Éditorial - Global Health Promotion
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Éditorial - Global Health Promotion
60 Éditorial Éditorial Glenn Laverack1 Pendant de nombreuses années, la promotion de la santé a eu beaucoup recours à des stratégies empruntées aux sciences comportementales et à l’éducation pour la santé dans ses tentatives de sensibilisation des personnes sur la santé et de changement des comportements individuels. Il s’agissait avant tout d’aborder des solutions pour une meilleure santé, comme promouvoir l’activité physique et améliorer la nutrition. Il est temps à présent de dépasser ces solutions. C’est le moment d’agir. Depuis la Charte d’Ottawa (1), la promotion de la santé n’a jamais connu de meilleure occasion pour affirmer sa position comme domaine professionnel de premier plan pour permettre aux personnes d’agir par rapport à leur santé. La promotion de la santé facilite le processus d’empowerment en travaillant avec les personnes pour qu’elles parviennent à exercer un plus grand contrôle sur les déterminants de leur propre santé. La promotion de la santé se préoccupe de la redistribution du pouvoir et de la lutte contre les inégalités en santé. Ce sont là également des principes centraux du rapport 2008 de la Commission sur les Déterminants sociaux de la Santé (2). La promotion de la santé occupe une position privilégiée pour soutenir le travail de cette Commission, à la fois en théorie et en pratique. Le cadre de référence théorique est défini dans les Chartes d’Ottawa et de Bangkok (3). Les moyens pratiques sont fournis par les nombreuses activités de promotion de la santé qui augmentent les atouts et les attributs des autres. Ceux-ci comprennent les connaissances de base en santé, l’éducation et la formation, mais plus particulièrement les formes d’organisations sociales et d’actions collectives dans lesquelles s’engagent les promoteurs de santé, telles que le renforcement des capacités communautaires. Pour convaincre les autres, la promotion de la santé doit apporter des preuves irréfutables de la manière dont elle peut aborder directement les déterminants sociaux de la santé. L’un des obstacles majeurs à la réalisation du potentiel de la promotion de la santé a été son incapacité à combler le fossé de la mise en œuvre, en particulier pour ce qui est des concepts centraux tels que l’empowerment des communautés. C’était là le thème central de la 7ème Conférence mondiale sur la Promotion de la Santé : Promouvoir la santé et le développement : combler le fossé de la mise en œuvre (4), qui s’est tenue du 26 au 30 octobre 2009 à Nairobi, au Kenya. Cette conférence constituait un effort colossal auquel ont participé plus de 600 experts invités issus d’une centaine de pays. L’un des principaux aboutissements de cette conférence a été l’appel à l’action de Nairobi, qui ‘identifie les stratégies et les engagements clés auxquels il est urgent de recourir pour combler, à travers l’approche de la promotion de la santé, le fossé de la mise en œuvre dans le domaine de la santé et du développement’. Les principales stratégies et actions sont présentées sous cinq sous-thèmes: le renforcement des capacités pour la promotion de la santé; le renforcement des systèmes de santé; le travail en partenariat et l’action intersectorielle; l’empowerment des communautés; l’acquisition de connaissances de base et les comportements en matière de santé. Cet appel à l’action propose 70 actions pour combler le fossé de la mise en œuvre en promotion de la santé. Certaines ont une portée générale, comme le fait de ‘garantir une éducation de base pour tous’. D’autres sont spécifiques, comme le fait ‘d’investir dans la recherche et l’évaluation, ainsi que dans la diffusion des résultats obtenus, afin d’accroître l’adoption de meilleures pratiques en promotion de la santé’. D’autres encore semblent peu réalistes, comme le fait ‘de mettre en place une bonne gouvernance qui respecte l’intégrité, la transparence et l’accessibilité’. Cette large série d’actions couvre toutes les éventualités mais pourrait prêter à confusion. Cet appel aurait dû être orienté plus clairement, de façon plus ciblée, avec un réel objectif au plan pratique. Le but de la 1. Correspondance à: Glenn Laverack, 29 Rue de la Navigation, Genève 1201, Suisse. Tel: +41 22 791 26 11. ([email protected]) Global Health Promotion 1757-9759; Vol 17(2): 60–61; 365260 Copyright © The Author(s) 2010, Reprints and permissions: http://www.sagepub.co.uk/journalspermissions.nav DOI: 10.1177/1757975910365260 http://ghp.sagepub.com 61 G. Laverack plupart des actions proposées est de renforcer les systèmes en dehors du champ de la promotion de la santé ou des stratégies utilisées en promotion de la santé, telles que l’acquisition de connaissances de base en santé. Le sous-thème du renforcement des capacités pour la promotion de la santé n’est qu’un début. Un changement dans la pratique est nécessaire pour aborder directement les questions politiques épineuses qui concernent les déterminants sousjacents de la santé, enracinés dans la pauvreté, l’impuissance et les inégalités. Il est encourageant que l’appel à l’action de Nairobi se soit focalisé sur certains domaines novateurs comme les Fondations de Promotion de la Santé et l’empowerment des communautés. Mais cet appel a été rédigé de façon à s’adresser à tous et de ce fait, il risque fort de ne jamais relever de la responsabilité de personne. Le soutien de toutes les parties prenantes est nécessaire pour utiliser le potentiel inexploité de la promotion de la santé et faire en sorte que ses principes d’empowerment et d’équité fassent partie intégrante de l’ordre du jour des politiques et du développement. L’expérience de la Charte d’Ottawa a démontré qu’un document stratégique avait de meilleures chances de réussite lorsqu’il était soutenu par un ‘mouvement’ de professionnels et de la société civile. Pour que cela soit le cas avec l’appel de Nairobi, il est urgent d’établir un plan d’action qui définisse clairement les rôles et les responsabilités, ainsi qu’un calendrier. Certaines des questions essentielles qui ont été soulevées par les participants lors de la conférence de Nairobi ont dû être traitées à la va vite. C’est le cas, par exemple, de la manière dont peut s’effectuer au niveau national la transition de l’éducation pour la santé vers la promotion de la santé. Cet appel à l’action est un bon début, mais il faut néanmoins un plus grand engagement des professionnels de santé, des responsables politiques et de la société civile quant à la manière d’appliquer ses recommandations. Le texte utilise une terminologie qui peut être attractive pour les investisseurs et les responsables politiques, comme ‘revitaliser les soins de santé primaires’, ‘politiques publiques favorables à la santé’ et ‘défis mondiaux tels que le changement climatique’, mais il est trop long. Une révision minutieuse de ce document pourrait être une prochaine étape et constituer un élément évident d’engagement avec les parties prenantes. D’autres rencontres entre les différentes parties prenantes seraient également utiles pour fournir plus de détails, par exemple, sur la manière de parvenir à un financement durable et à une action au niveau politique pour chacun des sousthèmes, au niveau à la fois régional et national. Avec un plus grand engagement, la conférence de Nairobi pourrait rester dans les mémoires comme le tournant où la promotion de la santé s’est alignée sur les autres pour aborder les inégalités et les déterminants sociaux de la santé. Sinon, on se souviendra de cet évènement comme d’une opportunité manquée, à un moment où la pensée contemporaine aurait été réceptive à l’intégration de la promotion de la santé. Ce sont les choix de la profession dans son ensemble et les aboutissements des rencontres et des conférences importantes à venir qui détermineront l’une ou l’autre issue. Références 1. Organisation mondiale de la Santé. Charte d’Ottawa pour la Promotion de la Santé. Genève : Organisation mondiale de la Santé; 1986. 2. Organisation mondiale de la Santé. Combler le fossé en une génération. Instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé’. Rapport final de la Commission sur les Déterminants sociaux de la Santé. Genève; 2008. 3. Organisation mondiale de la Santé. La Charte de Bangkok pour la promotion de la santé à l’heure de la mondialisation’. 6ème Conférence mondiale sur la Promotion de la Santé. Bangkok, Thaïlande. Genève : Organisation mondiale de la Santé; 2005. 4. Organisation mondiale de la Santé. 7ème Conférence mondiale sur la Promotion de la Santé. Promouvoir la santé et le développement : combler le fossé de la mise en œuvre [Internet]. Genève: Organisation mondiale de la Santé; 2009. http://www.who.int/healthpromotion/ conferences/7gchp/en/index.html. IUHPE – Global Health Promotion Vol.17, No. 2 2010