été unanime : non. On voit encore ici une bon exemple qui illustre le fait que ces émissions n'ont pas d'impact sur la demande de formation hôtelière. Ces résultats toutefois, n'étant que le fruit d'une enquête sur 25 étudiants ne peuvent être considérés comme représentatifs de tous les étudiants en cuisine. 20 Après avoir connu une évolution fulgurante entre 1956 et 2008, les émissions culinaires connaissent aujourd'hui leur âge d'or sous la forme de programmes de télé-réalité et de compétitivité. Elles ont alors provoqué un engouement encore inconnu et régénèrent une passion, laissée longtemps de côté pour la cuisine. Grâce à notre entretien dans le milieu culinaire et à nos deux questionnaires, mais malgré quelques limites méthodologie, notamment de mauvaises formulations dans notre questionnaire, nous avons pu déceler certains aspects de ces émissions nouvelle génération : certainement mises en place pour effrayer la concurrence, elles sont devenue très populaires auprès des téléspectateurs et les rassemblent, même si elles ne concernent pas un échantillon spécial de personnes. Devant leurs écrans, les téléspectateurs n'apprécient pas plus que cela observer la compétition en elle-même, mais ils se passionnent pour les techniques et les savoirs-faire culinaires, et parfois pour les candidats eux-mêmes qu'ils trouvent attachants. Mais jamais ces téléspectateurs ne reproduisent les recettes proposées à cause de leur complexité. Dans le milieu de la cuisine elle-même, la présence de chefs étoilés de grande renommée dans ces émissions le popularise : elles le subliment, le rendent plus attractif, plus accessible et surtout ces programmes permettent au métier de cuisinier d'être reconnu socialement et professionnellement. Mais dès cet instant, alors qu'elles viennent de parvenir au sommet de leur popularité, ces émissions connaissent déjà une chute d'engouement :on observe une nouvelle lassitude courante en France. En effet, les téléspectateurs français ne sont pas des gens qui s'attachent longuement aux programmes proposés par les chaînes du câble. Et aujourd’hui il y a déjà de nouveaux enjeux : trouver de nouveaux concepts satisfaisants à diffuser. 21 Bibliographie • BLÄCHER, Odile. Les émissions culinaires à la télévision française. Éditions Nathan. Collection Médias Recherches. 121p. • BOURDON Jérôme ; JOST François. Penser la télévision : actes du colloque de Cerisy. éditions Nathan . Collection Médias Recherches. 2005. 121p • DUMAS, Catherine. Les arts culinaires : patrimoine culturel de la France. 2008. Rapport d'information N°440. 9-12p • DE KETELE, Jean-Marie, ROGIERS, Xavier, Méthodologie du recueil d'informations : fondements des méthodes d'observations, de questionnaire, d'interviews et d'études de documents, Bruxelles : de Boeck Université, 1993. 226p. • JOST François, Le culte du banal, CNRS Eds, 2007 Webographie • BERARD, Coline. La télé-réalité, la cuisine... et vous ? 22 février 2010. (page consultée le 22 avril 2012) <http://www.lexpress.fr/culture/tele/la-tele-realite-la-cuisine-et-vous_850437.html> • DESNOS, Marie. La gastronomie française sacrée par l'Unesco, 16 novembre 2010. (page consultée le 22 avril 2012) <http://www.parismatch.com/Conso-Match/Gastronomie/Actu/LUnesco-sacre-la-gastronomie-francaise-225562/> • GARRIGOS, Raphaël. ROBERTS Isabelle. Bouffe Story. 10 mai 2008. (page consultée le 16 avril 2012) <http://www.liberation.fr/medias/010125139-bouffe-story> • GUITARD, Gaëlle. Émissions culinaires - On frôle l’indigestion… 9 septembre 2010 (page consultée le 15 avril 2012) <http://www.francesoir.fr/people-tv/television-media/emissionsculinaires-frole-l%E2%80%99indigestion%E2%80%A6-56718.html> • JESS, Laura. Le Boom des émissions culinaires, 2012, (page consultée le 16 avril 2012) <http://fr.locita.com/societe-2/le-boom-des-emissions-culinaires> • MEREUZE, Didier. Le long chemin des femmes vers les étoiles de la gastronomie. 3 mars 2011 22 (page consultée le 7 mai 2012) <http://www.la-croix.com/Culture-Loisirs/Culture/Actualite/Lelong-chemin-des-femmes-vers-les-etoiles-de-la-gastronomie-_NG_-2011-03-03-564384> •OKLAUS, Julie. Top Chef a un plan pour battre Master Chef. 01 novembre 2010. (page consultée le 16 avril 2012). <http://www.staragora.com/news/top-chef-a-un-plan-pour-battre-masterchef/407995> Annexes Annexe 1 : Questionnaire pour les internautes anonymes............................................p. 24. Annexe 2 : Questionnaire pour la classe hôtelière........................................................p. 25. Annexe 3 : Entretien avec Bernard Cédric.....................................................................p. 26. 23 Questionnaire pour les internautes anonymes 1) 2) 3) 4) Êtes-vous : Un homme ou Une Femme ? Quel âge avez-vous ? 15-25 ans / 25-40 ans / 40 – 60 ans / 60 ans et plus ? Quel est votre profession ? Avez vous déjà regardé au moins un fois : Top Chef, Masterchef, Un Diner Presque Parfait ? 5) Si oui, à quelle fréquence ? Toutes les semaines / De temps en temps / Rarement 6) Regardez-vous ces émissions : En totalité / Partiellement / A la suite d'un programme / Autre 7) Suivez-vous un candidat en particulier ? Oui ou Non 8) Si oui, vous reconnaissez-vous en lui ? Oui ou Non 9) Le côté ''compétition'' vous attire-t-il ? Oui ou Non 10) Laquelle de de ces émissions préférez-vous ? Un Diner Presque Parfait / Top Chef / MasterChef 11) Que vous apportent ces émissions : de nouvelles connaissances culinaires / des idées de recettes / rien 12) Reproduisez-vous les recettes proposées ? Oui ou Non 13) Si non, pourquoi ? 14) Ces émissions ont-elles révélé chez vous une passion ? Oui ou Non 15) Si oui, cela vous a-t-il poussé à changer de métier ? Oui ou Non 24 Questionnaire pour la classe hôtelière Êtes-vous : Un homme ou Une Femme ? Quel âge avez-vous ? 15-25 ans / 25-40 ans / 40 – 60 ans / 60 ans et plus ? Quel est votre formation ? Bac Technique Hôtelier / Autres Avez vous déjà regardé au moins un fois : Top Chef, Masterchef, Un Diner Presque Parfait ? 5) Si oui, à quelle fréquence ? Toutes les semaines / De temps en temps / Rarement 6) Regardez-vous ces émissions : En totalité / Partiellement / A la suite d'un programme / Autre 7) Pourquoi regardez-vous ces émissions : Pour la cuisine / Pour la compétition / par curiosité / Autres 8) Vous arrive-t-il de suivre un candidat ? Oui ou Non 9) Regardez-vous ces émissions : en famille / entre amis / seul 10) Que vous apportent ces émissions : de nouvelles connaissances culinaires / des idées de recettes / rien 11) Reproduisez-vous les recettes de ces émissions : Oui ou Non 12)Si non, pourquoi ? Manque de motivation / manque de temps / pas de budget / Autres 13)Selon vous, quelle image est donnée de la cuisine dans ces émissions ? Pourquoi ? Positive / Négative / Mitigée 14) Quelle émission correspond le plus au niveau demandée dans les cuisines ? Top Chef / Masterchef / Un Diner presque parfait / Aucune 15) Si le niveau ne correspond pas, est-il : plus élevé ou moins élevé ? 16)Ces émissions ont-elles influencé votre orientation professionnelle ? Oui ou Non 17)Connaissiez vous les chefs jurés de ces émissions avant celles-ci ? Oui ou Non 18)Vos professeurs vous perlent-ils des émissions ? Oui ou Non 1) 2) 3) 4) 25 Entretien avec Bernard Cédric, sous-chef aux « Petits Gobelins » Léa : Nous travaillons sur la réception des émissions culinaires d'aujourd'hui et nous avons des hypothèses à confirmer ou à réfuter. Une de nos premières hypothèses est qu’elles sont très populaires auprès des gens en France. Nous voulions savoir si vous aviez déjà regardé ces émissions ? Bernard Cédric : Mes horaires m’en empêchent mais oui, ça m’est arrivé. Léa : D’accord et qu’est ce que vous en pensez personnellement ? Bernard Cédric : Il y a du bon et du mauvais. Par exemple, pour ce qui est du bon, cela a développé pas mal de choses pour les particuliers : beaucoup de produits qui étaient destinés aux professionnels sont désormais accessibles aux particuliers, ce qui est pour moi un plus. Le côté négatif est l’amalgame que font les gens entre ce qu’ils voient et la réalité du métier. Caroline : C’est vraiment éloigné de la réalité du métier alors ? Bernard Cédric : On ne peut pas dire que c'est vraiment éloigné, mais il ne faut pas faire l’amalgame de la facilité entre ce que les candidats possèdent pour réaliser leurs plats, la beauté et la fraîcheur des produits. Ce n’est pas facile de toujours d'avoir cela quand on est un particulier. Léa : Dans un questionnaire destiné à des jeunes étudiants en cuisine, on voyait surtout revenir des commentaires par rapport au fait que c'était plus du cinéma que de la cuisine... Bernard Cédric : Il y a du bon quand même parce qu’il y a quand même pas mal de techniques. Je prends l'exemple d'Un Diner Presque Parfait qui est vraiment accès sur le particulier à particulier, ce sont vraiment des compétences. Sur du Master Chef, ce sont des trucs un peu plus évolués. Et sur Top Chef, ce sont vraiment des professionnels. La plus belle émission est sans doute celle-ci parce que ce sont que des professionnels, mais je pense que la plus intéressante c’est Master Chef parce que cela donne vraiment envie aux gens de découvrir la cuisine, de participer et de s’impliquer. Et ça leur donne permet, pendant leur participation, de travailler avec des produits que l’on peut difficilement avoir dans la région Lorraine où il est compliqué d’avoir des produits bien frais. Caroline : Est-ce que vous seriez capable de participer à ces émissions ? Et quelles images ont les autres de ces candidats quand ils sortent ces émissions, mis à part pour Un Diner Presque Parfait qui où on participe juste pour le plaisir ? Quelle image y a-t-il pour des émissions comme Top Chef où les candidats sont déjà professionnels : est-ce que les restaurants sont prêts à les engager ? Est-ce que c’est positif pour eux de faire ces émissions ? Léa : Quelle crédibilité ont-elles ? Bernard Cédric : Généralement, ce sont des hommes et des femmes qui ont déjà un très grand niveau. Généralement, ils font partis des restaurants étoilés Michelin, donc je ne pense pas que cela puisse les discrédités. Je pense que c’est plutôt un plus pour eux. Après je n’ai jamais été confronté à ce genre d’émissions. 26 Léa : Justement, nous savons que les jurés sont reconnus même si au début, nous ne les connaissions pas quand nous regardions ces émissions... Bernard Cédric : Ce sont des grands chefs dont vous voulez parler ? Léa : Oui, nous voulons savoir si justement, ce type d'émissions n'a pas tendance à les discréditer au sein du milieu professionnel ? Si le fait qu’ils participent à ce genre d’émission ressemblant à de la télé réalité... Bernard Cédric : Je ne pense pas parce qu’ils n'ont généralement plus rien à prouver. Ils sont à la tête d'une brigade de trente cuisiniers, dans de très grands établissements. Ils sont là plus spécialement pour représenter le monde de la cuisine, pour valoriser leur image, l’image de leurs établissements. Après, c'est vrai qu'ils sont absents de la cuisine mais les seconds sont là : il y a toujours des chefs exécutifs et toute la brigade est mise en place à l'avance. Donc, je pense que justement, ils ont la chance de pouvoir faire ce genre d'expérience. Tout le monde n’a pas cette chance. Moi je le ferai volontiers je pense. Ça me paraît sympathique. Cela permet de voyager, de sortir un peu de l'ordinaire de la cuisine. Caroline : Pouvez vous nous parler un peu votre parcours ? Cela nous intéresse parce que nous avons découvert que des gens ont changé de parcours grâce à ces émissions. Bernard Cédric : Moi, ma formation est hôtelière. J’ai commencé à travailler dans un macaron Michelin dans les Vosges, puis à Marseille, en Suisse, à Chypre. Aujourd'hui je travaille ici, mais pourquoi pas, dans quelques années, ouvrir mon établissement : je suis encore jeune pour cela. Il ne faut pas se limiter. C'est à la portée de tous, mais chacun a ses préférences : certains se sentiront très bien dans de grosses brasseries, à faire de la choucroute et du cassoulet, d’autres auront envie de voir de plus en plus haut et de s’enrichir réellement auprès de tous les chefs réputés. Et puis après, lorsque l’on monte dans des grands établissements, cela reste une famille, tout le monde se connaît, tous les grands chefs… Caroline : Donc vous pensez que ces émissions de cuisine agrandissent la famille ? Bernard Cédric : Je pense que cela permet à cette famille de se retrouver un peu aussi, et de se faire de la publicité les uns pour les autres. De toute façon, je ne pense pas que cela ait un impact négatif dans le métier : lorsque l’on voit Frédéric Anton qui fait Master Chef, je pense que les carnets de réservation se remplissent derrière et que ça permet aux curieux, à des gens qui ne connaissent pas nécessairement la haute gastronomie, qui n'ont peut être pas les moyens mais qui se disent : « Tiens, une fois dans ma vie, si je dois aller quelque part, autant aller chez un chef reconnu » et ils préfèrent de loin les visages familiers plutôt que de tenter un restaurant tenu par quelqu’un qu'ils ne connaissent pas ou peu. Caroline : Vous croyez que cela a apporté de nouveaux clients à la haute gastronomie ? Bernard Cédric : Je ne peux pas répondre parce qu'il faudrait connaître voir leurs chiffres d’affaires, mais je pense que cela aide. Celui qui est amoureux de la bonne cuisine ira manger dans un macaron Michelin pour comparer, ne serait-ce que pour comparer les différents sites de restauration. Il n’y en a pas un qui est mieux qu’un autre : c’est varié, mais c’est au goût de chacun. Je ne sais pas si vous… Quelle est votre style de nourriture ? Vous préférez plutôt les McDonalds, les sandwichs ? Léa : Moi personnellement pas du tout parce que j’ai la chance d’avoir un demi-frère à l’école hôtelière et d’avoir des parents qui aiment bien manger. J’habite en Haute-Savoie, donc du coup je suis allée chez Marc Veyrat ou d'autres. Moi, j’aime bien, bien manger. Bernard Cédric : A votre âge, c’est déjà sympathique de pouvoir manger dans des trois macarons ! Léa : C’est sûr. Bernard Cédric : Je n’ai jamais eu cette chance et pourtant je suis un professionnel. J’y ai travaillé mais je n’ai pas eu l’occasion d’aller y manger. Léa : C’est vrai que d’avoir une personne qui est dans ce milieu. Cela m’a poussé à m’y intéresser un peu plus aussi. Caroline : Moi, c’est pareil, j’ai une sœur aussi en hôtellerie et qui a une formation hôtelière mais je suis moins nourriture... Cela ne me dérange pas de manger de la salade ou dans un grand restaurant, mais pour moi, cela ne fait pas une grande différence. Léa : On a quand même des visions assez différentes. Bernard Cédric : C’est bien, cela signifie que sur cette enquête là, vous allez pouvoir 27 vous complétez. Vous, Léa, aurez plus l’aspect technique et intéressé alors que vous, Caroline, vpus serez plus dégagée par rapport aux autres. Léa : Elle, ce serait une vision plus globale et un peu plus précise. Bernard Cédric : Globale, je ne sais pas. En tout cas, si ces émissions permettent aux gens de mieux manger, je pense que déjà c’est un but bien réussi. Par contre, il ne faudrait pas qu’il y en ait de trop parce que ces dernières années, c'est devenu un peu lassant, et aujourd'hui encore cela devient vite répétitif. Léa : Oui, on a vu que des émissions comme Un Diner Presque Parfait ont une audience qui commence à baisser et que malgré les innovations et les nouveaux concepts, ils n’ont plus autant d’audiences qu’à leurs débuts. Bernard Cédric : Je pense que c’est un effet de mode aussi. Léa : on pense que ce genre d’émissions continuent avec de nouvelles saisons mais comme en général la population française se lasse très vite des programmes… Bernard Cédric : Ce sera peut être après sur les fringues, ça va durer cinq ans : « je veux être une fashion star… » Caroline : Oui mais ces émissions sont présentes depuis les années cinquante tout de même... Bernard Cédric : Oui mais c’était Maïté ! Caroline : Cela va peut être partir vers autre chose, pour l’instant c’est la téléréalité qui a beaucoup influencé ces émissions. Bernard Cédric : Je pense qu’il pourra rester des émissions comme celles-ci, même si celle entre professionnels n’est pas très intéressante pour le particulier puisqu’il a du mal à s’identifie. Ce sont des gens qui ont des très grands parcours et qui connaissent déjà, qui maîtrisent les techniques. Tandis que sur un Master Chef, ce sont des gens qui ont une passion et qui n'ont pas de techniques mais qui restent passionnés. Je vous prie de croire que je préférerais avoir en cuisine certains de ces particuliers plutôt que des gens qui se croient cuisiniers et le prétendent. Il y a parfois plus de sympathie avec un particulier qui en veut, que sur un jeune qui a suivi une formation et qui a pris cela parce qu’il ne savait pas quelles études suivre. Cela fait quinze ans que je fais ce métier, et j’en ai déjà vu beaucoup, des gens d’une cinquantaine d’années qui restent sur des acquis et ne vont jamais voir plus loin et c'est dommage. C’est un métier qui est très riche, et c’est très difficile parce qu'on ne peut pas tout savoir à propos des techniques. On va démissionner à un endroit pour se faire embaucher ailleurs, pour avoir le même résultat mais avec des techniques totalement différentes. C’est avant tout une question d’ambition et de passion. Léa : En parlant de passion, est ce que vous savez si dans votre entourage ou dans les restaurants, s’il y a des gens qui, depuis ces émissions de télé réalité culinaires, ont vraiment développé une passion pour la cuisine ? Bernard Cédric : Moi je sais que j’ai quelques amis, qui aiment bien manger, qui ont des horaires plus facile que les nôtres et sont au contact de ce genre d’émission, et ils deviennent curieux : ils viennent me voir et demandent plus de choses : « Tiens j’ai vu ça dans l’émission de télé, je ne savais pas, tu sais faire, tu pourrais nous montrer… » Il y a quand même un intérêt certain mais il faut déjà un minimum d'amour pour la cuisine au départ, mais pour moi, ce qui est important avant tout en cuisine est de bien manger. » 28