Découvrir la revue de presse

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Comme un écho
Article publié le Lundi 23 avril 2012 Petit Bulletin n°664
mis à jour le Mardi 24 avril 2012
• Le Numero d'equilibre • La Nouvelle Fabrique • Edward Bond •
L’espace est sombre, il n’y a
plus guère de trace de vie
sinon une jeune fille terrée
dans un coin, dissimulée sous
des couvertures. Elle n’a plus
envie de rien sinon d’envoyer
valser le monde qui ne tient
en équilibre que par un point
au milieu de la pièce et
qu’elle surveille
maladivement. Il n’y a plus
âme qui vive dans cet immeuble qui s’apprête à être démoli, sinon ellemême dont le prénom porte l'espoir : Viv. Au milieu de la boue, Edward
Bond déniche toujours une once de vie. Dramaturge reconnu dans le monde
entier (révélé en France par Alain Françon et notamment ses Pièces de
guerre), il n’a, pour autant, jamais servi le théâtre sur un plateau comme un
beau gâteau bien sucré qui ferait digérer le goût acre de l’existence.
La troupe de la Nouvelle Fabrique l’a bien compris et n’édulcore rien. C’est
qu’ils ont un attrait pour le travail bien fait (leur précédente création, La
Vieille, est une des très bonnes surprises de cette saison) : plateau en lattes
de bois modulables au gré des lieux à représenter, tapisserie arrachée et
quatuor d’acteurs parfaitement en rythme. Les comédiens semblent
élastiques tant ils parviennent à glisser d’une scène à l’autre sans être trop
abrupts. Ils se reposent sur un texte qui, malgré l’enchaînement de
saynètes, garde une forte cohérence grâce à un écho qui traverse le
spectacle : celui du déséquilibre permanent et d’un cynisme constant.
L’écho d’une société observée frontalement qui enterre l’humain sous les
gravas de la bêtise.
Nadja Pobel
LE PROGRES - 20 AVRIL 2012
Le Numéro d’équilibre
5 janvier 2012 | Publié(e) par Laurent Schteiner | A ne pas manquer !, A ne pas manquer!,
Contemporain, Théâtre
La Nouvelle Fabrique, jeune compagnie originaire de la région lyonnaise,
dispose depuis quelques années d’une carte blanche au théâtre de
l’Opprimé. Cette année, elle a choisi notamment de mettre Edward Bond à
l’honneur dans une pièce où l’auteur manipule à la fois l’humour et la
philosophie dans une fable décalée sur la fin du monde. Cette pièce jouée
avec brio par ces jeunes comédiens, tous issus de l’Ensatt, qui apportent
leurs jeunes talents à une mise en scène éclairée et efficace.
Edward Bond pose un regard particulier sur le monde qu’il considère comme une
farce tragique. Un monde vu ou ressenti comme une vaste entreprise de démolition
si l’individu ne se tourne pas vers l’autre, son double. Cette comédie parfois
grinçante, témoigne d’un certain pessimisme de l’auteur, dénonçant dans chaque
scène « ce monde qui part en vrille ». Cette assertion est présente dans chaque
scène avec en arrière-fond une sensation de fin du monde. Les tentatives
désespérées des protagonistes de cette pièce pour sauver le monde sont diverses
et variées. Un seul dénominateur commun rapproche tous ces personnages : leur
obstination grotesque à sauver le monde. Tout nous ramène à ce point névralgique
avec en filigrane cette question : dans quelle mesure l’humanité existe-t-elle ?
Peut-on être au monde sans comprendre autrui ?
La scénographie à géométrie variable traduit les univers rencontrés des
personnages qui nous invitent à partager cette page burlesque. Ce décor simple
mais efficace est représenté par un ensemble de planches qui nous permettent de
visualiser les scènes de rues ou d’immeubles en démolition. La bande son, elle-
même s’attache à reproduire les bruits des entreprises de destruction. Des sons qui
s’apparentent à ceux inquiétants d’une fin du monde proche. Toutefois, comme un
clin d’œil, la chanson « Feel » de Robbie Williams apporte son écot à la question
philosophique de Bond sur la perdition de l’humanité et de son éventuel rachat.
La mise en scène de Colin Rey et d’Estelle Gautier est percutante et efficace. Ils
apportent une forme de théâtre réaliste où les effets sont suggérés sans jamais
tombés dans la facilité. Tout est juste ; ce qui donne à l’ensemble du propos une
cohérence propre à séduire le public grâce à une interprétation qui met en
évidence tout le jus de la pensée de l’auteur.
Tous les personnages sont animés avec puissance. Marie-Cécile Ouakil interprète
avec beaucoup d’à-propos et de drôlerie cette femme flic obsédée par une collègue
qui a la particularité de porter des boucles d’oreille d’un genre particulier. Thomas
Fitterer joue un Nelson très authentique et proche d’une humanité qui existe bel et
bien. Ses tribulations erratiques marquent le fil de la pensée de l’auteur. Viv,
interprétée par Marie Ruchat est impeccable dans le rôle de cette adolescente qui
pense être le dernier rempart ou l’ultime protection contre la fin du monde. Clément
Carabédian joue alternativement le chef de chantier et l’unijambiste. Il nous livre un
numéro de danse inclassable et décalé avant de se lancer dans des fandangos qui
résonnent comme une danse macabre de fin du monde. Son interprétation haute
en couleurs de ces deux personnages reforce la dynamique de l’ensemble de la
pièce.
« Il y va de notre humanité que nous devenions des sismologues de nos
propres désastres et que nous apprenions à lire le chaos, ce désordre que
nous ne savons pas encore déchiffrer. »
Laurent Schteiner
Le Numéro d’équilibre d’Edward Bond
Mise en scène de Colin Rey et d’Estelle Gautier
Scénographie : Estelle Gautier
Lumière : Matthieu Durbec
Costumes : Eve Ragon
Son : Thibaut Champagne
Avec Clément Carabédian, Thomas Fitterer, Marie-Cécile Ouakil et Marie Ruchat
Théâtre de l’Opprimé
78 rue du Charolais
75012 Paris