Télécharger le PDF

Transcription

Télécharger le PDF
JPP 2014
Comment aborder
le trouble de l’identité de genre
(dysphorie de genre) ?
Laetitia Martinerie & Anne Bargiacchi, Juliane Léger,
Jean-Claude Carel, Marie-France Leheuzey
Endocrinologie pédiatrique Hôpital Robert Debré, Paris
Pédo-psychiatrie Hôpital Robert Debré, Paris
Définition sémantique
• Chaque être humain présente trois caractéristiques bien
distinctes :
– le sexe biologique, mâle ou femelle, qui est inscrit dans
le corps (organes génitaux, chromosomes)
– le genre, masculin ou féminin, qui est inscrit dans l'esprit,
et qui est la conviction que l'on a d'être un homme ou une
femme
– et l'attirance sexuelle, vers le sexe opposé, vers le même
sexe (homosexualité), vers les deux (bisexualité), ou vers
aucun des deux.
• Une femme transgenre (transsexualisme masculin ou
homme-femme ou male-to-female) est un homme ayant
une identité de genre féminine
Définition
Il est important de différencier:
•Intersexualité ou désordre de la différenciation sexuelle
• anomalie chromosomique, génétique ou hormonale
• anomalie de formation des OGE
• difficulté d’assignation du sexe à la naissance
Ex : patiente 46,XY avec insensibilité complète aux androgènes
•Dysphorie de genre ou trouble de l’identité de genre
• Absence d’anomalie de la différenciation des OGE
• Développement pubertaire normal
• Fonctions hormonales, sexuelles et reproductives normales
Epidémiologie
• La prévalence chez l’adulte du transsexualisme varie
selon les publications, de 1/12000 à 1/37000 mâles
biologiques, et de 1/30000 à 1/110000 femmes
biologiques.
• Variable selon les pays (culture, perception par la
société, par la médecine, …)
• Souvent présent dès l’enfance
• Peu de jeunes consultent en France…
Khatchadourian et al., J Pediatr, 2014
Critères diagnostiques selon le DSM V
• “Dysphorie de genre” plutôt que “Trouble de l’identité de genre”
• discordance entre l’expérience/le genre exprimé d’un individu et le genre
assigné à la naissance, générant une détresse clinique significative et une
altération sociale, scolaire ou dans d’autres domaines importants
• Identification à l'autre sexe, forte et persistante
• chez l'enfant, le trouble se manifeste par six (ou plus) des éléments suivants
pendant au moins une durée de 6 mois :
- conviction qu'il ou elle est de l'autre sexe,
- chez les garçons, préférence pour les vêtements/objets féminins; chez les
filles insistance pour porter des vêtements typiquement masculins
- préférence marquée et persistante pour les rôles/jeux dévolus à l’autre sexe
- un fort rejet de jouets / jeux habituellement typiques pour le sexe d’origine
- forte préférence pour les camarades de l'autre sexe
- forte aversion de son anatomie sexuelle, un fort désir pour les caractères
sexuels primaires (par exemple, pénis, vagin) ou secondaires (par exemple,
les menstruations) de l'autre sexe,
• chez les adolescents et adultes: volonté affirmée d'être de l'autre sexe, désir
de vivre ou d'être considérés comme de l'autre sexe
Critères diagnostiques selon le DSM V
• Malaise /inadéquation persistante vis à vis de son genre
• chez les enfants, la perturbation se manifeste par un des éléments suivants:
- chez les garçons, l'affirmation que son pénis ou ses testicules sont
dégoûtants ou vont disparaître aversion envers les jeux brutaux et rejet des
jouets, jeux et activités typiques d’un garçon ;
- chez les filles, le refus d'uriner en position assise, assertion qu’elle a un
pénis ou que celui-ci va pousser, qu’elle ne veut pas avoir de seins ni de
règles, ou aversion marquée envers les vêtements conventionnellement
féminins,
• chez les adolescents et les adultes : symptômes tels que vouloir se
débarrasser de ses caractères sexuels primaires et secondaires ou la
croyance qu'il ou elle est née avec le mauvais sexe.
Critères diagnostiques
• Symptomatologie fréquente
– 2 à 4% des garçons et 5 à 10% des filles entre 4 et 18 ans se comportent « de
temps en temps » comme s’ils étaient de sexe opposé, selon leur mère ;
– 5 à 13% des adolescents et 20 à 26% des adolescentes rapportent avoir parfois
des comportements de l’autre sexe ; et 2 à 5% des adolescents et 15 à 16% des
adolescentes disent désirer « parfois » être du sexe opposé
• Importance de la persistance des symptômes / verbalisation ++
– Particulièrement au démarrage pubertaire
• Stade S2/G2 de Tanner plus que âge (12 ans)
– Persistance ou désistance
•
Nombre équivalent dans les deux sexes
Le Heuzey MF. Arch Pediatr. 2013
De Vries AL et al., J Sex Med 2011
Exemple clinique : Y. 15 ans
• Adressée par médecin traitant à l’endocrinologue pour bilan hormonal
• Affirme sa dysphorie de genre
• Demandeuse d’examens biologiques
“j‘aimerais des examens sérieux et que les résultats prouvent que ce
n’est pas une coïncidence, que ce n‘est pas pour rigoler que je dis ça”
• Se pose des questions sur une opération de “deux hernies” qu'elle
aurait subie vers 5 ans, indiquant qu'il aurait pu s'agir de testicules
qu'on lui aurait enlevées, sans élément délirant retrouvé (internet ++)
• Évoque l'anxiété suscitée par l'arrivée de la puberté et souhaiterait
“pouvoir supprimer ses attributs féminins”
• Indique que son apparence féminine serait “une erreur” “c‘est bizarre,
mais je me suis toujours sentie“masculin”
• Rapporte que depuis toujours, elle aime les jeux de combat, les jeux de
garçon et que les discussions avec les filles ne l'intéressent pas
• Histoire familiale complexe
• Examen clinique normal : S5, réglée régulièrement
Evaluation organique
• Examen clinique
• Développement pubertaire, Stade de Tanner, OGE
Enfant pubère:
– Dosages hormonaux : LH, FSH, testostérone, oestradiol
– Caryotype
– Echographie pelvienne
Enfant prépubère:
– Dosages hormonaux inutiles si examen normal
– Eventuellement caryotype / echographie pelvienne
=> Absence d’anomalie organique identifiable
Evaluation psychiatrique
3 objectifs
1/ À visée diagnostique
reconnaissance diagnostique =
– première étape pour permettre l’accès aux soins adaptés
– Volet somatique et volet psychiatrique/psychologique
2/ Rechercher des comorbidités psychiatriques
3/ Évaluer la souffrance engendrée par la dysphorie de
genre
Evaluation psychiatrique
• Observation de l’enfant
– Comportement spontané, façon de parler
– Mode d’habillement
– Choix spontané des jeux
• Interrogatoire des parents et de l’enfant
– Préciser les symptômes, leur apparition…
– La durée d’évolution +++, les éventuelles fluctuations
– Gender Identity Questionnaire +/-
• Rechercher la présence des critères DSM
• Diagnostics différentiels
• Identifier les comorbidités / échelles et questionnaires
standardisés
• Bilan psychologique
Prise en charge
• Combinée : somatique et psychologique
– Délai de 1 an entre prise en charge psychologique et
somatique nécessaire
• Recommandations internationales (pas européennes ni
nationales) Hembree et al., Endocrine Society guidelines, JCEM, 2009
•Somatique (bénéfices/risques) « Dutch Approach »
Blocage de la puberté
Agonistes GnRH
A vie
12 ans
Tanner 2
Cross-sex hormones Chirurgie de
réassignation
Testostérone
ou
Oestrogènes
(après deux ans de vie
dans l’autre sexe)
16 ans
18 ans
De Vries AL et al., J Sex Med, 2011
De Vries AL et al., J Homosex, 2012
Kreukels et al., Nat Rev Endocrinol 2011
Attention
• A la vulgarisation / la généralisation des pratiques
Conférence TED : « Norman Spack: How I help transgender teens
become who they want to be »
• A l’idée d’anomalie génétique
• Epigénétique (environnementale ou hormonale fœtale)?
Conclusion
• Sujet sensible (polémique « théorie du genre »)
• Reconnaître un trouble de l’identité de genre
• S’avoir orienter dès que possible pour évaluation
• Prise en charge pluridisciplinaire (endocrinologue/psychiatre,
mais aussi travailleurs sociaux, éthicistes, juristes…) dans un
centre expert
• Nécessité d’établir un groupe de réflexion à l’échelon
national/européen
• Questionnement : la dysphorie de genre doit-elle rester
inscrite au DSM?
JPP 2014
Comment aborder
le trouble de l’identité de genre
(dysphorie de genre) ?
Laetitia Martinerie & Anne Bargiacchi, Juliane Léger,
Jean-Claude Carel, Marie-France Leheuzey
Endocrinologie pédiatrique Hôpital Robert Debré, Paris
Pédo-psychiatrie Hôpital Robert Debré, Paris