Chapitre 1. FORMATION DES COMPLEXES MÉTALLIQUES

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Chapitre 1. FORMATION DES COMPLEXES MÉTALLIQUES
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
Chapitre 1.
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FORMATION DES COMPLEXES MÉTALLIQUES
1.1. Un peu d’histoire : les postulats d’Alfred Werner
Alfred Werner (1866-1919, prix Nobel en 1913), un chimiste alsacien qui a passé une grande
partie de sa vie à Zürich, est considéré comme le fondateur de la chimie de coordination. A la fin
du 19e siècle, on se posait beaucoup de questions sur les composés des métaux de transitions, que
l’on savait analyser. Par exemple, les solutions de chlorure de cobalt dans l’ammoniaque,
desquelles on isolait des produits correspondant à une analyse élémentaire CoCl3x6NH3. Des
formules telles que celle-ci furent proposées, par analogie avec la chimie organique :
NH3 Cl
Co NH3 NH3 NH3 NH2Cl
NH3 Cl
C’est en 1893 que Werner eut l’inspiration (à deux heures du matin, paraît-il) que le nombre de
groupement fixés sur l’ion métallique n’est pas forcément égal à son nombre d’oxydation. D’où
les trois postulats qu’il proposa :
1) Les métaux possèdent deux types de valence, la valence primaire qui correspond à la
formation de l’ion et une valence secondaire, qui correspond au nombre de groupements
fixés sur l’ion métallique.
2) La valence primaire correspond au nombre d’oxydation
3) La valeur secondaire correspond au nombre de coordination.
4) La valence primaire est satisfaite par des ions. Dans l’exemple ci-dessus, trois ions chlorures
Cl-.
5) La valence secondaire est satisfaite par des ions (positifs ou, le plus souvent, négatifs) ou par
des molécules.
6) Dans l’exemple ci-dessus : les 6 molécules d’ammoniac.
7) On écrira donc la formule du complexe : [Co(NH3)6]Cl3. Le cation [Co(NH3)6]3+ est l’entité
complexe, raison pour laquelle on l’écrit entre parenthèses carrées.
8) Les valences secondaires sont dirigées vers des positions fixes de l’espace autour de l’atome
central :
H
H
3+
H
N
H
H N
H
H
N
H
H
H
H
H
H
N
H
H
N
Co
H
N
H
H
Le polyèdre dont les sommets sont constitués par les atomes directement liés à l’ion
métallique s’appelle le polyèdre de coordination.
1.2. Définition d’un complexe métallique
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Un complexe est constitué d’un ion métallique central sur lequel viennent se fixer un certain
nombre de molécules neutres ou d’ions, appelés ligands. Les propriétés chimiques de
l’assemblage qui en résulte dépendent de la nature de la liaison entre l’ion métallique et les
ligands (ion-dipôle, ionique) et de l’arrangement géométrique de ceux-ci autour de l’ion central,
lui-même contrôlé par les propriétés électroniques de l’ion et des ligands.
Deux exemples d’arrangements octaédriques sont présentés ci-dessous, dans lesquels
l’assemblage se fait soit par liaisons ion-dipôle (ici entre le cation et le
dipôle de l’eau) ou ion-ion (entre le cation et le chlorure. L’arrangement
O
chois est octaédrique, une géométrie que l’on retrouve souvent dans les
H
H
complexes des cations métalliques 3d, (c’est-à-dire de la première série de
transition).
H
H
H O
H
O
O
H
O
H
O H
H
O
H
M+n
H
n+
H
O
O
O
-
(X )n
M
O
O
H
O
octaèdre
H
H
H O
H
O
O
Co
H
O
3-
Cl-
H
+3
H
3+
H
O H
H (Cl )3
O
H
ClCl-
+3
Co
ClCl-
(Na+)3
Cl-
H
ion-ion
ion-dipôle
Lorsqu’un ion s’entoure de ligands pour former un complexe, on parle de réaction de
complexation. Ces réactions provoquent souvent des changements de couleur, démontrant que
les propriétés électroniques des complexes sont différentes de celles des réactifs de départ.
Exemple 1 : le sulfate de cuivre
Solide ionique blanc lorsqu’il est anhydre, le sulfate de cuivre devient bleu par hydratation :
+2
-2
CuSO4(s) + 6 H2O(l)
[Cu(H2O)6] + SO4 (aq)
blanc
bleu
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incolore
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La coloration bleue provient de transitions électroniques centrées sur l’ion métallique (voir plus
loin) indiquant que les niveaux électroniques du cation cuivrique CuII sont influencés par la
complexation. Le nombre de coordination (valence secondaire) de CuII est 6. Les ions hydratés
sont appelés aqua ions. Il n’est pas nécessaire de dissoudre le sulfate de cuivre(II) pour observer
un changement de couleur : une simple exposition à l’air le transforme lentement en un solide
bleu de composition CuSO4·5H2O. C’est sous cette forme qu’il est vendu commercialement. La
structure cristallographique de ce composé montre que chaque ion CuII est entouré de 4
molécules d’eau et de 2 atomes d’oxygène appartenant à deux anions sulfates différents. La 5e
molécule d’eau stabilise le réseau par des liaisons (ou ponts) hydrogène.1
Exemple 2 : complexes de CoIII
L’existence des deux types de valence (primaire et secondaire) peut être démontrée à l’aide des
deux complexes [Co(SO4)(NH3)5]Br et [Co(Br)(NH3)5]SO4. Dans le premier composé, le sulfate
est fixé sur l’ion CoIII, alors que dans le deuxième composé c’est le bromure qui est lié à l’ion
métallique. La dissolution de ces composés provoque leur dissociation électrolytique libérant du
bromure dans le premier cas et du sulfate dans le second cas :
AgNO3
H2O
[Co(SO4)(NH3)5]Br
H 2O
[Co(Br)(NH3)5]SO4
AgBr
[Co(SO4)(NH3)5]+ + Br-(aq)
BaCl2
rien
AgNO3
rien
BaCl2
BaSO4
[Co(Br)(NH3)5]2+ + SO4-2(aq)
Complexes labiles et complexes inertes
Un complexe est dit labile si une réaction de substitution de ligand est facile :
1
L’énergie d’une liaison hydrogène est de l’ordre de 40-60 kJ·mol-1, à comparer à 250-400 kJ·mol-1 pour une
liaison covalente et 350-450 kJ·mol-1 pour une liaison ionique.
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2+
[Cu(H2O)6]
+ 4 NH3(aq)
bleu
10
2+
[Cu(NH3)4(H2O)2]
+ 4 H2O(l)
violet
+ 4 HCl(aq)
2-
[Cu(Cl)4(H2O)2]
+
+ 4 NH4 (aq)
jaune vert
A l’inverse, un complexe est dit inerte si une réaction de substitution de ligand est difficile :
[Cr(H2O)6]3+ + 6 NH3(aq)
[Cr(NH3)6]3+ + 6 H2O(l)
Cr(OH)3
[Co(NH3)6]3+ + 6 H2O(l)
[Co(H2O)5]3+ + 6 NH3(aq)
Dans le 2e cas, la substitution n’est possible qu’en présence d’un acide fort qui en neutralisant
NH3(aq) formé déplace l’équilibre vers la droite. Les problèmes cinétiques en chimie de
coordination seront présentés dans le cadre du cours Fonctions et réactions inorganiques.
1.3. La solvatation
La formation d’un complexe à partir de molécules de solvant est appelée solvatation, ou
hydratation si le solvant est l’eau. Lorsqu’un ion se trouve en solution, sa charge électrique
génère un champ électrostatique qui polarise les molécules autour de lui. On distingue trois
zones autour de cet ion (l’exemple ci-dessous est donné pour un cation) :
• La sphère de coordination interne (ou 1ère sphère de coordination) : les molécules de
solvant et, parfois, des anions, sont directement fixés sur le cation. Cette zone peut être
souvent bien caractérisée (nombre et position des ligands).
• La sphère de coordination externe (ou 2e sphère de coordination) : les molécules de
solvant et les anions sont orientés par le champ électrique du cation, mais ne sont pas
directement fixés sur lui. Ils peuvent cependant y être reliés par des ponts hydrogène.
Cette zone est difficile à analyser.
• Le solvant, non influencé par le cation.
Des échanges se déroulent continuellement entre le solvant et les sphères de coordination, si bien
qu’il faut considérer l’édifice complexe comme étant une structure moyenne. Lorsqu’un cation
se déplace au sein d’une solution, il emporte avec lui ses deux sphères de coordination.
Définitions :
Le nombre de coordination NC est égal au nombre de liaisons chimiques cation-ligand.
Le nombre de solvatation est le nombre de molécules se déplaçant avec le cation (1ère + 2e
sphères de coordination). Pour les aqua ions il est souvent environ le double du nombre de
coordination.
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Solvant
coordonné
Anion monodenté
Anion
bidenté
+
Molécule de
solvant polarisée
Solvant libre
Anion libre
Aqua ions
Métaux alcalins : liaisons non directionnelles, NC = 4-8
Métaux alcalino-terreux : liaisons non directionnelles, NC = 6-8
Métaux d au nombre d’oxydation usuel : liaisons directionnelles, NC = 6
Métaux 4f : liaisons non directionnelles, NC = 8-10.
Lorsque les liaisons ne sont pas directionnelles, l' échange entre les molécules de solvant libres et
complexées est souvent très rapide (106-109 s-1).
1.4. Types de complexes
La classification des complexes se base sur le nombre d’ions (ou d’atomes) centraux qu’ils
comportent. Les complexes dont les formules sont données ci-dessus sont organisés autour d’un
seul ion central. Ce sont des complexes monométalliques (on dit aussi mononucléaires). Si
l’entité complexe comporte deux ou plusieurs ions métalliques on la désigne par les termes
bimétallique (binucléaire), trimétallique (trinucléaire), polymétallique (polynucléaire).
Cl
Cl
Cl
Cl
Nb
Cl
Cl
Cl
Cl
HO
Cl
HO
Nb
Cl
Bimétallique, NbV
OH2 H
O
OH2 H
O
OH2
Cr
Cr
Cr
O
O
OH2 H
OH2 H
trimétallique , Cr
OH
OH
OH2
III
Dans les exemples ci-dessus, les ions métalliques sont éloignés les un des autres. Lorsque la
distance diminue, il peut se former des liaisons métal-métal. Le complexe résultant est appelé
agrégat (cluster en anglais) :
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2-
Cl
Cl
OC
Cl
CO
Cl
Re
OC
Re
Cl
Cl
Cl
OC
Cl
Fe OC
CO
bimétallique
2
4
[Re2Cl8] +, ReIII , 5d
12
CO
CO
Fe
CO
Fe
CO
trimétallique
0
6
2
[Fe3(CO)12 ], Fe , 3d 4s
Les ligands sont classés selon leur structure et le nombre d’atomes donneurs. Exemples :
• ligands monodentés : H2O, NH3, CH3OH, OH-, Cl-, NCS• ligands bidentés :
-
-
O C C O
oxalate
O O
N
H2N CH2 CH2
NH2
1,2-diaminoéthane
(éthylènediamine, en)
N
ortho-phénanthroline
o-phen
• ligands polydentés
HOOC
COOH
N
HOOC
N
COOH
acide éthylènediamine
tétraacétique edta
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[Y(edta4-)F2]3-
edta
• ligands macrocycliques
O
O
O
O
O
OH HO
OH
HO
OH
O
éther 18-couronne-6
p-tert-butylcalix[5]arene
18-C6
[Nd(NO3)2(18C6)]+
• Les ligands liés à deux ions métalliques sont appelés pontants : Cl- dans Nb2Cl10, OHdans [Cr3(OH)8(H2O)6]-, ou plusieurs ligands comme dans l’exemple ci-dessous :
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[Eu2(Cx[8]-6H)(dmso)5
.
Certains ligands se comportent différemment suivant les situations. Par exemple le nitrate :
O
n+
M
O N
n+
M
O N
O
monodenté
O
O
bidenté
Mn+
O
O N
Mn+
O
tridenté (pontant)
Polyèdre de coordination
Le polyèdre de coordination est la figure géométrique ayant comme sommets les atomes
directement liés au métal. Quelques exemples courants :
NC=4
tétraèdre
NC=5
NC = 5
pyramide
bipyramide trigonale à base carrée
NC = 6
octaèdre
1.5. Nomenclature des entités complexes
Les règles ci-dessous sont édictée par l’IUPAC (International Union of Pure and Applied
Chemistry).
1. Atome central.
Formules : l’atome central est indiqué en premier, puis, dans l’ordre, les ligands
négatifs, neutres et positifs ; la formule est placée entre parenthèses carrées [].
Noms : l’atome central est nommé en dernier ; les ligands apparaissent dans l’ordre
alphabétique, quelque soit leur charge.
2. Le nombre d’oxydation de l’atome central est indiqué par un chiffre romain pour bien
accentuer son caractère formel : Fe(II) ou FeII.
3. Lorsque le complexe est anionique, le nom de l’atome central est muni du suffixe -ate :
K3[Fe(CN)6] = hexacyanoferrate(III) de potassium.
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4. Nom des ligands.
Anions : ils reçoivent le suffixe « o » : Cl-, chloro ; S2O32-, thiosulfato.
Molécules, cations : nom inchangé. Exceptions :
H2O : aqua ; NH3 : ammine ; CO : carbonyle ; NO : nitrosyle.
Les ligands pontants sont indiqués par μ- : Cl-, μ-chloro.
5. Le nombre de ligands est indiqué par les préfixes di-, tri-, tétra-, penta-, hexa-, etc. Si le
ligand a un nom composé on utilise bis-, tris-, tétrakis-, pentakis, hexakis, etc.
Exemples :
[Cr(H2O)6]Cl3
[Co(NH3)4(H2O)2]Cl3
Na[AlCl4]
[CoCl(NO2)(NH3)4]Cl
[Eu(mbzimpy)3](ClO4)3
chlorure d’hexaaquachrome(III)
chlorure de tetraamminediaquacobalt(III)
tetrachloroaluminate(III) de sodium
chlorure de tétraamminechloronitritocobalt(III)
perchlorate de tris{(2,6-bis(1-methylbenzimidazol-2-yl)
pyridine}europium(III)
H 3C
CH 3
N
N
N
N
N
mbzimpy
[Eu(mbzimpy)3]3+
1.6. Constantes de formation et diagrammes de distribution
Soit le cas général d’un complexe dans lequel n ligands identiques L se lient à un ion central M
(les charges sont omises par souci de simplification). Les équilibres de formation successifs et
leurs constantes sont donnés par :
[ML]
M + L
ML
K1 =
[M] ⋅ [L]
ML + L
ML2 + L
MLn-1 + L
ML2
ML3
MLn
K2 =
[ML 2 ]
[ML] ⋅ [L]
K3 =
[ML 3 ]
[ML 2 ] ⋅ [L]
Kn =
[ML n ]
[ML n-1 ] ⋅ [L]
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(1-1)
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Les Ki sont les constantes successives de formation. Si l’on écrit directement la formation d’un
complexe MLi, l’équilibre correspondant est qualifié de « global » :
M + iL
βi =
MLi
[ML i ]
(1-2)
[M] ⋅ [L]i
La constante globale de formation βi est égale au produit des i premières constantes de
formation successives puisque l’équilibre global est la somme des i premiers équilibres
successifs :
β1 = K1
β2 = K1·K2
i
β3 = K1·K2·K3
βi=
∏Kj
(1-3)
j=1
Dans les tables, on reporte les logK ou les logβ. Dans l’eau, les complexes sont formés à partir
des aqua ions, si bien que les équilibres devraient s’écrire comme dans l’exemple ci-dessous.
Formation des complexes argento-diamine
[Ag(H2O)n]+ + NH3(aq)
[Ag(H2O)n-1(NH3)]+ + H2O(l)
[Ag(H2O)n-1(NH3)]+ + NH3(aq)
[Ag(H2O)n-2(NH3)2]+ + H2O(l)
[Ag(H 2 O) n-1 (NH 3 )]+ ⋅ [H 2 O]
K'1 =
[Ag(H 2 O)n]+ ⋅ [NH 3 ]
K’1
K’2
[Ag(H 2 O) n-2 (NH 3 ) 2 ]+ ⋅ [H 2 O]
K' 2 =
[Ag(H 2 O) n-1 (NH 3 )]+ ⋅ [NH 3 ]
Les K’ sont sans unité. Mais comme la concentration de l'eau dans l'eau [H2O] est constante, on
l’introduit dans les constantes d'équilibre :
K1 =
[Ag(H 2 O) n-1 (NH 3 )]+
K '1
=
+
[Ag(H 2 O)n] ⋅ [NH 3 ] [H 2 O]
ici, logK1 = 3,85 et
logK 2 = 3,36, donc logβ2 = 7,21.
Diagrammes de distribution
Ces diagrammes permettent de visualiser les fractions des différentes espèces en équilibre en
fonction de la concentration en ligand. Ces fractions sont désignées par αi :
αi =
[ML i ]
n
∑ [ML j ]
=
[ML i ]
[M] tot
j = 0 désigne l' aqua ion [M(H 2 O) x ] n+ = [M ]
(1-4)
j=0
Développons en fonction des constantes globales de formation βι
n
[M] tot =
[MLi] = βi·[M]·[L]i
∑ β j[ M][L] j
j=0
αi =
β i [ L]i
n
∑ β j[ L] j
n
∑αi = 1
j=0
(1-5)
j=0
Ainsi, les αi ne dépendent que des βi et de la concentration en ligand libre. Ils ne sont pas
fonction de la concentration en métal !
Une autre notion utile est le nombre moyen total de molécules de ligand liées au métal, n :
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n
n=
[L] tot - [L]
=
[M] tot
∑ j ⋅ β j[ L] j
j=1
n
(1-6)
∑ β j [ L] j
j= 0
Les αi étant reliés à la concentration en ligand libre, il peut être utile de disposer d’un autre
diagramme reliant la concentration en métal totale à la concentration en ligand libre :
n
n
[ L] tot
[ M ] tot = ∑ [ ML j ] = [ M]∑ β j [ L] j , soit q =
:
[ M ] tot
j= 0
j= 0
n
∑ β j[ L] j+1
[ M ] tot =
j= 0
(1-7)
n
∑ (q − j)β j[ L]
j
j= 0
Ainsi, un système métal/ligand est complètement caractérisé par deux diagrammes, présentés
usuellement sous les formes suivantes : (i) αi et n = ƒ(log[L]) et (ii) log[M]tot = ƒ(log[L]) pour
différentes valeurs de q.
Exemple : formation de [Nd(Cl)i](3-i)+dans la diméthylformamide (i = 1-4)
Les constantes de stabilité valent : logK1 = 3,26, logK2 = 2,01, logK3 = 1,35 et logK4 = 0,63.
Sur le diagramme du haut (page suivante), on peut vérifier que la somme des αi est égale à 1
pour toute valeur de log[Cl-].
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Valeur maximale de α1 dans le cas d’un équilibre entre 2 espèces ML1 et ML2
La concentration pour laquelle α1 est maximale se calcule en égalant à 0 sa dérivée par rapport à
la concentration en ligand libre [L] :
β1[L]1
α1 =
1+ β1[L]1 + β 2 [L]2
2
2
2
2
∂α 1 β 1 + β 1 [L] + β 1 β 2 [L] − β 1 [L] - 2β 1 β 2 [L]
=
=0
∂[L]
(1 + β 1 [L] + β 2 [L] 2 ) 2
Les constantes βi sont positives, le dénominateur est donc >1 et l’on peut en multiplier les
membres de droite et de gauche :
β 1 − β 1β 2 [ L]2 = 0 , en divisant par β 1 :
1 - β 2 [ L] 2 = 0
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18
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[L] =
1
β2
et α1 (max) =
1
2 β2 / β12 +1
Exemple : complexes [Ag(H2O)x(NH3)i]+, i = 1,2
1
= 2,48 ⋅ 10− 4 M log[L] = - 3,60
[ L] =
7
1,62 ⋅ 10
α 1 (max) =
1
2 1,62 ⋅ 10 / 5,01 ⋅ 10 7 + 1
7
= 0,468 = 46,8%
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(1-8)
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1.7. Aspects thermodynamiques
A température et pression constantes, la constante K d’un équilibre chimique est reliée à
l’enthalpie libre (enthalpie de Gibbs) de la réaction de gauche à droite par la relation
ΔG0 = -RT·lnK R = constante des gaz parfaits = 8,31 J·K-1·mol-1
Or la variation d’enthalpie de Gibbs comporte deux termes, la variation d’enthalpie et la
variation d’entropie :
ΔG0 = ΔH0 -T·ΔS0
Pour qu’un complexe ML soit stable, il faut que K > 1, donc ΔG0 < 0. La formation d’un
complexe sera donc favorisée :
• parce que ΔH0 << 0 : si la liaison M-L est plus stable que la liaison M-solvant ; on parle
de stabilisation enthalpique,
• parce que ΔS0 >> 0 : si la formation de la liaison M-L génère plus de degrés de liberté ;
on parle de stabilisation entropique,
• parce que ΔH0 < 0 et ΔS0 > 0.
Il arrive souvent que les effets enthalpiques et entropiques soient antinomiques. La stabilisation
entropique se produit avec des ligands polydentés (chélatants) ou macrocycliques.
Effets chélate
Pour démontrer cet effet, nous examinons la formation des complexes de nickel(II) avec
l’ammoniac et avec le 1,2-diaminoéthane, appelé plus couramment éthylènediamine et abrégé
en.
Nous groupons deux à deux les étapes successives de formation des complexes avec l'ammoniac
afin de pouvoir effectuer une comparaison avec la complexation par le ligand en.
H2N
NH2
Remplace 2 NH3
2+
[Ni(H2O)6]
2+
+ 2 NH3(aq)
[Ni(H2O)4(NH3)2]
5
+ 2 H2O(l)
0
K1K2 = 1,1·10 , ΔG = -27,6 kJ·mol
2+
[Ni(H2O)4(NH3)2]
+ 2 NH3(aq)
2+
[Ni(H2O)2(NH3)4]
-1
+ 2 H2O(l)
K3K4 = 1,1·103, ΔG0 = -17,1 kJ·mol-1
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2+
[Ni(H2O)6]2+ + en(aq)
[Ni(H2O)4(en)]
7
0
+ 2 H2O(l)
K1 = 4,5·10 , ΔG = -43,6 kJ·mol
2+
[Ni(H2O)4(en)]
-1
[Ni(H2O)2(en)2]2++ 2 H2O(l)
+ en(aq)
K2 = 2,2·106, ΔG0 = -36,2 kJ·mol-1
En première approximation, les données quantitatives s’interprètent ainsi. Dans le premier cas,
une molécule de NH3 remplace une molécule de H2O ; la variation d’entropie est pratiquement
nulle, si bien que la valeur négative de ΔG0 est principalement due à une valeur négative de ΔH0,
c’est dire que la liaison Ni-NH3 est plus stable que la liaison Ni-OH2.
Dans le deuxième cas, [Ni(H2O)4(en)]2+ est environ 400 fois plus stable que [Ni(H2O)4(NH3)2]2+.
Si l’on admet que l’énergie de la liaison Ni-N(en) est environ égale à celle de la liaison NiN(NH3), la stabilisation est imputable à un effet entropique : la fixation d’une molécule de en
libère deux molécules de H2O. Le raisonnement se tient car Δ(ΔG0) est environ le même pour les
deux étapes (15 et 19 kJ·mol-1).
Effet macrocyclique
Un effet similaire est observé avec des ligands macrocycliques. Soient les complexes
[La(15P5)]3+ et [La(15C5)]3+ :
H3C
H3C
O
15P5
(CH2 CH2 O)4 CH3
O
O
O
O
O
O
éther 15-couronne-5
CH3
logK = 5,04
logK = 6,48
O
O
15C5
O
O
295 K, carbonate
de propylène
La structure cristallographique de ces deux complexes est très semblable avec, notamment le
ligand non cyclique adoptant une conformation semblable à celle du ligand cyclique lors de la
complexation
La formation des deux complexes à partir de l’ion solvaté libère le même nombre de molécules
de solvant. Par contre, l’éther linéaire (éther diméthylique du pentaéthylèneglycol) 15P5 doit
modifier considérablement sa conformation pour se rapprocher de celle du macrocycle lors de la
complexation. Son nombre de degrés de liberté s’en trouve réduit et la différence de stabilité
entre le deux complexes s’explique par cet effet entropique. C’est ce que l’on appelle l’effet
macrocyclique.
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Effets statistiques
Les constantes de formation successives Kn diminuent généralement lorsque n augmente (en
absence d'effet coopératif). Si l’on suppose que les N sites de coordination sont tous identiques
(symétrie sphérique), et qu’ils restent identiques lors du processus de complexation, on a pour un
ligand monodenté :
K j / K j+1
( N − j + 1) ⋅ ( j + 1)
j ⋅ ( N − j)
(1-9)
Table. Rapports statistiques calculés pour des constantes de formation successives.
N
2
3
4
5
6
K1/K2
4
3
2.67
2.50
2.40
K2/K3
3
2.25
2
1.88
K3/K4
2.67
2
1.78
K4/K5
2.50
1.88
K5/K6
2.40
K1/KN
4
9
16
25
36
Pour un ligand bidenté et une géométrie octaédrique (N = 3), il faut tenir compte du fait que le
premier ligand peut se fixer le long de n’importe laquelle des 12 arêtes de l’octaèdre, alors que la
dissociation de ML ne peut se produire que d’une manière. Le deuxième ligand peut se fixer le
long de 5 arêtes et la dissociation de ML2 peut se faire de 2 manières différentes. Le troisième
ligand n’a plus qu’une possibilité de fixation, mais ML3 peut se dissocier de 3 manières
différentes. De plus, si le 2e ligand s’est fixé dans le même plan que le premier, il n’y a pas
possibilité de former ML3. La probabilité de former ML3 doit encore être corrigée car l’un des 5
composés ML2 possibles ne peut accepter un troisième ligand, donc :
K1 / K 2 =
12 2
5 3 5
⋅ = 4.8 et K 2 / K 3 = ⋅ ⋅ = 9.4
1 5
2 1 4
Professeur Jean-Claude Bünzli
(1-10)
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
12 possibilités
5 possibilités
1 possibilité
23
0 possibilité
En réalité, les rapports Kj/Kj+1 dévient souvent des valeurs statistiques. Par exemple pour les
complexes de NiII avec le 1,2-diaminoéthane (N = 3), K2/K1 = 13 et K3/K2 = 110. Les déviations
proviennent notamment de contraintes stériques entre les brins de ligand et du fait qu’après
coordination du premier ligand, la densité électronique sur l’ion diminue, ce qui résulte en une
attraction plus faible du ligand suivant.
Remarque
Les constantes de stabilité, qui sont des constantes d’équilibre, devraient être exprimées en
fonction des activités et non des concentrations. Les activités étant difficiles à déterminer
expérimentalement, on garde cependant l’habitude d’utiliser les concentrations. Ainsi, les
constantes dépendront-elles non seulement de la température, mais également de la force ionique
I de la solution :
1
I = ∑ qi 2ci où qi représente la charge de l’ion i et ci sa concentration
2
Une solution 1 M de CaCl2 aura une force ionique égale à: ½(+2)2 + ½(-1)2·2 = 3 M.
Les constantes de stabilité sont souvent déterminées par potentiométrie ou spectrophotométrie ;
les mesures se font à force ionique constante, en ajoutant un électrolyte indifférent, c’est-à-dire
dont aucun ion n’interagit avec les constituants du système étudié (ex. Et4NClO4).
1.8. Contributions à la stabilité des complexes
Les facteurs qui influencent la stabilité des complexes sont représentés dans la figure ci-dessous.
Densité
Densitéde
decharge
charge
Polarisabilité
Polarisabilité
Ion
Ion
Structure
Structure
électronique
électronique
Stabilité
Stabilité
Atomes
Atomesdonneurs
donneurs
Polarisabilité
Polarisabilité
Structure
Structure
électronique
électronique
Ligand
Ligand
Structure
Structure(effet
(effet
stérique,
stérique,préorganisation)
préorganisation)
Les liaisons ion-ligand étant fortement électrostatiques (ion-dipôle ou ion-ion), la charge des
particules (plus précisément la densité de charge pour les ions métalliques) ainsi que leur
polarisabilité, vont jouer un rôle central. La structure électronique de l’ion et des ligands
déterminera les propriétés magnétiques et optiques, ainsi que la contribution « covalente » à la
Professeur Jean-Claude Bünzli
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
24
liaison. Finalement, la structure des ligands sera également très importante car elle déterminera
l’effet stérique et l’effet entropique (p.ex. effet macrocyclique, voir paragraphe précédent).
1.8.1
Densité de charge et polarisabilité des cations métalliques
La liaison de coordination possède une
contribution électrostatique résultant de
Contribution
électrostatique l’attraction entre la charge positive du
cation et la charge ou fraction de charge
négative portées par les atomes donneurs
Contribution
des ligands. De plus, il y aura une
covalente
contribution covalente associée au
recouvrement entre les orbitales atomiques
M
L
du métal et les orbitales moléculaires des
ligands. La force de la liaison M-L (contribution enthalpique à la stabilité globale du complexe
ΔG0f) dépendra de ces deux facteurs.
δ-
z+
Contribution électrostatique
Pour un ligand donné L, la magnitude de l’interaction électrostatique dépendra de la taille du
cation, donnée par son rayon ionique ri, ainsi que de sa charge z. La densité de charge est définie
par z2/ri et c’est ce paramètre qui sera décisif. Quelques données numériques sont reportées dans
tabulées ci-dessous. On voit par exemple que, d’après ce critère uniquement, les stabilités
relative d’un complexe de Na(I), Ca(II), et Eu(III) devraient être dans le rapport 1 :4 :8. En
première approximation, on s’attend à une augmentation de la stabilité des complexes le long
d’une période du tableau périodique. En première approximation seulement, car les rayons
ioniques pour les éléments d ne varient pas de manière monotone le long d’une série. Cet aspect
sera traité plus tard, en invoquant les effets de champ des ligands.
M+
ri /Å
z2/ri
M2+
ri /Å
z2/ri
Ln3+
ri /Å
z2/ri
Li
0.76
1.32
Mg
0.72
5.56
La
1.216
7.40
Na
1.02
0.98
Ca
1.00
4.00
Ce
1.196
7.53
K
1.38
0.72
Sr
1.18
3.39
Pr
1.179
7.63
Rb
1.52
0.66
Ba
1.35
2.96
Nd
1.163
7.74
Cs
1.67
0.60
Ra
1.48
2.70
Pm
1.144
7.87
Sm
1.132
7.95
1.32
0.98
Ti
0.86
4.65
Eu
1.12
8.04
0.72
V
0.79
5.06
Gd
1.107
8.13
0.66
Cr
0.82
4.88
Tb
1.095
8.22
Mn
0.82
4.88
Dy
1.083
8.31
Fe
0.77
5.19
Ho
1.072
8.40
Co
0.73
5.48
Er
1.062
8.47
Ni
0.70
5.71
Tm
1.052
8.56
Cu
0.72
5.56
Yb
1.042
8.64
Zn
0.74
5.41
Lu
1.032
8.72
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Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
25
Si l’on s’intéresse à la série des lanthanides, il en va autrement. Le rayon ionique varie de
manière monotone en raison du blindage des orbitales 4f par les sous-couches pleines 5s25p6. Si
le seul facteur influençant la stabilité était le facteur électrostatique, on devrait donc observer une
augmentation de la stabilité lorsque le numéro atomique augmente. Les figures suivantes
montrent que la réalité est plus complexe. Un effet électrostatique est bien observé pour le
malonate, alors que pour l’acétate, la tendance est celle prévue par la théorie électrostatique
jusqu’à Sm(III), puis la stabilité décroît. Ceci est dû à des effets de solvatation. Avec les ligands
polyaminocarboxylates, on retrouve bien l’augmentation prévue par l’effet électrostatique pour
edta, et cet effet est important, de 4 ordres de grandeurs, mais pour dtpa, la situation est de
nouveau plus complexe.
Pour les cations divalents, M(II), la stabilité varie souvent dans l’ordre suivant, qui suit la
tendance électrostatique et qui est appelé série d’Irving-Williams :
Ba < Sr < Ca < Mg < Mn < Fe < Co < Ni <Cu < Zn
Néanmoins, la figure présentant la variation des constantes de formation des complexes des ions
M(II) présente une « anomalie » pour Cu. Celle-ci sera expliquée plus tard ; elle est due à l’effet
Jahn et Teller.
1.25
Ln3+, CN = 9
Ionic radii / Å (CN = 9)
1.20
1.15
0.18 Å
1.10
1.05
1.00
La Ce Pr Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu
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Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
26
8.8
8.6
Ln3+, CN = 9
8.4
8.0
factor 1.18
2
z / ri
8.2
7.8
7.6
7.4
7.2
La Ce Pr Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu
Figure : Rayons ioniques des lanthanides trivalents (haut) et facteur électrostatique (bas).
5.0
4.5
4.0
3.5
LogK1
3.0
malonate
2.5
2.0
1.5
1.0
acetate
0.5
0.0
0.82 0.84 0.86 0.88 0.90 0.92 0.94 0.96 0.98
-1
1/ri (CN = 9) in Å
Figure : Constantes de stabilités des complexes des lanthanides trivalents avec l’acétate et le
malonate.
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Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
23
LogK1
22
27
dtpa
HOOC
21
COOH
N
N
N
HOOC
COOH
20
COOH
19
18
17
edta
16
15
0.82 0.84 0.86 0.88 0.90 0.92 0.94 0.96 0.98
-1
1/ri (CN = 9) in Å
Figure : Constantes de stabilités des complexes des lanthanides trivalents avec des ligands
polyaminocarboxylates, edta et dtpa.
NH2CH2CH2S-
10
logKf
8
6
4
2
en
oxalate
NH2CH2CO2-
Ba Sr Ca Mg Mn Fe Co Ni Cu Zn
Figure : Constantes de stabilité de quelques complexes des ions divalents M(II) avec la cystéine,
l’éthylènediamine, l’oxalate et la glycine– série d’Irving-Williams.
Contribution covalente
A la fin des années 1950, Ahrland, Chatt et Davies ont proposé une classification empirique des
ions métalliques selon trois groupes : classes A, B et « frontière » (en anglais : « borderline »).
Cette classification est basée sur l’affinité de ces ions pour des ligands possédant des atomes
Professeur Jean-Claude Bünzli
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
28
donneurs des groupes V (N, P), VI (O, S) et VII (halogènes). Les classes A et B correspondent à
la notion d’acides respectivement durs (A) et mous (B) de Pearson.
Les métaux de la classe A forment des complexes plus stables avec les atomes donneurs
localisés au sommet des colonnes V, VI et VII, le contraire étant observé pour les métaux de la
classe B.
D’une manière générale, les métaux A sont fortement électropositifs et forment des liaisons à
forte composante électrostatique avec des ligands possédant des atomes donneurs fortement
électronégatifs, d’où l’émergence de la tendance de stabilité : F > Cl > Br > I.
En revanche, les cations de la classe B sont moins électropositifs et forment plutôt des liaisons
covalentes avec des atomes donneurs peu électronégatifs, d’où la tendance de stabilité inverse : I
> Br > Cl > F.
La classification de quelques cations métalliques est donnée ci-dessous.
Classe A
Frontière
Classe B
H+, Li+, Na+, K+
Fe2+, Co2+, Ni2+
Cu+, Ag+, Au+, Hg22+, Tl+
Be2+, Mg2+, Ca2+, Sr2+, Mn2+
Cu2+, Zn2+, Pb2+
Hg2+, Pd2+, Pt2+, Pt4+, Tl3+
Al3+, Sc3+, Ga3+, In3+, Cr3+, Co3+, Fe3+
Ln3+ (Ln = La-Lu)
Ti4+, Sn4+
Tendance de stabilité
N >> P > As > Sb
N << P < As < Sb
O >> S > Se > Te
O << S ≈ Se ≈ Te
F > Cl > Br > I
F < Cl < Br < I
1.8.2
Électronégativité, dureté et polarisabilité
Il y a différentes définitions de l’électronégativité. Historiquement, c’est Linus Pauling, double
prix Nobel (chimie et paix) qui a proposé ce concept et il a attribué la différence d’enthalpie de
formation d’un composé A-B par rapport à la moyenne des enthalpies de formation des
composés A-A et B-B à un transfert électronique dû à la différence d’électronégativité entre les
éléments A et B :
χ A − χ B = 0 ,102 Δ(ΔH 0f )
χ H = 2 ,1
Un peu plus tard, Mulliken a défini l’électronégativité comme étant la moyenne entre l’énergie
d’ionisation (I) et l’affinité électronique (AE), ce qui permet de relier cette grandeur aux énergies
des orbitales frontières de l’atome , les orbitales HOMO (« highest occupied molecular orbital »)
et LUMO (« lowest unoccupied molecular orbital ») :
χ=
I + AE
2
Professeur Jean-Claude Bünzli
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
29
E(φat)
ionisation
0
I
χ
2η
AE
LUMO
HOMO
Ainsi, une grande électronégativité implique que l’atome perd difficilement l’électron de son
HOMO, mais qu’il acceptera volontiers un électron dans sa LUMO, comme, par exemple, le
fluor qui forme très facilement l’anion fluorure F- , mais beaucoup plus difficilement le cation F+.
Lors de la formation d’une liaison M-L, une faible différence d’électronégativité entre les atomes
considérés implique que les orbitales frontières du métal et du ligand sont proches en énergie et
produisent donc une forte contribution covalente.
Dans la figure ci-dessus, la grandeur η caractérise la dureté de l’atome (ou de l’ion métallique,
ou du ligand) qui est la moyenne de la différence d’énergie entre l’énergie d’ionisation et
l’affinité électronique :
η=
I − AE
2
Cela correspond aussi à la moitié de la différence énergétique entre les orbitales frontières. La
notion de dureté est intimement liée à celle de polarisabilité, qui représente la facilité avec
laquelle le nuage électronique peut se déformer sous l’action d’un champ électrique (par exemple
généré par la présence d’une charge partielle).
Pour mieux comprendre cette notion, nous l’explicitons ici dans le cas d’une orbitale 1s de
l’atome d’hydrogène.
r
E
φ1s
s’annulent
δ+
φ1s
se renforcent
δ−
polarisée
φ1s
+ λφ2p
Selon la théorie des perturbations, l’état résultant de l’interaction avec le champ électrique peut
être décrit par une combinaison linéaire de l’état fondamental (ici l’orbitale 1s) et de son état
excité. Comme première approximation, on considère l’orbitale 2p comme représentant ce
dernier :
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Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
φpol = φ1s + λφ2p
∫φ
λ=
*
2p
avec
30
Η Er φ1sdv
E2p − E1s
où Η Er est l’opérateur de Hamilton décrivant la perturbation due au champ électrique. Si les
niveaux 1s et 2p sont fortement séparés en énergie, le paramètre λ sera petit et le système sera
donc peu déformé par le champ électrique.
Nous pouvons maintenant généraliser en utilisant les orbitales frontières en lieu et place des
orbitales 1s et 2p dans le cas de l’atome d’hydrogène. Un ion ou une molécule pour lesquels la
séparation entre HOMO et LUMO est grande aura un paramètre λ petit et s’avérera être un
système peu polarisable ; il entrera dans la catégorie A de la classification de Arhland, Chatt et
Davies ou, plus généralement, dans la catégorie « dure » de la classification des acides et bases
durs et mous de Pearson.
En revanche, lorsque la différence d’énergie entre HOMO et LUMO est petite, λ sera grand et le
système polarisable appartiendra aux catégories B ou « molle ».
La variation d’énergie consécutive à la perturbation est donnée par l’expression :
Estab
⎡ Ψ*LUMO Η r Ψ HOMO ⎤
E
∫
⎦
=⎣
ELUMO − EHOMO
2
Ainsi, la stabilisation énergétique du système subissant la perturbation sera maximale lorsque ΔE
tend vers 0, ainsi que l’indique la figure ci-dessous.
Estab
ΔE ≈ 0
petit ΔE
grand ΔE
Visualisation de la polarisation d’une base par une charge positive :
δ+
δ+
2δbase dure
H2O
δ+
2δbase molle
H2S
δ+
En résumé
Une interaction entre un métal mou peu électropositif et un ligand mou peu électronégatif
maximise la contribution covalente et produit des complexes stables. Un exemple intéressant est
la protection des cellules contre certains ions métalliques toxiques comme Cd(II), Hg(II, Pb(II)
et Tl(I), tous des ions mous, par des protéines contenant plusieurs groupes sulfurés, les
métallothionéines.
Professeur Jean-Claude Bünzli
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
31
Lorsque les deux partenaires sont durs et possèdent une grande différence d’électronégativité, la
contribution covalente est faible et la liaison est contrôlée par les interactions électrostatiques.
Celles-ci sont maximisées par (i) des charges élevées et (ii) des systèmes peu polarisables. Les
complexes sont stables.
Lorsque qu’il y a interaction entre deux partenaires dont l’un est dur et l’autre mou, celle-ci est
faible et les complexes résultants peu stables.
1.8.3
Structure électronique de l’ion métallique
Les cations 4f (lanthanides)
La liaison est essentiellement électrostatique et la structure électronique d’un ion particulier n’a
pas beaucoup d’influence sur la force de la liaison Ln-L, contrôlée par le facteur z2/ri. En absence
de contraintes stériques, la stabilité des complexes des ions Ln(III) résulte du bilan d’énergie des
réactions de désolvatation et complexation.
La formation des complexes des lanthanides est dominée par l’étape de désolvatation,
particulièrement dans l’eau car celle-ci se fixe très fortement sur les cations LnIII pour donner des
aqua ions très stables [Ln(H2O)n]3+, n variant progressivement de 9 à 8 le long de la série. Ainsi,
le processus de complexation :
[Ln(Solv)n]3+ + [L(Solv)p]b-
se décompose en deux étapes :2
1. Désolvatation d
[Ln(Solv)n]3+ + [L(Solv)p]b2. Complexation c
[Ln(Solv)m]3+ + [L(Solv)q]b-
[LnL(Solv)m+q](3-b)+ + (n-m + p-q)Solv
[Ln(Solv)m]3+ + [L(Solv)q]b- + (n-m + p-q)Solv
[LnL(Solv)m+q](3-b)+
Les relations thermodynamiques correspondantes sont :
ΔGr = ΔGd + ΔGc = (ΔHd + ΔHc) - T(ΔSd + ΔSc), avec
ΔHd > 0, ΔSd > 0, et ΔHc < 0, ΔSc < 0.
Expérimentalement, on observe que ΔHr et ΔSr sont souvent positifs si bien que :
⎢ΔHd ⎢> ⎢ΔHc ⎢, ⎢ΔSd ⎢> ⎢ΔSc ⎢
La diminution de la solvatation pendant la complexation résulte en une différence d’entropie
positive. Par ailleurs, la différence d’enthalpie est aussi positive en raison de la cassure de la
forte liaison LnIII-OH2. Pour la plupart des ligands, on remarque que la constante de stabilité
augmente assez régulièrement (quoique faiblement) lorsque Z augmente (voir ci-dessus), si bien
qu’il est difficile de complexer sélectivement les ions LnIII, rendant leur séparation difficile.
Les cations d
Pour ces ions la configuration électronique joue un rôle important dans la stabilité des complexes
formés, aussi bien pour la contribution électrostatique, le rayon ionique dépendant de cette
configuration, que pour la contribution covalente. Nous traiterons ce problème plus tard, après
avoir exposé les modèles de liaison chimique du champ des ligands et des orbitales moléculaires.
1.8.4
Structure du ligand
L’effet chélate
2
J.-C.G. Bünzli in Rare Earths, R. Saez-Puche, P. Caro, eds, Editorial Complutense, Madrid,
1998, 224 ff.
Professeur Jean-Claude Bünzli
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
32
Nous avons vu plus haut, sur l’exemple de la complexation du Ni(II) avec l’éthylènediamine,
que la complexation d’un ligand polydenté produit un effet de stabilisation entropique, par
rapport à la complexation d’un nombre de ligands monodentés correspondant au nombre
d’atomes donneurs du ligand polydenté. L’effet chélate est associé à deux effets importants, la
taille du cycle chélate formé, ainsi que la neutralisation de la charge.
Expérimentalement, on trouve généralement l’ordre de stabilité suivant :
5 membres > 6 membres > 7,8 membres
N
N
N
C
2.8 Å
C
N
N
N
2.5 Å
C
C
C
1.7 Å
C
LogK1
On voit ci-dessus que le cycle à 5 membres est celui qui conduit à la plus faible répulsion entre
les atomes donneurs (représentés ici par des atomes d’azote). L’effet est illustré ci-dessous pour
des complexes dicarboxylates. C’est l’une des raisons pour lesquelles on trouve souvent des
ligands de type éthylènediamine, dicarboxyliques, ou β-dicétoniques. Lors de la formation d’un
cycle à 5 membres, résultant de la complexation à un ion métallique, il y a peu de travail à
fournir pour vaincre la force de Coulomb répulsive entre les atomes donneurs portant une
fraction de charges (amines tertiaires dans la figure ci-dessus, atomes d’oxygène des
carboxylates dans celle ci-dessous). L’essentiel de ce travail a déjà été fait lors de la synthèse du
ligand organique afin de relier entre elles deux unités portant la même charge partielle négative à
une relative courte distance (pont –CH2-CH2-). Pour la formation de cycles plus grands, ce
travail doit être fourni lors de la complexation, qui devient de plus en plus endothermique.
7.0
6.5
6.0
5.5
5.0
4.5
4.0
3.5
3.0
2.5
2.0
1.5
1.0
0.5
0.0
oxalate
malonate
succinate
Mn
Fe
Co
Ni
Cu
Zn
La stabilisation du complexe augmente également avec le nombre de cycles chélates formés lors
de la complexation. Par exemple, la complexation de l’edta4- résulte en la formation de 5 cycles
chélates à 5 membres, d’où la stabilité particulière des complexes avec ce ligand.
Professeur Jean-Claude Bünzli
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
33
Neutralisation de la charge
Si le ligand est chargé négativement, la formation du complexe s’accompagne d’une
neutralisation partielle ou complète de la charge électrostatique initiale. Or comme nous l’avons
vu lors de la discussion du phénomène de solvatation, plus un ion est petit et chargé, plus le
paramètre z2/ri est important et plus cet ion structurera la solution autour de lui. Le remplacement
de cet ion par une entité complexe plus grosse et moins chargée est donc entropiquement très
favorable et représente aussi une source de stabilisation du complexe final. La relation entre ΔS
et z2/ri est illustrée ci-dessous pour des complexes avec l’edta.
350
LnIII
300
250
Mg
200
Fe
0
-1
ΔS f / Jmol K
-1
MII(3d)
150
Ca
100
Ba
Sr
2
z / ri
50
2
3
4
5
6
7
8
9
Préorganisation du ligand
Les effets chélate et macrocyclique sont associés à une préorganisation des sites de complexation
du ligand. Ceci est démontré par les chélates d’edta et de cdta, un ligand dans lequel le pont CH2-CH2- est remplacé par un groupement cyclohexanyl. Dans edta4-, la répulsion entre les
charges des groupements carboxylates fixés sur deux amines différentes fait que ceux-ci sont très
éloignés l’un de l’autre. Dans cedta4-, le pont 1,2-cyclohexane rapproche les deux charges
négative. Ainsi, lors de la complexation, celles-ci seront déjà plus proche de leur position finale
et les complexes de cedta4- sont effectivement plus stables que ceux d’edta4-, d’environ deux
ordres de grandeur.
Professeur Jean-Claude Bünzli
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
Log K
13.5
13.0
12.5
12.0
11.5
11.0
10.5
10.0
9.5
9.0
8.5
8.0
7.5
34
cdta
edta
Mg
Ca
Sr
Ba
Le principe de la préorganisation est largement utilisé dans la chimie macrocyclique, en
biochimie et biologie pour optimiser l’interaction entre un récepteur et un ion métallique. Un
exemple est donné ci-dessous dans lequel un cryptand, récepteur macrotricyclique, encapsule un
ion EuIII.
O
N
O
O
O
O
N
O
(2,2,2)
[EuClO4(2,2,2)]2+
1.9. Influence de la complexation sur les propriétés des ligands
La complexation résulte en une modification appréciable de la structure électronique des ligands
et, par conséquent, de leurs propriétés chimiques. Ainsi, leurs propriétés acide-base et
d’oxydoréduction sont-elles grandement affectées.
Influence sur les pKa
Considérons d’abord la simple formation des aqua ions :
[M(H2O)x]n+ + H2O ' [M(OH)(H2O)x-1](n-1)+ + H3O+
Les pKa suivants (à 298 K) ont été mesurés pour les cations divalents (n = 2) :
Ca : 13,4 Mn : 11,1 Cu : 10,7
pKa de l’eau
Zn : 10,0, soit 4 ordres de grandeurs plus petit que le
En fait, et souvent, la situation est plus complexe, ainsi que le montre l’exemple du fer pour
lequel on observe les équilibres suivants :
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Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
35
[Fe(H2O)6]3+ + H2O ' [Fe(OH)(H2O)5]2+ + H3O+
[Fe(OH)(H2O)5]
2+
+ H2O ' [Fe(OH)2(H2O)4] + H3O
+
pKa = 2,2
+
pKa = 3,5
[Fe(OH)2(H2O)4]+ + H2O ' [Fe(OH)3(H2O)3] + H3O+
pKa = 6,0
[Fe(OH)3(H2O)3] + H2O ' [Fe(OH)4(H2O)2]- + H3O+
pKa = 10,0
-
De plus, le ligand OH induit facilement des ponts, si bien que des espèces polymétalliques se
forment :
2 [Fe(H2O)6]3+ + 2 H2O ' [Fe2(OH)2(H2O)5]4+ + 2 H3O+
de fer
4+ Ceci explique la coloration jaune brun des solutions
trivalent, l’aqua-ion lui même, [Fe(H2O)6]3+, qui n’existe
qu’en solutions extrêmement acides, est volet pâle.
OH2 H H2O
H2O
H2O
Fe
O
Fe
O
H2O
OH2
Par ailleurs, cet état de fait a d’importantes conséquences
physiologiques : au pH physiologique (7,4), les
complexes hydratés de Fe(III) sont toujours hydrolysés,
ou sous la forme de polymères.
OH2
OH2
H
pKa = 2,9
Influence sur les potentiels redox
Beaucoup d’éléments d ont une riche palette d’états d’oxydation et, par conséquent, de potentiels
standard de réduction. Le tableau ci-dessous résume les nombres d’oxydation pour la série des
éléments 3d.
D’une manière générale, les nombres d’oxydation élevés sont favorisés par la présence de petits
anions d’éléments très électronégatifs (O2-, F-) : MnO4-, CrO42-, FeO42-, NiF62-. En solution
aqueuse, ils sont stabilisés à pH élevé par la formation d’espèces hydroxo [M(H2O)n(OH)m]x-,
faciles à oxyder.
En revanche, les états d’oxydation bas sont favorisés par la présence de ligands accepteurs
d’électrons π : CO, CN-, NO, N2, phosphines, pyridines, etc, comme dans [V-III(CO)5]3-,
[Fe-II(CO)4]2-, [Co-I(N2)(PPhe3)3(H+)] par exemple.
Reprenons comme exemple les complexes de fer. La complexation modifie les potentiels
standard, parce que l’aptitude de FeL6 à accepter ou donner des électrons est différente de
l’aqua-ion (L = H2O) correspondant.
M
Struct. él.
Sc
Ti
3d1 4s2
0
3d2 4s2
0
Nombres d’oxydation observés dans les complexes
V
3
3d 4s
2
-3
Cr
5
3d 4s
1
-3
Mn
3d5 4s2
-3
Fe
3d6 4s2
Co
7
3d 4s
Ni
3
2
3
4
-1
0
1
2
3
4
5
-1
0
1
2
3
4
5
6
-1
0
1
2
3
4
5
6
-1
0
1
2
3
4
-1
0
1
2
3
4
3d8 4s2
0
1
2
3
4
Cu
10
3d 4s
1
0
1
2
3
Zn
10
2
0
2
3d 4s
-2
-2
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2
6
5
7
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
36
[Fe(H2O)6]3+ + e-(aq) ' [Fe(H2O)6]2+
E0 = +0,77 V
[Fe(CN)6] + e (aq) ' [Fe(H2O)6]
E0 = +0,36 V
3-
-
4-
Ainsi, l’hexacyanoferrate(III) résiste mieux à la réduction que l’aqua-ion. Rappel :
ΔG0r = -nFΔE0r = -RTlnK
Pour mieux comprendre cette différence, nous écrivons la réduction ci-dessus comme résultant
de trois étapes :
logβ6 = 43.6
[Fe(CN)6]3- + 6 H2O ' [Fe(H2O)6]3+ + 6 CN[Fe(H2O)6]
3+
+ e (aq) ' [Fe(H2O)6]
[Fe(H2O)6]
2+
+ 6 CN ' [Fe(CN)6]
-
2+
-
4-
E0 = +0,77 V
log β6 = 35,4
+ 6 H2O
Ainsi, les deux premières étapes favorisent les réactifs de la réaction globale, ce qui rend celle-ci
plus difficile à réaliser. Il en résulte que l’hexacyanoferrate(III) est moins susceptible d’être
réduit que l’hexaaquafer(III).
Un autre exemple est la variabilité des potentiels standards que l’on peut obtenir avec les
complexes de cuivre(II), ce qui revêt une importance considérable en chimie bioinorganique :
Cu2+ + e-(aq) ' Cu+
Ligands
E0 / V
Ligands
E0 / V
Protéines
« bleues »
+ 0,40
6 H 2O
+ 0,15
2
imidazoles
+ 0,35
2 alanines
- 0,13
2
pyridines
+ 0,27
2 glycines
- 0,16
2 en
- 0,38
Professeur Jean-Claude Bünzli
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
37
1.10. Exercices
1.
Nommer les entités complexes suivantes :
[Cu(H2O)6]2+, [Fe(CN)6]4-, Na3[Co(NO2)6], K3[AlF6], NH4[CoCl4], K2[Eu(NO3)5].
2.
La constante de formation globale de [Cd(CN)4]2- vaut logβ4 = 18,4. Calculer :
a) La concentration de Cd2+(aq) dans une solution 0.1 M en complexe.
b) La concentration en ions CN- qu’il serait nécessaire d'ajouter à cette solution si l’on veut
que la concentration en ions Cd2+(aq) soit inférieure à 4·10-16 M.
3.
Les complexes du CuII(aq) avec l’éthylènediamine (en) ont les constantes de formation
successive suivantes : logK1 = 10,6 et logK2 = 9,1. Pour quelle concentration en ligand
libre la fraction de [Cu(en)]2+ sera-t-elle maximale et quelle sera sa valeur ?
4.
Les deux complexes [Ni(CN)4]2- et [NiBr4]2- ont des constantes de stabilité globales égales
à logβ4 = 32 et 24, respectivement. Dites quel est le complexe qui résistera le plus à la
réduction en Ni(s), c’est-à-dire lequel aura le potentiel standard le plus négatif (X = CN,
Br) :
[NiX4]2-(aq) + 2 e-(aq) ' Ni(s) + 4 X-(aq)
5.
E0r
Calculez la constante d’équilibre de la réaction
Au+(aq) + 2 CN-(aq) ' [Au(CN)2]-(aq) à partir des potentiels standards
E0r = + 1,69 V
Au+(aq) + e-(aq) ' Au(s)
E0r = - 0,60 V
[Au(CN)2]-(aq) + e- ' Au(s) + 2 CN-
1.11. Réponses aux exercices
1.
Hexa-aqua cuivre(II) ; anion hexacyanoferrate(II) ; hexanitritocobaltate(III) de sodium ;
hexafluoroaluminate(III) de potassium ; tetrachlorocobaltate(III) d’ammonium ;
pentanitratoeuropate(III) de potassium.
2.
Cd2+(aq) + 4 CN-(aq) ' [Cd(CN)4]2a) On pose : [Cd(CN)4]2- = 0,1 - x ≈ 0,1 ; [Cd2+] = x et [CN-] = 4x. Il vient :
0,1 M
0,1
= 2, 51⋅ 1018 M-4 =
4
x ⋅ (4x)
256x 5
On en tire x5 = 1,55·10-22 M5, donc x = [Cd2+] = 4,35·10-5 M
b) On pose [Cd(CN)4]2- = 0,1 - x ≈ 0,1 ; [Cd2+] = 4·10-16 M ; [CN-] = 4x. Il vient :
2 ,5 ⋅ 1014
0,1
18
-4
= 2 ,51 ⋅ 10 M =
4 ⋅ 10 −16 ⋅ (x) 4
x4
On en tire x4 = 10-4 M4, donc x = 0,1 M. Il faut donc ajouter au moins cette quantité.
3.
L’utilisation des équations (1-8) fournit : [L] = 1,4·10-10 M et α1 = 0,74.
4.
Plus le complexe est stable, plus sa résistance à la réduction est élevée. Puisque le
complexe tetracyano est plus stable, il sera plus difficile à réduire que le complexe
tetrabromo et, par conséquent, son potentiel standard de réduction sera le plus négatif.
Professeur Jean-Claude Bünzli
Chimie de coordination 2008 - Chapitre 1
5.
On a la relation ΔGor = -nF ΔEor. Ici, n = 1, F = 96500 C et ΔEor = 2,29 V. Donc ΔGor = 220,9 kJ·mol-1. Comme ΔGor = -RT lnK, K = 5,7·1038 à 298 K.
1.12. Bibliographie
1. S. F. A. Kettle, Physico-chimie inorganique, une approche basée sur la chimie de
coordination, traduction française, De Boeck Université, Paris 1999
Chapitres sur le cours
Chapitres 2, 3, (partiellement), 5, 6, 7, 8, 9, 13
(partiellement)
2. D.F. Shriver, P.W. Atkins, Chimie inorganique, Traduction française, De Boeck
Université, Paris, 2001
Chapitres utiles au cours : Chapitre 1 (§ 1.4-1.8), Chapitre 3 (§ 3.7-3.13), Chapitre 4,
Chapitre 6 (§§ 6.3, 6.7, 6.10)
Chapitres sur le cours
Chapitre 7, Chapitre 13
3. P. H. Walton, « Beginning Group Theory for Chemistry”, Workbooks in Chemistry,
Oxford University Press, Oxford, 1998. Traduction française chez De Boeck Université,
2001.
Indispensable pour savoir utiliser la théorie des groupes. Simple et didactique.
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