Intervention brève auprès des buveurs excessifs

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Intervention brève auprès des buveurs excessifs
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DOSSIER
Intervention brève auprès
des buveurs excessifs
Hulton Archives/Getty Images
Par Philippe Michaud,pour l’équipe du programme Association nationale de prévention de l’alcoolisme (ANPA)
« Boire moins c’est mieux » (Nanterre), Courriel : Philippe Michaud, [email protected]
Pascal Gache,Unité d’alcoologie, Département de santé communautaire, Hôpital universitaire de Genève,
Philippe Batel,Unité de traitement ambulatoire des maladies addictives (UTAMA), Hôpital Beaujon (Clichy),
et Pierre Arwidson,Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.
Repérer,évaluer,
conseiller
es médecins généralistes occupent une position clé
pour repérer les buveurs excessifs et leur donner des
conseils pour réduire leur consommation d’alcool
et le risque associé. 1 Cependant, malgré une abondante littérature sur ce sujet et de nombreuses campagnes
de sensibilisation du grand public dans les médias, la
notion même de « risque alcool » reste encore assez floue
dans la profession médicale.
L’intervention brève désigne une activité de conseil formalisée et relativement standardisée, destinée à aider les
buveurs excessifs à réduire leur consommation. La diffusion de cette pratique dans les cabinets de médecine générale pourrait contribuer à la réduction de la deuxième
cause de mortalité prématurée évitable, la consommation
dangereuse d’alcool.2, 3
L
QUESTIONS
DES
MÉDECINS
> Comment repérer les consommateurs
excessifs ?
p. 283
GÉNÉRALISTES
> Quels conseils donner ?
p. 287
> Conclusion
p. 289
> Est-il possible d’évaluer la motivation
au changement ?
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Le « risque alcool »
Comment repérer
les consommateurs
excessifs ?
Le repérage des consommateurs excessifs (voir encadré p.194)
n’est pas si compliqué qu’il n’y paraît. Ces personnes, à la différence des alcoolodépendants, ont souvent peu ou pas de
dommages induits par leur consommation, et n’en ressentent
pas de culpabilité. Il n’y a pas de dénégation, même s’il existe
souvent une minimisation ou une banalisation (à la question
« qu’est-ce qu’une consommation normale ? », chacun peut
répondre « la mienne »).
Dépasser les inhibitions du médecin
L’obstacle à une pratique de repérage tient plus souvent aux
inhibitions du médecin qu’aux réticences du malade. Dans les
études menées dans plusieurs pays concernant les obstacles à
conduire ce type d’intervention, les médecins expliquent leur
TABLEAU I – SITUATIONS QUI PEUVENT SUGGÉRER UNE
CONSOMMATION EXCESSIVE D’ALCOOL (AVANT UN TABLEAU
CARICATURAL D’IMPRÉGNATION ALCOOLIQUE SÉVÈRE)
Troubles sociaux
• Difficultés conjugales
• Difficultés scolaires des enfants
• Problèmes financiers chroniques
• Licenciements multiples, absentéisme
• Condamnation pour conduite en état d’alcoolisation
• Violence intrafamilale
• Désinsertion sociale
Corbis
Plaintes somatiques
• Pyrosis
• Diarrhée
• Crampes
• Palpitations
Signes d’examen
• Haleine alcoolisée
• Hypertension artérielle
• Troubles du rythme
• Incongruité comportementale inhabituelle
(volubilité, familiarité, labilité émotionnelle…)
Signes biologiques dans un bilan « banal »
• Élévation du volume globulaire moyen, des transaminases,
de la γ-glutamyl-transférase, de l’uricémie, des triglycérides…
Autres
Informations spontanément rapportées par la famille ou l’environnement
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MÉDECINE
Repérer par une approche opportuniste…
La méthode de repérage dépend des objectifs et de la philosophie générale de l’approche de santé publique, et de leur prise
en compte en médecine générale. Pour repérer des consommateurs excessifs dans la perspective d’éviter l’aggravation de
dommages déjà perceptibles par un médecin attentif, on peut
développer une approche « opportuniste» (pas de connotation
négative ici).
Devant certains signes fonctionnels
À l’occasion de plaintes portant sur des symptômes assez fréquents (tableau I), il faut questionner de façon bienveillante le
patient sur son rapport à l’alcool, en évitant « est-ce que vous
buvez ?», et en utilisant plutôt «que pouvez-vous me dire de votre
consommation d’alcool ? » ou « comment faites-vous avec
l’alcool ? » (préférer des questions ouvertes). Cette question est
immédiatement justifiée par une explication sur le risque alcool,
et sur l’intérêt de le repérer,en le comparant avec l’hypertension
artérielle, le cholestérol, le tabac… Le lien entre le trouble évoqué et la consommation d’alcool peut être mis en évidence par
un test d’abstinence ou de forte réduction (1 mois sans ou
presque sans alcool fait disparaître le trouble s’il était secondaire
à la consommation excessive d’alcool).Il s’agit ici de la situation
clinique classique de réponse à une demande du patient, situation rassurante pour le médecin.
Troubles psychiques et comportementaux
• Troubles du sommeil (en particulier de fin de nuit)
• Anxiété généralisée
• Irritabilité
• Dépression, perte d’intérêt, sentiment d’inefficacité
• Troubles sexuels
• Accident(s), même domestique(s)
• Troubles mnésiques
• Tentatives de suicide
• Usage d’autres produits psycho-actifs : calmants, drogues illicites,
tabagisme massif
LA
manque d’initiative dans ce domaine : 4 ils mettent en avant
tout d’abord le manque de légitimité, de temps, de valorisation
des actes préventifs, ensuite le manque de savoir-faire, la peur
de blesser le patient – et donc de le perdre. Ils perçoivent enfin
de façon imprécise la notion de « risque alcool », encore souvent assimilée à l’«alcoolisme». En écoutant les médecins généralistes, 5 leur gêne et leurs doutes à ce sujet sont perceptibles.
Gêne d’être intrusif, peur de lever des lièvres sans savoir comment les poursuivre, peur d’avoir à placer son propre rapport
à l’alcool dans la dichotomie normal/pathologique, doutes
quant à la pertinence des seuils de risque et à l’utilité d’une
intervention. Le repérage des buveurs excessifs est une question de méthode, mais sa mise en œuvre dépend surtout du
médecin et de la conception de son rôle dans ces situations.
À l’occasion de campagnes de sensibilisation
Les occasions (en anglais opportunities) d’évaluer avec les
patients leur consommation d’alcool peuvent être augmentées
en les amenant à aborder spontanément le sujet, par des messages dans les médias, ou en salle d’attente. C’est l’objet des
campagnes radio et télévision de l’INPES et de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Ces derniers ont également
développé un matériel destiné aux médecins généralistes qui comporte une affiche invitant le client à répondre à la question « Et
vous, où en êtes-vous avec l’alcool?Parlez-en avec votre médecin ».
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… ou une approche systématique
À l’occasion d’un bilan
Une autre façon d’étendre le repérage est possible, dans les
situations cliniques où il est habituel de passer en revue les antécédents et le mode de vie : première consultation, grossesse,
prescription de certains médicaments… Des consommations
à risque sont alors observées chez des personnes « insoupçonnables »…
C’est en effet la limite de l’attitude opportuniste : même en
ayant développé sa sensibilité au « risque alcool », le médecin a
tendance à n’interroger que les patients de sexe masculin de
plus de 40 ans, appartenant à des groupes sociaux donnés, et
jamais les jeunes, les femmes, les soignants, les cadres. 6 Les stéréotypes amènent à un tri inconscient qui se fait au détriment
d’une efficacité optimale de la prévention secondaire.
Elle consiste à faire le point régulièrement avec tous les patients
sur leur consommation d’alcool.À cet effet,un groupe de travail
de l’OMS sur la réduction des dommages liés à l’alcool a mis
au point un questionnaire en 10 items, l’AUDIT 7 (Alcohol Use
Disorders Identification Test) [tableau II]. Il a été validé dans
une dizaine de langues et récemment en français. 8 Il permet
de façon assez fiable de classer les patients en 3 groupes :
– abstinents ou à faible risque ;
– buveurs excessifs ;
– dépendants.
Le groupe intermédiaire des buveurs excessifs peut ainsi être identifié.Si son efficacité est bonne (sensibilité,spécificité,valeurs prédictives positive et négative),son «applicabilité» est encore à évaluer.
Quand parler de buveurs à risque, à problèmes, ou alcoolodépen dan
La façon la plus simple d’illustrer ces concepts est la pyramide de Skinner, 9 adaptée
par Saunders 10 et par nous-mêmes (fig. 1).
Prévention
de la rechute
Dépendants
Soins
Buveurs « à faible risque » : 85 % de la population
française
Consommateurs
à problème
Leur consommation, qu’elle soit occasionnelle ou quotidienne, n’atteint pas le seuil
de risque (v. infra) et n’a pas de conséquence morbide ou relationnelle. C’est la
catégorie de consommateurs d’alcool de loin la plus nombreuse, 80 % des hommes
et 90 % des femmes en France. 11 Pour ces sujets, la consommation d’alcool est
un plaisir et un facteur de convivialité. Elle peut même leur apporter un bénéfice
sanitaire (à petite dose – de l’ordre de 1 verre par jour – la prise d’alcool serait
à l’origine d’un bénéfice cardiovasculaire). 12 Cependant, certains risques existent
à ce niveau « anodin » de consommation, notamment les accidents et
traumatismes – ou le risque fœtal pour la femme enceinte. Il est donc préférable
Prévention
secondaire
Consommateurs
à risque
(à haut risque)
Consommateurs
«anodins» (à faible risque)
Prévention
primaire
Abstinents
Fig. 1 : La pyramide des consommations d’alcool. D’après Skinner H. 9
Adaptation Saunders JB 10 et Michaud P.
de les appeler buveurs « à faible risque ».
Consommateurs ou buveurs excessifs : 2 catégories
de vie des groupes consommant au-dessus d’un certain seuil,
plus bas pour les femmes que pour les hommes. Ce seuil avait été
fixé par l’OMS à 28 verres de 10 g d’alcool pur par semaine chez
l’homme et 14 verres chez la femme. 13 Mais une récente
expertise collective de l’Inserm 3 a conclu à l’existence de preuves
concordantes d’une augmentation de la mortalité prématurée
Berger/Getty Images
Consommateurs à risque
Ils sont définis par rapport à leur consommation déclarée d’alcool moyenne.
Des études épidémiologiques ont mis en évidence une diminution de l’espérance
au-dessus de 20 g/j pour les 2 sexes, obligeant à un réexamen des messages de
prévention.14 Ces « seuils de risque » nouvellement admis sont souvent perçus en
France comme très bas :ils correspondent à 3 verres par jour chez l’homme, ou 2
chez la femme. Cela est à rapprocher de la consommation moyenne en France,
supérieure à 2 verres par adulte et par jour. 2
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Consommateurs à problèmes
Ces buveurs ont un retentissement de leur alcoolisation sur leur existence,
que ce soit un dommage corporel, relationnel, judiciaire ou, plus généralement,
social. Ce dommage est plus ou moins intense (de l’œsophagite à la cirrhose,
du simple trouble du caractère à la dépression sévère, du « banal » accident
de voiture au meurtre en état d’ivresse…). Il est aussi plus ou moins
spécifiquement relié à la consommation d’alcool :il n’est guère difficile
de penser à l’alcool devant un tableau de pancréatite aiguë, mais il est bien
plus fréquent de rencontrer un trouble du sommeil induit.
Les consommateurs à risque et les consommateurs à problèmes forment
le groupe des « consommateurs (ou buveurs) excessifs ». Ils ont en commun
de n’être pas – ou faiblement – dépendants, et d’avoir intérêt à réduire
leur consommation, étant a priori capables de le faire.
D’après un travail mené en médecine générale en région parisienne,
environ 11 % des consultants hommes et 2,5 % des femmes sont dans
cette situation.15
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Le « risque alcool »
Quand proposer l’AUDIT ?
Comment amener tous les patients potentiellement concernés
à remplir ce questionnaire ?
Par la secrétaire. Cette question est résolue dans les pays où le
cabinet médical fonctionne avec une secrétaire, en lui confiant
la tâche de vérifier les dossiers des consultants avant la rencontre avec le médecin, et de proposer un AUDIT à ceux qui
ne l’ont pas encore rempli. Cette situation n’est pas majoritaire
dans la pratique libérale en France. Les centres de santé, les lieux
de médecine préventive, et les cabinets médicaux disposant
d’une secrétaire peuvent le faire, après une sensibilisation du
personnel d’accueil.
Par le patient. Laisser le patient libre de remplir le questionnaire à sa disposition en salle d’attente est une autre solution.
pen dants ?
Mais il est difficile, pour un patient qui s’interroge sur sa
consommation d’alcool,de remplir ce questionnaire à côté d’un
autre qui ne le ferait pas : il y a un risque de se sentir surveillé…
Pour éviter cette crainte de la stigmatisation, l’AUDIT a été
inclus dans un questionnaire de santé plus général. Il garde les
mêmes qualités informationnelles que dans sa version isolée. 16
Même si cette adaptation diminue les réticences à remplir le
questionnaire, il n’est pas prouvé que les patients se plieraient
plus volontiers à une demande qui ne leur serait transmise que
par une affiche dans la salle d’attente.
Par le médecin. Une dernière attitude consiste à laisser au seul
médecin la charge du repérage systématique, en s’affranchissant de l’autoquestionnaire. Cela a été testé en Finlande, 17
en utilisant un questionnaire d’entretien en 5 questions
Une autre terminologie nécessaire ?
Consommateurs dépendants : 2 millions
Dépendance psychique
Ces consommateurs ne parviennent plus à diminuer ou arrêter
durablement leur consommation d’alcool, bien qu’ils perçoivent le lien
entre celle-ci et les dommages qu’elle provoque. Dans cette définition
de la dépendance à l’alcool, il faut insister sur sa nature psychique.
C’est le facteur qui amène des personnes à reprendre leur consommation
d’alcool, bien qu’elles mesurent son effet destructeur
sur leur vie. C’est le moteur de la « rechute ».
Dépendance physique
Un syndrome de dépendance physique à l’alcool, le besoin de boire
tous les jours tôt après le réveil pour calmer des symptômes, n’est pas
nécessaire au diagnostic de dépendance. La dépendance physique
s’acquiert et se manifeste par l’augmentation progressive des doses
quotidiennes et de la tolérance. Mais aujourd’hui, le mode dominant
de consommation et d’excès est discontinu, et la dépendance survient
souvent par augmentation de la fréquence des alcoolisations aiguës.
Dans ce cas, la dépendance physique survient plus tardivement.
Épidémiologie
En France,environ 6 % des hommes et 2 % des femmes seraient
dépendants de l’alcool,ce qui représente environ 2 millions de personnes.
Le baromètre santé du Comité français d’éducation pour la santé (CFES)
(devenu l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé,
INPES),qui utilise le questionnaire CAGE/DETA comme critère d’approche
de la dépendance, 11 l’estime à 4 millions de personnes.Mais nous
considérons que,dans la moitié des cas,ce test est positif pour des
personnes non dépendantes mais ayant une consommation
à problèmes. 18 Enfin,selon ce baromètre,environ 2,4 % des 20-75 ans
déclarent ne pas consommer d’alcool du tout (abstinents).Cependant,une
définition moins absolue de l’abstinence concernerait davantage de
personnes :probablement 10 % des hommes adultes et 20 % des femmes.
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Le concept classique d’« alcoolisme » est inadapté, car il ignore le plus grand nombre
de personnes en danger avec l’alcool. Les personnes qualifiées de dépendantes sont les
plus à risque, mais des travaux épidémiologiques suggèrent qu’elles ne sont en cause
que dans la moitié de la mortalité due à la consommation d’alcool. 19
Une nouvelle terminologie qualifiant les différentes situations des consommateurs
d’alcool tente actuellement de s’imposer (consommation nocive, consommation
dommageable). Elle n’est pas encore tout à fait stabilisée, notamment en ce qui concerne
la notion de risque. 20
La description employée dans cet article favorise la séparation des différentes catégories
de buveurs, alors que Heather, par exemple, insiste sur la continuité dans l’évolution des
comportements. Il parle donc de niveau faible, moyen ou élevé de dépendance.
Dans son approche, les consommateurs à risque, avec des habitudes de consommation
(et donc une dépendance comportementale) et des bénéfices ressentis
de leur alcoolisation (donc des raisons de continuer), sont des « buveurs faiblement
dépendants ».21
Cette classification d’allure simplificatrice est avant tout opérationnelle et permet
de concevoir une attitude différente selon les groupes. Chez les abstinents
et les consommateurs à faible risque, il faut avertir du risque attaché à certaines
situations (conduites de machine, grossesse…) :c’est la prévention primaire.
Chez les buveurs excessifs, la prévention est secondaire :il faut repérer les personnes
exposées au risque, et tenter de prévenir l’apparition ou l’aggravation des dommages
par une réduction de la consommation. Quant aux sujets dépendants, il faut les aider
à s’arrêter et à ne pas rechuter. Puisqu’une nouvelle alcoolisation conduit la plus grande
majorité d’entre eux à la rechute, l’objectif est, dans ce cas, la stabilisation
d’une abstinence bien vécue.
La prévention secondaire doit être développée. Dans les années 1970, elle a été confiée à
des quasi-spécialistes au moment de la création des Centres d’hygiène alimentaire. Mais
ceux-ci ont rapidement été débordés par la demande d’aide des patients dépendants de
l’alcool, et la plupart ont dû relativiser leur investissement dans la prévention secondaire
pour s’engager dans le soin. 22 L’approche développée depuis les années 1980 par l’OMS
est, au contraire, centrée sur les établissements de soins primaires, ce qui signifie, en
France, les cabinets de médecine générale.
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Score
Audit
0
1. Combien de fois vous arrive-t-il de consommer
des boissons contenant de l’alcool ?
Jamais
2. Combien de verres standard buvez-vous au
cours d’une journée ordinaire où vous buvez
de l’alcool ?
3. Au cours d’une même occasion, combien
de fois vous arrive-t-il de boire six verres
standards ou plus ?
1 ou 2
1
2
Une fois 2 à 4 fois
par mois par mois
ou moins
3 ou 4
5 ou 6
3
4
2 à 3 fois 4 fois ou
par
pluspar
semaine semaine
7à9
10 ou +
Chaque
jour
Jamais
Moins Une fois
d’une
par mois
fois
par mois
Une fois
par
semaine
4. Dans l’année écoulée, combien de fois avezvous observé que vous n’étiez plus capable de
vous arrêter de boire après avoir commencé ?
Jamais
Moins Une fois
d’une
par mois
fois
par mois
Une fois Chaque
par
jour ou
semaine presque
5. Dans l’année écoulée, combien de fois
le fait d’avoir bu de l’alcool vous a-t-il
empêché(e) de faire ce qui était attendu
normalement de vous?
Jamais
Moins Une fois
d’une
par mois
fois
par mois
Une fois Chaque
par
jour ou
semaine presque
6. Dans l’année écoulée, combien de fois, après
une période de forte consommation,
avez-vous dû boire de l’alcool dès le matin
pour vous remettre en forme ?
Jamais
Moins Une fois
d’une
par mois
fois
par mois
Une fois Chaque
par
jour ou
semaine presque
7. Dans l’année écoulée, combien de fois
avez-vous eu un sentiment de culpabilité
ou de regret après avoir bu ?
Jamais
Moins Une fois
d’une
par mois
fois
par mois
Une fois Chaque
par
jour ou
semaine presque
Jamais
Moins Une fois Une fois Chaque
8. Dans l’année écoulée, combien de fois
d’une
par mois
par
jour ou
avez-vous été incapable de vous souvenir
fois
semaine presque
par mois
de ce qui s’était passé la nuit précédente parce
que vous aviez bu ?
9. Vous êtes-vous blessé(e) ou avez-vous
blessé quelqu’un parce que vous aviez bu ?
Non
Oui, mais
pas dans
l’année
passée
Oui,au
cours de
l’année
passée
10. Est-ce qu’un ami ou un médecin
ou un autre professionnel de santé s’est déjà
préoccupé de votre consommation d’alcool
et vous a conseillé de la diminuer ?
Non
Oui, mais
pas dans
l’année
passée
Oui,au
cours de
l’année
passée
Total :
Interprétation du score AUDIT (dans la validation française) :
Femmes 6 à 12, hommes 7 à 12 : consommation excessive (à risque ou à problème)
Femmes et hommes, score supérieur à 12 : probable dépendance
Version française Dr Pascal Gache, approuvée par le centre de Sydney – Professeur John Saunders. 8
(tableau III). Cette méthode donne au médecin un meilleur
contrôle de l’« intensité » du repérage, puisqu’il est à son initiative, cela n’excluant pas les propositions faites au patient de
« prendre la parole ». Il reste à vérifier la valeur et l’acceptabilité de cette méthode en France. Un questionnaire proche de
celui-ci, en 5 questions, a été établi par l’équipe du programme
« Boire moins c’est mieux ». Nommé FACE (Formule pour
Approcher la Consommation par Entretien ou Fast Alcohol
Consumption Evaluation), 23 il possède des valeurs informationnelles proches de celles de l’AUDIT et permettrait un repérage systématique réalisé au cours de l’entretien médical.
En médecine générale
Actuellement,le repérage peut se faire soit en utilisant l’AUDIT,
isolé ou intégré dans un questionnaire de santé, soit en interrogeant le patient en suivant ou non une rédaction préétablie.Plus
le repérage est systématique (une fois par an pour chaque
patient adulte), moins il est biaisé par les propres représentations du médecin, mais plus il exige une discipline difficile à
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mettre en place. Il y a donc lieu de travailler davantage avec des
médecins généralistes et avec des patients pour trouver le
meilleur compromis entre acceptabilité et efficacité d’une stratégie de repérage des consommateurs excessifs.
Est-il possible d’évaluer
la motivation au changement ?
La philosophie de l’intervention brève peut se satisfaire de la délivrance réguliére d’un message élémentaire, qui ne nécessite ni
bilan complémentaire ni compétence relationnelle particulière.
C’est la répétition du message à l’ensemble des personnes concernées qui provoque un effet de santé publique, comme l’a montré une étude portant sur l’intervention ultrabrève de conseil
pour arrêter de fumer. 24
Cependant, il n’est pas interdit d’ajouter un supplément de
conscience et de savoir-faire à son intervention, en s’aidant de
l’approche dite «motivationnelle». 25 Ainsi, tout trouble, même
mineur, secondaire à l’alcoolisation, est à prendre en considération dans le cadre de l’évaluation de la motivation au changement. Le changement de comportement souhaité doit reposer sur le désir d’aller mieux, demain ou après-demain. Ce n’est
pas le médecin qui peut décider si ce désir existe ou non. Cela
dépend beaucoup de l’état psychologique du patient, de l’importance accordée à la réduction de sa consommation d’alcool,
et de la confiance attribuée à ses chances de succès.
Des motivations différentes
Le buveur à risque qui n’a aucun dommage lié à sa consommation d’alcool peut
estimer cette dernière comme foncièrement positive : elle lui apporte du plaisir,
lui permet d’écarter certaines inhibitions ou tensions anxieuses, joue un rôle favorable dans les instants de convivialité, etc.
Pour l’aider à réduire sa consommation, le médecin peut, de
façon empathique, faire appel aux données de santé publique
ou au souhait du patient de préserver sa santé.
Le buveur à problèmes a, par définition, un dommage lié à sa
consommation d’alcool. Le lien évoqué peut lui paraître évident (une perturbation du bilan hépatique, un problème
conjugal lié à ses absences vespérales…) ou étonnant (une
hypertension artérielle, des troubles du sommeil…). Il a quelquefois des doutes sur la réalité du lien de cause à effet, mais le
médecin peut le convaincre par la méthode expérimentale. Son
« avantage » sur le buveur à risque est qu’il peut attendre à court
terme un bénéfice à la réduction de sa consommation d’alcool.
Cela ne signifie pas qu’il soit pour autant prêt d’emblée à
changer son comportement. Son évolution suit plutôt les phases du changement décrit par Prochaska et DiClemente (fig.2).
Face à un patient qui n’est pas prêt au changement, une
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TABLEAU II – L’AUDIT (ALCOHOL USE DISORDERS IDENTIFICATION TEST)
UN VERRE STANDARD (COMME AU BISTROT) = 10 g D’ALCOOL PUR
Ce questionnaire interroge sur votre consommation d’alcool de l’année écoulée. Attention à ce
que vos réponses reflètent cette unité de temps et pas seulement les dernières semaines.
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Le « risque alcool »
approche purement informationnelle paraît réaliste. Dans des
documents récemment publiés par l’INPES, un cahier est destiné aux patients qui en sont à ce niveau (livret « Pour faire le
point »). À ce stade, le médecin se contente de « prendre date ».
Dans le cas contraire, il conseille le patient, mais il doit être
motivé et avoir un fil directeur pour agir. Il vaux mieux intervenir de façon simple, sans se préoccuper de l’excellence de son
savoir-faire,que ne pas oser le faire : le médecin y gagne en réalisant ainsi que l’intervention n’est pas si difficile à mener, et le
patient entend souvent pour la première fois des conseils adaptés sur sa consommation.
Quels conseils donner ?
Un conseil sur la réduction de la consommation d’alcool chez
un buveur excessif doit prendre la forme d’une « intervention
brève». Cette approche s’est développée depuis les années 1960
au bénéfice de nombreuses catégories de patients, y compris
ceux dépendant de l’alcool. 26 L’objectif est d’induire des changements de comportements au prix d’une activité de conseil
plus ou moins étendue et répétée, mais globalement simple,
reproductible, économe en temps.
L’intervention brève a fait ses preuves
Dans de nombreux champs ces « interventions brèves » ont
eu des résultats supérieurs à l’absence d’intervention, et quelquefois même égaux à des prises en charge «lourdes» comme des
hospitalisations. Leur caractère « simple » les rend aisées à
assimiler,mais beaucoup de médecins (pas seulement en France,
où elles sont peu connues) expriment leur scepticisme quant à
leur efficacité.Depuis 10ans,pourtant,le groupe alcool de l’OMS,
et d’autres chercheurs, ont montré que les « interventions
RECHUTE
PRÉCONTEMPLATION
CONTEMPLATION
MAINTIEN
1. À quelle fréquence vous arrive-t-il de consommer de l’alcool ?
Jamais
0
Une fois par mois ou moins
0,5
2 à 4 fois par mois
1
2 à 3 fois par semaine
1,5
4 fois ou plus par semaine
2
2. Combien de verres standards buvez-vous au cours d’une journée
ordinaire où vous buvez de l’alcool ?
Jamais
0
Trois ou quatre
0,5
Cinq ou six
1
Sept à neuf
1,5
Dix ou plus
2
3.Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre
consommation d’alcool ?
Non
0
Oui
1
4. Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez trop ?
Non
0
Oui
1
5. Avez-vous déjà eu besoin d’alcool pour vous sentir en forme ?
Non
0
Oui
1
Pour la consommation à risque, le seuil recommandé par les auteurs
est de 2,5 (atteindre ou dépasser ce score indique une forte probabilité
d’être un consommateur à risque)
Source : Seppä. 17
brèves» permettaient d’induire des réductions notables de la proportion de buveurs excessifs se maintenant au-dessus du seuil de
risque 6mois et (ou) 12 mois après l’intervention. Cette réduction est aussi observée dans le groupe témoin de la plupart des
études,mais dans des proportions moindres,démontrant que le
repérage lui-même est en soi une intervention. 28
La multiplication de ces « interventions brèves » dans les cabinets de médecine générale, mais aussi en médecine de prévention, et à l’hôpital, ou encore dans les pratiques des infirmières
extrahospitalières ou d’autres professionnels du secteur
médico-social, réduirait sensiblement le nombre de buveurs
excessifs. La conséquence serait la diminution de la pathologie
secondaire à l’alcool, notamment cancéreuse et hépatique, et
la limitation des passages à la dépendance avérée à l’alcool , avec
son cortège de souffrances pour le malade et son environnement… y compris le médecin.
Des outils sont disponibles
DÉTERMINATION
ACTION
Fig. 2. : Modèle de Prochaska et DiClemente. Au stade de « précontemplation » (ou « indifférence »), le patient ne veut pas voir les dommages. Au
stade de « contemplation », il est dans l’ambivalence vis-à-vis d’un éventuel changement – et donc dans l’inaction : « pourquoi changer ? Est-ce
que j’irai vraiment mieux ? ».
C’est seulement en abordant la phase de « détermination » que le changement est clairement évoqué comme souhaitable, et que le patient
recherche le « comment faire ».
Source : Prochaska 27
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TABLEAU III – LE « FIVE-SHOT QUESTIONNAIRE » FINLANDAIS
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MÉDECINE
Une fois convaincu du bien-fondé de la démarche, pour oser
sortir de sa phase « précontemplative » (selon Prochaska), le
médecin doit se convaincre qu’il est en mesure de réaliser ce type
d’intervention.Pour cela,il lui faut un minimum de savoir-faire
relationnel (en particulier éviter les attitudes de jugement ou
d’emprise) et un support de conseil.
FRAMES
Le 1er point a été formulé dans un acronyme anglais «FRAMES»
(cf.encadré par suivante).Il résume les recommandations pour
avoir une attitude adaptée dans une intervention brève.
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DOSSIER
SUPPORT
DE CONSEIL DANS LE CADRE D’UNE INTERVENTION BRÈVE
FRAMES… OU LES
RECOMMANDATIONS
POUR UNE ATTITUDE
ADAPTÉE DANS UNE
INTERVENTION BRÈVE
Repérage par questionnaire AUDIT
Score < 7 (hommes)
Score < 6 (femmes)
Score intermédiaire
Score > 12
Consommation à faible risque*
Consommation excessive*
Dépendance*
Restitution du résultat
Intervention de prévention primaire (information
sur les seuils de risque, et sur les groupes à risque
exceptionnel, ex : femmes enceintes)
Restitution du résultat
Intervention de prévention secondaire proposée au patient
non
Réticence ?
Restitution du résultat
Proposition d’entrer dans un processus de soin
oui
oui
Réticence ?
non
Délivrance de l’intervention brève
(check-list).
Conclure par « êtes-vous prêt ? »
non
Réticence ?
Remise du livret d’intervention
« Pour diminuer
votre consommation »
Approche informative, éventuellement
remise du livret « Pour faire le point »
oui
Approche motivationnelle,
remise du livret
« Pour faire le point »
1. Évaluation
2. Préparation du sevrage
3. Sevrage
4. Traitement de prévention
de la rechute :
• accompagnement
• prescription
• éventuelle orientation
vers des structures
de soin ou des groupes
Réévaluation régulière selon accord entre médecin et patient
En cas de levée de la réticence, reprendre l’algorithme selon la logique(consommation excessive ou dépendance).
Plusieurs échecs de projets de réduction sont en faveur d’une dépendance
* Ces trois situations sont seulement probables après un questionnaire. La certitude est donnée par la clinique.
Check-list pour le conseil dans le cadre d’une intervention brève
1.Restitution du test de repérage
Le sens usuel du score présenté par le
patient.
2.Explication du risque alcool
Des études montrent qu’une
consommation d’alcool dépassant
2verres par jour (femmes) ou 3verres
(hommes) modifie l’espérance de vie.
3.Explication du verre standard
Un verre,c’est comme au bistrot :25 cl
de bière ordinaire,10cl de vin,3cl de
whisky;une bouteille de vin,c’est
8verres ;une bouteille de whisky,c’est
20verres ;une «8°6»,c’est 4verres
(se servir du visuel des manuels).
4.Explication de l’intérêt
personnel de la réduction
En cas de problème secondaire :c’est
normaliser votre biologie,réduire votre
pression artérielle,supprimer certains
symptômes (sommeil,anxiété,
dépression),c’est faciliter votre régime…
En l’absence de problème secondaire
identifié :qu’est-ce que vous trouveriez
comme avantage à réduire votre
consommation d’alcool? (argent,santé,
relations …).
5.Explication des méthodes utilisables
pour réduire sa consommation
Réduire les occasions,les fréquences,les
Un « Kit » d’intervention avec 3 livrets
Le 2e point a fait l’objet d’une collaboration entre l’INPES et le
programme « Boire moins c’est mieux ». Le CFES avait réalisé
une première version d’un outil d’intervention à l’usage des
médecins généralistes en 1998 et sa seconde version, datant de
2001, comprend trois livrets et une affiche. Le 1er livret est un
argumentaire et un guide méthodologique pour le médecin,les
2 autres sont destinés au patient. L’un de ceux-ci, déjà évoqué,
peut être remis au consultant encore réticent à réduire sa
consommation d’alcool, et l’autre est à la fois un instrument
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quantités,trouver
des occupations
de substitution …
(faire référence
au manuel).
6.Proposer
des objectifs,
laisser le choix
Objectifs clairs :passer dans
une période déterminée sous
les «seuils de risque»,mais «seulement
si vous jugez cela opportun»
(tout objectif alternatif proposé
par le patient est acceptable
dans une approche éducative).
Gescheidt/Getty Images
Algorithme décisionnel après un repérage par l’AUDIT
Feed-back : Restitution
au patient de l’information
relative à la fréquence et à la
quantité de sa consommation
d’alcool.
Responsibility (responsabilité) :
La responsabilité du
changement de comportement
appartient exclusivement
au patient, et notamment pas
au thérapeute.
Advice (conseil) : Un conseil
de modération est clairement
donné au patient.
Menu (« la carte ») : Un choix
ou menu offrant différentes
options relatives à la quantité,
au délai et au rythme
de la consommation d’alcool
est donné au patient.
Empathy : Le thérapeute
fait preuve d’empathie, il évite
la condescendance,
les jugements de valeur
et valorise les efforts
et les acquis du patient.
Self-efficacy (capacité
personnelle) : Le thérapeute
cherche à renforcer
chez le patient les ressources
personnelles en faveur
du changement.
Source : Bien.29
7.Donner la possibilité de réévaluer
dans une autre consultation
Naturelle,cette proposition doit bien
être perçue comme optionnelle.
8.Remettre le livret
Le livret «Pour diminuer votre
consommation» reprend tous
les éléments ci-dessus,et sa remise
constitue en soi une intervention.
■
d’auto-évaluation, d’auto-support et d’échange entre le médecin et le patient.
Ce matériel est disponible sur demande à l’INPES, 30 et il est
conseillé aux médecins généralistes ou médecins du travail qui
souhaiteraient se familiariser avec cette approche, d’en commander un exemplaire et d’en tester le caractère praticable.
Une méthodologie simple d’intervention
«Boire moins c’est mieux» a mis à l’épreuve,dans les 1res formations menées avec des médecins généralistes et des médecins
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Le « risque alcool »
du travail, un algorithme simple et une « check-list » qui permettent à l’utilisateur d’adapter ses attitudes et ses conseils en
fonction des réactions du patient (cf. encadré page précédente).
Un court entraînement entre pairs permet de se convaincre
que, menée dans ces conditions, l’intervention brève… est réellement brève (en moyenne une dizaine de minutes).
Conclusion
Le repérage précoce et l’intervention brève auprès des buveurs à
risque concernent l’ensemble du
corps sanitaire et social.Les médecins généralistes figurent parmi
les acteurs de premier plan. Les bénéfices attendus en termes de
santé publique justifient leur mobilisation : la réduction de la
consommation dangereuse d’alcool pourrait contribuer à la
diminution de la mortalité prématurée. La prise en charge des
patients dépendant de l’alcool nécessite une formation et l’acquisition d’un savoir-faire capable de vaincre les résistances du
patient, mais l’intervention auprès de buveurs non ou peu
dépendants est surtout rendue difficile par les réticences, voire
les résistances,des médecins.Ces attitudes n’ont pas que des fondements irrationnels : la faible valorisation des actes préventifs,
le manque de temps, l’absence de secrétaire au cabinet ne sont
pas des inventions d’esprits chagrins.Mais ces barrières peuvent
être franchies et c’est à cette intégration dans la pratique médicale de routine que l’OMS,l’ANPA,l’INPES,la CNAM,des organismes de formation médicale continue et représentatifs de
médecins libéraux,s’emploient ensemble.La parole reste,en dernier ressort, aux acteurs eux-mêmes, déjà largement impliqués
dans l’élaboration de la stratégie de santé publique et des documents écrits. Mais la parole pourrait aussi être donnée aux
patients, qui finiront par intégrer l’alcool comme un facteur de
risque,comme ils l’ont fait pour le cholestérol ou l’hypertension.
De plus, il ne faut pas négliger la plainte qui monte régulièrement des assemblées de mouvements d’anciens buveurs: au déni
des patients a trop longtemps répondu celui des médecins. ■
Des formations sur l’intervention brève sont désormais accessibles pour
les associations de médecins qui en feraient la demande auprès des auteurs
du présent article.
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30. Comité français d’éducation pour la santé, 2, boulevard Auguste-Comte, BP51,
F-92174 Vanves Cedex ; tél. : 01 41 33 33 91. Références des documents : « Alcool,
ouvrons le dialogue» (un exemplaire de démonstration de chacun des éléments du kit
d’intervention).«Pour faire le point» (livret d’information/sensibilisation) : 09-01596B ; « Pour réduire sa consommation d’alcool » : 09-01597-B. Ces documents sont gratuits. Le texte des 2 livrets peut être téléchargé à partir des sites de l’assurance-maladie
www.cnamts.fr et du CFES : www.cfes.sante.fr
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